C.N.R.S.
 
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     ESSENCE     
FEW III essentia
ESSENCE, subst. fém.
[T-L : essence ; GD : essence ; GDC : essence ; AND : essence ; FEW III, 247a : essentia ; TLF : VIII, 166a : essence1]

A. -

"Ce qui constitue le fond, la nature d'un être, d'une chose"

 

1.

"Ce qui constitue la nature de qqc." : Mais en tant est dessamblable, car en la cire figuree la matiere ou le subject, ce est a savoir la cire, est la substance ou essence de la chose et non pas de la figure. (ORESME, C.M., c.1377, 616). L'escripture n'est pas de l'essence de la loy, ne le non escript n'est pas de la destence [l. de l'essence ?] de la coustume ut supra. Si du consentement du peuple d'aucun pais les coustumes sont mises et redigés en escript, touteffoiz ne sont elles pas layes ne coustumes. (Cout. instit. Anjou Maine B.-B., t.2, 1437, 455). Secondement tu dois entendre que les dens peuvent estre membres consimiles et touteffois les membres officiaulx de leur essence sont consimiles et en tant qu'il sont a l'office de l'ame, ilz sont officiaulx (GORDON, Prat., c.1450-1500, III, 26). ...figues, vin doulx et autres denrées de toutes essences... (Commerce marit. Rouen F., Pièces justif., 1452-1453, 341). O glorieuse Trinité, puissance insuperable, sapience incomprehensible, souveraine majesté et bonté immense, Pere et Filz et Sainct Esperit, ung seul Dieu eternel, qui a toutes choses qui sont avez donné estre et en leur essence les conservez et gardez (MESCHIN., Lun. princes M.-G., c.1461-1465, 32). SAINCT MARTIN. Dieu (...), Je te supplie que ta bonté revoye Et ta grace begnignement je voye, Qui me convoye En lieu et place ou a mon cas pourvoye, Et a mes faitz dorenavant prevoye Par ta puissance ; Car, en effect, rien je ne puis sans ce Parachever ne avoir congnoissance De haulte essence. (LA VIGNE, S.M., 1496, 349).

 

-

ASTR. [À propos des corps célestes] "Nature des corps célestes en tant qu'elle influence la vie sur terre" : Alphagran, le grant astrologien de Constantinoble, lequel traicta des essences et ymages des corps superieurs plus arduement que nul autre qui fut en ce temps. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 92 v°).

 

2.

"Nature, caractère de qqn" : Et combien que les choses dessusdictes feussent et soient vraies et notoires, et que de ce feust voix et commune renomée, neantmoins ledit suppliant, qui est home de simple essence, voient l'inconvenient et peril en quoy il estoit ou povoit estre (Chancell. Henri VI, L., t.1, 1424, 119). D'elle je prenoye ma sustance, Mon bien, mon estre et mon essance, Ne de nous deux n'estoit que ung corps Et ung cueur tout de une alience (HAUTEV., Conf. Test. am. tresp. B., c.1441-1447, 85).

 

3.

