C.N.R.S.
 
Article complet 
StructureSans exempleCompletFormesExemples
FamilleTextesSourcesImpressionAide à la lecture
     ÉPICE     
FEW XII species
ESPICE, subst. fém.
[T-L : espece ; GD : espece ; GDC : espice ; AND : espece ; DÉCT : espece ; FEW XII, 154a : species ; TLF : VII, 1318b : épice]

A. -

"Substance aromatique, aromate, épice" : Moult y a de belles fonteinnes Qui sont nettes, cleres et sainnes. Là croist le sucre et la kanelle, Et mainte espice bonne et belle ; Mais il n'i a point de riviere. Et encor li avoit escript (MACH., P. Alex., p.1369, 211). N'est violete, lis ne rose (...) Fleur de canelle, tant soit fine, N'autre espice que je nommasse, Que ceste odeur toute ne passe (Mir. Clov., c.1381, 274). ...riens n'achetay De soie, d'or, d'argent, d'espices Et de toutes choses propices. (CHR. PIZ., Chem. estude P., 1402-1403, 61). ...Hubert Fleury, sommelier des espices (FAUQ., II, 1421-1430, 85). Maiz toute char en eaue cuite En ce temps doit estre confite D'espices aromatizans à ce propoz et suffisans, Comme canèle ou cynamome, Noix muscades et cardamome, Et fault tousjours y ajouster Du vinaigre sans redoubter (LA HAYE, P. peste, 1426, 91). Il est certain, sans dire fable, Que brouet de char convenable, Adoubé, par art et pratique, D'aucune espice aromatique, Et de vinaigre ou de vinete, Est lors propice et chose nete. (LA HAYE, P. peste, 1426, 94). Or me balhe donc ces espices [la myrrhe et l'aloès] ! (Pass. Auv., 1477, 235).

 

-

Espice de cuisine : ...la somme de six cens trente huit livres 2 solz 6 deniers tournois, (...) en deniers payez à Berthelemy Betin, marchant, pour cire et espisces de cuisine par lui delivree pour le fait de la despence de l'ostel de mondit seigneur (Comptes Etat bourg. M.F., t.1, 1420, 268).

 

-

Pain d'espice. V. pain

 

-

P. métaph. [Terme d'affection] : Adieu, mon sel ; adieu, m'espice ; Adieu, ma saveur et mon goust (Pass. Auv., 1477, 103).

 

.

Fine espice. "Fine mouche" : Il nous fault scavoir en quel part Nous trouverons si fine espice [Ce sera Plaisant Follie] (Pipée R., c.1470-1480, 173). Il n'y a beste, soit serf ou bisches Ou senglier, qui eschapper luy puisse Quant el(le) veult en nulle saison. Malice a [a] nom, Fine Espice ; Brief, ceste chiennë est propice Et me duit bien en ma maison. (Sots mal., c.1480, 77). LE .I. SERGENT. Au meurtre ! LE .II. SERGENT. Comme il brait hault ! Seroy ge point mis en deffault ? Qu'as tu trouvé, dy, fine espice ? LE .I. SERGENT. Va bien tost querir la justice. Vecy nostrë homme tout mort. (Mir. st Nic. juif, c.1480-1500, 140).

 

-

Se mettre en l'espice. "Se mettre en peine (?)" : Las, de ma vie ne fis pis Ne entrepris ! Maintenant suis je bien mauldit De me estre en l'espice mis. Certes, je suis Le pire gars qu'onque Dieu fit [Éd. : "situation difficile, peine" ; mais cf. A. Gier, Vox rom. 42, 1983, 332, qui conteste cette déf.] (Pass. Auv., 1477, 109).

