C.N.R.S.
 
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     ENNUI     
FEW IV inodiare
ENNUI, subst. masc.
[T-L : enui ; GDC : enoi ; AND : anui ; DÉCT : enui ; FEW IV, 702a : inodiare ; TLF : VII, 1150a : ennui]

I. -

[Idée de souffrance]

A. -

[Souffrance morale plus ou moins forte]

 

1.

"Affliction, douleur, chagrin, tourment, tristesse profonde" : ...Je vi venir par une estroite voie, Pleinne d'erbette, Une dame pensant, toute seulette Fors d'un chiennet et d'une pucelette ; Mais bien sambloit sa maniere simplette Pleinne d'anoy. (MACH., J. R. Beh., c.1340, 59). LA DAME. (...) Doulce vierge, par ta merite, Estain mon dueil et mon ennuy. (Mir. enf. ress., 1353, 42). Pour moy oster de tout anoy, Grant piece hantay celle gent, Dont moult me fu et bel et gent, Car volentiers m'i esbati. (MACH., D. Aler., a.1349, 293). Si devriez vous touz ennuiz Mettre en obli et jetter puer Et avoir joie a vostre cuer (Mir. st J. Paulu, c.1372, 98). ...Si que, chier sire, ostez de vous Ces pensers et ces ennuiz tous (Mir. st J. Paulu, c.1372, 99). Si fu enfourmés li rois de France de la destruction et dou reconquès de Limoges, et comment li princes et ses gens l'avoient laissiet toute vaghe, ensi comme une ville deserte : si en fu trop durement courouciés, et prist en grant compassion le damage et anoy des habitans d'icelle. (FROISS., Chron. L., VII, c.1375-1400, 253). Or dit l'ystoire que tant porta le cheval Remondin, ainsi pensif et plein d'ennuy et de meschief qui lui estoit advenu, qu'il ne savoit ou il aloit, ne il ne conduisoit pas le cheval, mais le portoit partout la ou il lui plaisoit a aler, sans ce que il lui tournast le frain a dextre ne a senestre ; ne Remondin ne voit ne oit ne entent. (ARRAS, c.1392-1393, 24). ...car, selon le Saige, la sainte et divine Escripture oste l'ennuy de la personne qui a luy s'abandonne (GERS., Concept., 1401, 388). Madame l'abbesse (...) portant au cueur ung grand fardeau d'ennuy, pour l'amour de ses seurs se laissa ferrer (C.N.N., c.1456-1467, 144). Pensez vous, dit il, qu'il ne me desplaist bien de vostre ennuy, et plus beaucop qu'il est advenu en mon hostel. [Un prêtre s'est fait châtrer chez un aubergiste] (C.N.N., c.1456-1467, 406). ...comment povez vous avoir envye de dormir emprès de moy qui suis tant eveillé, qui n'ay esperit qui ne soit plain de regretz, [d']ennuy et de soucy ? (C.N.N., c.1456-1467, 176). LA CHOSE PUBLICQUE. Si ay, de vray, j'en ay eu ung, Le pire de tout le commun Que j'ay portay fort longuement, Lequel m'a donné du tourment, De l'ennuy et douleur amere Et ne faisoit rien pour sa mere, Tant est mauvais et detestable. (Sots mal., c.1480, 88). LA FEMME DU CRESTIEN. Cher espoux, dolente j'en suis [de notre ruine], Mais tout ce vient par voz conduis, De conduicte mal promenee. J'en ay eu cent mauvaises nuitz, De dueil, grief courroux et ennuis Et en est ma joye finee. (Mir. st Nic. juif, c.1480-1500, 75). LE SOT chante. "Ho ! le povre mary a sa femme perdue. Plus beste il est que beste mue. Elle est allee rider par ville Pour monstrer son gent corps habile, Dont Jouan a eu tant d'ennuy..." (P. Jouh. D.R., a.1488, 31). Je croy que, depuis son enfance, qu'il n'eut jamais que travail jusques à la mort et suys certain que, si tous les bons jours qu'il a euz en sa vie, ès quelz il a eu plus de joye et de plaisir que d'ennuy et travail, estoient bien nombréz, qu'il s'en trouveroit bien peu (COMM., II, 1489-1491, 330).

