C.N.R.S.
 
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     ÉMOUVOIR     
FEW III exmovere
ESMOUVOIR, verbe
[T-L : esmovoir ; GD : esmovoir ; GDC : esmoveir ; AND : esmoveir ; DÉCT : esmovoir ; FEW III, 300a : exmovere ; TLF : VII, 949b : émouvoir]

I. -

Au propre [L'objet préexiste à l'action ; idée de mouvement imprimé à cet objet]

A. -

Esmouvoir qqn

 

1.

Empl. trans. "Mettre en mouvement qqn par des exhortations" : ...messires Hervis de Lion, pour porter a ceuls de l'ost contraire et damage, esmeut les compagnons saudoiiers et auquns jones honmes bourgois de Nantes. Et sallirent hors a une ajournee par la posterne de Ricebourc (FROISS., Chron. D., p.1400, 496).

 

-

"Réveiller, mettre en alerte, mettre en branle (une collectivité)" : "Sonnés, sonnés les cloces ! Esmouvés la ville !" On fist son conmandement, les cloces furent sonnees a esfort ; toutes gens sallirent sus (FROISS., Chron. D., p.1400, 353).

 

-

"Mettre en mouvement (une armée)" : De ce partout va la nouvelle, Et, quant vint la saison nouvelle, Lors fu celle grant ost esmeue, Adont n'i remaint homme en mue, Qui armeüres peust porter. (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 310).

 

-

"Faire partir qqn, en l'effrayant" : Quant Bruns de la Montaigne ot sa mére perdue, Et que ralée en fu dont elle estoit venue, Il ne sot que penser qu'elle estoit devenue, Il ne sot que penser qu'elle estoit devenue : D'ire et de mautalent tout li cors li tressue, Si a dit a Butor : "Vous l'avez esmeüe, Mais je fois sairement a Dieu qui fist la nue Que jamais ne girai en ceste tour cremue (...) Jusqu'a tant que j'avrai la nouvelle seüe..." (Brun de la Mont. M., c.1350-1400, 99).

 

2.

Empl. pronom. "Se mettre en mouvement" : C'est fait ; or nous fault esmouvoir D'aler nous ent. (Mir. march. larr., c.1349, 104). ...vous reustes le courage Trop ligier quant vous le creustes Ne quant pour ce vous esmeustes A ci venir. (Mir. mère pape, c.1355, 381). Adont s'esmurent chil signeur et leurs gens une partie, et une partie en laissièrent en Lambale pour le garder. (FROISS., Chron. R., VIII, c.1375-1400, 203). Le jour s'apparu, la messe fu chantee, les trompettes sonnerent, l'avant garde s'esmuet et le sommage et le charroy après, et puis tout l'ost. (ARRAS, c.1392-1393, 157). Le couvent se alla esmouvoir, et feirent les bonnes religieuses entre elles ung consistoire (C.N.N., c.1456-1467, 143). Et, ainsi qu'on menoit lesdiz quatre barons après lesdiz Henry et Warwyk, pluseurs de ladicte ville de Londres s'esmeurent et vindrent tuer l'un des diz quatre barons, nommé le seigneur de Scales, et lui baillerent plusieurs cops orbes (ROYE, Chron. scand., I, 1460-1483, 8).

 

-

S'esmouvoir à chemin. "Se mettre en route" : Quant jour fut, ces marchans (...) s'esmurent à chemin (LE BEL, Chron. V.D., t.1, 1358, 278).

B. -

Esmouvoir un animal

 

-

CHASSE "Lever (un animal)" : Chastellain, pour voir vous affi Qu'ilz ont un grant lievre esmeu (Mir. femme roy Port., c.1342, 157).

 

-

Empl. intrans. ou pronom.

 

.

"Se mettre à courir" : Se je voy lievres esmouvoir, Je lairay les levriers aler. (Mir. femme roy Port., c.1342, 152). ...chierfs ou bisses ou ours (...) s'esmouvoient et fuioient devant ces banières et ces gens à cheval (FROISS., Chron. L., I, c.1375-1400, 57).

 

.

"S'animer, s'agiter, s'exciter" : ...après vindrent IJ vallès de son hostel à IJ chevaulx en la place non pavée pour trocer leur chevaulx qui s'esmurent pour les enfans qui cifloient (BAYE, I, 1400-1410, 107). ...et en passant devent les enfans qui pipoient, comme aucune foiz font, le cheval s'esmut et esclissa aucuns (BAYE, I, 1400-1410, 107).

C. -

Esmouvoir qqc.

 

1.

Empl. trans.

 

a)

"Remuer qqc" : Et quant il s'en apperceust, il commanda a Suppronis Nauticius que, le plus celeement qu'il porroit, preist tous les gens et hommes de bagaige qui sievoient son ost, tant a cheval comme a p(a)ié, et que chascun portast ung grant ramille que ilz traynassent après eulx, pour esmouvoir la pouldre, et venissent le pendant d'une montaigne, affin que les deux ostz le peussent veoir, et feissent aussy le plus grant tumulte de noize et de cris qu'ilz porroient. (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 57).

 

-

"Bouger (une partie du corps)" : C'est, affin que en peu de chose je en mecte exemple, qu'il rie sans les dens moustrer, qu'il regarde sans les yeulx en bas fichier, qu'il parle sans extendre les mains et sans faire signe du doy, sans tordre les levres, sans jecter la teste, sans eslever les surcilz, sans compter ses pas, sans eslever les bras, sans esmouvoir les espaules (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 250).

