C.N.R.S.
 
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FEW III 781a fricare
FRAYER, verbe
[T-L : froiier ; GD : frayant/froier/froyé ; GDC : froier ; AND : freier ; DÉCT : froiier ; FEW III, 781a : fricare ; TLF : VIII, 1232a : frayer1]

A. -

Au propre "Frotter"

 

1.

[D'une chose] Frayer à qqc. "Frotter contre qqc." : Et donques elle [ceste concavité] ne free en rien au ciel d'emprés elle ou desouz elle, mes passe tres souef sanz le ravir ou traire avecques soy. (ORESME, C.M., c.1377, 316). Et Victruvius ou secont livre De Architectura recite comment en un bois espés, parce que le vent faisoit les branches freer une a l'autre, feu fu engendré et flamme (ORESME, C.M., c.1377, 436).

 

-

[De choses] Frayer ensemble : Item, se une mole est dedens une autre, si comme ..a.. en ..b.., se celle de dedens est meue isnelement et l'autre se repose ou est meue circulairement au contraire, chaleur sera engendree et faite en une mole et en l'autre es parties de elles qui sont pres apres et qui freent ensamble. (ORESME, C.M., c.1377, 436).

 

.

Se frayer : ...et quant ilz furent grans et que par le vent les uns aux aultres se freoyent, le son et noise que les roseaulx faisoient estoit que Midas le roy avoit oreilles d'asne (LA SALE, Sale D., 1451, 191).

 

-

Frayer qqc. "Frotter qqc." : Bissus est vers naiscens de terre Et de boys, et qui le veult querre, Quant il est du bois arrachiez, Adonques fault qu'il soit plungiez En l'eaue, et puis traiz par defors, Puis aux raiz du souleil tresfors Doit estre mis et desechiez, Et lui sec doit estre mailliez A maillez, puis fraiez aux mains, Et puis ferroiez sur le mains Et divisez pour les arrestes (DESCH., M.M., c.1385-1403, 249). De quoy sers tu, orde ribaulde infecte ? Mais qu'on te froye nuyt et jour ton brodier, Il ne t'en chault (LA VIGNE, S.M., 1496, 351).

 

-

[D'une pers.] Frayer à qqn. "Se frotter à qqn" : Et comme il senti le feu, il frea à ses compaingnons, et ainsi sailli le feu de l'un à l'autre (Chron. Valois L., c.1377-1397, 328).

 

-

Frayer qqn. "Frôler, caresser qqn" : Mignotise chatoule et froye Dame qui n'a soing ne besongne. Nul n'est chaste si ne besongne. (GAGUIN, Passe temps oisiv. T., 1489, 375).

 

.

Frayer à qqc. "Effleurer qqc." : ...il n'avoit fait chose digne de reprehencion ne toucher au tetin dont il ait souvenance. Et se d'aventure sa main y avoit fraié, qu'i ne confessa encore pas, sy auroit ce esté en tumbant et cheant et estoit force qu'il se soutint a quelque chose (MART. D'AUV., Arrêts Am. R., c.1460-1466, 48).

 

-

[D'un élément liquide] Frayer à. "Battre à" : ...laquelle mer fret chacun jour deux fois à la muraille et enceinte [De Dieppe], et environne en la pluspart (Ordonn. rois Fr. B., t.14, 1450, 99).

 

2.

CHASSE [Du cerf] (Se) frayer. "Frotter le bois contre les arbres pour en détacher la peau velue qui le recouvre" : Et vont as arbres froyer et oster celle pel environ la Magdalaine, et dont demeure la teste dure et forte. (GAST. PHÉBUS, Livre chasse T., 1387-1389, 60). Des qu'ilz sont retrez du ruit, ilz getent leurs testes, car pou de chevreulx trouverez, s'ilz ont passé deux ans, qu'ilz ne soyent muez a la Toussains, puis refont leurs testes velues ainsi comme le cerf et froyent en mars communement. (GAST. PHÉBUS, Livre chasse T., 1387-1389, 75). Toutes voyes, un grant cerf froye bien aucune foiz en petiz arbres mes non pas continuelment, mes juene cerf ne froyera ja en gros arbre. (GAST. PHÉBUS, Livre chasse T., 1387-1389, 153). Aprés li vueill aprendre a conoistre grant cerf par le froyeïs, quar, s'il trueve le froyeïs du cerf et il voit que le boys ou il s'est froyé soit gros, qu'il ne le puisse avoir ployé, et se soit froié bien haut et ait bien l'abre escorchié et esmondé et les branches rompues et torses bien haut et que les branches soient bien grosses, c'est signe qu'il est grant cerf (GAST. PHÉBUS, Livre chasse T., 1387-1389, 153). Lors, si le cerf n'est froyé, le doit le veneur laissier abayer aux chienz bien longuement et attendre que touz ses autres chienz soient venuz, quar chienz se font tro bien en abaier longuement le cerf. (GAST. PHÉBUS, Livre chasse T., 1387-1389, 210).

