C.N.R.S.
 
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     ÉLEVER     
FEW V levare
ESLEVER, verbe
[T-L : eslever ; GD : eslever1 ; GDC : eslever ; AND : eslever1 ; DÉCT : eslever ; FEW V, 277a : levare ; TLF : VII, 845b : élever1]

I. -

[Proche de enlever]

A. -

Elever qqn de / hors de. "Enlever qqn de" : ...après ce que Jehannin Cotin, pelletier de mons. de Chastiau-Fromont, ot plusieurs fois eu compaignie charnele à elle, fu par icellui Jehannin eslevée et admenée de ladite ville de Rilly en Anjou, et mise logier en certain lieu à Paris (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 315). ...ces douze chevaliers qui esleverent mon pere de ceste terre estoient rommains, car ilz le menerent jusques en la cité de Romme, la ou il a tant fait qu'il est parvenu a hault honneur (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 659). Et quant l'eure fut venue, vint le dit messire Floridan tout seul a l'ostel du pere au lieu que la pucelle lui avoit dit et monstré, auquel lieu il la trouva toute seulle, laquelle de son bon gre il esleva et mena hors du dit hostel jusques au lieu ou il avoit laissié ses gens. (RASSE BRUNH., Flor. Elvide B.N. C., a.1456, 6).

B. -

Eslever un animal de qq. part. "Faire sortir de qq. part" : ...le gentil chevalier par sa prouesse l'avoit eslevee [la Beste Glatissant] hors de sa caverne et chassee une grosse journee (Percef. III, R., t.2, c.1450 [c.1340], 263).

 

-

Eslever qqn hors de qqc. (une chose abstr.). "Faire sortir qqn hors de qqc." : N'est il nul homme qui m'eslieve De ma grant miserableté ? (LA VIGNE, S.M., 1496, 543).

II. -

[Idée de hauteur ou d'accès à une valeur supérieure]

A. -

Au propre [Idée de gagner en hauteur]

 

1.

[Avec mouvement]

 

a)

Empl. trans. Eslever qqc./qqn

 

-

"Mettre, porter, pousser vers le haut, soulever qqc." : Or entrez ci sanz demourée, Et eslevez au ciel voz yex. (Mir. emp. Julien, 1351, 208). ...ouquel porche il souleva et esleva l'uys de la chambre d'un compaignon (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 263). Je joing mes mains et eslieve mes yeulx et fleschiz mes genoulx devant toy, Dame tresbonnaire (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 8). ...tenez Le sacrifice sur l'autel Tandis qu'esleverons au ciel Nos mains, nos yeulx et nos pensees. (Myst. Incarn. Nat. L., t.1, c.1454-1474, 44). ...indifferanment proceder en toutes fractures de la teste en descouvrant, en ruginant, en trepanant et en eslevant les os avec instrument de fer (PANIS, Guidon, 1478, tr.III, doct.2, chap.1). Les instrumens capitals sont plusieurs : (...) premierement sont trepana qui sont pour faire pertuys pour eslever les os et sont de diverses manieres. (PANIS, Guidon, 1478, tr.III, doct.2, chap.1). La premiere [intention] de l'esguallement de l'os est complete a estandre deuement le membre et a eslever l'os deprimé et a abesser l'os eslevé sans douleur jusquez que les chefz des os soient ramenez en leur naturel estat. (PANIS, Guidon, 1478, tr.V, doct.1, chap.1).

 

.

[D'une chose] : ...les yaues du ciel se multipliérent et eslevérent l'arche. (Mir. march. larr., c.1349, 92). Et apres ce, il monte par violence pour ce que l'yaue eslieve cest air et se boute sous luy par sa pesanteur. (ORESME, C.M., c.1377, 70).

 

.

Au passif. "Faire l'objet d'un mouvement vers le haut" : Et celui qui disoit ainsi ne pensoit pas que par semblable raison, l'en peut demander de celle eaue qui soustient la terre par quoy elle est soustenue, car eaue qui est elevee en l'air n'i repose pas se elle ne est en chose qui la soustienne. (ORESME, C.M., c.1377, 542). Et cuider ou dire que de toutes ces choses la cause soit telle comme mettoit Democritus, ce n'est pas a droit dit, car il disoit que les exalacions ou vapeurs chaudes qui sont esleveez de l'eaue en haut rencontrent ces choses pesantes et laees et les reboutent en haut et empeeschent que elles ne peuent descendre, mais les pesantes et de figure estroite cheent et descendent en l'eaue pour ce que elles encontrent pou de teles chaudes exalacions. (ORESME, C.M., c.1377, 712).

 

-

En partic. "Faire monter à partir du sol, ériger (un édifice, une statue...)" : ...et, pour ceste merveille, lui fut, après sa mort, eslevé sepulcre merveilleux et lui donnerent ce nom Zoroastes (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 15 v°). ...car enciennement estoient aucuns ydollatres qui faisoient eslever aucuns simulacres ou ymages dont la representacion leur venoit premier en leur fentasie, et iceulx adoroient comme dieu (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 25 r°). ...et ung jour, en alant par la cité de Naples, vit une grande ydolle ou statue de marbre eslevée, laquelle avoit ung cercle de cuyvre ou chef (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 111 r°).

 

-

"Pendant la messe, tenir l'hostie vers le haut (Élévation)" : ...d'ung prestre boulenois qui eleva par deux fois le corps de Nostre Seigneur, en chantant une messe [l'Élévation] (C.N.N., c.1456-1467, 15).

 

-

Eslever qqn sur les fonts. "Porter (un enfant) sur les fonts baptismaux" : Et savez qu'elle vous a eslevé ès sains fons du baptesme et est vostre marine, vous a soustenu et porté en voz adversitez, et vous a esté sy bonne mere que vous estes tenus à elle et ne la devez jamais oublier. (LA MARCHE, Mém., I, c.1470, 129).