 

b)

Esmouvoir les chasteaux. "Lever le camp" : ...les filz d'Israel passérent ou desert de Synay, et esmurent les chastiaux aux conmandemens de Dieu. (Mir. st Ign., 1366, 72).

 

-

Esmouvoir le feu. "Activer le feu" : Soufflon, soufflon de grant maniere ! Esmeuz le feu soubz la chauldiere (Myst. st Laur. S.W., 1499, 277).

 

-

Esmouvoir son erre. "Se mettre en route" : ...Et puis esmut tantost son erre Pour aller ses ennemis querre (Tomb. Chartr. Trois contes S., c.1337-1339, 77).

 

-

En partic. [D'un élément naturel] "Faire bouger, soulever qqc." : ...Si que au landemain se parti. Mais il sera en tel parti, Einsois qu'il soit prime de jour, Qu'il n'ot onques si grant paour ; Qu'en mer leva une tempeste Qui toute l'esmuet et tempeste, Et qu'il n'i ot voile ne mast Que la tempeste ne tumast. Li vens fu gros, la mer s'enfla, Pour le vent qui trop fort souffla... (MACH., P. Alex., p.1369, 113). ...et fist plusieurs beaulx jugemens et, entre autres, il predist des grans vens qui furent si vehemens qu'ilz esmeurent les undes et les undes la terre, à l'occasion desquelles choses plusieurs ediffices furent subvertis. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 135 r°).

 

c)

"Mouvoir, mettre en mouvement (les humeurs, une substance corporelle)" : ...et il appert que la navigacion si esmeut les humeurs, et aussi fait autre commocion. (SAINT-GILLE, A.Y., 1362-1365, 73). ...toute matiere esmeue par tousse qui n'a point de yssue, de vertu foible, c'est signe mortel, car elle estouffe et fait venir oregnion (GORDON, Prat., c.1450-1500, IV, 4).

 

2.

Empl. intrans. ou pronom.

 

a)

[D'un élément naturel] "Se mettre en mouvement, s'élever" : Foudres, tempestes et espars, Qui lors veïst de toutes pars Espartir mervilleusement Et tonner trés horriblement, Venter, gresler, et fort plouvoir, Les nues, la mer esmouvoir, Bois trambler, rivieres courir, Et, pour doubtance de morir, Tout ce qui a vie seur terre Recept pour li garentir querre, C'estoit chose trop mervilleuse... (MACH., J. R. Nav., 1349, 147). Si que li fel Altercans ot fait cel oultrageux omicide, la mer se commença a engrossier et a enfler, et li airs fu troublés, li cieulx s'ouvry, et saillirent druement tonnerre et esclistre, et s'esmeurent li vens si grossement qu'il estoit bien avis que li mondes deüst finer. (Bérinus, I, c.1350-1370, 132). Quant les anettes sentent la tempeste esmouvoir en l'air, et qu'elles vollent et crient sur l'eaue, bien scevent que pleuve aront sans tempeste (Ev. Quen., II, c.1466-1474, 128). Michel de Falaise, docteur à Paris et chanoine Nostre Dame de Chartres, fut en ce temps, qui, chacun an faisoit les prenosticacions sur la revolucion des ans et sur une dist que le fleuve de Alisiam ["la Lys"] nommé tant se esmouveroit et que les ymbres seroient cy très grandes et, par ce, les terres si très molles et embeues d'eaue, qu'il fauldroit XXX chevaulx à mener un muy de vin ou ung toneau (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 132 r°).

 

b)

[Du vin dans le tonneau] "Se troubler" : Celui qui oeuvre le tonnel doit considerer la nascence des estoilles, car lors le vin s'esmeut (Rustican H., 1373-1374, 101).

 

c)

[Des humeurs, de substances corporelles] : Selon les divers regars de la lune s'esmeuvent les humeurs et les maladies ou corps, si comme il appert de ceulx qui sont lunatiques, et de ceulx qui cheent du hault mal, qui sont plus grevez en un aage de la lune qu'en l'autre. (CORBECHON, Soleil Lune S., 1372, 354). ...et se on taste la face, le cuir et le poulz ilz se debatent et esmeuvent de plus en plus (GORDON, Prat., c.1450-1500, I, 2).

 

d)

[D'une plaie] "Se rouvrir" : Et sus la mer, pour la marine, ses plaies s'esmurent tellement et si le ragreverent que, li retourné en Engleterre, il ne vesqui point depuis longement, mais morut. (FROISS., Chron. D., p.1400, 576).

 

-

[Du sang] "Se mettre à couler" : Lequel Mathurin fut emporté et mené au lieu de Rechauveteau, auquel lieu il fut par l'espace de XV. jours, et disoit-on qu'il estoit guery, mais depuis, par ce qu'il fut remué de lieu en autre sur une charrete, son sang se esmeut, dont il rencheut, tellement que, par mauvais gouvernement ou autrement, deux ou troys jours après, il ala de vie à trespas. (Doc. Poitou G., t.12, 1477, 169).

 

e)

[Du corps] "Être pris de tremblements, de spasmes ?" : ...celui en quel entente ["à l'intention de qui"] l'en faisoit ceste chose [envoûtement], il lui sambloit que l'en le piquast d'aguilles parmi le corps, telement li esmouvoit et espoingnoit le corps. (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 306).