 

-

En partic. "Chagrin (lors d'un deuil)" : "A ! Gautier ! Gautier ! biaulx fils ! Comment il vous est tempre mesavenu en vostre jonesche ! Vostre mort me fera tamaint anoi, et voel bien que cascuns sache que jamais cil de Gand n'aront paix à moi si sera si grandement amendé que bien devera souffire." (FROISS., Chron. R., X, c.1375-1400, 145). "...Et mon corps faites le reporter en Biaugeulois, car je voel jesir en ma ville de Belleville : de lonch temps a, y ai jou ordonné ma sepulture." Messires Guiçars, qui oy son frère ensi parler et deviser eut si grant anoy que à painnes se pooit il soustenir. (FROISS., Chron. L., IV, c.1375-1400, 119). Il est vray, bien le croy, Qu'en triste desarroy Cheï pleinne d'ennoi Et en grant orphenté, Si com, raconter oy, Judée, quant son roy Prist la mort devers soy, Le vaillant Josué. (MACH., Les lays, 1377, 474). Et a tous ceulx qui portoient le dueil Incontinent fist argent transporter Pour a l'offrende devotement porter En plus belle ordre que l'on vit pieça d'oeil, Et tous passans par devant le sercueil Les ungs pleurant, les autres lamentant, Mesme le roy qui eult de l'ennuy tant Que nul n'estoit qui le peust resjouyr, Ny bonnement a point de luy jouyr. (LA VIGNE, V.N., p.1495, 192).

 

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[Dans la rhétorique amoureuse] "Profond chagrin, tristesse" : Par ma foy, j'ay tres grant merveille Comment mon coer poet endurer L'anui qu'il a De ce que pieça je ne vous vi. (FROISS., Méliad. L., t.1, 1373-1388, 28). Il n'est dolour, desconfors ne tristece, Anuis, grietez ne pensée dolente, Fierté, durté, pointure ne aspresse, N'autre meschief d'amours que je ne sente... (MACH., Bal., 1377, 175). Ma chiere dame, à vous mon cuer envoy Qui vous dira les maus que je reçoy, La grant doleur, la tristesse, l'anoy Et le tourment... (MACH., Bal., 1377, 564). Car l'anoy que pour toy port, Amis, m'occirra, se croy, Se temprement ne te voy. (MACH., Ch. bal., 1377, 633). Si ne puis nul mal avoir, Tant comme j'ay cest espoir [de merci] Qui me fait vivre et valoir, Ne je n'ay pesence, Anoy, grieté ne souffrance... (MACH., Les lays, 1377, 451). J'ay un arbre de la plante d'amours Enraciné en mon cuer proprement, Qui ne porte fruit si non de doleurs, Fueilles d'ennuy et fleur d'encombrement (CHART., R. Bal., c.1410-1425, 388). Car mon cueur tousjours languira En ennuy, sans point avoir mieulx, Jusqu'a tant que cecy verra [la beauté de la Dame] Par les fenestres de mes yeulx. (CH. D'ORLÉANS, Ball. C., c.1415-1457, 67). Las, qui pourroit jamais Amer dame plus loyaument Que j'ay fait elle et que je fais, Dont j'ay souffert tant longuement Dure peine, ennuy et tourment Qu'il pert que je suis né atout Et qu'onques ne fu autrement (CHART., D. Rev., a.1424, 311). Douleur me fait par ennuy, qui trop dure, En jonne aage viellir maugré nature, Et ne me veult laissier mon droit cours vivre (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 2). ...Dont pour le mal qui me point, picque et mort, Ce lieu [la maison préparée par Amour] appelle, en faisant cris et claims, Limbe d'annoy et abisme de mort. (TAILLEV., Edif. hôt. am. D., p.1440, 267).

 

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Faire ennui. "Causer du chagrin, rendre malheureux" : Mais quant je pensay ensement Comment je l'aim trés loyaument, Et elle n'a cure de moy, Einsois me fait peinne et anoy Et me fait en dolour languir... (MACH., D. verg., a.1340, 17). Ele me nuit Et fait anuit, Et si me cuit Que, pour voir, cuit Qu'elle sans cause me destruit. (MACH., Les lays, 1377, 295). ...N'il ne li puet estre avis Qu'amours face anoy, Tant est liés ses esperis : En ce point le croy. (MACH., Les lays, 1377, 346).

 

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Se donner ennui pour qqc. "Se chagriner pour qqc." : Il n'appertient point a si hault prince comme vous estes, mettre cure de enquerre de telz ars [Astrologie], ne de telz choses. Car, comment qu'il soit, Dieu vous a pourveu de tres haulte et noble seigneurie et possession terrienne. Dont vous vous povez bien passer, s'il vous plaist, de vous donner courroux ne ennuy pour telles choses qui ne vous pevent ne aidier ne nuire. (ARRAS, c.1392-1393, 20).