 

-

Estre eslevé. "Être exhalé" : ...donc les corps sont demourés sur la terre, par quoy fumees et broas, vapeurs horribles et puantes sont eslevees, qui sont cause de pestilence aux lieux d'environ (LE FORESTIER, Rég. épid. pest., 1495. In : Chrestom. R., 278).

 

-

"Mettre dans une position verticale"

 

.

[Un drapeau] : "Je conseille que (...) nous eslevons de nous meïsmes le pennon Saint Jorge..." (FROISS., Chron. R., X, c.1375-1400, 186).

 

.

P. anal. [D'une pers.] Eslever les oreilles. "Dresser l'oreille, écouter attentivement" : A ce mot toutes s'acorderent et firent adoncques tres hault silence, les oreilles eslevees pour reveremment escouter l'arrest de la sentence. (GERS., Concept., 1401, 405).

 

b)

Empl. pronom. réfl.

 

-

[D'une pers.] "Se dresser, se mettre debout" : ...combien que nous tenons que ung juge assis doit donner sa sentence, toutesvoye il [Jésus Christ] se esleva tout droit (JUV. URS., Aud. illos, 1432, 33).

 

.

S'eslever sur pieds : Ausquellez parollez, la dame, durement sangmerlee, s'esleva sur piés, qui a grand peine le povoient soubstenir (Fille comte Pontieu B., c.1465-1468, 83).

 

-

"Se mettre en route" : Deux chevaliers lors s'esleverent Pour aller sercher sainct Eustace. (Vie st Eust. 2 P., c.1400-1450, 209). ...et les Flamens, (...) s'esleverent tous à une flotte, et tous ensemble tirarent contre Gand (LA MARCHE, Mém., III, c.1470, 272).

 

.

"Lever le camp" : Longuement dura ce parlement, et affin de compte fut conclud que le duc de Bourgoingne s'esleveroit de devant Nuz et que l'Empereur deslogeroit de son camp, et que tous deux à une fois se deslogeroient et partiroient de leurs logis (LA MARCHE, Mém., III, c.1470, 100).

 

-

[D'une chose] "Monter en l'air" : Elevata est nubes, etc. : une nue s'esleva du tabernacle d'aliance (Mir. st Ign., 1366, 72). Chil qui faisoient le gait pour la nuit dedens Vennes, veirent les feus eslever contremont a celle heure la. Si furent tout esmervilliet, et quidierent de premiers que li feus fust en la ville. (FROISS., Chron. D., p.1400, 571).

 

.

[D'un végétal] "Se dresser" : Car il n'est ne flours ne foellette Qui ne se cointoie et oellette En li eslevant contremont (FROISS., Pris. am. F., 1372-1373, 115).

 

c)

Empl. factitif Eslever du gibier. "Faire lever (du gibier)" : Oïés du marrisael qui coer ot de lyon ; En .j. bos est entrés qui fu delès Noyon ; .I. porc ont ellevei [lui et son compagnon], si quachent de randon. (Baud. Sebourc B., t.2, c.1350, 217). Le roy entra au boys et tous ses chevalier. Ung porc ont eslevé grant merveilleux et fier (Gir. Vienne D.B., c.1350-1400, 206). Ançois que li roys eust ne barbe ne grenon, Aloit J jour chacier, o lui de gens foison : Ung grant cierf esleva qui couroit de randon. (Chev. cygne R., c.1356, 6). ...le beau roy Phelippe ala chacier en la forest de Biere, et eurent sa gent eslevé un sanglier grant et merveilleux (Chron. norm. 14e M., c.1369-1372, 30). Il advint une fois que il chaçoit ens es bois de Thesalle et esleva ung cerf merveilleux, grant et bel, et le chaça tout le jour. (FROISS., Chron. M., XII, c.1375-1400, 93).

 

2.

[Sans mouvement]

 

a)

(Estre) eslevé

 

-

[D'une pers., dans un contexte métaph.] "Grand, droit" : Celle damoiselle jolie Qui estoit a ce clerc amie, C'estoit li ente faitissete Comme une douce pucelette, Ou grant vergier d'Amours plantée. La pot estre si eslevée Et de branches si estendue Et de fueilles si bien vestue, De fleurs si cointement parée, Comme estre aus milleurs comparée. (MACH., J. R. Nav., 1349, 222).

 

-

[D'une partie du corps]

 

.

[Du ventre] "Gonflé par la grossesse" : Pour che aussi, entre aultres causes, comme dist saint Ambrose sur saint Luc ou second livre : "La Vierge Marie fut espousee a Joseph affin qu'ele ne fust touchie du diffame de fole virginité et que son ventre eslevé ne fust veü porter signe de corruption..." (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 357).

 

.

[Du nez] Eslevé. "Retroussé" : Le nez avoit traitiz [la reine Candasse], ung peu eslevé sur le bout a maniere d'un piet de pot de queuvre (WAUQUELIN, Faits conq. Alexandre H., c.1450, 347).

 

.

[Des hanches] "Haut, charnu" : [Que sont devenus (...)] Ces gentes espaulles menues [que j'avais moi, la belle Heaumière, dans ma jeunesse], Ces braz longs et ces mains traictisses, Petiz tetins, hanches charnues, Eslevees, propres et faictisses A tenir amoureuses lices, Ces larges reins, ce sadinet Assiz sur grosses fermes cuisses Dedens son petit jardinet ? (VILLON, Test. M., 1461-1462, 55).

 

.

