I. -

Empl. trans.

A. -

Eschiver (à) qqc.

1.

"Éviter qqc. (une réalité mauvaise, néfaste, ou jugée telle)"

a)

"Fuir, éviter qqc." : Moult li sembla le monde amer Si qu'a son poair l'eschiva. (Tomb. Chartr. Trois contes S., c.1337-1339, 103). ...en un desert S'est mis pour le monde eschiver (Mir. parr., 1356, 34). Pour ce s'en fait bon aviser, a fin Qu'on soit garni de tout ce qu'il besongne, Par quoi on puist le froidure eschiever. (FROISS., Ball. B., c.1362-1377, 31). Aussi comme se il vousist dire que en poursivant delectacions corporeles et en fuiant et eschivant les tristeces des choses neccessaires, comme fain et soif, il excederoit oultrageusement et feroit pis senz comparoison que ne fait l'incontinent. (ORESME, E.A.C., c.1370, 378). ...Et que je puisse a honneur revenir Avec le Roy, c'est ce que je desir, De la duchié de Guerle, ains cest esté, Et eschiver d'iver la povreté, Le guait de nuit et la dure froidour... (DESCH., Oeuvres Q., t.1, c.1370-1407, 124). Les vanitez et superfluitez et le pompe de ce monde il fuyoit et eschievoit (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 184). Et le saige amoureux saint Pol avoit tout relenqui, tout debouté dehors, en tant que le monde estoit tout mort a luy : Michi mundus crucifixus est etc... Oncques hermite en ung desert n'ot telle paix et transquillité pour eschever la veue du monde comme saint Pol avoit tout au milieu du monde : la beauté et plaisance des choses mondaines ne luy estoyent a regarder quant a les convoitier nes que seroit a nous regarder cendre ou mortier. (GERS., P. Paul, a.1394, 513). Mais pour eschiver anuy et oyseuse, elle se doit aux festes esbatre et jouer aux martres avec ses femmes, ou a autres jeux simples et cois (CHR. PIZ., Trois vertus W.H., c.1405, 90). Tous apperçoivent et prevoient leur commune desolation et ruine, et chacun attent le chief enclin la collee et la persecution, comme ceulx qui habitent en une maison qui chiet, et si ne s'en pevent sallir pour la ruine eschever, ne querir le remede de la soustenir pour y demourer. (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 12). ...je Anthoine de La Sale, vostre treshumble et tresobeïssant serviteur, pour eschiever oysiveté, qui est de Dieu tresdeffendue, me suis delicté a traire de mains livres, que j'ay pris plaisir a lire, les tresnotables exemples que les historiographes et aultres qui ont escript les tresdignes fais de memoire partans des jestes, doctrines et admonestemens de noz peres anciens, dont les vollumes de leurs treslongues escriptures sont sy grandes que oncques ne fut nul, après Dieu, que tous les peust visiter ne lire. (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 3). [À propos de Lucrèce] ... nul ne se doit tuer pour eviter et eschever la luxure d'autrui. (COLART MANS., Dial. créat. R., 1482, 203).

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Prov.

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De deux maux il faut eschiver le plus grand. "De deux maux il faut choisir le moindre" : De deux maulx l'on doit tousjours eschever le plus grant qui les deux ne peut eschever (MACHO, Esope R., c.1480, 223).

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[Sens équivalent] : Il fait bon eschiver le pire Et le meilleur doit on eslire (LE FÈVRE, Respit Mort H., 1376-1380, 68).

b)

"S'abstenir de qqc (une chose qui peut nuire à la santé physique ou morale)" : Quant bon desir, qui veult hault avenir, Meut la pensee a monter en valeur, L'omme se doit lors sobrement tenir Et eschiver le vin et sa chaleur, Qui fait changer bon advis en foleur, Force grever et a nature tort, Troubler la paix et mouvoir le descort Et delaisser toute chose imparfaitte (CHART., B. Nobles, c.1424, 406). En cure de appetit nous devons eschever saffran et beurre et toutes choses unctueuses (GORDON, Prat., c.1450-1500, V, 2). De sucre menger ne devez - à l'heure aumoins que vous bevez - Toutes choses doulses aussi Vous devez eschever ainsi (ROBERTET, Oeuvres Z., c.1450-1500, 109).