[À propos de Dieu ou de la Trinité] "Nature divine" : Et du Saint Esperit seras tu ja enplie Et du Fils virginel virginalement servie, Et l'exence du Pere aveuc a conpengnie (Renaut Mont. B.N. V., c.1350-1400, 415). Tu doiz savoir qu'il est un Diex En trois personnes es haulx cielx, Qui n'est qu'une divinité, Une essence, une majesté (Mir. st Val., c.1367, 141). Mais n'i ha point de difference, Car cil .IIJ. [la Trinité] font toute une essance, Une vertus, une substance, Un pooir, une sapience : Ci ha trop mervilleus mistere. (MACH., Les lays, 1377, 407). ...il est un Dieu en trinité, Non pas trois diex, mais une essance (Mir. Pierre Changeur, c.1378, 296). O glorïeuse Trinité, Incomprenable deïté : Trois personnes en unité Et une essence ; Souveraine majesté... (COUDRETTE, Mélus. R., c.1401-1402, 341). ...la trinelle distinction des persones en l'union d'une seulle essence (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 28). ...croire et adourer ung Dieu qui en sa simple essence est infiny a congnoistre (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 116). Nous croions fermement que Dieu est une simple et souveraine essence, qui par soy mesmes et en soy mesmes comme tout parfait congnoist toutes choses (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 119). Ung seul Dieu, une mesme essance En trois personnes seullement, Qui vit en gloire eternelment ! (Myst. st Adr. P., c.1450-1485, 78). Et pensse de cy en avant de croire en Dieu tout puissant, la sainte Trinité, le Pere, le Filz et le Saint Esperit, trois personnes en une essence, d'une voulenté, qui a fait le ciel et la terre et tout ce qui habite, qui par nostre salvacion voulut naistre de la benoite Vierge Marie (BAGNYON, Hist. Charlem. K., c.1465-1470, 40). Ung seul Dieu en trinité, Ung bien, une essance... (Pass. Auv., 1477, 225). Cy demonstre que la trinité des personnes est unité d'essence. (Somme abr., c.1477-1481, 123). Aucuns noms sont dits de Dieu essencielement selon l'essence comme estre seigneur, misericors, lesquelz avec leur signification ont ung effect selon l'abitude et l'abilité en la creature. (Somme abr., c.1477-1481, 154). S. NICOLAS. En ce trosnë et souverain empire, Par trinité essence tres unie, Dieu eternel ou tout mon voloir tire Pour atirer ta grant grace infinie, Je te magnifie (Mir. st Nic. juif, c.1480-1500, 101). S. NICOLAS. Dieu eternel, trois en ung vueil Une voulenté par essence Qui en divine prescience Congnois les cueurs et les couraiges, Tu vois de Sathan les oultrages (Mir. st Nic. juif, c.1480-1500, 135). JHESUS. N'est il pas en la loy escript, S'au lire feussiés ententis, Ego dixi dii estis ? Dieu a enseigné le prophette : Qui sa voulenté aura faicte, Se pourra nommer seurement Dieu, voire participanment. Or ne peut faillir l'Escripture, Qui assigne deïté pure A celuy qu'a saintiffïé Mon pere et au monde envoyé, Qui le nomme Dieu par essence [Réf. à Jean 10, 34-35]. (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 471). Renoncés vous entierement En Sathan et a sa cautelle, Et croyez en la loy nouvelle, C'est au Pere et a son Filz Et aussi au sainct Esperitz : Ung dieu et une mesme essence ? (Myst. st Laur. S.W., 1499, 216).

 

-

Divine essence. "Nature divine, Dieu" : Aprés, se tu veulz penser en la divine essence la trinité des personnes, coment declineras tu et eschapperas des las du faux herite Arrian se ce n'est par la vertu de la foy ? (FOUL., Policrat. B., II, 1372, 186). ...d'elle nous vient L'appercevence et cognoiscence, Qu'avons a la divine essence (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 108). ...la vision de celle benoite Trinité du Pere, du Filz et du Saint Esperit en unité d'essence divine (CHR. PIZ., P.V.H., 1416-1418, 51). Et vous, virtus, quant il vous plaist, Commenciez, car c'est vostre fait, Ou nom de la divine Essence Qui par la doulceur et clemence Nous veulle aidier a bien parfaire Ce que nous commençons a faire. (MARCADÉ, Myst. Pass. Arras R., a.1440, 2). Une rigle est en theologie que l'essence divine ne gendre ne est gendree. Toutevoies nous pouons dire que le Pere par la vertu et pouoir de son essence enfant en lui engendre, pour ce que au Filz par generation communique et donne essence comme au Saint Esperit par procession (Somme abr., c.1477-1481, 109).

 

-

[P. oppos. à accident] : Et ainsi Dieu est simple en essence, car en lui ne puet estre aucune chose si non son estre essenciel que c'est il et nul accident ne puet estre en lui. (Somme abr., c.1477-1481, 147).

