C.N.R.S.
 
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     FIEF     
FEW XV-2 117a *fehu
FIEF, subst. masc.
[T-L : fief ; GDC : fief ; AND : fé2 ; DÉCT : fief ; FEW XV-2, 117a : *fehu ; TLF : VIII, 843b : fief]

A. -

DR. FÉOD.

 

1.

"Domaine noble relevant d'un suzerain que celui-ci concède en tenure à un vassal (en dehors de toute rente) en contrepartie de l'hommage et du service requis" : Del fief l'empereor estes a tort saisis (Garin Lorr. M., c.1330-1400, 486). ...deux cenz livres de rente, les quelles le dit conte avoit vendues au dit cardinal, assises, selon la coustume du païs, en la chastelerie de Syvray, avec toute justice, haute, moienne et basse en fiez et arrerefiez, et à touz autres droiz, quiex qu'il feussent, excepté tant seulement ressort et souveraineté (Doc. Poitou G., t.2, 1335, 125). ...je suis si courcié que sommes si meschant Que n'ay terre, fïef, ne ung chastel vaillant (Ren. Gennes D.B., c.1350-1400, 89). Vo fief en croisteray d'une riche contree. (Renaut Mont. B.N. V., c.1350-1400, 366). Tant avoit richesse et puissance, Terres, fiez [var. fies], honneur et avoir Que trop estoit de tant avoir. (MACH., C. ami, 1357, 29). Il donnoit fiez, joiaus et terre, Or, argent ; riens ne retenoit Fors l'onneur ; ad ce se tenoit, Et il en avoit plus que nuls. Des bons fu li mieudres tenus. (MACH., C. ami, 1357, 103). ...mon nepveu (...) Met si a non chaloir le sien Que de ses fiez et heritages Ne li chaut (Mir. chan., c.1361, 141). Et certes, selon la Loy civile, et selon raison, le vassal qui ne fait le service que il doit a son seigneur, doit perdre le fié. (Songe verg. S., t.1, 1378, 35). Le vassal qui ne recognoit le fief tenir de son seigneur le doit perdre et en doit estre privé. (Songe verg. S., t.2, 1378, 57). Et tant fist le conseil que les barons du pays furent mandez a un certain jour pour faire hommage a leur jeune seigneur et relever leurs terres et leurs fiefz. (ARRAS, c.1392-1393, 29). ...et si detenoit encores le conte plusieurs villes, chasteaulz et terres du marquisé et fié du Dauphin (BAYE, I, 1400-1410, 5). ...et sera mandé au bailli du grant fief d'Aunix qu'il envoie toutes les informations et besoignes qu'il a touchant ledit procès. (BAYE, I, 1400-1410, 301). Il apertient a tel dame ou damoiselle que elle soit toute aprise es drois des fiefs, des arriers fiefs, des censives, de droictures, de champars, de prises de plusieurs mains, et de toutes telz choses qui sont en droit de seigneurie selon les coustumes de divers païs (CHR. PIZ., Trois vertus W.H., c.1405, 153). Fié est une maniere de bienfait que seigneur donne à aucun où l'en en eust en seigneurie prouffitable, pour le tenir de luy à certain service ou devoir. (Cout. instit. Anjou Maine B.-B., t.2, 1437, 521).

 

-

Delai de fief. "Retard dans les obligations qu'un vassal doit à son seigneur" : ...un seigneur, qui a basse justice, fait son homme convenir en la court du hault justicier en cas de delays de fief (Instruct. ensaign. B.G., c.1386-1390, 47).

 

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Devoir de fief. "Obligation qu'un vassal doit à son seigneur" : ...pour amendes de court, pour amende de rente sourtenue, pour escroe non baillée, pour reliefs, pour XIIJmes, pour abus, attemptas et autres devoirs de fief et pour chacune d'icelles causes a suffisance, votre fief fut [prins] en la main de mondit seigneur par trois dimences continués et le quart d'abondant, a oye de parroisse (Instruct. ensaign. B.G., c.1386-1390, 61).

 

-

Hommage de fief. "Allégeance liée à un fief" : Et je scay bien qu'il [le conte] le vous accordera, car les barons lui conseilleront. Quant il le vous aura accordé, si lui demandez autant de place en ceste roche et en ce desrubant comment un cuir de cerf pourra enclourre, et qu'il le vous donne si franchement que nulz n'y mette ne saiche mettre empeschement de hommage de fief, ne de rente nulle. Et de ce prennez bonnes lettres et bonne chartre seellee du grant seel de la dicte conté et des seaulx des pers du dit païs. (ARRAS, c.1392-1393, 31).