c)

Eschiver un lieu, un lieu de passage. "Éviter de passer par" : ...il avoit pris le chemin pour venir à Clermont en Auvergne, car la bataille avoit esté bien près de là, mais il l'escievy et prinst le chemin de Montferant qui siet environ une petite lieue oultre, et passerent sus le senestre et vindrent à Montferant. (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 199). A la dextre ont Sizillz esquieit. En aprés sont a Gaet ariveit (JEAN D'OUTREM., Myr. histors G., a.1400, 136). "...nous avons veu celle barge, passet a sept jours, estriver contre le vent (...) car chil qui sont dedens, ne voellent point venir a Bristo, mais l'esqievent et fuient ce que il pueent." (FROISS., Chron. D., p.1400, 88). Au tier son, tout monterent a ceval (...) et esqieverent le cemin pour aler a Abeville, et prissent celi de la Blanqe Taqe. (FROISS., Chron. D., p.1400, 707y). Dit encore le Philosophe que ainsi comme ceulz, qui vont par mer et bien ne scevent les perilz et passages de mer, les se font peindre en une carte pour les eschiver, ainsi faire doit le capitaine et conduiseur d'un ost, savoir les passages et montaignes, eaues, rivieres, destrois et autres passages, par où il doit passer (CHR. PIZ., Faits meurs Ch. V, S., I, 1404, 219). Le IIIIe est qu'il doit bien faire descouvrir tous les pas et destrois des montaignes, boiz et rivieres, ains que en approuchier, et faire ainssy que les bons maronniers qui portent avec eulz leur carte de navigier, pour eschiever les roches de la mer et recouvrer le large de la mer, quant est fortune de mer (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 243). Quant le roy et le jennencel veyrent celle merveille, ilz esceverent cele part et s'en allerent sus la mer (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 125). ...et leur fit faire serment, puis leur declaira l'entreprise et leur dist : "Vous vous en irez le plus secretement que vous pourrez, et gardez que vous eschevez tous les grans chemins et tous les carrefours..." (BUEIL, II, 1461-1466, 124).

d)

"Esquiver (un coup)" : Mais lui, comme expert au mestier d'armes, eschieva le coup [de la massue] (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 114). ...quant il veoit le coup de la sayette venir, il eschevoit par ung petit sault le cop. (COLART MANS., Dial. créat. R., 1482, 244).

2.

"Éviter (une chose qui menace d'arriver), empêcher qu'une chose arrive"

a)

"Se soustraire, se dérober à (une chose imposée)" : Et, pour ce, par le conseil dudit de Saint-Cloud, et pour eschever la juridicion et punicion de la court temporelle, fist lors fere sa premiere couronne ès forbours de ladite ville de Mante, à un barbier qui lors y demouroit. (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 61). Lesquelx compaignons lui conseillerent, afin d'eschever la prinse et punicion de la justice temporelle, qu'il feist fere sa couronne, et que dores en avant il portast ycelle. (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 69).

b)