[D'un sein] "Dressé" : Car elle avoit ses yeulx aussy clers comme deux estoilles, belle frontiere et large, le nez tresbien seant, les joues avoit vermeilles, coulourees d'une blanscheur parfaitte, les sourcilz compassés, qui faisoient ung petit d'ombre a la couleur de son visaige, les cheveux reluisans comme l'or, longs jusques au millieu du corps, la bouche avoit tresbien composee d'une rondeur atrempee, le col ung petit long, et ung petit plus bas les espaules belles et bien croyssees, et d'aultre part les deux mamelles petites et rondettes, eslevees sur le corps comme deux petites montaignetes. (BAGNYON, Hist. Charlem. K., c.1465-1470, 171).

 

-

[D'une chose] Estre eslevé. "Être placé dans une position haute" : Par quoy il appert clerement que .b., le lieu ou nous sommes, approcheroit du pole artique et seroit ce pole plus eslevé sus nostre hemispere que il n'est maintenant. (ORESME, C.M., c.1377, 570). Saint Augustin dist que Dieu est au monde non enclos, hors du monde sans estre exclus, par dessus le monde sans estre eslevé, dessoubz le monde sans estre deprimé ou debouté. (Somme abr., c.1477-1481, 136).

 

.

Droit eslevé. "Qui se dresse" : D'asur fin ot un chaperon, Qui fu semés tout environ De vers et jolis papegaus, Eslevés et tous parigaus (MACH., Voir, 1364, 214). Item, Averroÿs dist yci que il vit une de ces ydoles encore toute droite eslevee et en estant, et puis fu depecie et destruite par les Barbares qui orent guerre contre les gens de celle isle en l'an de la predicacion de Mahomet CCCC et XXX ; ce fu environ l'an de grace mil et cinquante et VII. (ORESME, C.M., c.1377, 566).

 

b)

Part. passé en empl. adj. [Idée de relief, de saillie en orfèvrerie, en broderie...] "Repoussé en saillie ; en relief" : Encores fu dit que es troys throsnes, qui sont les chaeres la ou les roynes, Doulce Amour, la Riche Precieuse et la Dame des Oeuvres, se seoient, avoit certaines bel[les] virges eslievees et entaillees, qui merveilleusement resplendissoient (MÉZIÈRES, Songe vieil pèl. C., t.1, c.1386-1389, 213). ...et aussi lui presenta .II. grans flascons d'or, où estoit figuré en ymages eslevés coment saint Jaques moustroit à saint Charlesmaine le chemin en Espaigne par revelacion, et estoient les diz flascons en façon de coquilles (CHR. PIZ., Faits meurs Ch. V, S., II, 1404, 127). Et sy tost qu'il fut fermé [le sépulchre] comme dit est, ilz veirent dessus ung ymage eslevé en maniere d'une royne (Percef. III, R., t.2, c.1450 [c.1340], 125). ...desoubz fut trouvé le mieulx armé chevalier, le plus bel des aultres, houssé richement d'une couverte de veloux vert broddé dessus de papillons d'argent en semure a tout uns orfrois de piet et demy de large de sa devise, de barbaquannes d'or moult ricement faites en ouvraige eslevé (CHASTELL., Chron. IV, D., c.1461-1472, 131). ...sur chacune desquelles [robes] ilz [les brodeurs] ont fait et assis deux grandes fleurs de lis eslevees, que mes dits seigneurs les consaulx et aultres notables porterent sur lesdites robbes (Entrées roy. G.L., 1464,,, 201). ...deux bachins à laver mains, d'argent doré, et par dedens ou milieu a une rose eslevé (Comptes Lille L., t.2, a.1467, 87). Son cheval estoit couvert d'un drapt de soye vert, semé de brodure, et d'orfavrerie de soleils d'or eslevés (LA MARCHE, Mém., I, c.1470, 318).

B. -

P. anal. [À propos d'un phénomène acoustique]

 

-

[Avec une valeur inchoative]

 

.

Eslever sa voix. "Commencer à parler" : ...li evesques de Lincole qui la estoit presens, esleva sa vois et dist... (FROISS., Chron. D., p.1400, 310).

 

.

Eslever du bruit. "Commencer à faire (du bruit)" : Et lors chey le messagier parmy les mors, sy esleva grant bruit, et tant que Garganom et les autres y vindrent (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 1042).

 

.

Empl. pronom. réfl. "Commencer à se manifester, à se faire entendre" : Li cris et la noise se commença tantost à eslever, et gens entrer en très grant effroy, car il estoient soudainnement souspris. (FROISS., Chron. L., VII, c.1375-1400, 172). Li haros et li cris s'esleva. Tantos, gens, honmes, fenmes et enfans s'esfreerent (FROISS., Chron. D., p.1400, 352). ...qant il conclut son sermon, une vois generaus et murmurations se esleverent en disant : "D'Artevelle a bien parlé et par grande experiense, et est dignes de gouvrener et excerser le pais de Flandres." (FROISS., Chron. D., p.1400, 414). A ceste parole s'est eslevé ung bruit et murmur entre les Vertuz, et en parlant les unes aux autres et approuvent l'oroison de Prudence, gectoient de costé leurs yeulz envers Justice qui bien vaincue estre sembloit. (GERS., Concept., 1401, 404). Pour laquelle cose, grant murmuration s'en esleva en Engleterre contre le conte de Qent et messire Rogier de Mortemer. (FROISS., Chron. D., p.1400, 171).

 

-

Eslever sa voix. "Parler plus fort, augmenter l'intensité sonore de sa voix" : Sire, vous vez il est notore Que ceste femme Cananée A sa voix moult hault eslevée, Et crie apres nous haultement, Pour quoy te prions humblement Que lui veulles donner congiet. (MARCADÉ, Myst. Pass. Arras R., a.1440, 91).

C. -

Au fig.

 

1.

[Idée d'accession à un haut niveau ou à un niveau supérieur, idée d'augmentation] Eslever qqn/qqc.

 

a)

Eslever qqc.