 

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De fin ennui. "Par pur désespoir" : ...et, quant il [Geoffroy] vint aux champs, si se retourne vers l'abbaie, et voit le meschief et le dommage qu'il avoit fait. Lors se plaint et se guermente et se nomme faulx et mauvais, et se dit tant de laidure qu'il n'est homs qui le peust penser s'il ne le veoit ou ouoit. Et croy que de fin ennuy il se feust occiz de l'espee, se ne feust que les X. chevaliers y vindrent, qui bien l'avoient ouy dementer et plaindre. (ARRAS, c.1392-1393, 252).

 

2.

"Tristesse diffuse, lassitude morale plus ou moins profonde, mélancolie"

 

a)

"Absence d'intérêt, de curiosité" : En ce joyeux temps du jour d'uy Que le mois de may ce commence, Et que l'en doit laissier Ennuy, Pour prandre joyeuse Plaisance, Je me treuve, sans recouvrance, Loingtain de Joye conquester, De Tristesse si bien renté Que j'ay, je m'en puis bien vanter, Le rebours de ma voulenté. (CH. D'ORLÉANS, Ball. C., c.1415-1457, 34). Balades, chançons et complaintes Sont pour moy mises en oubly, Car ennuy et pensees maintes M'ont tenu long temps endormy. (CH. D'ORLÉANS, Ball. C., c.1415-1457, 119). Mais je treuve le plus des mois, L'eaue de Fortune si quoye, Quant ou bateau du Monde vois, Que, s'avirons d'Espoir n'avoye, Souvent en chemin demouroye, En trop grant ennuy longuement (CH. D'ORLÉANS, Ball. C., c.1415-1457, 154).

 

b)

"Lassitude qui va jusqu'au dégoût de la vie" : Les autres pour telle melancolie desirent sans raison la mort et sont en vng ennuy desraisonnable et ny a en eulz ne rime ne raison, et ne sceuent qui leur fault. (CIB., p.1451, 219).

 

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Ennui de vie/de vivre : En desirant mon cuer ensuivre, Je mourray par ennuy de vivre. (CHART., L. Dames, 1416, 212). Tres dommageux eschange te conseille Desesperance, quant pour laisser le ennuy de vie te fait prendre le chemin de mort pardurable. (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 98). Je mourray par ennuy de vivre, Et soit par morir ou par vivre, Ma vie mesme m'occira. (Narcissus, p.1426, 304).

 

3.

"Contrariété, déplaisir" : De ces nouvelles furent la contesse de Montfort et cil de sa partie tout courouciet, mais amender ne le porent ; se leur couvint porter leur anoi. (FROISS., Chron. L., II, c.1375-1400, 180). ...icelle Marion fu par lonc temps en sondit hostel et ne s'en vouloit partir pour commandement qu'il lui feist, et tant que par grant ennuy il laissa icelle Marion en sondit hostel et s'en ala ouyr vespres (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 426). Dont vous vous povez bien passer, s'il vous plaist, de vous donner courroux ne ennuy pour telles choses qui ne vous pevent ne aidier ne nuire. (ARRAS, c.1392-1393, 20).

 

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Avoir qqc. à ennui. "Recevoir qqc. de mauvaise grâce" : ...escoutez Un petit homme que je sui, Et pour Dyeu n'aiez a ennuy Mon parler, sire. (Mir. march. juif, c.1377, 186).

 

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Prendre ennui à qqc. "Prendre mal qqc., être vexé par qqc." : Pour ce aussi que nous sommes après disner et que de present n'avons pas grant besongne à faire, s'il vous plaist, vous escouterez debonnairement et sans prendre ennuy ou desplaisance à ce que je vous diray. (BUEIL, I, 1461-1466, 119).

 

4.

"Souci, préoccupation, inquiétude" : Egar ! ne voy homme ne femme Entour moy, dont j'ay grant ennuy (Mir. Berthe, c.1373, 232). Et, ce qui plus leur touchoit et faisoit d'anois, c'estoit ce que il n'ooient nulles nouvelles dou duck de Bretaigne. (FROISS., Chron. R., X, c.1375-1400, 24). Le plus souvent pour quelque ennuy abatre, Acompaigné de plusieurs grans mignons, Aprés souper, le roy s'alloit esbatre Et devisoient eulx deux en compaignons (LA VIGNE, V.N., p.1495, 176).