"Empêcher qqc., faire en sorte que qqc. ne se produise pas" : Et moult aussi proufite a eschiever eschandele ou offense et a l'edification du prouchain, de quoy dist saint Augustin en la Rigle des clers : "En aler, en estre, en habit et en tous vos mouvemens, rien ne soit fait qui offende le regart de quelque personne, mais maintenés vous comme il affiert a vostre sainteté." (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 246). Sire, g'y vieng con messagier Pour eschiver, se je puis, guerre Et pour la paiz mettre et acquerre Entre vous et voz ennemis, Qui se sont en ce pais mis. (Mir. Oton, c.1370, 384). ...ilz le firent en partie pour eschever les debas et les rihottes qui se peuissent mouvoir entre eulx (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 88). Aucuns pour echever le parler des gens, et afin que on ne les juge devos, se abandonnent a paroles et vie mondaine, et a boire et a mengier, et souvant trebuchent en pis. (GERS., Pent., p.1389, 82). Et veez en quel peril perpetuel une femme met son honneur et l'onneur du lignaige de son mary et de ses enfans quant elle n'eschieve le parler de tel blasme, ce qui est legier a faire. (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 55). ...pour la requeste et importune volenté desdiz dame et seigneurs et pour eschiver esclande, a esté receu ledit Taranne (BAYE, I, 1400-1410, 224). ...si avisera de toute sa poissance se elle pourra tant faire - en gardant l'onneur de son seigneur - que ceste guerre puist estre eschivee (CHR. PIZ., Trois vertus W.H., c.1405, 33-34). Monsegneur, que voechi, par son commant fait m'a Deviser l'ordenance comment on en tenra. Se ce vous samble bon, autrement ne sera, Pour esquiver disense (Geste ducs Bourg. K., c.1410-1419, 344). Et portion espéciale De mellisse, herbe cordiale, Et les broier fort et quasser, O vin blanc, et puis les passer Par estamine ou autre chose, Et mettre à tout eaue rose, Et de l'asil escharsement, De quoy fault user sagement Tous les jours selon la pratique, O un pou de bol Arménique, Tant en santé qu'en maladie, Pour eschiver épidémie. (LA HAYE, P. peste, 1426, 122). ...pour eschever l'efusion du sang humain, comme vray crestien offrir a son annemy toute bonne et raisonnable paix (LA SALE, Sale D., 1451, 47). Ledit plègement ne peut comprendre que la possession de l'an précédent iceluy, et ainsi on eschinera [l. eschivera] toutes ses allégations qui seroient doubteuses (Cartul. Laval B., t.3, 1452, 146). Oudit temps, le roy, aiant en singuliere recommandacion son populaire et gens de guerre et pour eschever effusion de sang par guerre, fist une tresve avecques son ennemy et adversaire le duc de Bourgongne pour ung an (ROYE, Chron. scand., I, 1460-1483, 314).

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[D'une chose] : Che donc qui est pugni en che monde par discipline, s'il est souffert patianment, obtient pardon et eschieve la paine a venir, selonc le dit de Prosper : "Les baptures piteuses du juste roy tendent a avoir pardon..." (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 204). Et tel maniere que concorde eschieve les mauvais meurs, et ne soient faites auchunes alianches de paix avec pechiés. (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 264).

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Éviter le dommage de qqn : Deffendez leur de mesdire d'aultruy, fors seulement a vous et en secret, et en tant comme le meffait toucheroit vostre prouffit seulement, et pour eschever vostre dommage et non plus. (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 128). Se je fais bonne chiere a tous Par honneur et de franc courage, Je ne le vueil pas faire a vous Pour eschever voustre dommaige (CHART., B. Dame, 1424, 345). ...lesquelz, de leurs bons grez, bonnes volentés, propres mouvemens et certaines sciences, senz aucune force, fraude, erreur, contrainte ou decevance, sur ce bien conseilliez, prouveuz et advisiez, et pour leur tres grant, cler et evident proffit faire et leur donmage eschever, sicomme ilz disoient, recongnurent et confesserent pardevant lesdiz notaires... (Chartes Abb. St-Magl. T.F., t.3, 1400, 768). Et recognurent et confesserent, de leurs bonnes volentez et certaines sciences, que, pour le proffit faire des diz enfans et leur domage eschever (...) il avoient baillié, cessé, transporté et delaissié (...), pour et ou nom des diz enfans, a droit crois de cens ou rente annuelle et perpetuelle, a Jaques de Saint Benoit, bourgois de Paris, pour lui, ses hoirs et les ayans cause de lui, une maison, sicomme elle se comporte... (Chartes Abb. St-Magl. T.F., t.3, 1365, 287).