 

-

Eslever qqc. de concret "Augmenter qqc." : ...si aiment et veullent prendre dons et ensuivent les retribucions et deboutent et hurtent les provinces a fin que il wident les bourses et mettent les autres a noient et eslievent les leurs (FOUL., Policrat., IV, 1372, 92).

 

-

Eslever le renom de qqn. "Augmenter (le renom de qqn)" : Volenté li doing d'entreprendre Quanque cuers oseroit atendre ; Force, hardement d'achever Li doing pour s'onneur eslever. (MACH., D. verg., a.1340, 30). Pour ce me vueil deporter De leur loange acroistre et eslever, Quant pour leur bien se vont moquant de my. Mais s'il leur plaist, il me plaist bien aussi. (MACH., L. dames, 1377, 207). Si acquist li rois d'Engleterre grant grasce, et li rois de France et li François grant blame, et moult fu eslevés li noms le roi d'Engleterre (FROISS., Chron. D., p.1400, 743).

 

-

Eslever une faculté. "Porter, amener à un degré supérieur" : Selon autre translacion, il dist que par ce est acreue la vertu de nostre entendement, ce est a dire que entendement humain, qui se excercite et estudie en telles nobles questions, est par ce aussi comme eslevé et miex ordené et disposé a la cognoissance de plus hautes choses, si comme sont les choses divines (ORESME, C.M., c.1377, 500).

 

.

[D'une chose abstr.] Eslevé. "Portée à un haut niveau" : ...il est plain de sy grant orgueil et de sy eslevee oultrecuidance qu'il veult, comment qu'il soit, que ses parolles demeurent estables. (Percef. III, R., t.2, c.1450 [c.1340], 99).

 

-

Eslever une chose quelconque. "Accorder de l'importance à qqc., mettre qqc. en valeur, glorifier qqc." : Quant verray je Verité eslevée ? Certes, je croy, ce ne sera jamès. (DESCH., Oeuvres Q., t.2, c.1370-1407, 5). Le duc de Lancastre (...) se vouloit bien justement informer de ces besongnes et ne les vouloit pas mettre en nonchaloir, mais eslever et essaulcier du plus comme il povoit. (FROISS., Chron. M., XII, c.1375-1400, 247).

 

.

[D'une chose] Estre eslevé sur qqc. "Être supérieur en dignité à qqc." : ...estat de majesté royale et de seigneurie est eslevé sur tous estaz mondains (CHR. PIZ., Trois vertus W.H., c.1405, 9).

 

.

[D'une chose] Estre eslevé. "Être objet d'intérêt, d'attention" : Cilz vice esprent et alume Cilz qui le fait et acostume ; A penne s'en puet departir, Quar cilz pechiez vient de nature Et dyable le prent en cure, Qui ne le laisse repentir. Cilz vice est trot eslevez (DUPIN, Mélanc. L., c.1324-1340, 196).

 

b)

Eslever qqn

 

-

[D'une pers.] Eslevé (en engin). "Très savant" : A ceulx qui commenchent appartient escouter, aux proufitans estudier, aux eslevéz soy excerciter et aux parfais enseignier. (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 50). ...ainsy l'ont prouvé et tesmoingnié tous les excellens et eslevez philosophes, Platon, Aristote, Hermés, Tulles et autres (GERS., Trin., 1402, 152). Virgille, le plus subtil et eslevé en engin que l'on sceut en toutes sciences, fut en ce temps. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 70 r°).

 

.

D'entendement eslevé : Car ceulx qui politiquez nous aprennent ont baillié conclusion que les hommez d'eslevé entendement sont habiles par don de nature a gouvernement et seigneurie, et les rudes qui ont leur vigour es forces corporeilles sont deputés et donnés a naturelle servitude, ainsi que le corps mortel est subgiet a l'esprit pardurable. (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 72). Aussi, selon icelluy philozophe, les hommes de haulx et eslevez entendemens et vertueux sont naturellement inclinez et disposez à avoir povoir et seigneurie sur les autres. (BUEIL, II, 1461-1466, 188).

 

.

Eslever qqn sur qqn/qqc. "Rendre qqn supérieur à qqn/qqc." : Si fault par force dire que, s'ilz ont riens d'avance qui les eslieve sur vous, c'est hardement de courages, et, se vous avez riens qui soubz eulx vous deprime, c'est la multitude de voz pechiez qui convertit vostre cuer en fuye et laissez estaindre la lumiere de vostre gloire et destruire vostre seigneurie devant voz yeulx, sans remede y querir ne mectre, si non que la grace de Dieu y euvre de soy, a laquelle deservir vous metez petite peine, et ne povez en ce point longuement temporiser sans veoir decheoir le nom françois a vostre pardurable vitupere et malediction. (CHART., Q. inv., 1422, 19). Aussi est appellee foy la substance, c'est a dire le fondement dez choses esperables et l'argument des choses qui ne pevent apparoir par humaine rayson, pourtant qu'elle n'a point de pié ne de soustenue, en quoy elle se puisse fonder sur sens humain, maiz par les eles de ferme adhesion elle eslieve la credence de l'omme sur son propre savoir. (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 87).

 

-

"Amener qqn (à la célébrité)" : ...predist ès Ytalles plusieurs choses, par lesquelles il fut eslevé en grant bruit et honneur. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 37 v°). Gerard l'Allement fut tantost après eslevé en bruit et en honneur, en court de Romme, pour les esmerveillables experiances qu'il monstra de sa science de astrologie (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 92 r°).

 

-

Eslever qqn à + inf. "Redonner confiance à qqn et l'amener à" : Car esperance eslieve l'omme a esperer sur sa propre puissance par confidence de la divine bonté, et crainte le fait retourner a doubter de soy mesmez par consideration de fraille nature. (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 103).

