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ENTE, adv. |
[T-L : ente ; GD : ente2 ; AND : ente ; FEW IV, 589a : impetus] |
Région. (Nord) |
A. - | [Idée de désagrément, de difficulté, de malheur] |
| 1. | "De façon désagréable" : Lors respont le chevalier, moult ente : "Tais toy bochus ! Que maudis soies tu, et si laisse parler ton maistre ! - Il n'y a point, fait Trons, vous avés perdu vostre cheval !" ([Ysaÿe Triste G., p.1400, 52]). |
| - | "Avec peine, avec difficulté" : Ja soit c'amis les fais d'amours porte ente... ([Percef. VI, R., c.1450 [c.1340], 611]). |
| - | Il est ente au coeur à qqn. "Cela peine qqn" : ...Bauduins est remés. Entes li fu au coer, che est bien veritée, De che qu'ainsi les laist ; moult remest trespensez. Par deseure .j. haut tertre est li enfes montés, Pour ses frères véoir, dont moult fu esgarez. ([Baud. Sebourc B., t.1, c.1350, 261]). E ! Dieux, comme Jourdain a le chiere dolente ! Se gent voit traire a mort, moult l'en est au cuer ente ([Jourd. Blaye alex. M., a.1455, 559]). |
| 2. | "De façon malheureuse" : "...Car plaisanche est .j. biens ! qui l'a ne vit pas ente : Car qui aroit tout l'or qui est jusqu'en Tarente, Se plaisanche n'avoit, qui les coers ratalente, Ne vauroit ses avoirs une vièse potente...". ([Baud. Sebourc B., t.1, c.1350, 81]). |
| - | Faire qqc. ente. "Faire qqc. pour son malheur." : Et Guinemart li crie [à Yvonnet] : "Chieux cos ["coup"] ne m'est pas griés : De vous aray par tans mes trois freres vengiés ! " "Par foy, dist Yvonnés, moult ente le feriés : Ja les verrez aux fourques menez comme jugiés, Et vous serés aussi o yaux acompaingniés !" ([Renaut Mont. B.N. V., c.1350-1400, 846]). |
B. - | En partic. [Qualifie une façon d'être blessé] "Gravement, profondément" : "Oïl, " dist Glorians, "si sui ente navrés." ([Baud. Sebourc B., t.1, c.1350, 109]). Entes gisoit navrés, as champs sus la verdour ([Baud. Sebourc B., t.2, c.1350, 202]). Richard avoit la chair plaiee et navree, Moult fu entes navrez ([Renaut Mont. B.L. V., c.1350-1400, 65]). Moult ot l'enfez Lohier le cors ente navré. ([Jourd. Blaye alex. M., a.1455, 117]). Or est li rois Gaudissez a tiere trebusquiés, S'est grandement navrez et moult entez plaiiez. ([Jourd. Blaye alex. M., a.1455, 203]). |
REM. Cf. G. Roques, R. Ling. rom. 55, 1991, 272 et T. Matsumura, R. Ling. rom. 62, 1998, pour l'aspect régional. |
DMF 2020 - Article revu en 2015 |
Pierre Cromer |
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