I. -

[En rapport avec lat fundus]

A. -

[Idée d'aller ou d'envoyer au fond d'un espace liquide ou d'un espace creux]

1.

Effondrer qqc./qqn. "Faire couler, sombrer (une embarcation)" : Et toutesfoiz le roy d'Anthioche se sauva ou vaissel de l'admiral, et fu tantost son vaissel pris et ce de bon qui estoit dedens, et puis effondré en la mer. (ARRAS, c.1392-1393, 218). [Au siège du château d'Aiguillon, entouré d'une rivière, des bateaux portant des machines de siège et des combattants sont attaqués à coups de boulets de pierre par les assiégés] Et en fu li uns effondrés au fons de l'aige, et la plus grant partie de ceuls qui dedens estoient, noiiet (FROISS., Chron. D., p.1400, 670).

-

"Noyer, couler qqn/un animal" : ...il vaut assés mieulx que on les ait gités [les enfants] Dedens une riviere, noiiés et effondrés (Chev. cygne P., c.1356, 19).

-

[D'une embarcation, d'un objet ou d'une pers.]

.

(S')effondrer. "Couler" : Et ly bachelerz demoura Ou bos, se robe desquira, Sy l'ala en le mer getter Ou lieu ou poeut mieux effondrer, Et tous son aroy bon et bel. (Dit prunier B., c.1330-1350, 79). ...et qant elle [la nef] fu toute widie, il le descroqierent et le laissierent aler a l'enventure. Je croi bien que elle se esfondra quelque part, car elle traioit moult fort aige (FROISS., Chron. D., p.1400, 886). Pour ce que trop chargiez estoient, Grans pars de leurs nefs effondrerent (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 162). ...parquoy le malheureux fut constraint de mourir par trop boire et la navire effondra, qui tourna au grant prejudice et dommage au mauvais murdrier (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 242).

.

(Estre) effondré. "Couler, être englouti, s'enfoncer ; se noyer" : Li chevalier dou roy d'Engleterre, qui en sa nef estoient, pour tant que elle estoit en peril d'estre effondrée, car elle traioit aigue (...) se haitoient durement de conquerre la nef où il estoient acrokiet. (FROISS., Chron. L., IV, c.1375-1400, 94). Et pour monstrer apertisse de corps, tous armés il se mist à monter amont et à ramper contre le cable de la nef où il estoit. En chela faissant, li piés li falli, il fu reversés en la mer et là peris, ne onques on ne le pot aidier, car tantos il fu effondrés pour les armeures dont il estoit vestis. (FROISS., Chron. R., XI, c.1375-1400, 213). ...pour avoir paié à ung homme qui ala dudit Polise au devant pour guidoyer ceulx qui amenoyent ladicte bombarde de nuyt, 10 deniers tournois ; et à lui, pour avoir paié à plusieurs personnes qui aidoient à tirer ledit char hors d'un crot où il estoit effondré, au dessoubz dudit Bar, 5 solz tournois (Comptes Etat bourg. M.F., t.2, 1419, 606). ...ung cent de carreaux de grez qui japieça estoient effondrez en ladite riviere, lesquels ont étés mis et employez ès euvres de chaussée de ladite ville (Comptes Paris V.L.D., t.1, 1424-1425, 52). ...une nef cassee, rompue et brisee et presque effondree en la mer (Déclar. Hyst. S., a.1449, 172).

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Part. passé en empl. adj. [D'un lieu] "Marécageux, bourbeux" : Et Passelyon, qui congnoissoit les lieux effondrez, se voult mettre ung petit enssus (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 929).

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[P. méton. de l'obj.] Effondrer (une embarcation). "Couler l'ancre (d'une embarcation)" : Et le soir ensuivant, à la venue de la mer, vinrent aulcuns dudit navire qui estoient à ce commis, et effondrèrent ou havène de Palais [l. Calais] quatre nefz qui estoient plaines de pierres bien maçonnées et ancrées de plonc, adfin de rompre, démolir et desoler le passaige, que ceulx d'Angleterre n'y puyssent plus venir, ne aler à tout leur navire. (MONSTRELET, Chron. D.-A., t.5, c.1444-1453, 251). ...laquelle nef ledit seigneur fait presentement mener et conduire dudit Rouen au havre de Harefleu, pour ilec estre effondrée, pour garder que les Angloys ne puissent venir à navire oudit havre, pour grever le siège que ledit seigneur fait presentement tenir devant ledit Harefleu. (ESCOUCHY, Chron. B., t.3, Pièces justif., 1450, 373).