 

-

Seigneur de fief : Si l'omme de foy qui auroit ainsi abourné, acquis et diminué les hommaiges et devoirs qu'il devoit à son seigneur de fief à cause de ses terres, dommaines ou mestairies, achaptoit le fief de son seigneur, tout seroit ensemble consolidé au prouffit du souverain (Cout. instit. Anjou Maine B.-B., t.1, 1411, 465).

 

-

[P. oppos. au franc fief (surtout en Normandie)] Fief de chevalier./Fief de haubert. "Fief lié au service des armes" : ...cuidant tenir icelle terre de Roncherolles dudit Aubert par un demi fieu de haubert (Mand. Ch. V, D., 1364, 19). ...et nous a fait hommage de un huitiesme de fieu de haubert qu'il tient au dit lieu de Mont Landri (Mand. Ch. V, D., 1372, 497). Huet Louvel, escuier, signeur de Vallencey, tenant du roy notre seigneur par foy et hommage liege le dit fief de Vallencey par un fieuf entier de haubert avecquez toutes ses appartenances et appendencez (HECTOR DE CHARTRES, Cout. R.B., 1398-1402, 103). Item, du dit fieuf, monseigneur Jaqueus de Folligny, chevalier, tient un demi fieuf de chevalier par foy et par hommage du dit hostel, appellé semblablement Vallencey. (HECTOR DE CHARTRES, Cout. R.B., 1398-1402, 104). Et tient ledit seigneur les choses dessus dictes avec son fieu de haubert de Rommilly franchement (HECTOR DE CHARTRES, Cout. R., 1398-1408, 299).

 

Rem. V. aussi haubert. F.L. Ganshof, Féodalité, 3e éd., 1957, 124 et 156 (franc fief), 145 (fief de chevalier), 157 (fief de haubert) ; F. Lot, R. Fawtier, Hist. des instit. fr. au Moy. Âge, t.2, 1958, 512 (fief de haubert).

 

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(Des)servir un fief. "Acquitter les devoirs d'un fief" : ...je en suy entréz en creant de service (...) et en promet à deservir le fiedz par la maniere que ledit fiedz le doit et requert (Trés. Reth. S.L., t.2, 1384, 306).

 

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[Contexte métaph.] : Et lors me dist que je m'assente A la servir treshumblement Comme le fieu de droicte rente, Et que mieulx ne puis nullement. (GRANDSON, Poés. P., c.1360-1397, 190).

 

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Justicier qqn par fief. "Faire saisir le fief de qqn (procédure mise en oeuvre par le seigneur à l'encontre de son vassal en cas de non application des services dus)" : Item il est a entendre que, par coustume, se un seigneur justice son homme par l'une des deux premières voix, c'est assavoir par meuble ou par fief, le seigneur, ou cil qui fait la prinse du fief ou la justice manuelle, n'est tenu a dire a son homme la cause pourquoy, jusques ad ce que delivrance coustumière en soit faicte (Instruct. ensaign. B.G., c.1386-1390, 48).

 

2.