 

-

Frayer sa teste : L'aprentis demande la cause pourquoi les cerfs froient leurs testes. (HENRI FERR., Modus et Ratio, Livre deduis T., c.1354-1377, 13).

 

-

P. anal. [D'une pers.] "Frotter les oreilles à qqn, administrer une punition" : Et cil n'eust ne abril ne hourt Entour lui, et sceussent toutes [les femmes] Les annuis, les maulx et les doubtes Et les souspeçons qu'il a dictes D'elles, et s'il s'en aloit quictes Qu'ilz ne fust froiez et bruniz, Que je fusse du corps honniz ! Certes mieulx seroit lapidez Que ne fut Orpheus d'assez Par les femmes de Cyconie, Quant il tenoit sa cyphonie Sur la montaigne ou il mouru (DESCH., M.M., c.1385-1403, 318).

 

3.

[De poissons] "Frayer"

 

Rem. Doc.1307 (Que nul ne vende gardons freans, c'est a savoir gardons entre le mi avril et le mi may) et doc.1388 (les poissons frient en ycellui temps) ds GDC IX, 667a..

B. -

P. ext. "Rompre qqc."

 

1.

Frayer qqc. "Réduire qqc. en morceaux, broyer" : Le second remede est rue, de laquelle semblablement les feulles entieres mises sans les froier dedans font boire, corrigent par leurs proprietés et chaleur la malice de ce que on doit boire. (Rég. santé corps C., 1480, 56).

 

-

"Rompre, briser, endommager qqc." : Les sengles et les blouques fist en pieces froyer (Renaut Mont. B.N. V., c.1350-1400, 317). ...et [Olivier] fiert le cheval des esperons, qu'il avoit si a main qu'a souhaitier, et baisse la lance, et va ferir Remondin enmy le pitz, ains qu'il s'en donnast garde, moult rudement, car il y mist toute sa force. Mais Remondin n'en ploya oncques l'eschine, et la lance Olivier lui froya jusques que il fu poins ; et de la force du coup la lance Remondin chey a terre. (ARRAS, c.1392-1393, 62). Ilz s'entreferirent par tel force que leurs lances leur froyerent jusques es poings. Les cops des deux chevaliers furent sy grans que oncques chamgle ne poittral n'y demoura entier que tout ne fust rompu et cassé. (Gérard de Nevers L., c.1451-1464, 102). Lors recommencèrent la seconde course et s'atteignirent par si grand ayr, que leurs lances froyèrent jusques aux poings. (Faits Lalaing K., c.1470, 66).

 

-

Part. passé en empl. adj. Frayé. "Rompu, brisé" : La ot a celui jour mainte lance froee, Maint escu derompu (CUVELIER, Chans. Guescl. F., c.1380-1385, 221). Mais, avant que le jayant peust ravoir son coup, le fery Gieffroy de l'espee sur le costé tellement qu'il lui fist le levier saillir des poings, et en sailly une grant piece. Moult fu le jayant doulent quant il voit son levier ainsi et par telle maniere froez, et gesir sur la place, car il ne se ose abaissier pour le prendre. (ARRAS, c.1392-1393, 264).

 

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[D'une pers.] "Rompu, meurtri, mis en pièces" : Et, ensi come dit lui acountes, Plus qe sessante banerers Feurent illoeqes mortz tout frees (HÉRAUT CHANDOS, Vie Prince Noir T., c.1385, 58).

 

-

Empl. pronom. à sens passif : Au monde n'est si dure englume Que soubz le marteau ne se froye (MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 662).

 

2.

