C.N.R.S.
 
Article complet 
StructureSans exempleCompletFormesExemples
FamilleTextesSourcesImpressionAide à la lecture
     EMPRUNTER     
FEW IV impromutuare
EMPRUNTER, verbe
[T-L : emprunter ; GD : emprunter ; GDC : emprunter ; AND : emprompter ; DÉCT : emprunter ; FEW IV, 606a : impromutuare ; TLF : VII, 994a : emprunter]

A. -

Emprunter qqc. (à/de qqn). "Se faire prêter (de l'argent), obtenir (une somme) à titre de prêt" : Tu sambles trop bien a celui Qui a emprunté de l'autrui, Et quant il est temps qu'il le rende, Il a courrous, s'on li demande. (MACH., R. Fort., c.1341, 97). Ou se hors dou païs vues traire Et aler en estrange terre Honneur et vasselage aquerre, Soit en Castelle ou en Grenade, Qui est une voie moult sade, En Alemaingne, en Rommenie Ou en Prusse ou en Lombardie, Plus priveement t'aideras Dou tien que ne l'emprunteras. (MACH., C. ami, 1357, 116). ...un marchant qui avoit emprunté argent d'un juif (Mir. march. juif, c.1377, 171). Se me prestes de ton avoir (...), Je le cuit si multiplier Qu'autre jamais n'emprunteray (Mir. march. juif, c.1377, 190). Et convint le roi d'Engleterre (...) enprunter a Jaquemon d'Artevelle, son compere, et a tout le pais de Flandres chienqante mille mars (FROISS., Chron. D., p.1400, 450). ...a fait et fait emprunter de toutes gens et par tout son royaume, sans distinction, soient moinnes, chanoinnes ou clers, bourgois ou autres, finance importable. (BAYE, I, 1400-1410, 332). Et pour donner foy plus grandement, il emprompta tout l'or et l'argent qu'ilz avoient, adfin de paier celle gent. (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 55). ...car il a falu qu'il [l'évêque de Laon] ait emprunté argent de toutes pars pour payer la somme a laquelle il a esté mis (JUV. URS., Nescio, 1445, 486). LE CRESTIEN [au juif]. Vers vous venoye [pour] emprunter or ou monnoye, Car je vous jure en verité Que j'en ay grant necessité Et telle que je n'en puis plus. LE JUIF. (...) Jamais ne preste riens sans gaige. Selon le gaige que j'auray, Tres voulentiers vous presteray (...). LE CRESTIEN. Dessoubz une obligation D'ypoteque de biens et corps, Nous serés vous misericors ? Car, certes, de gaige n'ay point. (Mir. st Nic. juif, c.1480-1500, 87). ...aller devers le roy Epamundian, querir le puisné filz Emuchas en ostage, pour certain argent que son pere avoit emprunté (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 51 v°).

 

-

Emprunter de l'argent sur qqc. "Obtenir à titre de prêt une certaine somme d'argent en échange de qqc. (d'un objet laissé en gage)" : Et, ce fait, porta yceulx et bailla en garde à damoiselle Jehennette de La Haye, afin que sur iceulx aneaux elle emprumptast de l'argent pour li baillier. (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 196). ...[il] cogneut icelle tasse d'argent avoir, dimenche derrenierement passé, au soir, prinse en l'ostel dudit Jaquemin, et que pour ce qu'il n'avoit point d'argent, il, oujourd'uy, avoit icelle portée en la rue aus Juifs, pour la vendre ou emprumpter argent dessus (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 157).

 

-

Empl. abs. : ...[le duc de Guerles] despendoit tous les ans IIII. foiz plus qu'il n'avoit de revenue, empruntoit aux Lombars à tous lez, car il estoit en dons larges et oultrageux, et se endebta tellement que il ne se povoit aydier de chose nulle qu'il euist (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 144). ...saches que mais je ne truiz Nul qui me vueille riens prester, Si que vaz ailleurs emprunter (Mir. march. juif, c.1377, 186). ...se il avient qu'elle emprunte, se elle veult bien garder tous les termes et poins de honneur, doit rendre sans faillir a jour nommé (CHR. PIZ., Trois vertus W.H., c.1405, 69). TESTE LIGIERE. Nully ne voulloit rien prester. SOCTE MYNE. On ne trouvoit ou emprumpter. (Sots, c.1480-1500, 272).

 

-

Emprunter sur sa vie : Mais l'amme de moy soit en enfer exillie Se je ne sui armés c'on ne le verra mie, Car on ne doit pas tant enprunter sus sa vie ! (Renaut Mont. B.N. V., c.1350-1400, 302).