En partic. [Le fief est héréditaire (moyennant une redevance versée au suzerain lors de la succession) ; il peut aussi être cédé par le feudataire à un autre qui dépend de lui (arriere-fief, fief de reprise) ; le vassal peut aussi placer en fief auprès du suzerain des terres qui lui appartiennent en pleine propriété (son alleu) ; dans les grandes maisons seigneuriales, le fief peut être accordé à des régisseurs, des prêtres, voire des artisans] : Item je doins a Roquart, de Clarom, pour le servise que il m'ai fait, le prey des Ajoul, ensamble le fonz d'ycelui, ensamble ce que je li ay jai donei, en tel manere et sub tel condicion que se il av[i]nt hoirs de son corps loïalment engendrey de noble femme, que il le tigne franchement doudit Girart en fyé, et se il ne ai nul hoirs de son corps loyal et natural, que il l'en tignent ensinc come li autres homes de Clarom, se il vuillent demorer a Clarom (Test. Besanç. R., t.1, 1338, 364). Item come a traitier dou mariaige fait entre moi et Marguerite, ma feme, (...) je vuis et ordene que ladicte Marguerite hait et tiene toute sa vie naturel tant soulement, tant pour son droit de dohaire quant pour son droit des conquestes faites entre moi et li, ledit chatel de Monsajon, ensamble toutes les rentes, seignories, feyz et rirefeyz, justices et toutes autres choses grant et petites appartenant et estant adit chatel de Montsajon et ou territoire doudit lue. (...) Item tout ce que j'ai aquis a Saint Didier de la dame de Mont Rivel, ensamble toutes les rentes, issues, profist et emolument, fiez et rirefiez, justices, seignories, juridicions et toutes autres choses grant et petites apartenanz esdiz lues, lesquelx je hai et havoir doi et puis par queque cause et droit que ce soit senz riens excepter. (Test. Besanç. R., t.1, 1341, 372). Le noble qui veult reprendre sa terre doit venir au chambellan du prince et dire : "Je veult faire hommage à monseigneur de ma terre qui est de son fief ; s'il est en estat, je suis prest de reprendre". (Cout. bourg. glosé P.M., c.1380-1400, 61).

 

-

Arriere-fief. V. arriere-fief

 

-

Mouvoir de fief : Et se li dit forain ainsi bani ou justicié avoient aucuns meubles ou catelx, quel que part qu'il fussent, ou avoient aucuns heritages qui meussent de fief, il seroient du tout en tout commis et confisquié à nous et n'y pourroient li hoir naturel ou successeurs riens demander ne reclamer (Hist. dr. munic. E., t.1, 1335,,, 325).

 

-

[P. oppos.] Tenir en plein fief : ...il convendra que ledit Robert le [le fief] tiegne en plain fief de son seigneur de qui le maistre fief est tenu, et qu'il lui face hommage aussi bien comme du maistre fief et qu'il lui baille en son adveu comme propre fief (Cout. bourg. glosé P.M., c.1380-1400, 221).

B. -

P. ext.

 

1.

[Le fief peut être cédé (surtout à un rôturier) moyennant rente] "Tenure en fief moyennant rente ; tenure en fief cédée à un rôturier ; p. ext. toute tenure moyennant redevance (surtout en Normandie)" : Somme des fiez cent soixante-dix-neuf livres quinze souls, qui valent en assiete de rente dix-sept livres dix-neuf souls seix deniers, à avoir, à tenir, à poursairs et esplectier dou dit Rasses et de ses hairs les dictes choses, qui li sont baillées à heritage si comme dessus est dit à tourjours mès perpétuaument et héréditaument dès ores en avant, o tout le droit de possession, de proprieté et de seigneurie, et les aultres chouses qui li sont par dessurs baillées à viage à tenir, poursair et esplectier la vie dou dit Rasses durant tant soulement. (Cartul. Laval B., t.2, 1335, 190). ...et s'en va celle divise jusques au chemin qui vient de Ré à Ansigny, et tranche celui chemin et s'en vet entre le fief des vignes de la Chauviere (Doc. Poitou G., t.2, 1341, 196). Les fiefz, fons et aultres dommaines du pays de Poictou sont ou doivent estre tenuz noblement ou rousturièrement. Ceulx qui sont tenuz rousturièrement sont tenuz à cens, rentes, tailles, biains, terrages, complans et aultres devoirs rousturiers (Vieux cout. Poitou F., c.1451-1454, 215).

 

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Fief boursal : Mais quant le dommaine cherroit en rachapt par la mort de l'omme de foy, les autres frerescheurs respondroient à la bourse et feroient leur part du rachapt ; et cheit tout le dommaine en rachat par la mort de l'omme de foy ; et l'appelle l'on fief boursal, c'est assavoir terre acquise de bourse coustumiere. (Cout. instit. Anjou Maine B.-B., t.3, 1463, 347).

 

Rem. Le fief de bourse se dit aussi fief rente (F.L. Ganshof, Féodalité, 3e éd., 1957, 150 ; Ph. Contamine, Guerre, Etat et soc. à la fin du Moy. Age, 1972, 50).