En partic. "Ouvrir, frayer (une voie)" : ...je m'embati en un val Ou je vi une fontenelle Qui estoit moult clere et moult bele, D'arbres et d'erbe environnée ; Et si estoit environ née Une haiette d'esglentier. Mais n'i vi voie ne sentier Qui fust froïe [var. froiee] ne batue, Fors l'erbette poingnant et drue. Si pensay que petit repaire Avoit la ; pour ce m'i vos traire. (MACH., R. Fort., c.1341, 30). Melyador (...) Chevauce bien .II. jours entiers, Et tient en voies et sentiers, A son avis les plus hantées, Les plus froiiées et tantées (FROISS., Méliad. L., t.1, 1373-1388, 211). Adonc se retourna sus destre et se route, et prisent un chemin assés froiiet qui les mena droit à celle petite rivière dessus ditte. (FROISS., Chron. L., II, c.1375-1400, 74). ...cest ennemy droit-cy le mena en bas d'une vallée là où il y avoit une rivière courant, et de laquelle il lui fit à croire que ce fust un beau chemin frayé, parce que blanc estoit et ouny (CHASTELL., Chron. K., t.3, c.1456-1471, 252).

 

3.

"Battre, attaquer"

 

a)

[D'une arme] "Battre, attaquer" : Si avint car la ou les armes des juvenceaus commencierent a frayer et les glaives luisans a resplendir, tres grant horreur a constreynt et envaï tous ceus qui les regardoient (BERS., I, 1, c.1354-1359, 25.4, 41).

 

b)

Frayer qqn. "Battre, attaquer qqn" : Et cil n'eust ne abril ne hourt Entour lui, et sceussent toutes Les annuis, les maulx et les doubtes Et les souspeçons qu'il a dictes D'elles, et s'il s'en aloit quictes Qu'ilz ne fust froiez et bruniz, Que je fusse du corps honniz ! (DESCH., M.M., c.1385-1403, 318). ...ledit Baudet touzjours soy efforçant d'entrer ès jambes d'elle qui parle pour la charnelment congnoistre et batant et freant de la pamme et des poins elle qui parle (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 511).

 

-

[De pers.] Se frayer. "S'attaquer (l'un l'autre)" : Li Englès bonnement ne s'osoient point desrouter, mès se tenoient ensamble. Et ossi li François ne se freoient point entre yaus, mès se logoient tous les soirs ens ès fors et ens ès bonnes villes, et li Englès sus le plat pays. (FROISS., Chron. L., VII, c.1375-1400, 238).

 

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Se frayer entre : Li Englès bonnement ne s'osoient point desrouter, mès se tenoient ensamble. Et ossi li François ne se freoient point entre yaus ["ne se mêlaient point à eux, ne les attaquaient pas"], mès se logoient tous les soirs en ès fors et ens ès bonnes villes, et li Englès sus le plat pays. (FROISS., Chron. L., VII, c.1375-1400, 238).

 

-

Part. prés. en empl. subst. : Et oï dire que, se tout li hiaumier de Paris et de Brouxelles fussent ensamble, leur mestier faissant, il n'euissent point fait si grant noise comme li combatant et li freant sus ces bachinès faissoient. (FROISS., Chron. R., XI, c.1375-1400, 55).

C. -

Au fig.

 

1.

[D'une pers.] "Se battre (pour), oeuvrer, se donner du mal, de la peine" : ...se je besoigne bien pour l'ordre, vous vous en rapourtés a moy. Je y ay desja aultre foys beaulcop frier pour le bien de l'ordre, mais rien ne m'y avés ancore voulsu aider (Doc. 1457. In : CRAP., Cur Deus, De arrha B.H., c.1450-1460, 57).

 

2.

Part. passé en empl. adj. [D'une pers.] "Choqué, frappé, ému" : ...ledit Denisart, qui estoit moult frié et esmeu de ce que dit est, non contens de ce et quérant sa mâle meschance, assez tost après, en réveillant le chat qui dormoit (...) lui dist qu'il n'avoit mais si bel regner qu'il avoit eu ou temps passé, et que ses posteaulx, c'est à dire les meilleurs de ses amis, estoient mors. (Ch. VI, D., t.2, 1400, 9).
 

DMF 2020 - MAJ 2020 Robert Martin / Pierre Cromer

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