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En partic. RHÉT. "Éviter (les longueurs ou autres défauts dans un texte, un discours)" : Comme dist Seneque a Lucille : "Deffaulte ou peu de paroles rend le auditeur mains ententif, aussi enuie ce qui est entrerompu par tardiveté ; touteffois on prent mieulx en gré ce que on attent que on ne fait la parole qui tost s'envole", et pour che on doit eschiever trop grand legiereté et aussi trop grand tardiveté. (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 26). Avec che comme dist Pierre Chantre de Paris : "Moult nous doit esmouvoir a sievir briefté et eschiever prolixité grant despens en faisant grans volumes ou livres longs, perte de temps et anui et labeur de corps en corrigant, mendre proufit en lisant, domaige en mettant au derriere choses plus proufitables, et pesanteur en besongnant". (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 134). De rechief doit eschiever superflues probations des choses cleres ou apparans, dont dist Quintilien : «En choses cleres, c'est aussi grant folie de faire argumen comme che seroit de l'oeil mortel fichier contre le soleil tres cler». (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 150). Item on doit eschiever obscures propositions, dont il dist : "Che qui est prins pour illuminer auchune chose, doit estre plus cler que la chose illuminee". (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 151). Item on doit eschiever conclusions sophistiques ou decepvables, car chilz sera haÿ qui parle deceptivement, comme on list en Ecclesiastique ou .XXVIIe. chapitre. (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 151). Si seroit voirement expedient et à propos ramentevoir les louenges des predecesseurs passez, mais pour cause de briefté, et aussi que assez est divulgué et sceu communement par les croniques de France et mains autres anciens escrips, nous en passerons, pour eschiver prolixité, legierement (CHR. PIZ., Faits meurs Ch. V, S., I, 1404, 12). Et, apprez pluseurs beaux moz qui ne sont point ycy mis, pour eschiever long conte, luy et lez siens de sy grant volenté poindirent lez destriers dez esperons et se vindrent fourer ez logis dez payens ou il n'y avoit escoute ne guet quelconquez (Comte Artois, c.1453-1467, 85). ...il me samble estre chose digne de recueillier ung abregiet sommier des escrips des grans et renomméz theologiens, par quoy puist estre eschevee et reboutee prolixité, c'est a dire trop longue narration, mere de annuy (Somme abr., c.1477-1481, 98).

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[Sentence] Un dit long parler escheve. "Un exposé doit éviter les longueurs" : Chose briefve fait pourffit Car plustost on la relieve, Et c'est d'Orasse le dit Qu'un dit long parler escheve. Et quanques feras achieve En briefve conclusion (TAILLEV., Rég. fort. D., c.1445, 232).

Rem. Note 12 de l'Éd., p.241 : «Le texte est peu sûr : escheve peut être un impératif comme achieve. Le texte original pouvait être : Qu'en dict long parler escheve...»

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Eschiver à/de + inf. "Éviter de" : Et nota qu'il y couvient largement saffran. Et eschever a y mectre noiz muguectes ne canelle, pource qu'ilz roussissent. (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 220). Il commanda a ses enffans que ilz escheviassent a faire mal (Percef. III, R., t.1, c.1450 [c.1340], 203). ...je ne desire pas seulement que tu eschievez de aler avec celles qui sont enfleez des honneurs de leurs maris, qui sont gardeez que ne mesfacent, mais aussi celles que necessité fait estre vesvez, desquelles les maisons sont plaines de pechiés et de flateurs (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 389). ...Et lengue se taist et eschive A raconter les maulx sceuz (ROBINET, Compl. François H., p.1420, 119). ...pour eschever a pis avoir, trait un petit coustel de quoy il avoit acoustumé a copper son pain, et en frappa ledit Pehu (Chancell. Henri VI, L., t.1, 1423-1426, 200). Il eschivera de gaignier. Mors est, il n'a plus de vigueur. (Myst. st Adr. P., c.1450-1485, 157). Pour eschever de non venir palasineux de la teste ou des rains, il se fault abstenir de mengier de teste ne de char de chat ou de ours. (Ev. Quen., I, c.1466-1474, 95).

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"N'avoir pas à (faire telle chose)" : Qu'est ce autre chose a dire si non que, en soy cuidant sauver a part, forclorre l'aide de ses biens au besoing commun et priver eulx mesmes et la chose publique de l'usaige des biens qui d'elle sont issuz, mais tant sont ilz deceuz que maintes fois perdent leur chatel pour eschiver de proufiter au bien commun (CHART., Q. inv., 1422, 32).