 

-

Empl. pronom. réfl. S'eslever en qqc. : N'as tu pas leu que Delbora la dame sage habitant soubz umbre d'une palme se esleva en haulte esperance ou meillieu du peuple d'Israël, qui par vingt ans avoit esté persecuté de Jabin roy de Chananee, et, contre l'oppinion de Barrat lors ducteur du peuple, retyra la victore des mains dez ennemis et triumpha eureusement par la desconfiture dez Chananeens et la mort du duc Sysara ? (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 136).

 

-

[Domaine moral, religieux] "Placer qqn haut dans le ciel" : ...esjoissez vous, puisque Marie est eslevée si souverainement qu'elle regne avec Jhesu Crist pardurablement. (Mir. ev. N.D., c.1348, 61). Et se les martirs sont hault eslevez es cieulx pour leur merite par dessus les autres ordres des sains, pourquoy aussi ne le seroient ceulx qui tourmentez sont par diverses tribulacions et paciemment les portent pour l'amour de Nostre-Seigneur ? (CHR. PIZ., P.V.H., 1416-1418, 29).

 

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Eslever son coeur (à Dieu). "Porter ses aspirations vers Dieu" : Mes chiers amis, esjoissons nous ; a mont noz cuers eslevons (Mir. prev., 1352, 233). ...mais par ce nous est monstré que en donnant gloire a Dieu nous devons eslever noz cuers et noz penseez a Dieu la sus (GERS., Noël, p.1404, 299).

 

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Au passif. [Domaine de la spiritualité (dans le courant de Saint-Victor)] Estre eslevé sur soi. "Accéder au deuxième degré sur l'échelle menant à la contemplation de Dieu" : Ie dy que aucunesfois la personne est menee et esleuee sur soy aussi comme en alienacion, en grandeur de deuocion quant elle est toute embrasee du feu et de lardeur de desir celestiel (CIB., p.1451, 191). Secondement ie dis apres ce docteur que aucunesfois lame contemplatiue est esleuee sur soy en une autre maniere, cestassauoir par grandeur de admiracion quant elle est irradiee et enluminee de la lumiere diuine (CIB., p.1451, 191).

 

c)

En partic. Eslever qqn (à/en tel état social). "Privilégier qqn, donner une promotion à qqn, porter qqn à tel rang social" : Pour ce li pueple l'aouroient Et toutes langues le doubtoient ; Tous ceus qu'il voloit eslever, Nuls homs ne leur pooit grever ; Ceaus qu'il voloit humelier, Il les metoit au pain prier, Et ceaus qu'il haoit jusqu'a mort, Il estoient en l'eure mort. (MACH., C. ami, 1357, 29). Et, quant aucun sera eslevé et monté a l'une de ces dignités, il doit oublier l'amour et l'affeccion de sa char et de son sanc, ce est a dire de ses amis charnelz, et penser seulement et faire ce qui appartient au sauvement de ses sougiéz. (FOUL., Policrat., IV, 1372, 55). Li rois d'Engleterre (...) tint en son palais, à Wesmoustier, une grant feste et solennele (...) Et là fu eslevés Richars, li filz dou prince, et le fist li rois porter devant lui, et le ravesti (...) de l'iretage et royaume d'Engleterre à tenir apriès son dechès. (FROISS., Chron. R., VIII, c.1375-1400, 226). ...quoique Phelippes de Valois fust couronnés a roy de France, et que li douse per de France l'eslisirent et esleverent, si fustes vous bien mis en doubte (FROISS., Chron. D., p.1400, 229). Et avoient procédé contre lui [le concile de Bâle contre le Pape], si comme ilz disoient, par auctorité de concile général, à le suspendre de l'administracion papalle, et depuis à le desposer et après à eslever en pape Monseigneur Amé, duc de Savoye (CHART. J., Chron. Ch. VII, V., t.2, c.1437-1464, 49). ...se ung prince ou aultre de mauvaise voulenté les eslevoit [les gens de guerre] ilz seroient maistres. (JUV. URS., Verba, 1452, 265). Et pluseurs autres enseignemens touchant ceulz qui sont eslevez es haulz estas, et pour ce onques pour estat ne honneur qu'il eust du roy, onque son cuer n'en orguillist (LA SALE, J.S., 1456, 142). Cestui orateur fut grant pouete et commença la Somme des ymages et corps celestes, après qu'il eut fait les Actes des apostres en mectre, puis fut eslevé en cardinal. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 95 v°). Il a faict et eslevez plusieurs ses serviteurs, bons et notables personnages, tant ceulx qui avoient faict service au bon roy Charles VII, son pere, que à luy, envers la plus grant part desquelz il ne demoura point ingrat (LE CLERC, Interp. Roye, c.1502, 399).

 

-

[De la fortune] "Faire accéder qqn à un certain niveau social" : ...tous participent la moquerie de fortune qui se joue, en eslevant et en trebuchant les hommes. (PREMIERFAIT, Cas nobles hommes G., 1409, 77).

 

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Eslevé en fortune. "Riche et puissant" : Si lui dist Alexandre : "Je m'esbays comme tu ne tiens de moy compte, que suis si eslevé en fortune". Dyogene respondit : "Je n'ay que fere du serf de ma serve". (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 56 r°).

 

-

S'eslever en tel état : ...maiz la vilté de son estat [de Mohamet] et sa basse naissance lui reprimoit le courage de soy appeller roy, pour ce mesmez que son premier office de simple chamelier sembloit entree trop desconvenable pour soy eslever a si hault tiltre. (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 118). ...lequel, soy eslevant en roy et soy fourmant contraire de son souverain, journelement par toutes voyes de fait et par multitude de dures batailles, nous a expulz, mon mary et moy (CHASTELL., Temple Boc. B., 1463-1464, 93).