B. -

[Souffrance physique]

 

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"Souffrance physique, douleur" : "Damoiselle", ce dist Orchas, "or ne le tenez mie a folie ne a villenie, car se Dieu me vueille aidier, non obstant que je soie hors de prison, si ay je assez a penser, ne je ne suis mie delivre d'ennuy de corps, car j'ay plusieurs plaies de quoy je ne suis mie gariz ne asseür, et avec ce, damoiselle, je pense a celle que j'aime." (Bérinus, II, c.1350-1370, 67). ...il n'a si povre meschine En ce monde conme je sui Ne qui tant ait meschief n'ennuy Con je seuffre en ceste prison (Mir. roy Thierry, c.1374, 271). Item, ilz encourent souvent par leur pechié maladies, impotences, travail et ennuy, povreté, diffame, haines, perilz et pluseurs autres matieres de desplaisances selon la diversité des vices (ORESME, E.A.C., c.1370, 468). Cilz qui marche sur le gresil, Sur la gelée et sur la noy, Piez nus, a plus mal et ennoy Que cilz qui a ses solers marche En belle voie, en belle marche (DESCH., M.M., c.1385-1403, 343). Avecques ce fit tant qu'a l'ayde de maistre de l'artillerie Jehan de la Grange, le capitayne des Allemans et les dictz Allemans que l'artillerie fut tiree et menee par les dites Arpes et montaignes par le col des hommes en la maniere de chevaulx en montant icelle, dont on y soustint une execrable paine, merveilleux traveil et penetrant ennuy (LA VIGNE, V.N., p.1495, 278).

 

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En partic. [Lors d'un combat] : Ainsi les Grieus et ceulx de Troye Assemblerent en champ mortal (...) Et moult s'entrefirent d'anois (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 84). Quant les treves faillies furent D'ambe .II. pars, adont s'esmurent Au mortel chaple, au dur tournoy, Ou assez ot dueil et ennoy (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 125).

 

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"Fatigue, peine, épuisement" : Il ala tant parmy la ville tous seulx a pié, pensant comment il se pourroit maintenir, que il s'embati ou marchié, et par ennuy s'assist sur un estal, si print Dieu a reclamer dedens son cuer et dist : "Sire Dieux tout puissant, qui estes refuge aux besongneux et misericors aux pecheurs, je me commans en vostre glorieuse garde et vous prie que vous aiez pitié de moy, par quoy je me puisse delivrer de ces ennemis qui me veulent le mien toulir et oster par leur grant tricherie." (Bérinus, I, c.1350-1370, 51). Car luy mesme mettoit la main a porter les grosses boulles de fonte, de plomb et de fer qui estoit ung tres estrange faiz a porter, pource qu'il les convenoit porter entre les mains et en chappeaux, qui n'estoit pas sans grant ennuy et paine merveilleuse. (LA VIGNE, V.N., p.1495, 278).

 

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Tant comme à (l') ennui. "Jusqu'à la fatigue" : Item, ayez de .VI. oeufz les moyeulx et ung petit de vin blanc, et soit tout batu ensemble tant comme a ennuy, puiz mis avec de l'eaue de la char, et du vertjus vieil et non nouvel, car il tourneroit (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 221). Puis prenez la plus belle fleur de fourment que vous pourrez avoir, et puis batez ensemble tant et tant, comme a l'ennuy d'une ou deux personnes (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 256).

II. -

"Embarras, difficulté, danger, tribulation que l'on supporte, que l'on subit"

 

