C.N.R.S.
 
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     ENAMOURER     
FEW XXIV 467b amor
ENAMOURER, verbe
[T-L : enamorer ; GDC : enamourer ; AND : enamouré ; FEW XXIV, 467b : amor ; TLF : VII, 1010a : énamourer]

A. -

"(Faire) devenir plein d'affection ou d'amour"

 

1.

Empl. trans. Enamourer qqn (son coeur)

 

a)

[D'une pers. ou d'une chose] "Faire concevoir de l'affection ou de l'amour à qqn, rendre qqn amoureux" : Nompourquant li recors plaisans Est a vëoir et deduisans, Attraians de porter honneur, Chascuns endroit soy, son signeur En toutes dames honnourer, Pour les frans cuers enamourer. (MACH., D. Aler., a.1349, 346). Je voel iestre avoec vous et trestout prendre en gré, Puisqu'amour a enssy mon cuer enamouré (God. Bouillon R.B., t.3, c.1356, 33). Et quant elle lança L'amoureus dart qui au cuer me bleça, Certes, je croy que pas ne me cuida Enamourer. (MACH., F. am., c.1361, 161). Et lui fist acroire que toute li terre de Gales le desiroient mout à ravoir à seigneur. Cheste parolle enamoura mout ce Jaque Lambe de Yeuwain, car cascuns par droit revient volentiers au sien, et en fist tantost son cambrelencq. (FROISS., Chron. R., IX, c.1375-1400, 76). Mais Amours scet, qui scet tous mes consaus, Qu'onques pour bien, pour mal ne pour hachie Je n'i pensay qu'onneur et courtoisie. Quant ses resgars me vint enamourer, J'estoie liez, gais et jolis et baus. (MACH., L. dames, 1377, 110). Si vous pri, belle sans orgueil, Que j'aim loyaument, sans fausser, Pour le regart dont vo vair oueil Vorrent mon cuer enamourer, Que il vous vueille ramembrer Dou mal que j'arai main et tart, Se mes corps de vous se depart. (MACH., L. dames, 1377, 151). Mon dict seigneur d'Orleans demoura Lors dedens Ast, ou il enamoura Son povre peuple et tous autres gendarmes ; A Millan fut, ou si bien laboura Que tout le peuple grandement l'onnoura (LA VIGNE, V.N., p.1495, 139).

 

-

Enamourer qqn à qqn : Par ce point me pris a servir, Nom pas de mon corps asservir En subjection de servage, Mais d'avoir coustume et usage De savoir la gent honnourer, Pour eaus a moy enamourer, Et d'iceaus especiaument Qui bien et honnourablement Cel alerion gouvernoient Auquel mi desirer estoient, Tant que j'en fui trés bien acointes. (MACH., D. Aler., a.1349, 319).

 

-

Enamourer qqn de : Quant ta biauté mon cuer en moy ravi, Amours me volt si fort enamourer De ton gent corps cointe, appert et joli Que puis ne pos autre que toy amer. (MACH., L. dames, 1377, 223).

 

b)

"Prendre qqn en affection, tomber amoureux de qqn" : Si estoit ceste dame jone et avoit enamouré monsigneur Eustasce, pour les grans baceleries et appertises d'armes que elle en ooit tous les jours recorder. (FROISS., Chron. L., V, c.1375-1400, 160). Mais lui veant la grant beauté d'elle, l'enamoura (Percef. Compl. R., c.1450 [c.1340], 5). [Ms. C, David Aubert]

 

2.

Empl. intrans. ou pronom. "S'éprendre, devenir amoureux" : Girart le voult ainsi et dire et commander, Car il voulloit Roulant laisser enamourer (Gir. Vienne D.B., c.1350-1400, 165). Adriane, la fille au roy, S'enamoura de son arroy, Car moult estoit courtois et sage Et bel de corps et de visage. (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 330).

 

-

(S')enamourer à qqn. "Se prendre d'affection pour, tomber amoureux de qqn" : Sire, ce dist Clarice, Dieu vous doint bien aler, Car oncquez mais a homme, a chevalier n'a per Ne se voult le mien corps pour riens enamourer (Renaut Mont. B.N. V., c.1350-1400, 264).

 

-

(S')enamourer de. "Se prendre d'affection pour, tomber amoureux de" : ...et comment il s'enamoura de la belle contesse de Salbry (LE BEL, Chron. V.D., t.1, 1358, 290). Tant s'enamoura Yeuwains de Jaque et tant le creu que il y en mescheï, dont ce fu damages, car il estoit grans et haus, gentis durement et bon homme et vaillant as armes. (FROISS., Chron. R., IX, c.1375-1400, 76). Li contes de Saint Pol et celle jone dame s'enamourèrent loiaulment li uns de l'autre. (FROISS., Chron. R., IX, c.1375-1400, 136). Cogneut avec ce, il qui parle, que, six ans a ou environ, qu'il gardoit les chiens dudit seigneur d'Amboise, s'enamoura d'une chiennete nommée Baude, laquelle par XIIIJ fois et plus il continua icelle et ot compaignie charnele à li (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 273). Ce donc que la fable ainsy faint que Venus fit les filles du soleil dessusdites a fole amour entendre, et le soleil mesmes fit elle de Leucothoes enamourer desordeneement, nous veult (...) segnefier et dire que les .V. sens humains (...) se presentent (...) moult souvent a concupiscence charnele (EVR. CONTY, Eschez amour. mor. G.-T.R., c.1400, 332). Et venoit a le fois li rois d'Escoce veoir le roi Phelippe, fust a Paris ou aillours, et se tenoit dalés li trois ou quatre jours, et se devisoient de lors besongnes. Et s'enamoura li rois de France dou roi d'Escoce, et li rois d'Escoce de lui. (FROISS., Chron. D., p.1400, 239). ...ung gentil compaignon escossois (...) s'enamoura tresfort d'une tresbelle et gente damoiselle (C.N.N., c.1456-1467, 48).