 

d)

[Avec une idée négative d'orgueil, de présomption]

 

-

Eslever qqn. "Rendre qqn orgueilleux" : Il n'estoit ellevez par grant prosperitey, Ne n'estoit esbaïz de nulle adversitey (Gir. Ross. H., c.1334, 211).

 

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Eslever son coeur. "S'enorgueillir" : ...il [Osias] esleva son cuer en non recongnoissant la grace que Dieu luy avoit faicte, et voult usurper l'office des prestres (JUV. URS., Verba, 1452, 212).

 

-

Empl. pronom. réfl. S'eslever (en orgueil). "Se prévaloir, s'enorgueillir" : O sote presumpcion ! O charoingne orguilleuse ! O sac plain de fiens ! Pourquoy te esleves tu ? Se toutes tes miseres ne souffisent a toy humilier, regarde, je te prie, l'umilité de ton roy, de ton Dieu et ton Seigneur (GERS., Noël, p.1404, 295). ...et se sont depuis nagaires eslevez en plus hault orgueil et en plus grant pertinacité (FAUQ., III, 1431-1435, 46). Ilz ne se doibvent point, pour prospérité qu'ilz ayent, eslever en leur corage. (MONSTRELET, Chron. D.-A., t.6, c.1444-1453, 108). ...afin qu'ilz ne soient trop affeurés et qu'ilz ne s'en eslievent en orgueil, et aussi que tant plus volentiers ilz n'en declinent aux exteriores consolacions. (Internele consol. P., 1447, 325).

 

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S'eslever de + inf. "Être fier de, se flatter de" : ...pour neant te esjoÿs et te eslieves de savoir le cours et la familiereté de la science des estoilles : car pluseurs choses se destournent de la coustume et du commun cours de leur nature (FOUL., Policrat. B., II, 1372, 181).

 

-

Eslevé en orgueil : Aprés s'ensuit en la loy : "Que le cuer du prince ne soit point eslevé en orgueil sur ses freres". (FOUL., Policrat., IV, 1372, 69). En pareil cas le monstra bien le saige Rommain Fabius Maximus au temps de sa dictature, aprés les innumerables pertes que firent les Rommains par la folle entreprinse de Varro le consul, a la bataille de Cannes, a l'encontre de Hannibal lors eslevé en orgueil par la haultesce de ses victoires (CHART., Q. inv., 1422, 35).

 

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Eslevé en qqc. "Hautain, orgueilleux (par tel aspect)" : Item, quant est de l'aournement des mariés, aussi comme il ne convient pas qu'il approcent ensemble par mariage eslevés en meurs, semblablement il ne convient pas qu'il soient eslevés en habit de leur corps. (ORESME, Ycon. Arist. M., 1374, 817).

 

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Empl. abs. Eslevé : Et, quant l'ouvrier lui enseignoit choses utiles et prouffitables a l'ouvraige et selon son art, il, eslevé et de couraige obstiné, respondit : "Tay toy et me laisse ordonner de ma chose a ma voulenté..." (COLART MANS., Dial. créat. R., 1482, 228).

 

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Part. passé en empl. subst. "Parvenu" : Cheulx qui sont vestus de habis molz et souefz quierent choses moles, les eslevéz ou orgueilleus choses presieuses, les delicieux choses belles. (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 247).

 

2.

P. ext. [Idée de causalité et de manifestation]

 

a)

Empl. trans. Eslever qqn/qqc.

 

-

"Soulever, mettre en émoi (une collectivité)" : ...et a esté ou temps la ville de Paris moult eslevée et peuplée par les escoliers de l'Université, et par especial du costé où est l'estude. (FAUQ., III, 1431-1435, 104).

 

-

"Faire venir dans une armée, enrôler" : ...lequel amena en sa compaingnie le plus grant nombre de gens qu'il avoit peu trouver ne enlever [var. eslever] de ladicte place. (ESCOUCHY, Chron. B., t.1, 1450, 282). Semblablement, au puys de Surye, Gotz et Magotz sont en ma seigneurye, Ou trente mille gens de faict lyeverons. Mores et Turs apprés eslyeverons, Les Eschavons aussi relyeverons, Sans estymer ceulx de Sarrazinesme. (LA VIGNE, S.M., 1496, 227).

 

-

"Mettre sur pieds, organiser (une manifestation)" : Adont eslevoit ung tourn[oit] et fait proclameir selonc la constume (JEAN D'OUTREM., Myr. histors G., a.1400, 175).

 

-

"Susciter, faire naître (une chose abstr.)" : Car se li grez est assevis De volenté a son devis, Vray desir partir en couvient, Et puis vuiseuse en son lieu vient Qui les bonnes vertus en chasse Et eslieve parmi sa chasse Maintes choses vuides et vainnes, Causes de dolours et de peinnes, Resistans et contrarieuses Aus douces choses amoureuses. (MACH., D. Aler., a.1349, 329). Chis rois Charles de Navare estoit soupechonnés dou temps passé d'avoir fait, consenti et eslevet ou roiaume de France tant de maux que de sa personne il n'estoit mie dignes ne tailliés de tenir heritage ou roiaume en l'ombre de ses enfans. (FROISS., Chron. R., IX, c.1375-1400, 47). Et, se il contrevengièrent le mort de leur cousin sus aulcuns navieurs, par lesquels de premierement toutes ces haïnnes estoient esmeutes et eslevées, convenoit il pour ce que Audenarde en fust abatue ? (FROISS., Chron. R., IX, c.1375-1400, 223). Et à celle heure y ot dedens Paris gens affectez ou corrumpuz, qui esleverent une voix en toutes les parties de la ville deça et delà les pons, crians que tout estoit perdu, et que les ennemis estoient entrez dedens Paris (FAUQ., II, 1421-1430, 322). ...esmeult [Geoffroy d'Angers] et esleva soubz luy en Angleterre grans molestes et calamitez (JUV. URS., T. crest., c.1446, 61).