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[Dans une situation, une activité difficiles] : Amis, commande toy a lui [Dieu] : Tu avras moult paine et ennuy, Tant que la tu soies venuz. (Mir. enf. diable, c.1339, 33). Ainsi que Berinus estoit en telle angoisse et en tel meschief, Aigres son filz l'attendoit au dehors de la tour, qui riens ne savoit de sa mescance ne de son ennuy, mais il avoit grant merveille de sa demouree, siques, quant il ot longuement attendu, et il vist que point ne revenoit, si fust tous esbahiz (Bérinus, I, c.1350-1370, 394). Son destrier encontra une mont diue bianche [l. une mont dure branche] Dont ce fu pour Maugis ennoy et destourbance. (Renaut Mont. B.N. V., c.1350-1400, 363). La fu Jehans, li roys de France, Qui maint anui, mainte souffrance Avoit receüt pour la guerre Qu'il avoit au roy d'Angleterre, Par le deffaut de maint couart. (MACH., P. Alex., p.1369, 21). Toute la cause de sa voie Leur dist, et les requist de gent, Ou de navie ou d'argent, Pour le saint voiaige assevir ; Car enuis s'en porroit chevir, Se il li refusient aye, Especiaument de navie... (MACH., P. Alex., p.1369, 48). Li roys fu v. jours et v. nuis En tels anuis, en tels peris Qu'onques il ne pot aprochier Terre, ne greve, ne rochier De ses anemis nullement. (MACH., P. Alex., p.1369, 131). S'est bien hors d'anuis Et de fortune mondeinne Cils que tu [la Vierge] conduis. (MACH., Les lays, 1377, 408). Et pour ce que icellui Berthaut ot paour de peril, d'ennuy et de domaige, intrepositement fist rendre et restituer ladite toile (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 503). Maint ennui orent a l'aler, Mais de tout ne pense a parler, Il me souffist que de l'istoire Je die, sanz plus, l'acessoire. (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 312). ...comme le Parlement vacast, et aussy fust la chose publique de ce royaume et par especial de Paris en grant tourble et ennuy par les divisions de nosseigneurs du sanc royal (BAYE, II, 1411-1417, 26). Mon filz, grand esclande encourra L'espeux [des noces de Cana] se vous n'y pourvoiez : Son vin luy fault, vous le voyez. Pour Dieu, sauvez luy cest ennoy (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 152).

 

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L'ennui de qqc. "La difficulté à supporter qqc. (une situation)" : Car la durté de leur travail lez encouraga a querir seur repos, et l'ennuy de leur bas estat lez esvertua a esperer haulte gloire. (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 138).

 

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Prov. Il advient parfois qu'on ne peut se garder de son ennui : Las le jovenencel ! mieulx luy venist a demourer avec le conte, car se Dieux n'en a pitié jamais ne verra son pere ne sa mere, et luy convendra miserablement user ses jours, ou estre detrenchiés et ochis, ainsy comme cy aprés orrés ; mais aulcunefois advient que de son anuy on ne se peult garder (Hist. seign. Gavre S., c.1456, 64).

 

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Il advient souvent que on va liement à son ennui : ...comme il savoit mauvaisement la grant mesaventure qui l'attendoit, car se il le sceüst, il feust moult enviz alé celle part, maiz souvent avient que on va liement a son ennuy et a son contraire et est on engrant de partir du lieu ou on a tant de bien pour aler en autre païs ou on a tant de doulour et de meschief. (Bérinus, I, c.1350-1370, 351).

 

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Faire ennui (à qqn). "Causer du tort, du mal, créer des difficultés (à qqn)" : ...a nul ne faisoit ennuy Ne villenie. (Mir. ev. arced., c.1341, 115). Mais de tant fist Logre que courtois, qu'il fist commandement que nulz ne fust si hardi que a Berinus ne a compaignie qu'il eüst face ennuy ne dommage. (Bérinus, I, c.1350-1370, 197). ...et font [deux frères armés] moult de mal et d'ennuy en ce païs, et guettent un passage par ou il vous convient passer, se vous voulez aler avant. (Bérinus, I, c.1350-1370, 264). Mais qui bien est moriginez Et en vertus enracinez, Fortune n'a nulle puissance De lui faire anui ne grevance Quant aus meurs ; car s'elle a l'avoir, Les vertus sont dons que Dieus donne A homme qui a bien s'ordonne... (MACH., C. ami, 1357, 69). Et jura que jamais ne retourroient li Englès si aroient esté combatu, et les destourbiers et anois qu'il faisoient à ses gens leur seroient chier vendu. (FROISS., Chron. L., III, c.1375-1400, 137). ...[Le] gallaffre (...) s'en va moult doulent par la mer, et jure ses dieux que se il puet arriver a sauvetté a Damas, que encore fera grant ennuy aux Chippriens. (ARRAS, c.1392-1393, 139). ...et tantost [Geoffroy] le fist chevalier, et lui bailla cent hommes d'armes, et lui commanda qu'il s'en revoist sur le pas et qu'il garde bien que Glaude ne preingne autre chemin que cellui de la forteresse, car, s'il eschappoit, il pourroit par aventure encores faire moult d'ennuy avant que on le peust ratrapper, et que mieulx le valoit enclorre ens ou cavain et le prendre par force la dedens. (ARRAS, c.1392-1393, 204). TESTE VERTE. Ce nous vous avons fait ennuy Nous et nostre mere Sotie, Pardonnez nous, je vous empry, Adieu toute la compaignie. (Sots triumph., c.1475, 50). O Luccifer, que farons nous Pour nous deffendre contre luy [Jésus], Car il nous fara grant enuy ? (Pass. Auv., 1477, 226). Jugement (...) que dit coment nulle parsonne ne doit fai(e)re chose de nouvel en son hostel que faisse ennuit a ces voisins. (Jug. maître-échev. Metz S.M.S., t.1, a.1494, 1334], 114). Jugement de Somenin le potier d'une pairt, et de Jehan-Wassel d'autre pairt, que dit que, se ung homme ait une maison et il n'i a point de porte, qu'il li en puelt bien faire une, ne non puënt li voisin debaitre comme pour dire : que les cher et cherrette leur feront annuit a entrer en ladite porte. (Jug. maître-échev. Metz S.M.S., t.1, a.1494, 1336], 142). Et de là vint le roy à Nyce-de-la-Paille, qui est au marquisat de Montferrat, que nous desirions bien trouver pour estre en païs d'amys et en seüreté, car ces chevaulx legiers que menoit le conte de Gaiasse estoient sans cesse à nostre queuhe et les premiers jours nous firent grant ennuy et avions peu de gens de cheval qui se voulsissent mettre derrière, car plus approchions du lieu de seüreté et moins monstroient les nostres qu'ilz eussent vouloir de combatre. (COMM., III, 1495-1498, 206).