 

-

Part. passé en empl. adj. "Agité de mouvements frénétiques" : ...là où le cuer est enflambé de yre, fait le viaire terrible et les yeulx fiers et estincellens, la langue empeschiés, et tout le corps esmeu et tremblant, les membres tous desordonnéz, piéz, mains et visage d'estranges mouvemens et contenances, ne lui laisse congnoistre ses amis, ne qui bien lui monstre ne avoir nul usage de raison, si que dit Senecque : Quant homme est plain de yre il ne voit riens fors toute forcenerie et mauvaistié. (CHR. PIZ., Paix W., 1412-1413, 172).

II. -

Au fig. [L'objet (quelqu'un) préexiste à l'action ; idée d'excitation ou d'émotion suscitée chez qqn]

A. -

Esmouvoir qqn/ s'esmouvoir de qqc.

 

1.

"Exciter qqn" : Car le Deable mesmes qui pourchasse icellui pechié en a honte quant on le fait. Et aussi quant une personne se corrompt par lui tout seul en veillant, et scet bien que c'est contre nature ; ou deshonnestement en faisant atouchemens mauvaiz par quoy personne soit esmeue, et en aucunes autres manieres qui ne sont honnestes a dire fors en confession. (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 39). Tu qu'adversité tourmente, Chair esmeult, et monde tente, Et malin esprit attente, Pour s'atente Pervertir et decepvoir... (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 83).

 

-

[De la concupiscence] : Biauté t'a pris et deceü Et concupiscence esmeü Et ton cuer ont si retourné Qu'a tous maus faire t'ont tourné, Quant a tort Susanne jugas. (MACH., C. ami, 1357, 14).

 

.

Estre esmu. "Être pris de désir sexuel" : ...mais elle, qui entendoit a autre chose que au deduit de son mary acomplir, si tost comme elle vit qu'il fu eschauffé et esmeü sur elle, si se commença a estordre de lui et a faire sa volenté contre lui, et moult fist la courrouciee, et cil se penoit moult d'elle rapaisier, en disant et faisant chose qui plaire lui deüst, comme cil qui trop l'amoit durement. (Bérinus, I, c.1350-1370, 25).

 

-

"Exciter (une partie du corps)" : Et par ce quant il ont froté, esmeües et eschauffées les parties catoilleuses, ceuls qui les veulent catoillier ne leur font mal. (ORESME, E.A.C., c.1370, 391).

 

2.

"Susciter une émotion, un sentiment chez qqn"

 

a)

Empl. trans.

 

-

[D'une chose]

 

.

"Apitoyer qqn" : Brief, d'enfer toutes les roïnes Plouroient larmes serpentines, Ce qu'onques mais ne fu veü ; Et ce si forment esmeü A le dieu de la chartre obscure Qu'il fist mander grant aleüre Erudice, et si la rendi Au pouette qui l'atendi (MACH., C. ami, 1357, 90).

 

.

"Remuer, agiter, bouleverser, troubler qqn" : Biauté t'a pris et deceü Et concupiscence esmeü Et ton cuer ont si retourné Qu'a tous maus faire t'ont tourné, Quant a tort Susanne jugas. (MACH., C. ami, 1357, 14). Quant la deesse descendi, Li cuers me fremy et trembla ; Et de ma dame il me sembla Que un petitet fu esmeüe Et troublee de sa venue... (MACH., Voir, 1364, 358).

 

-

Au passif.

 

.

Estre esmu. "Éprouver une émotion" : Et au devant il sont paisibles senz estre esmeüs. (ORESME, E.A., c.1370, 209).

 

.

Estre esmu de qqn. "Éprouver un sentiment amoureux pour qqn" : ...il [Estonné] monta tout seul a cheval, deliberé de jamais arrester, ne pour chault ne pour froit, tant qu'il avroit trouvé la pucelle Priande dont il estoit esmeu (Percef. III, R., t.2, c.1450 [c.1340], 16).

 

b)

Empl. intrans. ou pronom. (S')esmouvoir (de qqc.).

 

-

"Être touché par qqc." : Nous sommes si aisiez à esmouvoir de peu de chose ; quant il nous vient bonnes nouvelles, nous faisons si grant chière ; quant elles sont mauvaises, nous sommes si esbahiz. (BUEIL, II, 1461-1466, 135).

 

-

"S'inquiéter (de qqc.)" : Il les approchièrent de si près que jusques à l'entrer en leurs ribaudiaux, ne oncques les Gantois ne s'en esmeurent, et monstrèrent par samblant que il feussent tout resjouï de leur venue. (FROISS., Chron. R., X, c.1375-1400, 224). Mais est justice de tenir et garder son peuple en droit et de luy donner voye et ordonnance qu'il puist vivre en paix, par quoy il n'ait nulle cause de luy esmouvoir. (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 30). ...ou sont au jour d'ui cil Qui se mettent en tel peril Ne qui aient ferme couraige D'endurer bien ce mariaige, Sanz eulx courcer, sanz esmouvoir, Sanz eulx de leurs sieges mouvoir, C'est a dire de la pensée De seurté ? (DESCH., M.M., c.1385-1403, 343). Nulluy ne se doit esmouvoir Des grans fortunes de la guerre ; C'est pour y perdre ou pour avoir ; Nulluy n'est point sceur y conquerre. A qui y survient la tonnerre Ne se peut de ce garantir ; C'est la planete qui defferre Les combatans a son plaisir. (Myst. siège Orléans H., c.1480-1500, 482).

