Empl. trans.

A. -

Forjurer qqn. "Se désengager vis-à-vis de qqn, trahir qqn" : Ilec les forjura voyant tous les marchis (Renaut Mont. B.N. V., c.1350-1400, 211). Frere, se dist Alart, on nous a forjurés Et le pere meïsmes qui nous a engenrés (Renaut Mont. B.N. V., c.1350-1400, 236).

-

Forjurer qqc. "Trahir qqc." : Thomas de Weyland, justice, forsjurra la tere pur sa fausine. (Chron. London A., c.1350, 22). Voir est que vez cy vostre fille Milie qui trop vous a meffait, selon ce que on m'a donné a entendre, car elle s'est abandonnee a Aigres qui ceste terre a forjuree par son meffait (Bérinus, II, c.1350-1370, 129). Forjurer Justice, qui rent tout droit A chascun son loyal droit ! (CHART., B. Nobles, c.1424, 399).

B. -

Forjurer qqn de. "Rejeter, bannir qqn de" : ...depuis lequel suppliant se party et rompi les prisons dudit evesque et se mist en franchise en l'eglise Nostre Dame de Saint Lo, de laquelle il a esté banny et forjuré du pays (Chancell. Henri VI, L., t.1, 1423-1426, 23).

-

"Quitter (un lieu) dont on est rejeté, dont on est banni" : Et vous dy que li roys de sa noblesce fist delivrer tous les prisonniers et clamer quittes les fourfais pour quelque meffait que ce fust, fors que Logre tant seulement, a qui en fist widier et forjurer le royaume (Bérinus, I, c.1350-1370, 187). Et aprés je vueil que vous regardez entre vous quel chose vous voulez que je face de vostre roy, et me dites le jugement que vous voulez qu'il ait, ou de mettre a mort ou de forjurer le païs. (Bérinus, I, c.1350-1370, 198). ...car je vueil que vous forjurez ce royaume et que vous alez en autre païs et vostre mesnie ensement, et vous ottroy que vous emmenez tout l'avoir et toute la richesse que vous avez, et le royaume me demoura tout quittement (Bérinus, I, c.1350-1370, 200). ...aprés ce que li traïtour de Blandie eurent fait Berinus leur roy getter hors du royaume, et Logre lui ot fait forjurer la region et tout le païs (Bérinus, I, c.1350-1370, 202). Nul vaasseur ne puet faire forban ne faire à homme forjurer chastellerie sanz l'assentement du baron en qui chastellerie il sera (Cout. instit. Anjou Maine B.-B., t.1, 1385, 218).

C. -

P. ext. "Abandonner, rejeter qqn ou qqc."

1.

Forjurer qqn. "Abandonner, rejeter qqn" : Qu'Amours ha nature Si noble et si pure Qu'il n'est creature Qu'elle ne forjure Ne dont elle ait cure, S'il pense à laidure. (MACH., Les lays, 1377, 341).

2.

Forjurer qqc. "Se désengager de qqc." : L'apprentis puet racheter son service (...) mais le maistre ne le puet vendre ne quittier (...) ne ne puet (...) avoir autre apprentis se l'apprentis n'est mort ou se il ne forgeure le mestier à tous jours (Industr. Paris F., 1371,,, 342).

-

"Renoncer à qqc., abandonner qqc., rejeter qqc." : ...Se la grief doleur continue Qui tant s'est en mon cuer tenue Que bon eür N'arai jamais ; et se j'en jur, Dieus scet que je ne m'en parjur. Pour ce toute joie forjur, Qu'estre perdue Doit en moy, quant j'aim de cuer pur ; Et tous adès me sont plus dur Li mal que pour ma dame endur : Ce me partue. (MACH., R. Fort., c.1341, 51). Se m'aïst Dieu, mon tres doulx amiz, l'emperiere n'en savra ja riens de par moy, car vous savez bien que j'ay le mestier forjuré et guerpy, et se vous m'eüssiez creü, orendroit vous l'eüssiez laissié, car l'ouvrage ne plaist mie a Dieu, et si est peril que on n'en viengne a mauvaise fin (Bérinus, II, c.1350-1370, 35). ...des longtemps a les relenqui et forjura leur compaignie (Chancell. Henri VI, L., t.1, 1423-1426, 100). Et honneste nourreture, Par nature, Fait bon cuer amesurer Et tout meffait forjurer, Et jurer De garder en son endroit A chascun son loyal droit. (CHART., B. Nobles, c.1424, 398).