B. -

Au plur. "Confiserie, dragée, confiture sèche (offerte après les repas avec du vin)" : Uns chevaliers isnelement Hucha le vin et les espices. Bien croy que ce fu ses offices, Car en l'eure, sans delaier, Y coururent li escuier. Quant on ot espices eü Et de ce vermillet beü, Midi passa ; la nonne vint. Pour ce penre congié convint Selonc la maniere commune. (MACH., R. Fort., c.1341, 147). Ly abés se para, et se va aprestant. Le vin et les espesses va l'oste demandant (God. Bouillon R., t.2, c.1356, 41). ...Eins avoient vin et viande, Et tout ce qu'apetis demande, Largement et à grant planté, Et espices à volenté. (MACH., P. Alex., p.1369, 193). Li papes fist venir le vin Et le confit, à celle fin Que la pais fust bien affermée De cuer, de fait et de pensée. Adont Florimons se dressa Et aus espices s'adressa. Le dragier prist et la touaille, Au bon roy vint et se li baille ; Et à un genouil le servi Et encor li cria mercy. (MACH., P. Alex., p.1369, 244). Ça, le vin, ça, Et des espices ! (Mir. fille roy Hongrie, c.1371, 50). Une foiz avant buverez Et des espices mangerez (Mir. fille roy Hongrie, c.1371, 50). Prenez les espices, ma dame, Devant le vin. (Mir. fille roy Hongrie, c.1371, 50). Et quant il eurent là esté une espasse et pris vin et espisses, li doi roy se partirent dou pape, et se retraist çascuns à son hostel. (FROISS., Chron. L., VI, c.1375-1400, 82). On aporta vin et espices, et aprez ce ilz prindrent congié du duc (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 16). Là vinrent et prindrent ses espices le roy, ses oncles, les prelats et chevaliers, ainsi que l'ordonnance le portoit, et puis prindrent congiet les aucuns, ceulx qui devoient retourner à Londres (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 79). "Il ont les vins, les espisses et les bons pains, et nous avons le soille, le retrait et le paille, et buvons l'aige." (FROISS., Chron. R., X, c.1375-1400, 96). Alons des espices mengier, Et boire en un joli vergier (Mir. st Lor., 1380, 141). Après ce que ilz orent disné et que les tables furent levees et graces dictes et que ot servi d'espices, pluseurs s'en alerent armer et monter. (ARRAS, c.1392-1393, 40). Adont fu la aporté vins et espisces, et en prist li rois et li chevalier, et puis casquns ala en son retret (FROISS., Chron. D., p.1400, 875). ...demi XIIe de serviectes fines prinses de lui ou mois de septembre précédent pour servir d'espices devant MdS (Comptes Lille L., t.1, 1412, 81). À Adenet de Baulmes, espicier et varlet de chambre de mondit seigneur, la somme de 395 frans restans à lui à paier de plusieurs mandemens garnis de quictances montans à la somme de 759 frans 11 deniers tournois, pour espices et ypocras (Comptes Etat bourg. M.F., t.1, 1419, 150). Et quant les tables furent levees et les graces dictes, pour abregier, lors menestrers commencerent a corner et les cuers joieux commencerent a dansser et puis a chanter, tant que le roy, pour soy retraire, demanda les espices et vin de congié. (LA SALE, J.S., 1456, 55). À Jaques de Bouhain, marchant apothicaire, demourant à Paris, la somme de 107 s. 2 d. ob. t., à lui semblablement deue par ladicte ville pour ypocras et espices par lui livrées, de l'ordonnance de Mesdits Seigneurs, en plusieurs disners par eulx faiz avec les conseilliers, quarteniers et autres officiers d'icelle ville, pour consulter et communicquer avec eulx des besongnes et affoires d'icelle ville (Comptes Paris M., t.2, 1488-1489, 516). Par carrefours, tables rondes propices, Combles de vins, d'ypocras et d'espices, De coriandes et d'autres nouveaulx metz (LA VIGNE, V.N., p.1495, 191).

 

-

Espice de bouche : À Andry Provins, sellier, (...) par marchié fait à lui de couvrir de cuir et ferrer de fer blanc quatre petiz coffres de verges blanches, les deux desdiz coffres à mectre les espices de bouche de mondit seigneur, et les autres deux pour mectre la vaisselle de son eschançonnerie (Comptes Etat bourg. M.F., t.2, 1419, 439).

 

-

Espice de chambre. "Sucreries" : ...à Jehan Le Damoisel, espicier, pour 12 livres de gingembre batu et 6 livres d'entier, (...) 10 l. de canelle fine (...) ; pour 20 l. sucre blanc (...) ; pour 27 l. demie espices de chambre... (RAPONDE, Comptes La Trémoille L.T., 1396-1406, 87). Espicerie et apoticairie à Jehan Poissonnier, espicier et varlet de chambre, pour plusieurs espices de chambre, ypocras, pommes d'orenge par lui baillés en la chambre de MdS (Comptes Lille L., t.1, 1405-1406, 18). ...la somme de 100 frans monnoye royal pour (...) Jacot Michiel, espicier de mondit seigneur, qui lui estoient deuz de reste pour espices de chambre, par lui delivrez pour le fait de la despence de l'ostel de mondit seigneur (Comptes Etat bourg. M.F., t.1, 1420, 268). Et si y avoit plusieurs autres beaux dragouers tous pleins d'espices de chambre et belles confitures ; grant quantité aussi y avoit de fruiz nouveaulx de moult de sortes, violetes fort odorans gettées et semées tout parmy le basteau, et vin à tous venans y fut baillé et distribué tant qu'on en vouloit avoir et prendre. (ROYE, Chron. scand., I, 1460-1483, 178).

C. -

P. anal. au plur. "Gratification"

 

1.