 

-

"Se laisser affecter, boulverser par qqc." : Et, ad ce propos, recite que ung jeusne adolescent, tres beau filz, se courousça a luy et par courrouz luy dit : «Se les gens me hayoient autant qu'il font toy, je feusse long temps a pendu.» Et Demoscenes, qui de riens ne s'esmeut, luy dit : «Et moy pareillement s'ilz m'amoient autant qu'il font toy.» (FILLASTRE, Traité Conseil H., c.1472-1473, 249).

 

-

[Du coeur] Esmouvoir à qqn.

 

.

"Se mettre à battre plus fort, être le siège d'une grande émotion" : Quant celle [la femme de Pharaon] l'enffant [Moïse] apperchut, Trestout le coeur lui en esmut, Et dist : "Dieu m'a toy envoyé ; Certes tu es bien avoyé ! Tresbien nourrir je te feray. Quant seras grant, par loy t'aray." (Renart contref. R.L., t.1, 1328-1342, 89). Le cuer m'en est si esmeu Que je n'ay oeil qui n'en lermoie. (Mir. Theod., 1357, 85). Mon paiement gist en vo douce attente, Mes nuit et jour Desirs pour vous me tempte, Que si m'esmoet le coer, au dire voir, Que je ne puis parfette joie avoir. (FROISS., Orl., 1368, 87). ...quant Numitor voit Remus (...) et le voit si très bel jouvenciel et si hardy en son parler et en tous ses fais, le coeur ly esmeust d'amour et de pitié (LA SALE, Sale D., 1451, 173).

 

.

"Se remplir d'ardeur" : Lors lui esmeut le couraige et dist en soy mesmes qu'il estoit homme perdu s'il ne faisoit tant d'armes qu'elle [la pucelle] lui fust presentee. (Percef. III, R., t.2, c.1450 [c.1340], 249).

B. -

Esmouvoir qqn à/en tel sentiment/s'esmouvoir en tel sentiment

 

1.

Empl. trans.

 

-

Esmouvoir qqn à/en tel sentiment. "Provoquer (tel sentiment) chez qqn, pousser qqn de façon à le mettre (dans tel état pychologique)" : Pour che, aprés che que l'Apostre eut dit aux Ephesiens : «Filz, obeïssiés a vos parens», il adjoindy : «Et vous peres, ne veulliés provoquier ou esmouvoir vos filz a ire». (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 233). "Nous ne savons que nos gens raporteront, ou paix ou guerre, car il n'est mies legiers à rapaisier et si a dallés li qui bien li esmouvera en courous." (FROISS., Chron. R., IX, c.1375-1400, 182). ...mais celui commence qui le provoque et esmeut a yre. (ORESME, E.A., c.1370, 308). Englés sont de mervilleuses conditions, chaut et boullant, tos esmeu en ire, tart apaisié ne amodé en douçour (FROISS., Chron. D., p.1400, 42). ...ceste pacience n'esmeut en rien sa mere a pitié ; mesmes luy dit : "Va t'en..." (C.N.N., c.1456-1467, 69).

 

2.

Empl. pronom. S'esmouvoir en tel sentiment. "Éprouver (tel sentiment)" : Sire, j'en feray mon devoir ; Ne vous esmouvez point en ire. (Mir. Barl. Josaph., c.1363, 282). Voir est que de voz jounes gens Plusieurs souvent si le gaboient Et de parolles l'assailloient, Mais onques ne s'en courrouçoit, N'en yre ne s'en esmouvoit, Ne n'avoit sur eulz pour c'envie. (Mir. st Alexis, 1382, 361). Mes serviteurs et moult d'autres ay je fait esmouvoir a couroux, et les ay esmeu a mal faire. (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 28).

 

3.

(Estre) esmu de/en tel sentiment. "Être possédé par (tel sentiment), éprouver (tel sentiment)" : Adont furent tous si esmeü en pitié qu'il fondoient en lermes, ne nulz ne vous savroit la grant doleur deviser que privé et estrange faisoient, et sur tous les autres la mere sentoit la grant destresse a son cuer, et s'escrioit: "Aimy !..." (Bérinus, I, c.1350-1370, 224). ...Un vallet d'aventure vi En ma chambre, et si vous plevi Que, tantost com je l'o veü, De joie eus le cuer esmeü. (MACH., Voir, 1364, 98). Par laquelle denonciacion ceulz de Thebes, esmeuz en ire, se combattirent comme forsenez et vaincquir ent la battaille sur les puissans. (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 55). Les Lacedoniens furent adcertenez par leurs espies que ceulx de Messines estoient de sy grant ire esmeux, que ilz devoient mener a la bactaille leurs femmes, leurs enffans, pour tous vaincre ou morir enssemble. (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 56). Dame Jehanne, esmeue de toute pitié, ne prenant pas garde -- non faisoient nulle des autres -- la ou Madame vouloit saillir, ly dist : "Helas!..." (LA SALE, J.S., 1456, 13). ...tout eschaufé et de courroux tresfort esmeu, vint au François (C.N.N., c.1456-1467, 57). Si advint que icelui Dauphin estoit amateur de science et avoit deux medicins, expers astrologiens, lesquieux il ayma moult et plus que lui, pour ce fut il [J. Gerson] esmeu d'envie et fut qui le meut à escripre [un pamphlet contre l'astrologie] (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 152 v°). Quand la dame eust bien savouree et entendue la parolle de son pere ataint de foiblesse par jeunez et contemplacions, elle, recongnoissant que c'estoit son pere, esmeue d'amour filialle, faindy de non le congnoistre (Fille comte Pontieu B., c.1465-1468, 105).