 

-

[Ds un cont. grivois] Emprunter un pain sur le temps à venir. "Faire quelque chose avant le moment prévu ou autorisé pour cela" : Advint que ce fiancé, désirant très-fort prévenir le jour des nopces et emprunter ung pain dessus le temps advenir, espia ung coup que la mère de la fiancée n'estoit point à la maison. (TARDIF, Facéties Pogge D.H.-P., c.1490, 232).

B. -

P. ext.

 

1.

"Prendre qqc. à qqn pour l'utiliser transitoirement, pour se l'approprier comme si c'était à soi-même" : ...ilz arresterent en la rue de la Vennerie, en l'ostel d'une femme qui serence chanvre, à laquelle femme icellui homme emprumpta un pois, illec pesa ladite tasse d'argent (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 345). Et sy ont prins [ces femmes] et empruntez Habiz d'ommes couvertement, Ou quel chascun jour, patemment, Visitent tous les prisonniers Qu'ilz sont tenus en tes dangiers (Myst. st Adr. P., c.1450-1485, 141). Et les officiers qui avoient acoustumé servir ledit seigneur de Beaujeu, comme escuyers tranchans et autres, furent contrainctz le servir nudz, sans chausses, bonnéz ne autres abillemens, synon les aucuns qui avoient de petis prepoins, hocquetons et petis abillemens qu'ilz avoient empruntez. (LE CLERC, Interp. Roye, c.1502, 326).

 

-

[Dans un tournoi] Emprunter place. "Réserver une place" : ...envoya son ambassade par devers le Conte lui segnefiier que ung moult grant tournoy se devoit faire a Brouxelles a l'encontre du seigneur de Hazebain qui la avoit empruntee place (Messire Gilles de Chin L.-R., c.1400, 186).

 

-

Prov. Qui emprunte ne choisit pas : Odefortuné, En mal fuz pieça destiné, Mais il ne choisit pas qui emprunte. (HAUTEV., Conf. Test. am. tresp. B., c.1441-1447, 89). Quel couleur vous semble plus belle D'ung gris vert ou d'une brunette Ou d'aultre ? Il le me fault sçavoir. GUILLEMETTE. Tel que vous le pourrez avoir : Qui emprunte ne choisist mye. (Path. D., c.1456-1469, 54).

 

2.

"Prendre qqn pour le mettre passagèrement à son service" : Quant ilz eurent partout paiet, Geronnet emprunta hommes et chevaulx, pour eulx mener jusques à Calusset et pour ramener les chevaulx (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 204). ...si aucunesfoiz le bon mary alloit dehors, il n'avoit garde d'emmener son clerc ; plustost eust emprunté ung serviteur a ses voisins que l'aultre n'eust gardé l'ostel (C.N.N., c.1456-1467, 96). C'est vostre chambriere, dist l'escuier, qui me porte rendre ou elle m'avoit emprunté. [Empl. iron.] (C.N.N., c.1456-1467, 124). Aussi ces povres famelettes Qui vielles sont et n'ont de quoy, Quant ilz voient ces pucellettes Empruncter elles a requoy, Ilz demandent a Dieu pourquoy Sy tost nacquirent n'a quel droit. Nostre Seigneur se taist tout quoy, Car au tancer il le perdroit. (VILLON, Test. R.H., 1461-1462, 52). Item, se ilz ont congneu que aux roolles des monstres il y avoit eu aulcune fraude ou abus au dommaige et prejudice du roy, et en quelle maniere, pour ce que on dit que aucunes foys on mettoit es roolles noms interposés et empruntoit on les gens pour estre à la monstre seulement, dont les capitaines avoient les gaiges. (LE CLERC, Interp. Roye, c.1502, 345).

 

-

[Un enfant illégitime] "Prendre, obtenir" : Bien est vray que ladite Agnès eust une fille, laquelle ne vesquit guères, et qu'elle disoit estre et appartenir au roy, et luy donnoit comme au mieux et plus apparent ; mais le roy s'en est toujours fort excusé et n'y réclama oncques rien.. Aussi y avoit-il d'autre bien grants seigneuries en même temps qu'elle avec cette royne de Sicile, parquoy elle pouvoit bien l'avoir empruntée et gaignée d'ailleurs. (CHART. J., Chron. Ch. VII, V., t.2, c.1437-1464, 184).

 

-

Part. prés. en empl. subst. Un emprunté. "Un remplaçant provisoire, occasionnel" : ...veu la bonne conduite qui est en sa personne, il doit mieulx avoir le gouvernement de cest ost que moy, qui ne suis que ung emprunté, dont lui rens la charge qu'il lui avoit pleu de moy baillier et donner. (Percef. III, R., t.1, c.1450 [c.1340], 358).