2.

Au fig. part. passé en empl. subst. Effondré. "Qui a trop bu" : Sambloit [le cheval] uns Au figeffondrés qui ciet sur le kaucie. (God. Bouillon R., t.2, c.1356, 420). Verse, je veul boire devant, Je boy a vous, maistre effondret. (MARCADÉ, Myst. Pass. Arras R., a.1440, 170).

B. -

"Produire un creux"

-

[en creusant (ici la terre)] : Fortune est quant terre est effondrée, et la chose est trouvée de dessouz. (Cout. instit. Anjou Maine B.-B., t.1, 1385, 306).

-

"Enfoncer (une arme)" : Mais Remondin lui gette l'estrier par grant air, et attaint le cheval ou front de si grant force que le chanfrain d'acier fu effondré, et convint le cheval par la force du coup aler par terre des jarrez derriere. (ARRAS, c.1392-1393, 63).

-

(S')effondrer

.

[D'une chose] S'effondrer qq. part. "S'enfoncer qq. part" : Ce chapeau [la couronne d'épines] vous fait grant encombre, Car il s'esfondre Pour soy rescoudre - dans vostre chief tant precïeux. (Pass. Auv., 1477, 254).

-

[De la terre] "S'enfoncer" : ...et laissèrent courre les destriers, tellement qu'à les voir venir pour aborder ensemble, il sembloit que la terre et le sablon sur quoy ils marchoient dust effondrer dessous leurs pieds. (Faits Lalaing K., c.1470, 58).

-

En partic. Effondrer (un tonneau). "Défoncer (un tonneau)" : Nulz ne puet mettre vin en la ville de Beaune, se n'est en raisins ou qu'il soit de rentes, et cellui qui dira qu'il soit de rentes le juroit et acertenoit par devant le maieur et par devant les eschevins ; et le doit faire crier chascun an le maire et les eschevins ; et qui aprés l'i mettra, le vin qui y sera mis sera commis à la voulenté du maieur pour effondrer ou pour vendre pour mettre au proufit de la ville. (Cout. bourg. glosé P.M., c.1380-1400, 30). Et quant il estoient entré en une ville (...) et il s'i estoient refresci deux jours ou trois et il s'en partoient, il essilloient le demorant, et effondroient les tonniaus plains de vins. (FROISS., Chron. L., V, c.1375-1400, 3). Mais pour le soudain département y demoura des vins, vivres et aultres biens, très largement. Et convint effondrer pluiseurs queues de vin et aultres buvrages, à la perte et dommage desdiz marcheans. (MONSTRELET, Chron. D.-A., t.5, c.1444-1453, 256).

C. -

P. ext.

1.

[Idée mettre qqc. au niveau de ses fondations, au niveau du sol]