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Eschiver que... ne (pas) + subj.. "Éviter, empêcher que" : ...car il ne le font pas pour cause de gaaing, mais pour fuir et eschiver que il ne molestent ou charchent et contristent ceulz avecques qui ilz conversent et pour fuir orgueil. (ORESME, E.A., c.1370, 269). ...La ne sera nulle ne nuls Qui l'empece ne qui l'esquieue, Qu'elle n'ait bien voie et ayewe De dire... (FROISS., Méliad. L., t.3, 1373-1388, 179). ...toutesvoyes il estoit vray que ces choses il avoit dites afin d'eschever qu'il ne feust pendus, mais en entencion que l'en lui coppast le coul, afin de souffrir mort plus hastivement (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 321). ...toutesvoyes il estoit vray que ces choses il avoit dites afin d'eschever qu'il ne feust pendus, mais en entencion que l'en lui coppast le coul, afin de souffrir mort plus hastivement (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 321). Et pour eschiver qu'il ne soit pas prins, il se retrait en ung chasteau, mais il va et vient la nuit par my les bois et a tastons, par my les haies et bussons, tant qu'il est tout rompu et depiecé, et vient veoir son mesnage et la dame crie et tense et li met sus tout le mal et le meschief, auxi bien come s'il deust faire la paix entre les deux rois, et dit que elle ne demourra pas liens. (Quinze joies mar. R., c.1390-1410, 92). ...afin d'eschever que semblables ou greigneurs faultes n'aviegnent ou temps avenir. (FAUQ., II, 1421-1430, 302). ...icellui Thomas, pour eschever que il ne le frappast et a greigneur inconveniant de sa personne, lui apona sondit baston ferré environ la poictrine (Chancell. Henri VI, L., t.1, 1423-1426, 68). ...si vindrent a parlement pour eschever que ladicte cité ne fust pillee. (LE BOUVIER, Chron. Ch. VII, C.C.J., c.1451-1455, 253). ...quant aucun est mors d'un venimeux serpent, le compaignon du blecié ne peult mieux eschiver qu'il n'en ait semblable morsure, que tantost coupper le teste du mordant. (Droiz Cour. Fr. H., 1460, 318).

c)

"Échapper, chercher à échapper à qqc. qui menace de se produire, de se réaliser (une force, une réalité menaçante, un danger, en partic. la mort)" : Messire qui cy est, pour le peril de mort eschever ou il estoit, lui creanta ceste besongne a faire, et par ce fusmes eschappé de ce peril et tuit delivre de mort. (Bérinus, I, c.1350-1370, 92). Dame, qui es par excellence Es cieulx, lez la divine essance, Sur touz les sains auctorisie, Vierge, par ta grant courtoisie, Soies, ce te pri de cuer fin, Mon refuge, si qu'ains ma fin Faces m'ame si affiner Que, quant ce corps devra finer, Eschiver puist d'enfer l'ombrage Et des cieulx avoir l'eritage, Que moult desir. (Mir. femme, 1368, 183). Saint Augustin dit que ce que l'en feroit pour eschever la mort du corps, doit on faire pour eschever la mort de l'ame. (FRÈRE ROBERT, Chastel perill. B., c.1368, 240). ...et se cloyrent touttes villes, citez et chastiaulx à l'encontre de eulx, pour eschiever les perilz (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 128). Quant a croire le conseil des anciens pour exchever les grans perilz et doubtes, dame royne treshonnouree, pour declaracion brefve de mon oppinion en ceste matiere a moy proposee, je n'entens autre chose que la sainte doctrine et conseil des anciens (MÉZIÈRES, Songe vieil pèl. C., t.1, c.1386-1389, 370). ...s'il eust esté reprins par iceulx Engloiz, il savoit bien qu'il estoit mort ; car, pour eschever la mort, avoit-il promis et juré, par sa foy et serement, servir iceulx Engloiz en acquittant sa raençon. (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 98). Et regarderent pour euls sauver et esqiever la mort, que il se meteroient en un batiel de pesceour, et enteroient en la mer et s'en iroient a l'aventure (FROISS., Chron. D., p.1400, 87). ...car cuer doloreux sent bien et apparcoit que se il est yci batus par penitence, il eschevra la mort d'enfer (GERS., Déf., 1400, 243). Car n'est nul qui puist eschever Fortune, quant luy veult grever (CHR. PIZ., M.F., IV, 1400-1403, 76). Bien ..XLm.. Rommains En une bataille, du mains, L'avoyent assegiee, mais Desconfiz furent, et remaiz En fu petit, et, pour la mort Eschever, bien honteux accort Firent, car Romme tributaire A eulx ilz promirent de faire, Et que jamaiz ne s'armeroit Contre luy, et en paix seroit. (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 256). Et tant a esté fait que ledit des Essars, qui s'estoit retrait oudit chastel de S. Antoinne pour sa seurté à eschever fureur de pueple, est demouré prisonnier oudit chastel (BAYE, II, 1411-1417, 108). ...les perilz que avez eschivez et les victoires que avez eues ne sont point par vous (JUV. URS., Verba, 1452, 195). ...il n'est chose qu'on ne doye entreprandre pour eschever la mort. (C.N.N., c.1456-1467, 143).