 

-

"Soulever (une idée, un argument)" : Jà soit ce, trèsredoubté et souverain seigneur, que le cas de la douloreuse, lamentable et inhumaine mort de nostre trèsredoubté seigneur et père, vostre seul frère germain quant il vivoit, soit en vostre mémoire infiché et nous sommes certains qu'aussi est elle et qu'elle n'en est pas évadée, ains est en vostre cuer ou très parfont des secrets de vostre recordacion et mémoire enraciné, néantmoins, nostre trèsredoubté et souverain seigneur, l'office de pitié, les drois de sang, les devoirs de nature, les drois divins, canons et civilz, et vérité nous contraignans, nous ramentoivent et exhortent à vous ramentevoir et ramener à mémoire mesmement les fins par cy dedens eslevées et déclairées. (MONSTRELET, Chron. D.-A., t.2, c.1425-1440, 125). Reverent Clerc, vous avez touché plusieurs choses et vous en estes passé conme coq sur brese, car vous n'avez aucune opynion eslevé. (Songe verg. S., t.1, 1378, 209).

 

-

En partic. "Instituer, créer (un impôt, une mesure administrative...)" : "...Lessés pendre celui, ains que passe l'annee, Qui ceste coustume a ensement eslevee." (Tristan Nant. S., c.1350, 359). Entrues que ces Compagnes couroient en France, fu li princes de Galles consilliés d'aucuns de son conseil pour eslever un fouage en Aquitainne. (FROISS., Chron. L., VII, c.1375-1400, 66). Li parlemens vint ; li navieur furent tout apparilliet et là remonstrèrent Jehans Lion et Ghisebrest Mahieu le vollenté dou conte et de ce nouvel estatut que il voloit eslever sus le navire dou Lis et de l'Escaut. (FROISS., Chron. R., IX, c.1375-1400, 163).

 

b)

Empl. pronom.

 

-

[D'un phénomène atmosphérique] "Se lever" : ...uns vens moult oriblez tellement s'esleva Que la mer orghilleuse si fort se tourmenta Qu'a une grande roce li vaissiaus s'arriesta... (Flor. Rome W., c.1330-1400, 248).

 

-

[D'une chose]

 

-

"Se manifester, éclater" : ...que les gerres et les malefisces qui s'en esleverent et engendrerent, i furent si grant que a painnes i peut on onques trouver moiienne conclusion pour les apaisier. (FROISS., Chron. D., p.1400, 476). Et pour ce que riens n'en fu fait, s'esleverent les gerres en Bretagne par le confort et aide que li rois d'Engleterre fist a ceuls et a celles qui tenoient la partie dou conte de Montfort (FROISS., Chron. D., p.1400, 501). Mais depuis que vertu et union fut chassée et deboutée d'icelluy royaulme, et que les parcialitez ont eu lieu dont les divisions sont eslevées et venues en avant, quant aux conquestes qui se faisoient à l'elargissement et augmentacion du bien du royaulme, tout est tourné en fureur et debat sur eulx meismes, à la confusion et perte du peuple et de leur seigneurie. (LA MARCHE, Mém., I, c.1470, 63). Cestui predist plusieurs choses en Romme et, entre les autres, predist les differens qui se esleverent entre les principaux de Pise, dont il fut moult estimé. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 85 r°).

 

-

[D'un conflit] S'eslever entre des pers. "Éclater" : Cestui predist plusieurs choses en Romme et, entre les autres, predist les differens qui se esleverent entre les principaux de Pise, dont il fut moult estimé. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 85 r°).

 

c)

Estre eslevé. "Se répandre" : L'effroy du feu fut tantost elevé par toute la rue (C.N.N., c.1456-1467, 495).

 

3.

[Idée de manifestation hostile]

 

a)

Eslever qqn contre qqn. "Amener qqn à se soulever contre qqn" : De celle cyté d'Alise font appreuve Lucan et Saluste, mesmement en recitant la grant rebellion que firent les Franchois, et mesmes ceulx d'Othung, à l'encontre de Cesar et des Rommains, lesquels avoient eslevez contre ledit Cesar ung prince franchois, nommé Versingentoris, lequel assambla grant puissance de Franchois contre ledit Cesar et se loga en la cyté et à l'environ. (LA MARCHE, Mém., I, c.1470, 44). Car encontre ce roy Richard esleva Dieu ung ennemy, tout en ung instant, qui n'avoit ne croix ne pille ne nul droit, comme je croy, à la couronne d'Angleterre ne riens estimé, sauf que sa personne estoit et est honneste (COMM., II, 1489-1491, 306).

 

b)

Empl. pronom. réfl. S'eslever (contre qqn)

 

-

"Se soulever, se révolter (contre qqn)" : "Entre vous, gens qui chi estes asamblé, nous vous commandons de par le roi et sur la teste, que cascuns s'en revoist en son hosteil paisiulement et ne s'en mueve ne esliève jamais contre le roi ne ses menistres." (FROISS., Chron. R., X, c.1375-1400, 131). Li contes de Cambruge et li baron d'Engletière, qui gissoient à Pleumonde (...) estoient tout enfourmé de ceste rebellion et dou peuple qui se commenchoit à eslever. (FROISS., Chron. R., X, c.1375-1400, 105). Et de ceste matiere parla Catilline, duquel Saluste fait mencion, et dit que ceulx qui sont povres es citéz, c'est assavoir le peuple, ont tousjours envie sur les riches, et pour ce s'eslievent ilz voulentiers et exaulcent les mauvais, si vouldroient, à des nouvelles seigneuries et mutacions. (CHR. PIZ., Paix W., 1412-1413, 132). A la venue desquelles gens d'armes pluiseurs du peuple de Paris s'esleverent et conduisoient lesdictes gens d'armes par les hostelz et maisons de pluiseurs desdis conseilliers (FAUQ., I, 1417-1420, 127). Ce jour, environ dix heures de nuyt, s'esleva grant nombre des gens du menu peuple de Paris armez (FAUQ., I, 1417-1420, 149). Et me doubte encor plus que le peuple mesmes ne se eslieve, et contre vous et contre eulx [les ennemis] (JUV. URS., Loquar, 1440, 418). ...Monsr de Beaujeu m'a dit que vous faites difficulté de seeller les lettres que j'ay commandées pour pugnir ses mutins qui se sont elevez en la Marche (Lettres Louis XI, V., t.7, 1478, 12). Pareillement, tous ceulx qui ont mené ou tenu pratiques avec nosditz adversaires ou autres qui se sont eslevez contre nous ou qui ont faites quelzques desobeïssances ou autres choses contre nous et en nostre prejudice... (LE CLERC, Interp. Roye, c.1502, 230).