C. -

Part. passé en empl. adj. Esmu

 

-

"Touché" : Tant ay esté troublé en cuer Que ne vous puis dire a nul feur Conment j'ay esté esmeu De la paine qu'avez eu (Mir. st Lor., 1380, 185). Et lors l'empereur, esmeu Des paroles, si a veu Le cas, et du cheval descent, Et a celle femme en present Fist droit et satisfacion. (CHR. PIZ., Chem. estude P., 1402-1403, 245).

 

-

"Séduit, troublé" : Sy fut tant esmeu a cause de sa beauté qu'il ne lui challut qu'il feist, mais qu'il peust celle nuit couchier avec elle (Percef. III, R., t.1, c.1450 [c.1340], 347).

 

-

"Enthousiaste" : [Octavien, à la recherche de Margalie, la fille qu'il aime, rencontre une ancienne servante de celle-ci, prête à le consoler] Je ne sçay si ly bers luy joua de ses jeux, Car tousjours vers les dames estoit guaiz et songneux De faire ces besongnes dont on est sy honteux, Mais de demorer la n'estoit pas trop esmeux. (Flor. Octav. L., t.1, c.1356, 351).

 

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"Perturbé, agité" : Et icelui suppliant, esmeu ou courroucié, d'un vouge ou faucillon long emmanché, qu'il print ou trouva près de lui, frappa ledit Christofle (Chancell. Henri VI, L., t.2, 1427-1435, 69). ...[elle] alloit et venoit maintenant cy, maintenant la, tant estoit esmeue qu'il sembloit qu'elle fust ravye de son sens. (C.N.N., c.1456-1467, 572).

 

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"Indigné, scandalisé" : Et tost après assés IJ de l'Université vindrent à lui de par le recteur, si les salua tout esmeu de l'esclande que l'en faisoit à sa maison (BAYE, I, 1400-1410, 106).

 

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Avoir le sang tout esmu. "Être indigné" : Et quant li rois a ce veü, Il ot le sanc tout esmeü, Et dist : "Or tost, alez apres, Et si le sievez si de pres Que mort ou vif le ramenez, Lui, sa gent et toutes ses nez..." (MACH., P. Alex., p.1369, 17).

 

-

"En colère, furieux" : Adonc fut le roy courroucié et esmeü, et commença a trembler de courroux et de yre, et dist que il ne le creroit point, se il mesmes ne le veoit : "Et je te promet que, se je treuve les deux messagiers vifz et les lions occiz, je suis certain que ce a esté par ton fait..." (Bérinus, I, c.1350-1370, 309). Lequel suppliant, soy veant ainsi injurié et precipité, et estant fort esmeu, desplaisant et eschauffé desdictes injures, (...) print un espié en sa main (Chancell. Henri VI, L., t.2, 1427-1435, 66). Comme le duc arriva en sa presence, la voix luy trembloit, tant il estoit esmeü et prest de se courrousser. (COMM., I, 1489-1491, 143). Le gentil homme, a ces motz, jasoit qu'il fust esmeu et courroucé, ne se peut tenir de soubrire. (C.N.N., c.1456-1467, 149).

 

-

"Troublé, bouleversé" : Puis s'en repairierent li message vers la cité de Gamel a grant meschief et grant confusion, de quoy cilz de leur païs furent moult dolent et esmeü, quant il les virent repairier a tel douleur et a tel meschief que vous pouez oïr. (Bérinus, I, c.1350-1370, 127). ...la Court, advocas et procureurs et habitans de Paris furent tous esmeux et tourblez de ce que grant nombre de gens d'armes estoient venu devant Paris (BAYE, II, 1411-1417, 266). ...pour quoy les habitans d'icelle Ville furent fort esmeuz et effrayez. (FAUQ., I, 1417-1420, 136). Ung jour, si vint ung escuyer Vers moy, lequel me vint prier Que je luy feisse une balade, Disant qu'avoit esté malade, En dangier de perdre la vie, Et pource doubtoit que s'amye, Laquelle longtemps n'avoit veue, N'en fust dolentë ou esmeue, Si que pour la reconforter La balade luy fist porter, Laquelle je feiz doulcement, Et vous orrez tantost comment. (RÉGN., F.A., 1432-c.1465, 79).

 

-

"Animé d'ardeur" : Atant se tirerent chascun appart, fiers et esmeus l'un contre l'autre pour les parolles qu'ilz avoient eues enssamble. (Percef. III, R., t.1, c.1450 [c.1340], 37). Mais le chevalier, qui estoit chault de courage et esmeu, le attaindy tant vertueusement qu'il envoya homme et cheval enmy la plaine. (Percef. III, R., t.1, c.1450 [c.1340], 250).

III. -

[L'objet est suscité par l'action ; idée de déclenchement de qqc.]

A. -

Empl. trans.

 

1.