 

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[D'une chose] "Être source de difficultés" : Par foy, dist Gieffroy, se la forteresse est aussi forte de l'autre costé comme de cestuy cy, elle me fera grant ennuy avant qu'elle soit prise. (ARRAS, c.1392-1393, 198).

 

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Faire ennui à un animal. "Déranger (un animal)" : Chevreul tient et demeure voulentiers en un païs en esté et en yver qui ne li fera annui. (GAST. PHÉBUS, Livre chasse T., 1387-1389, 76).

 

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Pourchasser un ennui à qqn. "Susciter des difficulés à qqn" : Et de ce que vous dittes que, quant la mouche vient sur la main vo seigneur, que nul mal ne lui fait, tant qu'il tiengne sa main coye, et, lorsqu'il la remeut elle le point et envenime, ne point ne lui remembre que longuement l'a tenue sanz lui mal faire: et ainsi est il de l'omme felon et couvert, car quant tous jours vous l'avez servi et honnouré et fait grant courtoisie, se vous lui failliez une foiz de sa voulenté faire, vous l'avrez tantost perdu et vous pourchacera ennuy et dommage en toutes les manieres qu'il pourra, ne ne prendra ja garde a chose que vous lui aiez faite par devant. (Bérinus, I, c.1350-1370, 143). Lors se party ly chastellains et chevaucha tant qu'il vint au recept, ou il trouva ceulx de son lignaige que il avoit mandez, et leur compta toute l'aventure, et comment Jossellins et ses filz avoient esté pendus, et qu'ilz avoient en pensé d'en faire, ou de lui vengier de Remondin qui lui avoit pourchacié cest ennuy, et a eulx fait si grant blasme et si grant hontage, ou de le laissier en ce party. (ARRAS, c.1392-1393, 68).

 

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Estre ennui à qqn. "Peser, être pénible à qqn" : Mais adès toute courtoisie Qu'on puet d'esprivier esprouver Pouoie adès en li trouver, Si que volentiers le tenoie. Et aussi moult bien me tenoie D'enchëoir en cause contraire De tout ce qui li devoit plaire, Sans nulle heure estre negligens, Mais toutes heures diligens De trés tous ses bons acomplir Enteriner et raëmplir, Quant il en estoit lieus et temps, A toutes heures competans, Fust tost, fust tart, fust jours, fust nuis, Car ce ne m'estoit pas annuis. (MACH., D. Aler., a.1349, 278).

 

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Tourner à ennui à qqn : Adont apparçut Berinus qu'il estoit deceüz et baretez, si n'ot lors en lui que courroucier ne que esbaÿr et lui tourna le jeu a ennoy. (Bérinus, I, c.1350-1370, 44).