-

Effondrer (une construction ou un élément de construction) "Briser, rompre, abattre, défoncer qqc." : Et puis fist bouter le feu en le mine (...) Ensi furent pris le compagnon de le garnison de Curmici et li chastiaus effondrés. (FROISS., Chron. L., V, c.1375-1400, 222). Celle pière d'engien qui estoit ronde, pour le fort tret que on li donna, carola tout autour de le tour par dedens, et quant elle cheï, elle effondra le planchier. (FROISS., Chron. R., VIII, c.1375-1400, 197). ...la poissance et continuance des enghiens avoient abatu les tois et esfondut les planciers des tours et moult adamagiés les murs (FROISS., Chron. D., p.1400, 397). Aussi n'i avons nous ja ensi que riens, puisque il nous fault demorer ens es celiers et que chil enghien nous travellent ensi que il esfondrent couvretures et planciers. (FROISS., Chron. D., p.1400, 398). Entre ces deus bierefrois qui estoient arestés devant les murs, avoit .CC. compagnons a tout haviaus et grans pils de fier pour esfondrer le mur (FROISS., Chron. D., p.1400, 626). Et Sarrasins se vont d'assaillir moult pener, De picques, de martiaux pour le mur effondrer (Huon Bordeaux B., c.1400-1450, 294). ...les engins que avoit fait dresser ledit duc contre ses ennemis rompirent et effondrèrent en plusieurs lieux les portes et murailles avecques les maisons d'icelle ville. (MONSTRELET, Chron. D.-A., t.4, c.1425-1440, 55). Et ce fait, que tresdurement Pour le surplus l'on leur defface Du visage toute la face Et les bouches, tant que gastées Soient du tout et effondrées, Qui ont parler sans reverance Contre noz dieux et leur puissance, De gros caillos fors et cornuz (Myst. st Adr. P., c.1450-1485, 83).

-

[Un objet quelconque, une partie du corps] : En cel assaut, s'avança telement li sires de Mucident (...) que il fu consievois dou jet d'une pière sus son bacinet, par lequel cop li dis bacinès fu effondrés. (FROISS., Chron. L., V, c.1375-1400, 213). Celle nuit en i ot occis plus de douse cens (...) et mout de maisons et de femmes robées et pillées et destruittes et de coffres effondrés. (FROISS., Chron. R., X, c.1375-1400, 233). Et avoient et portoient maillès de fier et d'achier, perilleus bastons pour effondrer hiaumes et bachinès. (FROISS., Chron. R., X, c.1375-1400, 212). Ceux qui i allèrent i fisent mout de desrois, car il deschirèrent tout l'ostel et abatirent, et effondrèrent les fons où li contes avoit esté baptisés. (FROISS., Chron. R., X, c.1375-1400, 240). ...et semble que soit ung barreau de fer ainssy frist, qu'il n'est possible a quelconcques soit homme humain de le approuchier pour ces estinchelles des pierres ardans, grandes et petites, pesans et de coulleur de fer, que il n'est hernoiz que ne effondrassent. (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 143). Et ce fait, que tresdurement Pour le surplus l'on leur defface Du visage toute la face Et les bouches, tant que gastées Soient du tout et effondrées, Qui ont parler sans reverance Contre noz dieux et leur puissance, De gros caillos fors et cornuz (Myst. st Adr. P., c.1450-1485, 83). [Représentation d'hommes en train de briser un gâteau]...autres VJxx [hommes] qui effondroient pastelz, habilliez comme dessus, tenans en leurs mains hauweaulx, l'autre ung mail et ung chisel (Comptes Lille L., t.2, 1468, 329).

-

S'effondrer. "S'écrouler" : O temple [de Jérusalem], il te fault fondre Et sur terre toy abismer. Obeÿs a Dieu et t'effundre Pour monstrer deul grant et amer ! (Pass. Auv., 1477, 225).

-

"Défoncer (un chemin, un passage)" : Et allerent tant qu'ilz vindrent à l'entrée d'une petite broce, là où il y avoit ung pas, qui estoit maulvailz et effondré de la compaignie qui estoit là passée. (BUEIL, I, 1461-1466, 213).

2.

"Crever, éventrer qqc." : Adonc monte [Judas] sur ung sehut et se pent, et les diables lui effondrent sa pance. (MARCADÉ, Myst. Pass. Arras R., a.1440, 152).

-

"Éventrer, éviscérer (un animal)" : Exentero (...) : Hors traire les entrailles, c'est effondrer poisson ou autre beste. (Aalma R., c.1380, 127). Se ung lievre est pris ..XV.. jours ou troiz sepmaines devant Pasques, ou en autre temps que l'en le veuille garder, effondrez le et luy ostez les entrailles (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 196). Mulet est dit mungon en Languedoc, et est eschardé comme une carpe, puis effondré au long du ventre, cuit en l'eaue et du percil dessus, puis reffroidié en son eaue, et puis mengié a la saulse vert, et meilleur, a l'orange. (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 236). Item, quant icelle morue est prise es marces de la mer et l'en veult icelle garder .X. ou .XII. ans, l'en l'effondre et luy oste l'en la teste, et est seichee a l'air et au soleil, et non mye au feu ou a la fumee. (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 237). Heriçon soit couppé par la gorge, escorché et effondré, puis reffait comme ung poucin, puis pressié en une touaille et illec bien essuyé. (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 276). Item , en pasté l'en couppe jambes et testes et les effondre l'en, et dedens le trou l'en boute fin frommage (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 282).