"Déclencher, engager (un conflit, une querelle)" : Si se doubterent moult la guerre a esmouvoir, car ilz estoient trop peu de gens contre les citoiens (Bérinus, I, c.1350-1370, 74). Contre nous [Satan] esmuet la querelle Et remettre nous veult arriere En la maison d'enfer chartriere ! (Myst. Adv. N.D. R., c.1360-1365, 62). ...il vault miex c'on s'encline A le faire a fin c'on l'acoise Que ce qu'il nous esmeuve noise, Riot ne guerre. (Mir. st Lor., 1380, 151). En cel an mesmes, moult grant guerre Leur esmut un roy de la terre De Gaule (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 265). Assez et plus que noz sens ne pevent redrecier ou noz paciences souffrir avons sur nous de discors et debas et sommes persecutez des divisions dedens et dehors, sans ceste nouvelle tençon esmouvoir, et si voulons ceulx ressembler qui voient le feu embrasé et esprins par leurs lieux et habitacions et sont en question pour debatre entre eulx qui le feu y a mis et et a qui le devoir de l'estaindre appartient. (CHART., Q. inv., 1422, 44). Le .XXIme. et derrain [chapitre] de Prudence traicte en quelle maniere le prince doit esmouvoir guerre et donner bataille, se besoing en est. (LA SALE, Sale D., 1451, 7). La guerre en fut esmeue ; dont les Rommains en furent les plus villonnez, et non pas mains dommaigés qu'ilz ne avoient esté par Hanibal, ne par aultre (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 36).

 

-

"Provoquer (une réaction)" : Et je le monstre et prouve, posé que une puissance esmeuve une resistance par certaine isneleté (ORESME, C.M., c.1377, 110).

 

2.

Esmouvoir un procès. "Commencer, intenter (un procès)" : Quant li citoien orent oÿ et entendu les raisons de Gieffroy, si furent tout esmaié, et Martains si eut grant doubtance qu'il ne perdesist, et bien voulsist qu'il n'eüst onques le plait esmeü, car sa besongne si estoit tournee en autre ploy qu'il n'esperoit. (Bérinus, I, c.1350-1370, 100). Quant cellui qui ceste chose avoit dicte et esmeüe entendi l'empereur, si fut moult courroucié et ot grant angoisse, car il aperçut et vist bien que il avoit tel plait esmeü dont il vaulsist mielx qu'il se feust teüz, mais droiture lui fist faire, et avoit nom Marcus, qui vault autant dire comme "gardeur de droiture" (Bérinus, II, c.1350-1370, 129). La sont tout aüné li baron chevalier Pour oïr Helyas esmouvoir son plaidier. (Chev. cygne P., c.1356, 66). ...li rois Phelippes emprist (...) ce messire Robert d'Artois en si grant haine en l'oqison d'un plait qui esmeus estoit en parlement a Paris, dont la conté d'Artois estoit cause. (FROISS., Chron. D., p.1400, 196). Nulz plais n'esmeus tant que pourras : Playdoyer fort l'homme desvoye (GARIN, Compl., 1460, 84).

 

3.

"Provoquer (des symptômes)" : Choses froides, si comme noif ou cristal, sont anemies et nuisans a la poitrine, car esmeuvent les toux, font decourir le sang, et si font les catarres. (SAINT-GILLE, A.Y., 1362-1365, 83).

 

4.

Au fig. [D'une chose abstr.] "Susciter (un sentiment)" : La vertu de fortitude doit esmouvoir la passion de fureur ou, se elle est esmeüe par nature, touzjours en tous les cas vertu la doit gouverner par raison. (ORESME, E.A.C., c.1370, 215).

B. -

Empl. pronom.

 

1.

[D'un conflit, d'une querelle] "S'élever" : Li rois d'Escoce, imaginans ces coses, pensoit bien que, ou temps a venir, si li rois d'Engleterre voloit proceder en ces demandes, gerre s'esmouveroit entre France et Engleterre (FROISS., Chron. D., p.1400, 236). En ce temps, a Romme sourdoyent Grans contens et moult s'esmouvoyent Entre le peuple et les signeurs (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 258). En ce temps, s'esmeut grande guerre entre les Liegois et le duc de Bourgongne, qui pour ceste cause se mist en armes et leur ala faire guerre (ROYE, Chron. scand., I, 1460-1483, 164). ...et partirent grant nombre de gens bien en point et chevaucherent jusques à une grosse ville champestre, laquelle ilz prindrent par force et là où ilz gaignerent grant butin et de bons prisonnyers, dont se esmeurent grans debats. (BUEIL, II, 1461-1466, 80). ...quelque noise se esmeut entre les tenans des dites jouxtes et quelques Allemans (LA VIGNE, V.N., p.1495, 261). Mais ce pendant se esmeut discencion entre monseigneur Charles et le duc de Bretaigne, par mauvais et sinistres rappors. (LE CLERC, Interp. Roye, c.1502, 199).

 

2.

[D'un procès] : Par le moien duquel affeblissement de monnoies, plusieurs seigneurs et autres gens à qui rentes d'argent estoient deues, furent fort intéressez, et à ceste cause s'en esmeurent plusieurs procès entre les parties. Et lors, de la monnoie dessusdicte, valoit une chevalée de blé VII ou VIII frans. (MONSTRELET, Chron. D.-A., t.4, c.1425-1440, 36).

 

-

Estre esmu : Avint que li rois Phelippes emprist et aquella ce messire Robert d'Artois en si grant haine en l'oqison d'un plait qui esmeus estoit en parlement a Paris, dont la conté d'Artois estoit cause. (FROISS., Chron. D., p.1400, 196).