 

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Loc. adv. Sans ennui. "Sans difficulté, sans restriction" : Ce m'aprent Que la duis de nostre loy Yes [la Vierge] et de no sauvement Proprement La fonteinne, ainsi le croy, Où chascuns boit qui ha soy, Sans anoy. (MACH., Les lays, 1377, 411). Encores trouvai je ou cofin Unes lettres faites en prose, Sus les queles le signet Rose Avisai : bien le reconnui. Lors les ouvri je sans anui Et les desploiai a mes dois, Car elles furent en fors plois Et de lettre moult bien escripte. (FROISS., Pris. am. F., 1372-1373, 148).

 

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"Calamité" : Se vous m'eusséz creu, grant pieçza Quictez fusséz de cest annoy [l'asssèchement d'une source]. (Moralité cincq pers. B., 1484, 64).

 

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Au plur. "Difficultés, désagréments, dangers, tribulations" : Quant le povre deduit du lit Est passé par aucunes nuis, Lors te saudront les grans ennuis, Car tu ne pourras achever Son delit sanz ton corps grever, Qui adonc reposer vouldras (DESCH., M.M., c.1385-1403, 54). Et sachiez que ses hoirs ont depuis eu moult a faire, et moult de ennuis et de pestillences, comme il apparu et appert. (ARRAS, c.1392-1393, 307). Et aucuns, qui ceste pratique De non marïer moult appreuvent, De dures adversitez treuvent Et des ennuis de jour en jour, Et finent souvent en dolour Et de corps et de conscïence. (Gris., 1395, 14). A nostre nef donna un tour Tel que bien cuiday que soubz mer Plungiast, mais ne me fust amer Le mourir, quant j'ouÿ l'escry Des maronniers, qui, a hault cry, Braÿrent, quant virent plungier Cellui en mer, qui allegier Souloit la nef et jour et nuis De tous encombriers et d'ennuis. (CHR. PIZ., M.F., I, 1400-1403, 48). Mais quant il [Raymon] vit le corps humain De la dame qui le tenoit Ou si grande beauté avoit, Il entr'oublïa ses ennuis Et ne scet s'il est mors ou vis. Du cheval sault jus sur l'erbage, Puis il dist: "Gracïeux ymage, Dame de grant beaulté paree, A qui nulle n'est comparee, Pardonnez moy, pour Dieu mercy..." (COUDRETTE, Mélus. R., c.1401-1402, 125). Sy dient au roy : "Trop nous pueit anoier quant a Ogier aveiz faiz mains anoiz..." (JEAN D'OUTREM., Myr. histors G., a.1400, 109). Jougleurs, qui font [ gens ] resjouir Et menestriers peut on ouyr Celle part corner a toute heure, Mais l'un y chante et l'autre pleure, Car les aucuns y meinent feste, Les autres ont tant de moleste Et de pesances et d'ennuis Qu'ilz n'ont bons jours, ne bonnes nuis (CHR. PIZ., M.F., I, 1400-1403, 150). Cinq cens et .XL. ans duré Avoit ja Romme, ou enduré Avoyent mains pesans ennuis, Mais mal fortunez jour et nuiz Sont adés, pour Hanibal, qui, En pluseurs estours les vaincquy (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 215). Les Gaules moult d'ennuis leur firent (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 254). Tremblant comme la fueille Seray tousjours, tant que Mort m'ayt receu : Je luy supplie que en sa maison m'acueille Et que les fruictz de mes grans ennuis cueille, Car vivre plus au monde ne m'est deu. (MESCHIN., Lun. princes M.-G., c.1461-1465, 14). Et pour parler de ce dont tant te plaings, Des grans ennuis et douleurs dont es plains, Des povretez et miseres du monde, Et qu'en pleures souvent par bois et plains, Quant j'ay congneu et entendu tes plaings, Il est saeson et droit que te responde : Tu as esté tout ton temps tresimmonde, Fier, arrogant, despiteux (MESCHIN., Lun. princes M.-G., c.1461-1465, 26).

 

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[À propos d'animaux] : Et se ainsi ne le faictes, vous pouez savoir que quant ilz ont traveillé et ont fain, pour ce qu'il est neccessité qu'ilz vivent, ilz quierent soubz la table et happent sur le dressouer ou en la cuisine une piece de chair ou viande, et s'entremordent et font des ennuiz pour pourchasser leur vie (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 145).