 

-

"Prendre parti contre qqn" : ...il n'y aura jamais subget de l'un ne de l'autre, si grant soit il, qui se ose eslever contre nul d'eulx (Lettres Louis XI, V., Pièces justif., t.8, 1480, 351). A cause de quoy se esleva contre moy, entre aucuns, cestui detracteur ignorant et né de lieu obscur et bruslé du vice d'envye et principal ennemy de ceste science (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 2 v°).

 

-

Eslevé. "En état de rebellion, de soulèvement" : ...mais il est vray et notoire que les communes du pays d'Almaigne estoient tellement eslevées et esmeues qu'elles ne tenoient seureté ne sauf conduit, ne obeissoient audit Roy des Romains, ne à autre de leurs seigneurs, ainçoys mectoient à mort et perdicion tous ceulx qu'elles povoient actendre de langue françoise (Ecorch. Ch. VII, T., 1445, 149).

III. -

[Idée d'amener un être vivant à un certain développement]

A. -

[Idée d'un développement purement naturel]

 

-

[De la nature] Eslever qqn en age de + inf. "Amener qqn naturellement au point où il est capable de" : ...[nature] (...) desja les avoit elevez [un berger, une bergère] en eage de cognoistre que c'est de ce monde [Rencontre d'un berger et d'une bergère] (C.N.N., c.1456-1467, 482).

B. -

[À propos d'animaux]

 

-

[Le suj. et le compl. désignent un animal] "Nourrir, prendre soin de" : Prenostica, entres autres choses, que grandes merveilles estoient prouchaines à venir, ce qui fut, car en l'evesché du Liege une truie enfanta un pourceau qui avoit face de homme et une geline esleva ung cochet ["petit coq"] qui avoit IIII piez. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 110 r°).

 

-

[Le sujet désigne une pers.]

 

.

"Nourrir" : Pour ce dit ung proverbe (...) C'on nourrit tel quayel et va on ellevant Que puis coeurt sus son maistre (Cip. Vignevaux W., p.1400, 99). S'en vostre maison avez une chatte qui faonne des petis ou mois de may, faittes les incontinent jetter au loing, car qui en eslieve doibt savoir que jamais ne font nulz biens. (Ev. Quen., II, c.1466-1474, 140).

 

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"Faire éclore (des poussins) grâce à une couveuse" : Aussi y a ung four a eufz couver, Dont l'on pourroit sans geline eslever Mille poussins (LA VIGNE, V.N., p.1495, 249).

C. -

[À propos d'êtres humains] Eslever un enfant. "Donner à l'enfant ce qui est nécessaire au développement de son corps, de son esprit..." : Ce filz fut elevé, nourry et conduit avec les aultres ses freres (C.N.N., c.1456-1467, 127). Item, et a mon plus que pere, Maistre Guillaume de Villon, Qui esté m'a plus doulx que mere, Enffant eslevé de maillon - Degecté m'a de maint boullon Et de cestuy pas ne s'esjoye ; Sy lui requier a genoullon Qu'il m'en laisse toute la joye - Je lui donne ma librarye (VILLON, Test. M., 1461-1462, 77). Les plus renommez jousteurs furent le conte Loys de Sainct Pol, jeune seigneur, moult saige et bien adressé, bon corps et droit et norri en la maison de Bourgoingne, [ et ] Jaquet de Lalain, lequel se tira en la court du Roy pour veoir et pour soy monstrer, et se gouverna si haultement en tous estatz qu'il emporta sa part du bon bruit de celle assemblée, et monstra, par effect, qu'il avoit esté nourri et eslevé en maison duicte et accoustumée de tous honnorables exercites, et que de soy il estoit homme d'estoffe et de lieu, pour suyvir et pour faire ce dont les bons vivent tousjours : c'est vertu qui florit en renommée. (LA MARCHE, Mém., II, c.1470, 60). ...et monstroit bien que le cueur luy disoit et apprenoit qu'il estoit prince, né et eslevé pour aultres conduire et gouverner. (LA MARCHE, Mém., II, c.1470, 265).

 

-

Eslever un enfant en qqc. "Donner une formation (en tel domaine)" : De la morale erudition de l'enfant dist l'Apostre, parlant a leurs parens, aux Ephesiens ou .VIe. chapitre : «Eslevéz ou nourrisiés vos enfans en discipline et correption de Nostre Seigneur». (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 160).

 

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Eslever un enfant grand : Au lyon et lou devant dictz, Qui les enfans en emporterent, Envoya Dieu de paradis Plusieurs bergers qui leur osterent Et en leurs maisons les menerent, Ou ilz furent eslevez grandz Et nourris comme leurs enfans. (Vie st Eust. 2 P., c.1400-1450, 107).
 

DMF 2020 - Article revu en 2015 Pierre Cromer

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