 

3.

Part. passé en empl. adj.

 

a)

[D'une pers., de son coeur...] "Épris d'affection ou d'amour" : ...Je ne savoie Qu'il m'avenoit ne quele part j'estoie ; Car scens, vigour et maniere perdoie, Si durement par ses yeus me sentoie Enamourez. (MACH., J. R. Beh., c.1340, 74). ...quant Ernault la vit s'a la chiere clinee, Ung dart d'amour luy vint de telle randonnee, Qu'adont senti sa char si fort enamouree, Qu'ausi vermeil devint que la fleur en la pree (Hern. Beaul. D.B., c.1350-1400, 19). Or est Pluto enamourez, Mais la n'est gueres demourez, Eins va et vient et court et serche ; Partout fait son cerne et sa serche. (MACH., C. ami, 1357, 86). ...il aroit cognoissance Que puis qu'il sont ensemble enamouré C'on n'en pourroit faire la dessevrance. (Mir. st Sev., 1362, 240). Si que bonne Amour graci Cent mille fois, qui M'a si tres bien assenée Que j'aim la fleur et le tri De ce monde cy (...) Qui mon cuer ha si ravi Qu'onques mais enamourée Fame ne fu sy. (MACH., Ch. bal., 1377, 630).

 

-

[De Marie] : La panthére sur tous enamourée (Mir. st Ign., 1366, 117).

 

-

Enamouré de qqn. "Épris d'affection ou d'amour pour qqn" : ...il estoit si très fort enamourez de une des damoiselles de la royne qui s'appeloit La Lancegrone, que nullement il ne la povoit laissier (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 46). S'en doy bien Amours loer, Quant je sui enamourée Dou milleur qu'on puist nommer. (MACH., Ch. bal., 1377, 611). Car si amoureusement Sui enamourée De vo gracieus corps gent, Qui seur tous m'agrée, Que pour creature née Mes fins cuers ne vous laira (MACH., L. dames, 1377, 180). ...icelle de Flandres dist à elle qui parle et enseigna que, pour estre plus enamourée de sondit ami Hainsselin, et aussi se ledit Hainsselin estoit plus enamouré d'elle qui parle, elle regardast le temps et heure que elle seroit en ses fleurs (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 336). ...icelle Macete dist à elle deposant que elle estoit moult fort et grandement enamourée du chapellain du curé d'icelle ville de Guerart (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 305). En ceste partie dit l'ystoire que Remondin, qui fort estoit en amourez de sa dame, se party de Poictiers, tous seulx, et erra tant qu'il vint en la haulte forest de Coulombiers, et descendy la montaigne aval, et vint a la fontaine, ou il trouva sa dame qui moult liement le receupt (ARRAS, c.1392-1393, 35). Et estoit le soudant moult en amourez de Gieffroy, et lui tenoit tousjours compaignie, et lui offroit tousjours tout le plaisir qu'il lui pourroit faire. (ARRAS, c.1392-1393, 237).

 

b)

[D'une chose] "Propre à l'amour" : ...qui congnoist la vie enamourée Celle honnourer doit bien, quant pour amans Est mére ainsi bonne et lie (Mir. nat. N.S.J.C., c.1343, 246).

 

4.

Inf. subst. "Fait d'être amoureux" : ...C'est qu'il mette cuer et entente A li servir et honnourer Pour son cuer par enamourer. (MACH., D. Aler., a.1349, 264).

B. -

"(Faire) devenir désireux de qqc."

 

1.

Enamourer qqc. "Se prendre à aimer qqc." : ...il avoit si enamouré le royaume de France qu'il se tourna François (FROISS., Chron. L., VII, c.1375-1400, 115).

 

2.

Enamourer qqn à faire qqc. Susciter chez qqn le désir de faire qqc. : "Une fois ou deux je li ay oy dire que quant le roy de Cippre fu en son pays de Berne et il li remonstra le voyage du Saint Sepulcre, il l'en enamora si à faire ung grant conquest par delà que se le roy de France et le roy d'Engleterre y feussent alez, après eulx ce eust esté le sire qui y eust mené la plus grant route." (FROISS., Chron. M., XII, c.1375-1400, 46).

 

3.

Part. passé en empl. adj. [D'une chose]

 

-

"Qui est aimé ; d'où cher, précieux" : C'est ceus qui par se force a no terre sauvée, C'est ly Dieu de proesche, c'est cose enamourée (Hugues Capet L., c.1358, 169).

 

-

Enamouré de. "Qui est rendu agréable, plaisant par" : Lors m'assis et se m'acoutay, Se resgarday et escoutay Celle part ou mes cuers tendoit De l'esprivier qu'il atendoit. Si fis une grant demourée, Mais elle estoit enamourée D'un moult trés gracieus plaisir Qui tenoit en pais mon desir, Au conseil de bonne esperence Qui m'affioit par couvenance, A grant deliberation, De venir a m'entention. (MACH., D. Aler., a.1349, 270).
 

DMF 2020 - MAJ 2020 Robert Martin

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