I. -

"(S') aggraver"

A. -

Empl. trans. Engreger qqc. "Aggraver qqc." : Ancor plus engrigia sa honte Le cruel, si com dit le compte, Car a la cueue du cheval L'attache, et amont et aval Le va trainant devant la ville (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 127). Encor me fait plus mal avoir Et mon penible dueil engrige (CHR. PIZ., Chem. estude P., 1402-1403, 115). ...la personne qui ja lui a nuit ou puet nuyre sera de tant plus indignee contre lui quant elle orra dire que elle en mesdit : si pourra engriger l'injure et lui faire encore pis (CHR. PIZ., Trois vertus W.H., c.1405, 142). "Nous devons, dit-il, voulentiers endurer adversitéz", car par impacience nous ne faisons fors appesantire nostre mal et l'engregier. (LEGRAND, Bonnes meurs B., 1410, 318). Pour quoy, ma dame, je vous prie que ne menés plus ceste douleur ; et ferés grant bien a vous et a monseigneur le conte. Car vous luy engregiés ses douleurs toutes les foys qu'il vous voit doulente. (Belle Maguel. C., 1453, 44). ...pour plus enrager et engreger son mal, une toux le va prendre, si grand et horrible que merveille (C.N.N., c.1456-1467, 436).

B. -

Empl. intrans.

1.

[D'une chose, d'un mal] "S'aggraver" : Adont angrigia la follie. (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 147). ...lors son dueil engrigia tres (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 56). La maladie lui engrega (Faits Romains M., c.1400-1500, 143). Ce seroit raison que elle prensist debat et contens a eulx et meist peine de s'en vengier, si convendroit que elle en esmeust grant noise et meist en guerre et en peril ses amis, et puet estre que son seigneur les croiroit mieulx qu'elle ou les autres barons ou subgiéz, si engrigeroit adonc le contens et venroit a plus grant meschief, et si ne s'en verroit ja par aventure vengiee, si auroit de tant plus grant dueil. (CHR. PIZ., Trois vertus W.H., c.1405, 65). ...car jà le duc de Bourbon avoit sceu engregier la maladie de son fils (CABARET D'ORV., Chron. Loys de Bourb. C., 1429, 274). Depuis, voyant et sçachant ladite Agnès sa maladie engréger de plus en plus, dit (...) que c'estoit peu de chose, et orde et fétide, de nostre fragilité. (CHART. J., Chron. Ch. VII, V., t.2, c.1437-1464, 185). ...Je sens mon mal qui point n'alege, Mais tant plus va et plus engrege (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 28). ...et adonc voyant depuis sa maladie engregier et ses jours decliner... (LE BOUVIER, Chron. Ch. VII, C.C.J., c.1451-1455, 416).

2.

[D'une pers.] "Voir sa situation s'aggraver" : ...Sanz estre de riens engrigiee Ne travailliee ne grevee... (CHR. PIZ., Chem. estude P., 1402-1403, 51). Mais qui cuide mieulx le chemin songier De s'en saillir, plus se treuve engregier. (CHART., D. Fort., 1412-1413, 181).

-

En partic. "Devenir plus gravement malade, voir son état de santé s'aggraver" : Requis se depuis que icelle Jehannete parla à lui qui parle de sa garison, se il amenda point de sa maladie, et se il engreiga quant icelle Jehennete lui dist qu'il engregeroit et seroit plus malade que devant, dit que depuis que icelle Jehannete lui ot dit qu'il engregeroit, il engreiga forment ; mais depuis que icelle Jehannete lui ot dit que elle avoit fait mourir lesdiz voult et crapos, il amenda et gary bien, et tant qu'il a esté depuis tousjours en bonne santé. (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 288). Sy lui envoya tel mal, que tous les jours engrega tellement, qu'il lui convint par terre venir a Romme et puis monter en ses gallees, tousjours empirant de sa personne (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 193).

II. -

Empl. trans. Engreger qqn. "Frapper qqn d'une aggrave, c'est-à-dire de l'aggravation de l'excommunication déjà fulminée dans un monitoire, l'aggrave ajoutant à l'exclusion spirituelle de la communion chrétienne les peines extérieures de l'excommunication civile (interdiction d'entretenir quelque rapport que ce soit avec les fidèles, d'aller au marché, au four et au moulin communs, etc.)" : Par toute l'eglise du povoir de Romme fut commandé que les dictes compengnes fussent excommenies et engregies (Chron. Valois L., c.1377-1397, 192). Nous veons que lez officiaux, pour aucune debte, si excomunient une personne et l'engregent et rangregent. Et si amonestent les juges seculiers, subz poine de excomuniement, que, par prise dez biens et aultrement, ilz contraingnent ceulx excomuniés a faire satisfaction a partie (Songe verg. S., t.2, 1378, 169). Or avendra que aprés l'excommuniement il sera engregié, dont convendra a la dame demourer a l'oustel (Quinze joies mar. R., c.1390-1410, 12).