B. -

En partic. "Ce qui constitue la partie immortelle de l'homme, l'âme" : J'ay regardé et advisé du tout en tout quelle tu es, comme grande est ta memoire, clere ton intelligence, franche ta voulenté, ton essence immortelle, ta vie espirituelle (GERS., Trin., 1402, 157). Premierement ton essence est immortelle et sans corrupcion (GERS., Trin., 1402, 161). Et lui dit que il se lieve de ceste consideration terrienne et mondaine et considere soy mesmes qui il est, car il est fait a la semblance de Dieu, la saincte Trinité et une essence. Car il a en une ame troys puissances, c'est assavoir : entendement, memoire et voulenté. (Déclar. Hyst. S., a.1449, 176).

C. -

P. ext.

 

1.

"Espèce, sorte, manière" : ...et aucunefoiz elles [les vulneres] sont dictes fortes et malles pour la cause de leur essence, si comme nous disons que une plaie ronde ou circulliere est pire d'une querree ou triangullee (SAINT-GILLE, Comment. A.Y. L., 1362-1365, 369). ...chi endroit commenche Li pais c'on dist des clers, qui est de grant essenche. (JEAN D'OUTREM., Geste Liège B.B., t.5, a.1400, 670). ...lesquelz Seigneurs et riches hommes ont faict de grans et nobles édiffices en iceulx lieux, qui anciennement et ou temps desditz dons, estoient de petite essence et de petit coustement à tenir (Ordonn. rois Fr. S., t.8, 1402, 534). Item ung orloge de petitte essence de cuivre doré avec les contrepoix (Invent. test. Surreau Foville F., 1435, 17). Son deuil et le mien com je pense Sont certes assez d'une essence (MARCADÉ, Myst. Pass. Arras R., a.1440, 198).

 

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En une essence. "D'une manière uniforme" : Car tous seïrent par sa licence A la table d'honneur droit la Et non pas du tout en une essence Mais ainsy que Droit l'ordonna (TAILLEV., Songe thois. D., 1431, 81).

 

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Mettre qqc. en essence de. "Donner à une chose la configuration de" : ...et certains jours après ensuivans, furent lesdictes pieces batues par lesdis Berengier et des Champs en l'ostel dudit Poissonnier, afin de les mectre en essence de ladicte monnoie. (Chancell. Henri VI, L., t.2, 1427, 38).

 

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[À propos des arbres] "Catégorie (p. ex. le vif bois et le mort-bois)" : Et auxi puent prendre en ladicte forest le saulx, le marsaulx, la noire espine, le genievre, espine, le pin, la couldre, le genest, la pierre, la terre, la mousse, et tout aultre boiz de tel essence, sans en païer aucune amende. (HECTOR DE CHARTRES, Cout. R., 1398-1408, 257). Item, ilz ont l'espine, le saux, le tremble, l'arable, le marsaus et tout aultre bois de telle essence par toute ladicte forest, hors essars, tailles et deffens, sans amende ne perdre ferement. (HECTOR DE CHARTRES, Cout. R., 1398-1408, 308).

 

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ASTR. Quinte essence. "Cinquième élement, le ciel" : C'est le ciel que l'en apelle la quinte essence, qui est plus divine et plus precieuse pour ce qu'elle est plus haut que les elemens. (ORESME, C.M., c.1377, 74). La seconde partie du grant monde comprent le ciel et les estoilles, laquelle Aristote appelle la quinte essence ou la quinte nature pour ce qu'elle est d'autre condicion que les quatre elemens devant touchiez ne sont. (EVR. CONTY, Harm. sphères H.P.-H., c.1400, 5-6).

 

Rem. Cf. FEW II-2, 1483a : quintus.

 

2.

"Apparence caractéristique" : La forme est ce qui donne beauté et essence et lumiere a chascune chose (CORBECHON, Propriétés, 1372, X, 2, 179 v°).

 

3.

Au plur. "Êtres et choses de telle ou telle nature, de telle ou telle sorte" : Et si je ne souffiz à rendre pour icellui graces condignes à ton George, simulachre que je aprez les immorteles essences plus honneure... (ROBERTET, Oeuvres Z., c.1450-1500, 131).
 

DMF 2020 - Synthèse Robert Martin / Pierre Cromer

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