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Prov. Folle chose est douter ce qui ne peut estre eschivé : Dont dist Seneque ou livre des Remedes des choses de fortune : "C'est folie de cremir la chose que tu ne peulx eschiever" (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 348). Pour ce disoit Seneque : O comme fole chose est doubter ce que ne puet estre eschevé ! Car quoy que on retarde, si couvient-il en fin par mort passer. (CHR. PIZ., P.V.H., 1416-1418, 26).

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Eschiver à qqc. "Échapper à qqc." : Et pour ce que ledit Conteville doubta qu'il ne le frappast, afin de eschever a plus grant inconveniant, se trahy devers ledit suppliant (Chancell. Henri VI, L., t.1, 1423-1426, 374). Olivier veu ce que regarde, Vous serez chef de l'avantgarde. Pour eschoyer a tout danger, Vous aurez Remon et Auger Et mon parfaict amy Eustace. (Myst. st Laur. S.W., 1499, 156).

3.

En partic. "Éviter (une chose déconseillée ou interdite par la morale, la religion, la vie sociale...)"

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"Ne pas succomber (à certains appétits, à certains mouvements de l'âme), s'abstenir de (certaines pratiques)" : Ensi se poroit bien gardeir Et tout[e] luxure eschiweir, Qui raison et entendement Aroit de viure nettement (Sept péchés C., c.1300-1350 [p.1478], 242). Mais en interrogant ou en demandant convient eschiever deux vices, c'est asscavoir vantise et deception. (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 66). En la vie sociale convient eschiever trop grant familiarité et affection desmesuree. (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 270). Aussi convient considerer a quelle intention on prend fenme, affin que che ne soit pour cause de luxure mais pour avoir generation ou pour eschiever fornication. (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 309). En apréz, non seulement doivent eschiever honnestes personnes painture de face ou composition de cheveulx, mais avec che ne doivent demander beaulté naturele de face ou de corps, pour che qu'elle est vaine et tantost dechiet et aussi souvent est nuiseuse. (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 380). Et donques, comme soy avoir et estre disposé en ceste maniere senz amiableté a soy meïsmes soit une chose tres mescheante et tres miserable, il s'ensuit et appert que l'en doit bien fuir et eschiver malice et vice a tresgrant effors. (ORESME, E.A., c.1370, 469). Et ne sont pas néz ou tailliéz a eulz departir de mauvaistiéz pour eviter et eschiver pechié et laidure, mais pour paour de soustenir painnes. (ORESME, E.A., c.1370, 531). ...Ne doit pas homs a toutes vertus tendre Et eschiver les vices... ? (DESCH., Oeuvres Q., t.1, c.1370-1407, 210). Mais qui pis est encores, a parler d'ycelles dames, damoiselles ou aultres, de ce que elles en font en l'eglise de Dieu, ouquel lieu par especiaulté doit estre eschivé et fouy tout pechié, - qui plus est grief et grant quant il est fait ou pensé la que aultre part, car c'est place d'oroison ou service du Createur dediee, si comme il meisme le tesmoigne en l'Euvangile. (CHR. PIZ., Trois vertus W.H., c.1405, 161). Et pour ce, cellui ouquel tel puissance dommine doit par droit estre appellé sires et maistres des autres hommes pour cause des nobles euvres de vertu qui lui font eschever toute villenie. (CHR. PIZ., Paix W., 1412-1413, 175). C'est a dire, mon ami: Eschieve oiseuse, superfluité de vins et de viandes, afin qu'en luxure tu ne soies soillié, car la personne oiseuse et bien repeue a grant peine puet garder chasteté. (LA SALE, J.S., 1456, 24).