 

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[P. oppos.] Fief gentil / fief noble : Si aucun roturier acquiert aucun fié gentil ou prent gentil femme qui ait fié gentil, les hoirs de celui roturier y auront autant l'un comme l'autre en auroit. Mais l'aisné aura le herbergement en avantaige s'il y est ; si non il aura aisnesse avenant selon la grandeur du fié pour guerir aux autres en paraige. (Cout. instit. Anjou Maine B.-B., t.2, 1437, 177). Et s'il advenoit que ung coustumier eust acquis ung fié noble, il se departira teste à teste jusques ad ce que la tierce foy en ait esté faicte et que la chose soit venuee en tiers degré (Cout. instit. Anjou Maine B.-B., t.2, 1437, 177).

 

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Fief des lettres. "Fief concédé contre le service de transport des lettres" : Les communs, parroissiens et habitans de Lieuxsains, en tant qu'il en y a soubz le fieu du Quesnay et soubz le fieu de Tury et soubz le[s] fief[s] des Lettres, des Hostels, de la Pescherie (...) ont en la forest de Bris es verderies de Valloignes et de Chierebourc, chacun en droit soy, en la dicte forest de Bris les choses qui ensuivent (HECTOR DE CHARTRES, Cout. R.B., 1398-1402, 129).

 

2.

"Domaine (en partic. d'une communauté religieuse)" : ...fiectz d'ygleise et de hospital (Actes Jean V Bret. B., t.5, 1420, 70). ...sanz en excepter fié d'eglise, de barons ne d'autres (Actes Jean V Bret. B., t.5, 1428, 78).

C. -

P. méton.

 

1.

"Document attestant de prérogatives liées à un fief" : Celluy qui a haulte justice en quelque lieu que ce soit puet générallement ou especiallement soubz son seel passer ses procuracions et fiefz par escript et aultres contraiz quant à luy et en son préjudice, et fait foy sondit seel quant ad ce (Vieux cout. Poitou F., c.1451-1454, 160).

 

2.

"Rente liée à un fief" : ...lesdits doyen et chapitre et leurdits successeurs seront tenus payer les fiefs et aumosnes ordinaires et anciennes estant sur lesdites vicomtés de Beaumont et d'Auge (Ordonn. rois Fr. P., t.18, 1477, 362).

 

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Fief lai ou d'aumosne. "Rente perpétuelle, viagère ou momentanée versée à un particulier ou à une communauté religieuse"

 

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Bref de fief lai ou d'aumosne : ...pour requerre un brief de fyeu lay ou d'omosne d'aucune cause royalle pendante devant l'official de Rouen ou autre semblable (Echiq. Normandie S., 1366, 18). ...sur une clameur de brief de fyeu lay ou d'aumosne prins par nostredit procureur a l'occasion de certaine monicion faicte par ledit official contre nostredit bailli de Rouen (Rouen temps Jeanne d'Arc L., 1428, 147). ...les briefs de fieu lay ou d'aumosne (Rouen temps Jeanne d'Arc L., 1431, 205). ...a l'encontre de laquele admonicion, de la partie de nostre procureur, a esté pris un brief de fief lay ou d'aumosne, selon la coustume du pais, et par ce est demeuré et demeure ledit prisonnier en nozdictes prisons (Chancell. Henri VI, L., t.2, 1434, 304).

 

Rem. F. Lot, R. Fawtier, Hist. des instit. fr. au Moy. Âge, t.1, 1957, 134 ; t.2, 1958, 149.

 

3.

"Charge, fonction liée à un fief" : L'EVESQUE. (...) touz a ma table serrez, Fors vous, sire, qui trencherez Devant moy (...) Car a ce faire estes tenuz Par vostre fié. LE CHEVALIER. Sire, je feray de cuer lié Les services que je vous doiz : C'est de trenchier a vostre doiz Huy devant vous. (Mir. ev. arced., c.1341, 129).

REM. Formes : fe (Comptes Lamballe C.-L., 1411-1412, 310) ; fee (cf. N. Dupire, Le Moy. Âge 57, 1951, 353) ; fiels, fielz (Lion Bourges K.P.F., c.1350, 715 ; Flor. Octav. L., t.1, c.1356, 43...) ; fiest (DESCH., M.M., c.1385-1403, 383) ; fisse (STAVELOT, Chron. B., a.1447, 277 ; 278). Sur la notion de fief, cf. notamment F.L. Ganshof, Féodalité, 3e éd., 1957, 139 et suiv. ; Dict. du Moyen Âge, Encyclop. Univ. 1997, 345-347 (G. Duby).
 

DMF 2020 - MAJ 2020 Robert Martin

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