A. -

[En lien avec esprouver]

1.

"Action d'éprouver qqn ou qqc., la qualité de qqn ou de qqc." : Et quant l'uevre fu assevie, Li preudons qui estoit en vie L'ama durement et prisa Et ce vergier ci baptisa Qu'il fust appellez a tous jours : "L'Esprueve de fines amours", Pour ce qu'il n'est nuls qui compasse Si bien son erre qu'il y passe, Puis qu'a fausseté penseroit, Et li loiaus y passeroit (MACH., D. Lyon, 1342, 222). Je ne di mie qu'on n'i trueve De si tres bons en toute esprueve Que nul milleur ne trouveroit D'eaus, qui bien les esprouveroit, Et qui les vorroit esprouver, On ne porroit milleurs trouver. (MACH., C. ami, 1357, 72). ...ne autrement en quelque maniere ne vous vueil je point essaier, car a moy souffist bien l'espreuve ja faicte par la bonne renommee de vos predecesseurs et de vous, avecques ce que j'en sens, et voy a l'ueil et congnoiz de vraye experience. (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 73). Ja avoyent esté ensemble douze ans, ouquel temps la bonne dame tant s'estoit bien portee que assez deust souffire l'espreuve de sa vertu (CHR. PIZ., Cité dames C., c.1404-1407, 903). Le prince sage doit en ces choses esprouver celluy qu'il veult retenir pour son conseillier. Et, aprés que par longue espreuve le aura tel trouvé, il ne le peut trop chier ne par trop grant pris acheter. (FILLASTRE, Traité Conseil H., c.1472-1473, 158).

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"Pierre de touche" : Et luy sembloit chose bien pénible et dangereuse moult, à résister à tout et pourveoir convenablement, combien que de nécessité il falloit faire vertu, et prendre réconfort bien en austère fortune, comme amye, là où gît gloire et espreuve des haux couraiges. (CHASTELL., Chron. K., t.1, c.1456-1471, 120).

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D'espreuve

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[D'une pers.] "Qui a fait ses preuves" : Et aroient en leur compaignie (...) .XIL. mille arbalestriers genevoix, tous d'espreuve, et .VIIJ. mille gros varlés aux lances et aux pavais, et tous descoutagiés (FROISS., Chron.[Livre IV] V., c.1400, 458).

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Gent d'epreuve : ...gent d'espreuve En bataille yerent (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 245).

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[D'une chose] "Qui a été éprouvé, qui est de bonne qualité" : Donnez aux bons hommes d'armes chevaulx, cottes d'acier, haches, bacinez de espreuve et argent selon raison. Et se vous veez un bon homme de la main qui viengne devers vous mal vestus et mal montez, si le honnourez et l'appellez humblement et lui donnez robes et chevaulx et harnoiz, selon la valeur de sa personne et selon le povoir que vous aurez pour lors. (ARRAS, c.1392-1393, 153).

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De bonne/de grande/de precieuse epreuve. "De valeur éprouvée, qui a fait ses preuves" : Des princes nommer je me passe (...) Mais du principal, que je treuve En Cartage, de grant espreuve En armes, souverain et sage, Est bien raison que j'en lengage (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 212). ...harnoys de bonne espreuve, Artillerie forgé neufve (CH. D'ORLÉANS, Rond. C., 1443-1460, 325).

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De fine epreuve : Un cuer loyal de fine espreuve A plus de joye, quoy qu'il tarde, Que n'ont ceulx qui font dame neuve De chascune qui les regarde. (CHART., D. Rev., a.1424, 311). ...il estoit gardiien et concherge De deux joyaulx de precieuse esprouve (MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 165).

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[D'un objet manufacturé] Fait à l'espreuve pour + inf. "Testé pour" : ...4 paire[s] de bons estiveaulx de vaiche, faiz à espreuve pour tenir aigue, c'est assavoir une paire pour le lieutenent, une paire pour Compaignot Bernon et deux paires pour les poicheurs qui ont poichier les estangs (Invent. mobiliers ducs de Bourg. P., t.1, 1365-1366, 80).

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Prov. L'or suffisant se connoist à l'espreuve : L'or souffisant se cognoit a l'esproeuve. (MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 365).

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Faire (l') espreuve de qqn. "Éprouver qqn (dans ses qualités, son dévouement...)" : LE MARQUIS. (...) Saichent dont tuit qui le contraire Pensoient que j'ay voulu faire Espreuve dure et rigoreuse De ma bonne et loyal espeuse Et non mie la condempner (Gris., 1395, 95). Icelle mesmez persecution effaça les iniques, et fist l'espreuve et la confirmation dez bons (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 77).

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Faire une espreuve à qqn. "Mettre qqn à l'épreuve" : Faites lui une espreuve devant la baronnie : Prenez une chaudiere de poix boulye, Meslee avec plomb et chaux qui ne refroide mie, Puis entrera dedens tous nus (Renaut Mont. B.L. V., c.1350-1400, 42).

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[Dans une compétition, une joute...] Faire une espreuve/son espreuve. "S'éprouver soi-même" : ...il laissa le jouster et assambla ses chevaliers et leur dist: "Beaulx enfans, vous avez fait sus moy une espreuve de chevalerie pour l'amour de ma dame..." (LEFÈVRE (R.), Hist. Jason P., c.1460, 136). Et disoient tous que contre meilleur chevalier ne pourroit faire sa premiere espreuve, et que ce seroit heur en armes, à si hault personnaige, d'atteindre et d'estre atteint, pour le premier, de chevallier renommé. (LA MARCHE, Mém., II, c.1470, 214).