4.

DR. Eschiver un bien gagé. "Libérer un bien des dettes qui pèsent sur lui" : ...à present tout ceulx qui le cognoissent [le comte de Guerles] et qui en oient parler, scevent bien qu'elles [ses affaires] sont tourbles et a prez fourfait tous ses hiretaiges entre la Muese et le Rin et que, pour les eschiever et acquitter ses terres et seignouries, on puelt bien clerement veoir et entendre qu'il me demande ma fille en mariaige. (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 147).

5.

Eschiver qqc. à qqn

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"Éviter de dire qqc. à qqn, dissimuler qqc. à qqn" : "Et de quoi vient il dont [votre mal] ?" Et Florée adont li respont, Qui .I. peu le voir li eskiewe : "D'une paour assés hastiewe, Que j'ai ëu apriès souper." (FROISS., Méliad. L., t.2, 1373-1388, 232).

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Eschiver sa parole à qqn. "Éviter de parler à qqn" : Cil qui vous soloient encliner vous esquieueront leur parolle. (FROISS., Chron. R., XI, c.1375-1400, 311).

B. -

Eschiver qqn

1.

"Éviter de rencontrer qqn, fuir qqn" : Autant li plaist froit conme chaut. Eschevons le, si ferons sens. (Mir. parr., 1356, 29). Eschieve les jennes hommes mal enthaciés qui se crepissent les cheveulx, les flaireurs de muglias ou de souris sauvages, comme pestilences et venins contraires a chasteté. (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 386). ...mais depuis elle m'a tousjours Eschiewé et fui le grant cours, Sitost c'un petit je l'approce. (FROISS., Méliad. L., t.3, 1373-1388, 125). ...li Escoçois ne savoient riens des Englés et les esqievoient par avis de pais che qu'il pooient (FROISS., Chron. D., p.1400, 135). Or est à regarder à quelz gens cellui qui veult ensuivre les bons et vaillans doit voulentiers tenir regne et lesquelz eschever (CHR. PIZ., Paix W., 1412-1413, 170). Je n'ay le pouoir de grever Ne de punir autre ne vous, Mais pour les mauvais eschever Il se fait bon garder de tous. (CHART., B. Dame, 1424, 358). ...et pour ce chascun le doit bien fuir et eschiever [le flatteur], et souverainement les princes et aultres seigneurs et dames qui seignouries ont a gouverner. (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 8). Eschive les gens deshonnestes Et t'acompaigne des honnestes (MESCHIN., Lun. princes M.-G., c.1461-1465, 39).

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Prov. Bon fait folle femme eschiver : Cil est fol qui a femme tenche, Car dommaige il en acquerra, Et de la honte en apperra, Bon fait folle femme eschieuer Pour tous les perilz eviter. (Renart contref. R.L., t.1, 1328-1342, 11).

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"Se désintéresser de qqn" : ...Proece n'a cure des couwars et des preceurs, mais les fuit et esqieve (FROISS., Chron. D., p.1400, 38).

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Eschiver un ennemi. "Échapper à" : De laquelle chose se monstre ygnorant et tresjoyeulx de celle subtillité, par laquelle il resconforta ses chevaliers, qui tresdoubteux estoient, par la grant multitude de ses anemis que eschiever ne povoient, les confortant par ce prodige et signe merveilleux, disant que les dieux lui monstroient que il obtenrroit la victoire dessus ses anemis (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 56).