"À partir du XIVe siècle, présents faits au juge par les parties en cause, présents d'abord purement bénévoles et consistant souvent en bonbons d'épices, puis, au XVe siècle, honoraires dus au juge et payable en espèces, sans exclure toutefois les cadeaux que l'on continua d'offrir bénévolement et que, par extension abusive, on fait parfois entrer aussi sous le nom d'épices" : Cedit jour, fu question en la Court à savoir se en taxation de despens faicte par commissaires en la Court doie venir la despense faicte en espices données aux visiteurs des procès de ceans (BAYE, I, 1400-1410, 61). ...moult des procureurs de ceans exigent de leurs maistres (...) grans finances et argent, en disant à leurs maistres que faut argent pour espices pour l'avancement de leurs procès (BAYE, I, 1400-1410, 62). ...commis à enquerir des exactions oultrageuses et indeues que on dit avoir esté faictes par Le Galois du Ploich et autres procureurs de la Court de Parlement, soubz umbre des requestes et espices moderées que on baille aucunes fois pour l'expedicion des procès pendans ceans. (FAUQ., II, 1421-1430, 158). À Me Jehan Doulz Sire, greffier civil du Chastelet de Paris, la somme de 32 s. p., c'est assavoir 16 s. p. pour les epices du procès fait des cryées faites sur l'ostel du Plat d'estain, en la Mortellerie, et pour la sentence levée dudit procès, pour ce, ci payé par vertu de la certificacion dudit Cappel, procureur de ladite ville ou dit Chastelet 32 s. p. (Comptes Paris V.L.D., t.1, 1449-1450, 688). À Michel Acart, clerc des greffiers de la Prevosté de Paris, pour les espices des conseillers, qui ont veu et visité certain procès meu et pendant ou Chastelet de Paris entre ladicte ville et l'abbé de Clugny (Comptes Paris M., t.2, 1458-1460, 183). Et, au regard desdictes espices [espices de Parlement], nous voulons qu'à la descharge de nos finances vous en faciez faire le payement par celuy qui paye les gages de la cour du Parlement (Lettres Ch. VIII, P., t.4, 1494, 7).

 

-

En partic. "Droit en argent que les juges sont autorisés à recevoir des parties pour la visite des procès par écrit" : Aussi ne eschet pour la production de telz incidens que simple merc, non pas cinq solz comme au principal ; car l'incident vuydé, les juges demandent telles espices que bon leur semble. (Cout. instit. Anjou Maine B.-B., t.4, 1496, 433).

 

-

[À la Chambre des comptes] Espices de Chambre. "Gratification accordée aux membres de la Chambre des comptes au moment de la reddition des comptes" : Pour espices de Chambre, livrées par ledit maistre de Chambre aux deniers, pour le droit de Messeigneurs des comptes à cause de l'audicion et closture de ce présent compte et du compte ensuivant (Comptes hôtel rois Fr. D.-A., 1450-1451, 337).

 

-

[Dans un Parlement provincial] : ...[la quittance de la somme de 800 livres tournois, fut donnée au receveur général des finances] par maniere d'espices, pour avoir esté et presidé, en qualité de commissaire, de par le roy à l'assemblée des trois estaz du pays de Languedoc (Doc. 1480. In : Lettres Louis XI, V., t.6 1480, 121).

 

2.

"Somme d'argent exigée (pour lui-même), en plus de ce qui est dû, par celui qui est chargé officiellement d'une levée d'argent" : ...et aussi avoit fait [Jacques Cuer] en nostre dit païs de Languedoc et sur nosdiz subgiez plusieurs concussions grandes et énormes exaccions, les unes par forme de dons et d'intérestz, les autres soubz umbre de pertes de finances tant sur nostredit païs de Languedoc en général comme sur noz receveurs particuliers dudit païs, et autres exaccions que l'on nomme vulgairement espices (Doc. 1453. In : Aff. Jacques Coeur M., 1453-1457, 11). Lequel Barton (...) a dit qu'il a fait plusieurs voiages par la commission et ordonnance du Roy ou païs de Languedoc, tant pour tenir de par le Roy les estatz dudit païs, que pour la réformacion d'icellui païs, (...) où il a vacqué par long temps, et que pour ses gaiges et voiages de sesdictes commissions, et aussi pour sa part des espices octroiées ausdiz commissaires par les gens dudit païs, dont il estoit l'un, il fut appointé et assigné par le Roy sur maistre Estienne Petit, trésorier général de Languedoc, de la somme de trois cens livres tournois sur le roole de l'aide de 100.000 l. t. octroiées à Montpellier (Aff. Jacques Coeur M., 1453-1457, 527).
 

DMF 2020 - Synthèse Robert Martin

Fermer la fenêtre