IV. -

[L'objet premier préexiste à l'action ; l'objet second est suscité par l'action ; idée d'incitation à qqc., d'action exercée sur la volonté de qqn]

A. -

"Inciter, encourager qqn" : Gouvernement, qui bien servir sçavoit, Les officiers doulcement esmouvoit, Par parolles saiges et profitables. (MESCHIN., Lun. princes M.-G., c.1461-1465, 19).

 

-

[En mauvaise part] "Pousser, exciter qqn" : SATAN. Aux princes de la loy m'en vois Pour les esmouvoir et tempter ; Quant ilz orront ce fait compter, Il y ara belles matines. (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 511).

B. -

Esmouvoir (qqn) à/en qqc. "Inciter, pousser qqn à qqc." : Semblablement je dy que la phisonomie nostre Dame esmouvoit les regardans a toute pureté et chasteté, et mortifioit luxurieuse cogitacion. (GERS., Concept., 1401, 424). ...en laquelle procession fu portée la vraye Crois et autres pluiseurs reliques et sainctuaires, pour esmouvoir plus en devocion et prieres envers Dieu les habitans de Paris (FAUQ., I, 1417-1420, 202).

 

.

[D'une chose] : Mais or est verité que sermons et persuasions peuent bien provoquer, exciter et esmouvoir a bien aucunes joenes genz (ORESME, E.A., c.1370, 530). ...ou comme nous veons es precieuses pierres que aucunes esmeuvent naturellement a leesce ? (GERS., Concept., 1401, 425). "A ! sire," dist Saintré, "ce n'est pas mon cuer ne moy, mais c'est honneur qui a ce tous nous esmeut, en laquelle vous partez." Et a tant le roy fut prest et s'en ala a la messe. (LA SALE, J.S., 1456, 237).

 

-

Esmouvoir qqn (à/de) + inf. "Pousser qqn à" : Les moz de grec pour lesquels il prent yci loenge ou loer signifient une loenge especial qui est de bien ordené a plus grant bien et est faite pour exciter et esmouvoir les personnes a estre meilleures et ainsi loent aucuns leurs dieux, et estoit derision (ORESME, E.A.C., c.1370, 139). Sire, s'il vous esmeut et boute En pensée de fame avoir, Vous l'en devez bon gré savoir (Mir. ste Bauth., c.1376, 82). Et fu celle crois a porter oultre mer preechie partout, et furent moult de peuple esmeu en cause de devotion d'aler oultre, se li voiages se faisoit. (FROISS., Chron. D., p.1400, 242). Et pour empetrer grace de dire chose sans erreur de la benoite Divinité et Trinité, pour nous enluminer chose aussy fructueuse, pour nous esmouvoir a bien ouvrer et Dieu amer, saluons le saint temple, la sale et habitacle singulier de la Divinité, la Vierge glorieuse (GERS., Trin., 1402, 151). ...qui est la chose qui ores vous a esmeu faire ceste requeste (LA SALE, J.S. E., 1456, 340). Bien estes fouls ! Qui vous esmeult A croire que [Jésus] filz de Dieu soit ? Come nous mange, dort et boit. (Pass. Auv., 1477, 160).

 

.

[D'une chose] : Mais on m'a dit que vous m'amez Et que souvent me reclamez, Et c'est ce qui m'a esmeü A venir, quant je l'ay sceü. Et certes, venir n'i osasse Tellement, se ne vous amasse. (MACH., F. am., c.1361, 188). ...Et tous ceulz en mon cuer tensai Qui m'avoient d'amer esmeü La belle qui m'a deceü (MACH., Voir, 1364, 716). Et avant que raison ait deliberé du tout et ordené la maniere, la chaleur et la hastiveté de yre esmeut a proceder plus tost et autrement que il n'appartient (ORESME, E.A.C., c.1370, 383). Ainsi que dist Vegesse de la grant division qui fust en la très noble et puissant cité de Cassis, par laquelle division les Rommains furent esmeux y mander Anibal le Rommain (LA SALE, Sale D., 1451, 96). "...Mais je vous prie que vous me dictes qui est la chose qui ores vous a esmeu faire ceste requeste a Monseigneur ?" (LA SALE, J.S., 1456, 226).

 

-

Au passif. [D'un animal] Estre esmu à faire qqc. : Donques ce que il [les bestes sauvages] sont esmeües a faire par douleur et fureur n'est pas operacion de fortitude. (ORESME, E.A., c.1370, 214).

 

-

Esmouvoir qqn (à ce) que + sub. : Siques vous revenu en Engleterre, esmouvé le a ce que, a une qantité de gens d'armes et d'archiers, il viengne de ça la mer et face venir de la finance. (FROISS., Chron. D., p.1400, 263). ...la moderacion de Pictacus nous semont et esmeult que nous ramentevons les moderacions des Sept Saiges par la maniere qui s'ensieut. (LA SALE, Sale D., 1451, 73).

 

-

Part. passé en empl. adj.

 

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Esmu. "Poussé par la tentation" : ...et d'illec il, par ladite temptacion, ala ou bouge par bas dudit hostel, ouquel il trouva la dame dudit hostel qui filoit sa quenouille, à laquelle il, comme tout esmeu, dist ces paroles : Dame, il convient que vous me bailliez de l'argent. (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 378).

 

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Esmu de + inf. "Excité, désireux de" : ...Englois sont a pee descendu, Qui moult ont le coer esmoeu De gaigner et conquere honour. (HÉRAUT CHANDOS, Vie Prince Noir T., c.1385, 135).