2.

"Préserver qqn"

a)

Eschiver qqn de qqc. "Préserver qqn de qqc., faire échapper qqn à qqc." : Lors me dist qu'il n'est nuls vivans Qui soit amis, s'il n'est doubtans ; Car on doit sa dame doubter, Et li de courrous eschever, N'on ne li doit dire ne faire Chose qui li puisse desplaire. (MACH., D. verg., a.1340, 51). Et ne convient pas eschiever seulement les enfans de nuisible compaignie, mais aussi de mauvais serviteurs. (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 269). Affin dont que chasteté soit gardee es pucelles diligentement, il convient que on les eschieve de toutes choses ennemies a icelles et espetialment de delectation charnele superflue et de mauvaise compaignie. (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 367). Affin dont que chasteté soit gardee es pucelles diligentement, il convient que on les eschieve de toutes choses ennemies a icelles et espetialment de delectation charnele superflue et de mauvaise compaignie. (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 367). Vierge pure et monde, Souveraine de tout le monde, Empereris du ciel et dame, Par le tourment de ceste flame, Par ceste mort pesme et honteuse, Royne du ciel glorieuse, Du feu d'enfer m'eschive et garde Et m'ame come toie garde : Je la te livre. (Mir. femme, 1368, 213). "Bonnes gens, grans pités et grans meschiés seroit de laissier morir un tel peuple que chi a (...) et si seroit grande ausmonne et grant grace enviers Nostre Signeur, qui de tels mesciés les poroit garder et esqiever..." (FROISS., Chron. D., p.1400, 843). Le grant Dieu vous saulve, beau pere, Et vous eschieve de danger ! (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 191). "Nostre maistre [un géant qui a abondance de membres], mais que je vous aye delivré de l'une de vos testes, je vous eschevray du nom de reprouche et en serez plus bel chevalier quant les navreures en seront gairies !" (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 116). Le grant Dieu vous saulve beau pere, Et vous escheve de denger ! (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 457).

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[D'une chose] : Qui est chelui qui ne doie appeter ou prendre en son aide la chose qui le peut de mort eschiever ? (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 378).

b)

[D'une chose]

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Ne pas eschiver qqn. "Ne pas rater qqn, ne pas manquer de toucher qqn" : Et ceste fable [De le grenouille, du rat et de l'escoufle] mect Esope pour une similitude proffitable a plusieurs gens, car quiconques pense mal contre le bien, le mal qu'il pense ne le escevera point. (MACHO, Esope R., c.1480, 79).

3.

Eschiver qqn + inf. "Empêcher qqn de" : Messires Jehans de Biaucamp (...) respondi qu'il n'eskiewoit nul homme en trièwes et hors trièwes acater chastiaus, terres, possessions et hyretages ; et pour ce ne sont mies trièwes enfraintes ne brisies. (FROISS., Chron. L., IV, c.1375-1400, 126).

II. -

Empl. pronom.

A. -

"S'enfuir" : Li paiens cheï mors, c'onkes mot ne sonna, Et Corsabrins s'esquippe, qui le Bastart doubta (Bât. Bouillon C., c.1350, 172).

B. -

S'eschiver de qqc.

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"Se préserver de qqc., se protéger contre qqc." : ...ledit de Ruilly, son mary, ne se vouloit astenir de blasmer, vilener et batre elle qui parle ; et pour ce, voulant soy eschever de ce (...), afin que sondit mary ne la peust d'ores en avant aucunement batre, et qu'il feust longuement en maladie (...) ala ou jardin de leurdit hostel, et tant fist et sercha en icellui, que elle vit et trouva deux botereaux (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 330).

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"Se retenir (de faire qqc.)" : Quant la damme l'oyt [qu'on allait la séparer de ses enfants], dont se prist a pasmer : Dis foid en ung tenant, ne s'an puet eschiever (Lion Bourges K.P.F., c.1350, 15).

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"Fuir, éviter qqc." : ...en sentence Me mist d'esconmeniement : De quoy chascuns onniement S'eschevoit de ma compagnie (Mir. parr., 1356, 33).