C. -

Au fig. part. passé en empl. adj.

 

1.

"Contraint, gêné"

 

-

Faire l'emprunté. "Avoir l'air contraint, gêné" : ...trop fort estoit estourdis Pour la cheüte, ce m'est vis.Et, si tost qu'il se poet ravoir, Vous devés vraiement savoir Qu'il ne fist mies l'emprunté, Ançois a contre lui enté La targe et a trette l'espée. (FROISS., Méliad. L., t.1, 1373-1388, 134).

 

2.

"Qui est pris ailleurs" : Bon est que (nous) nous deguison D'une figure empruntee. (GUILL. DIGULL., Pèler. âme S., c.1355-1358, 159). ...jaçoit ce que ad ce composer riens du mien, n'y ay peu, ne puis emploïer, comme il soit que je ne use que de matiere et chose empruntée et qui texissue ne soit que d'aulcun fil ou layne, car, comme dit le sage : "Nemo dat quod non habet" (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 1 v°).

 

-

Prison empruntee. "Prison qui n'est pas celle où le prisonnier devrait être" : ...et icellui ramené ou Chastellet, son cas publié, et au vespre rendu au chapitre de Paris (...) puiz remené comme en prison empruntée en ladicte forteresse (BAYE, II, 1411-1417, 249). ...il recongnoissoit, que autres pluiseurs fois, quant on avoit mis prisonniers du prevost en prisons empruntées, en ladicte Conciergerie ou ailleurs à Paris, hors Chastellet, que sans commandement dudit prevost ou de ses lieutenans, il et ceulz qui ont esté en son office, de leur auctorité avoient escript cedules et escroes pour amener oudit Chastellet les prisonniers dudit prevost qui estoient en prisons empruntées. (FAUQ., I, 1417-1420, 274).

 

3.

"Qui n'est pas à soi, qui est mal adapté" : ...ce aussi que ledit mantel n'est aucunement habile de façon sur le corps dudit prisonnier, mais semble que ce soit un habit emprumpté, et que icellui prisonnier n'a aucune chemise vestue (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 276).

 

-

[D'une canne, d'une béquille, p. oppos. à membre naturel] Membre emprunté : N'est pas merveilles, se bastons Ou potences queroit uns homs Mal jambu ou a mauvais pies Ou qui es jambes est froissies ; Mes qui a les jambes sainnes Et bons pies pour asses paines Soustenir, se quiert potence Pour soy soustenir, lasch' en ce Sera dit, car mieux vault asses Naturel membre qu'empruntes. (GUILL. DIGULL., Pèler. âme S., c.1355-1358, 266).

 

-

"Factice" : ...sans y garder ne observer aucune ordre de droit ne de justice, ne appeller gens expers en icelle matiere, fors eulx qui n'y entendent riens, mais usans d'auctorité empruntée et de la raison contenue en ce mectre de Juvenal : Sic volo, sic jubeo, sit pro racione voluntas l'ont calumpniée de supersticion ou susdicts livres contre toute verité (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 2 v°).

D. -

ARITHM. "Dans une soustraction, lorsque le chiffre inférieur est plus grand que le chiffre supérieur, prendre, emprunter une dizaine au chiffre précédent et l'ajouter au chiffre supérieur pour que la soustraction soit possible" : Si tu veux soustraire le nombre B [2347] du nombre A [23001], tu dois commencier aux derrenieres figures et pour ce que la derreniere figure de B vault sept et la derreniere de A vault un, pour tant il faut emprunter dix a la figure d'aprés (...) et mectre le dix que tu as empruntéz avec un que tu avoies par devant, qui font onze, desquelz onze tu osteras sept, le quelx tu ne pouoies oster par devant : et ainsi demourront quatre les quelz tu figureras en lieu de la figure de un. Oultre olus la seconde figure de A laquelle vault .IX. a cause de l'emprunt devant fait, et ainsi demourront cinq, lesquelx tu figureras en son lieu. (LEGRAND, Archil. Sophie B., c.1400, 247). Et s'il convient enlever une majeur, adonc fault emprunter une 10e, et de 10 adjoustez avec la figure mineur qui doit estre du nombre superieur l'on doit faire sa soustraction en couchant le reste au dessoubz d'icelle, et puis l'on doit tenir .I. en son entendement (que l'on avoit emprunté) que l'on doit adjouster avec la prochaine figure aprés ensuyvant du nombre inferieur se figure y a. (NIC. CHUQUET, Triparty, 1484. In : Chrestom. R., 85).
 

DMF 2020 - Article revu en 2015 Robert Martin / Pierre Cromer

Fermer la fenêtre