C. -

En partic. [Incitation à la révolte]

 

-

Esmouvoir qqn (à l'encontre de/contre/sur qqn). "Mettre en mouvement, faire mouvoir, exciter qqn, inciter qqn à la révolte (contre qqn)" : ...ces maleoites gens, pour mieux tourbler le roiaulme et esmouvoir le peuple, avoient mis avant et semet ces paroles. (FROISS., Chron. R., X, c.1375-1400, 129). Encores de rechief, il leur pardonna cel outrage pour eulx tenir en paix, et sur che il esmeurent toute Flandres un jour sur li. (FROISS., Chron. R., IX, c.1375-1400, 223). Item, comment toute Grece fu esmeue pour le ravissement de Helayne. (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 2). Parseüs, roy Phelipe filz, Dont cy dessus mencion feïs, Aprés la mort son pere fu Rebelle a Romme, et, en reffu Mist des Rommains la signeurie, Et, par luy et sa flaterie, Li Bastarnain furent esmeu Contre Rommains et mal meü (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 245). ...dont lesdiz pages s'en fuirent, comme l'en dit, audit hostel ou environ, et esmurent lesdiz maufaicteurs qui vindrent en grant fureur, et firent lesdiz excès. (BAYE, I, 1400-1410, 94). Si fut le peuple ligier à esmouvoir et saillirent hors de la ville de Gand en deux compaignies, dont en la premiere compaignie eust vingt cinq mille hommes esleuz et nombrez, sans les gens de cheval, Angloix et aultres (LA MARCHE, Mém., II, c.1470, 315). ...lesquelz, par promesse, le roy a voulu faire atraire et esmouvoir à l'encontre de nous, mais par la bonté divine seront convaincues toutes telles cautelles et frauduleuses malices (LE CLERC, Interp. Roye, c.1502, 260).

 

-

Esmouvoir une esmotion "Susciter un mouvement de révolte" : Icelluy serviteur dist et declaira que par l'ordonnance dudit archevesque il avoit esté à Saint-Fergeau, devers Geuffroy Cueur, qui estoit audit lieu, pour luy notiffier et dire qu'il gardast bien la place dudit Saint-Fergeau, pour celle émocion qui estoit esmeue par le duc de Berry et les seigneurs de France contre le roy (LE CLERC, Interp. Roye, c.1502, 178).

 

-

Empl. pronom. Se esmouvoir (contre qqn/qqc.). "Se soulever" : ...se nous estions reculé par force d'armes, et nos chevaulx pris et perdus, nous n'en porrions aler avant. Nous sommes long de noz fors. Le pays s'esmouveroit, nous serions poursievis et en aventure d'estre tout mort sans remede. (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 211). Et comme aultresfoys a esté monstré a vos predecesseurs, se vous ou vos officiers voulliez faire telles choses qui engendreroyent debat, controverse ou difference entre eulx et les gens d'esglise, une partie aspoir des nobles et du peuple seroient avec les gens d'esglise, et veux les abus que font vos officiers, se pourroient esmouvoir contre vostre justice, comme aultresfoys on a veu. (JUV. URS., Verba, 1452, 376).

 

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Empl. pronom. réciproque S'esmouvoir l'un contre l'autre. "Se dresser l'un contre l'autre" : Mais or vueil a Romme venir, Ou il ot mainte adversité Depuis, mesmes en la cité, Pour la racine du contens, Qui devant ot esté longtemps Entre euls, dont pluseurs fois esmeu Se sont l'un contre l'aultre et meu A bataille, par mal remors, Dont pluseurs en y ot de mors. (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 264).

 

-

Part. passé en empl. adj. "Mis en mouvement, soulevé, excité" : Et finablement le peuple, qui estoit esmeu et armé, fu apaisié par la bonne diligence des gens du Conseil du Roy (FAUQ., II, 1421-1430, 18). ...mais il est vray et notoire que les communes du pays d'Almaigne estoient tellement eslevées et esmeues qu'elles ne tenoient seureté ne sauf conduit, ne obeissoient audit Roy des Romains (Ecorch. Ch. VII, T., 1438-1451, 149). Cy commencent les differences et cismes de l'esglise, en l'an de nostre seigneur mil CCCIIIIxx et ung ; c'est assavoir de pappe Urbain VIme, creé a Romme par crainte du peuple esmeu, que a fureur vouldrent avoir pappe rommain ou au moins ytalien. (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 188). ...et peut on ligierement entendre que ce peuple, esmeu et desreiglé, estoit parmy Gand en merveilleux nombre, armez et embastonnez (LA MARCHE, Mém., II, c.1470, 227).

 

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Estre esmu contre/sur qqn. "Être excité contre qqn" : Et les ametoit on que il avoient vendu Bourbourcq et Gravelines au roi de France, dont toute Engleterre en fu esmeue sour eux, et en furent en peril d'estre mort. (FROISS., Chron. R., XI, c.1375-1400, 152). Li dus, qui vei adont ses gens durement esmeus et courouciés sur lui, respondi si sagement et si bellement, que cette assamblée se departi par paix. (FROISS., Chron. R., VIII, c.1375-1400, 107). ...le roy estoit esmeus contre ses oncles et les plus haulx de toutte Angleterre et cilz encontre le roy (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 50).
 

DMF 2020 - Synthèse Pierre Cromer

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