III. -

"Désagrément qui provoque la lassitude"

 

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[À propos de longueurs dans un texte] : Avec che comme dist Pierre Chantre de Paris : «Moult nous doit esmouvoir a sievir briefté et eschiever prolixité grant despens en faisant grans volumes ou livres longs, perte de temps et anui et labeur de corps en corrigant, mendre proufit en lisant, domaige en mettant au derriere choses plus proufitables, et pesanteur en besongnant». (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 134). Desoremais est bien temps de mon livre affiner, car espoir qu'il tourneroit a aucuns a ennui, se plus longuement y mettoie. (Bérinus, II, c.1350-1370, 184). ...ne veulle nul reprendre ennuy en ce que je seroy lonc icy endroit car la matiere le requiert (SAINT-GILLE, A.Y., 1362-1365, 367). ...c'est annuy de tant repeter une chose (SAINT-GILLE, A.Y., 1362-1365, 367). Mais je ne veux pas demourer a raconter tous les mes [l. més] qu'ilz ont eu, car ennuis serait du dire et du raconter et de l'escouter. (Chev. papegau H., c.1400-1500, 21). Grant ennui seroit au lisant Et aux escoutans [ meismement ], Se disoie nommeement Toutes les vertus des joyaulx, Que mon pere ot, qui fu loyaulx, Ne le dy pour lui alouser, Mais pour voir dire, sanz ruser (CHR. PIZ., M.F., I, 1400-1403, 18). Toutes ces choses, que j'ay dictes, Furent en la paroit escriptes De la sale ou Fortune maint, Qui grief meschief livre a maint, Et plusieurs autres, dont diray Partie, et de l'autre tairay, Car ne pourroie tout compter, A grant ennuy pourroit monter (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 273). De leur regrais me tais atant, Car ennuis est d'en parler tant, Mais je ne dis pas la moitié De ce que trouvay ou dictié. (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 140). Il m'anuye si moult grant prolixité de langaige, car come ennuy est a moy mesmes, suppose que pourra estre aux lisans ; mais pour ce que il me convient reppliquer les choses proposees, autrement ne seroit entendable : m'an esteut eslongnier ma matiere ; si me soit pardonné de qui le tenra a anuy. (CHR. PIZ., Déb. R. Rose H., 1401-1402, 140). Et briefment, a raconter ses grans malvaistiez seroit ennuy et trop longue chose. (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 68). ...il me samble estre chose digne de recueillier ung abregiet sommier des escrips des grans et renomméz theologiens, par quoy puist estre eschevee et reboutee prolixité, c'est a dire trop longue narration, mere de annuy et telement que pour enquerir pluseurs choses, la voie soit donnee et occasion au sage. (Somme abr., c.1477-1481, 98).

 

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[À propos d'une attente qui se prolonge sans résultat, une activité sans intérêt ou qui n'aboutit pas] : De quoy les barons furent moult courrouciez de ce qu'ilz se veoient ainsi amusé, pour quoy ilz laissierent la queste par ennuy et dirent tous par maltalent que bien estoient tous musars, quant, pour le songe de Cycero, ilz avoient toute jour musé et trassé la ville pour neant. (Bérinus, I, c.1350-1370, 417). Car les Grieux dalmage ne portent Granment a eulx, ne ne feroient En .C. ans, se la se tenoient ; Et, par ennui, ilz s'en yront, Quant verront que riens n'y feront. (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 154). Ne se glissoit pas d'entre elles comme cocq sur brise, par ennuy de les ouir, en disant à ses gens privéz : Prenez leurs requestes, comme s'il n'en feist conte, ains lui meismes si arestoit, les oyait à loisir tous et toutes de renc parler, leur requestes faisoit lire, et responce tres benigne leur donnoit. (CHR. PIZ., Paix W., 1412-1413, 154).

 

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Abattre/passer son ennui. "Tuer le temps" : Dont il avint que lez royaus juvenceaus aucunez foyz pour passer leur anui fesoient leur convis les uns chiez les autres. (BERS., I, 1, c.1354-1359, 57.5, 95). [Le narrateur fait partie de l'expédition qui doit partir pour attaquer l'Angleterre, et qui attend longuement dans le port de Brest] La nous falloit ainsy noz temps passer Tant que le vent se voulsist retourner. (...) Et je, a par moy, pour mon anoy esbattre ["abattre"], M'aloie seul dedens ma chambre esbatre [à penser à sa dame] (LANNOY, WERCHIN, Ball. G.-W., c.1404, 4).
 

DMF 2020 - Synthèse Pierre Cromer

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