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Faire l'espreuve de qqc. "Vérifier qqc." : ...j'en feray l'espreuve Tout maintenant sanz contredit Se tu as menti ou voir dit. (Mir. mère pape, c.1355, 403). Car la verité si s'en preuve, Legier est d'en faire l'espreuve (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 21).

2.

En partic.

a)

"Essai (d'une marchandise, des boissons, des mets...)" (synon. essai) : Ce sont les matières des poix de la paste et du pain cuit, selon les feurs qui s'ensuivent, faicte l'extimacion selon la seconde espreuve qui fut faicte le vendredi avant la Penthecoste, l'an mil CCCXVI, en la presence de Nicolas de la Haye, Jehan Emery et Jehan François, talemeliers establis a veoir l'espreuve pour leur mestier. (Mét. corp. Paris L., t.1, 1351, 4). ...et dedans icelle nef sont les trenchoirs d'argent et la petite salliere, et une autre petite nef ; ensamble le baston et lycorne dont on faict l'espreuve en la viande du prince. (LA MARCHE, Mém., IV, Pièces annexées, 1474,,, 22).

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P. méton. "Pièce d'orfèvrerie, servant à table à faire l'essai des boissons et des mets, pour voir s'ils sont empoisonnés" : Une espreuve d'or, en laquelle a quatre langues de serpent, un petit saphir, et deux emerauldes. (Ch. VI, D., t.2, 1418, 293).

b)

"Ce qui sert à prouver son habileté, sa compétence, travail, activité probatoire" : ...la Court dit que les ouvriers et monnoiers dudit serement de l'Empire, jà receuz et qui ont fait leur espreuve en la monnoie de Paris ou en autre monnoie royal du royaume de France, pourront ouvrer et monnoier es monnoies royaulz d'icellui royaume (FAUQ., II, 1421-1430, 359). Et pour la belle espreuve que Paris avoit faicte du faulcon les faulconiers le pryrent en si grant amour, comme s'il fut leur parent, et luy portarent grant honneur pour l'amour du faulcon (LA CÉPÈDE, Paris Vienne K., 1432, 253).

3.

P. ext.

a)

"Essai, expérience que l'on fait, tentative" : ...el [ouvroit] l'huys, tenant la chandelle ardant en sa main. Et monseigneur, qui est content de ceste espreuve, souffrit bien que madame luy bouchast son bon oeil d'une main [Une femme prétend avoir vu, dans un rêve, que l'oeil crevé de son mari était guéri] (C.N.N., c.1456-1467, 113).

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À l'espreuve : Je t'ay doncques dict et le preuve, Mesmes le peulz veoir a l'espreuve, Que le faict est moins que nyant De ton corps (MESCHIN., Lun. princes M.-G., c.1461-1465, 38).

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Faire l'espreuve (de qqc.). "Tenter (qqc.)" : Messeigneurs, nous sejournons trop Et sommes tres mal diligens Que ne faisons armer noz gens Et mectre a point a l'aventure, Car, ja tost, a la nuyt obscure, Nostre marchant [Judas] fera l'esprouve (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 634).

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Prendre qqn à l'espreuve. "Prendre qqn sur le fait" : Mesire Jofroi, mesire Jofroi, je vous doi, par vostre deserte, petit amer, qant vous voliés par nuit embler ce que j'ai si comparet et qui m'a coustet tant de deniers. Si sui moult liés, qant je vous ai pris a l'esprueve. Vous en voliés avoir millour marchiet que je n'aie eu, qant vous le quidiés avoir pour .XXM. escus ; mais Dieus m'a aidié que vous avés falli a vostre entente. (FROISS., Chron. D., p.1400, 874).

b)

"Expérience acquise, comme gage de valeur" : En Occidant, aprés, je treuve Romme, qui sur toutes l'espreuve Ot de poissance et signeurie Longtemps, sanz point estre perie (CHR. PIZ., M.F., IV, 1400-1403, 29). ...car il ne faut pas ignorer qu'il ne aimast cordialement ledit messire Jaques, son subgect et son serviteur, et telle apparence de chevalier, de beaulté et d'espreuve, que l'on ne nommera nulle part meilleur chevalier de luy (LA MARCHE, Mém., II, c.1470, 127).

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Par longue espreuve. "Par une longue expérience, une longue pratique" : Le menteur, que souvent on treuve En mençonge, par longue espreuve, Quant voir dit d'aucune aventure, On ne le croit, car sa nature Ou longue accoustumence croire Fait aux gens qu'il ne saroit voire Chose dire (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 49).

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Sans espreuve. "Inexpérimenté" : ...le roy trespassé parvint a la possession par longues chevalereuses vertus et labeurs, et son filz sans espreuve de vertu nulle y entra dormant (CHASTELL., Chron. IV, D., c.1461-1472, 150).

B. -

[En lien avec esprouvant] "Situation éprouvante, malheur éprouvant" : NOSTRE DAME. Mon ami, ceste destinee, Je te promet, n'est qu'une espreuve ; Et te dy bien, se Dieu te treuve Souffrant en ceste adversité... (Mir. enf. ress., 1353, 63). Le IIJe gentilhomme, qui se voyoit en l'espreuve ou ses deux compaignons estoient mors, n'estoit pas des plus asseurez. [Ils sont morts de la peste] (C.N.N., c.1456-1467, 350).