-

En partic. "Crever (un abcès...)" : Et quant elles [les pustules] seront meures, si les effondres d'une aguille d'or (GORDON, Prat., c.1450-1500, I, 12). C'est le clou de mon doy qui est effondré ; je suis comme gary (C.N.N., c.1456-1467, 537).

.

[Dans un cont. métaph.] "Faire éclater, crever" : ...[ledit Vieil Pelerin] a plainement descouvert le pot et l'embusche, qui n'est pas latente ne trop secrete ; c'est assavoir, amoreusement et par grant charite, en cestui present Songe, il a effondree l'apostume qui tant de douleurs, de soupirs et de sincopes a fait a toute crestiente, et par espicial au royaume de France (MÉZIÈRES, Songe vieil pèl. C., t.1, c.1386-1389, 103).

-

Effondrer. "Crever, se vider" : Tant courut le coursier que celle boce luy effondra ou corps. (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 113).

II. -

[En rapport avec lat. fundere "Répandre, se répandre..."]

A. -

[D'hommes de troupe] Effondrer sur qqn/qqc. "Fondre sur, se jeter sur qqn/qqc." : ...et vint atout ung grant cri effondre sus les ennemis (JEAN DE ROUVROY, Stratag., c.1425. In : Chrestom. R., 104). En laquelle incontinent se trouvèrent bien en nombre plus de trente-deux mille Escossois, bons et sobtils garroieux, lesquels vindrent ung matin effondrer sur les logis d'iceulx Anglois et les prindrent et mirent en désarroy. (CHART. J., Chron. Ch. VII, V., t.2, c.1437-1464, 89-90). ...lesquelz sachans que les gens dudit comte n'estoient pas ensamble, vinrent effondrer sur ledit village, par ung aultre chemin, dont ledit comte et ses gens ne se donnoient de garde (ESCOUCHY, Chron. B., t.1, c.1453-14, 419). ...et se ainsy est que je me treuve en bataille contre ledit Turcq et les infidelles, je seray à mon pooir des premiers effondrant sur lesdis infidelles (Doc. 1454. In : ESCOUCHY, Chron. B., t.2, a.1465, 193).

B. -

"Répandre qqc./se répandre"

1.

[D'un liquide.] S'effondrer : JHESUS. Voyez ce calice en presence Et buvez de cueur pur et franc, Car c'est icy mon propre sang De nouveau testament estable, Qui pour moult de gent charitable Piteusement s'effondera (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 240).

2.

Au fig.

a)

Effondrer (de l'argent). "Dilapider (de l'argent)" : Certes, il [les gens d'armes] coustèrent tant au duc d'Ango, que on ne le poroit pas nombrer ne exprissier ; et chil qui le plus li effondroient son tresor et sa finance, che furent li contes de Savoie et li Savoien. (FROISS., Chron. R., XI, c.1375-1400, 183).

-

[D'une chose] Effondrer qqn d'argent. "Ruiner qqn" : Siques, quant il furent trestout retournet, li princes n'eut mies ses paiemens si appareilliés que il volsist, car li voiages d'Espagne l'avoit si miné et effondré d'argent, que merveilles seroit à penser. (FROISS., Chron. L., VII, c.1375-1400, 65).

b)

Au fig. Effondrer qqc. "Étaler, exposer qqc. (une chose abstr.)" : Puis que il vous plait que dez chevaliers je me taisse, pour vous obeïr et faire plaisir, quant a present je me passe de plus effondrer la matiere de leur meurs et de leurs conversacion. (Songe verg. S., t.1, 1378, 20).