C.N.R.S.
 
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     DRU1          DRU2     
FEW III *druto-
DRU, adj.
[T-L : dru ; GD : dru2 ; GDC : dru ; AND : dru2 ; DÉCT : dru2 ; FEW III, 164a : *druto- ; TLF : VII, 526a : dru]

A. -

Adj.

 

1.

"Épais, serré, dense"

 

-

[De végétaux] "Épais, dense" : Lors sans delay Je me levay et devers eaus alay Tout le couvert Parmi l'erbe qui estoit drue et vert (MACH., J. R. Beh., c.1340, 102). Et quant je l'os bien atachie, Par le vergier, sans compaingnie, Moult liés de cuer m'acheminay Et tout droit pris mon chemin ay A une sente po batue, Pleinne d'erbe poingnant et drue, Toute arousée de rousée, Car douce estoit la matinée. (MACH., D. Lyon, 1342, 166). Quant messires Godefrois eu perçut l'ordenance, si se traist tout bellement et tout sagement ou fort d'un vignoble enclos de drues haies ; et entrèrent toutes ses gens là dedens. (FROISS., Chron. L., V, c.1375-1400, 77). Et chevauchoient (...) au ferir des esperons parmi uns grans marès, et trouvoient un bois trop durement fort et drut d'espines et de ronses et de mauvais bos à chevauchier. (FROISS., Chron. R., X, c.1375-1400, 257).

 

Rem. HENRI FERR., Modus et Ratio T., c.1354-1377, gloss. (dru de bois/d'arbres/de rainceaux).

 

-

[De la neige, de la grêle] : Là ot grant bruit et grant huée, Grant brait, grant trait et grant meslée, Car onques si fort ne neja, Ne la gresle ne verrez ja Si dru, com sajettes et dars Aplouvoient de toutes pars, Pierres, garros et espringales. (MACH., P. Alex., p.1369, 86).

 

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P. compar. : Ils lançoient pierres, caillos, Mangonniaus, sajettes, garros Plus dru que la noif ne la gresle Ne chiet quant il nege ou il gresle. (MACH., P. Alex., p.1369, 153).

 

-

[De choses] "Serré, dense" : Et ceulx leur comptent (...) comment le roy Guion d'Armenie et le maistre de Rodes estoient desconfiz, si ne feust un chevalier tous forcenez qui y survint a tout un pou de gent et crie : Lusignen ! et n'est nul qui a lui se puist tenir. Veez le la ou il se combat a voz gens, et s'est feru ou havre emmy les plus druz [des navires], et quanqu'il attaint est destruit et mis a fin. (ARRAS, c.1392-1393, 220). Soye requise estoit si drue au vent, Tant riche fust de figure ou enseigne Sans regarder de les mettre en espargne Qu'on n'en faisoit mise, recepte ou compte Ne plus ne moins que de bureau d'Auvergne (LA VIGNE, V.N., p.1495, 220).

 

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[De coups donnés] : ...il donnoient leurs horions sy terribles et sy drus que... (Percef. III, R., t.1, c.1450 [c.1340], 375).

 

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[D'animaux] : ST JAQUES MINEUR. A peu tient que la roiz ne rompt. Sus, compaignons, amont ! ST ANDRY. Amont ! Les poissons sy tres drux y sont Que toute l'eschine me ploye. Sus, compaignons, amont ! (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 964).

 

-

[D'un groupe, d'une troupe] "Serré, dense" : ...et puis [les chasseurs] entrent en celle forest de tous costez bien drus et chaissent tous ces bestez sauvaiges devant eulz (JEAN LE LONG, Voy. Odoric A.M., 1351, 53). Leur grosse bataille fresce et nouvelle vinrent autour de celle montagne et trouvèrent une aultre voie, et estoient ossi drut et ossi serré comme une brousse. (FROISS., Chron. L., VI, c.1375-1400, 68). A ces mos, s'avancièrent François et Espagnol de grant volenté, et s'en vinrent en yaus tenant par les bras, dru et espès, bouter de lances et de glaves sus les Englès. (FROISS., Chron. L., VII, c.1375-1400, 24). Et là en che fort lieu s'ordonnèrent et se missent tout en une grosse bataille, drue et espesse. (FROISS., Chron. R., XI, c.1375-1400, 43).

 

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"Dense en population, nombreux, abondant" : Prendéz de mon tressor et si tenéz court drue (Flor. Rome W., c.1330-1400, 140). J'oy grant presse laiens, le vendenge y est drue (Hugues Capet L., c.1358, 103).

 

2.

P. anal.

 

a)

[Idée de force, de richesse, d'abondance]

 

-

[D'un pays, d'une ville, d'une maison...] : Adonc estoit li royaumes de France gras, plains et drus, et les gens riches et possessans de grant avoir, ne on n'i savoit parler de nulle guerre. (FROISS., Chron. L., I, c.1375-1400, 117). Mès point n'entrèrent li Englès dedens, et passèrent oultre en courant et essillant le pays ; si le trouvoient plain et drut et grosses villes batiches où il recouvroient de tous vivres à grant fuison. (FROISS., Chron. L., III, c.1375-1400, 79). Si trouvoient li Englès et li Gascon le pays plain et drut, les cambres parées de kieutes et de draps, les escrins et les coffres plains de bons jeuiaus. (FROISS., Chron. L., IV, c.1375-1400, 165). Messires Carles et ses gens se saisirent de la ville, et trouverent les maisons drues et raemplies, car chil dou plat pais s'i estoient retrait sus la fiance dou fort lieu, et i avoient amené lors biens. (FROISS., Chron. D., p.1400, 559).

 

-

[D'une pers.] : Telx puet estre riches et druz Qui deviendra povres et nuz (DUPIN, Mélanc. L., c.1324-1340, 227). [aussi v.3638] "Dame royne," dist ledit pauvre homme, "combien que a present je soye en pauvre habit et mal vestuz, si ay je este aucunesfoiz et riches et druz..." (MÉZIÈRES, Songe vieil pèl. C., t.1, c.1386-1389, 454).

 

-

[D'un ouvrage fortifié] "Solide" : Melusigne fist bastir la ville de Lusignen et fonder les murs sur la vive roche, et la fit estoffer de fortes tours ; drues, machicolees et a terrace, et les murs machicolez, et alees au couvert dedens la muraille pour deffendre a couvert par les archieres autant bien par dehors comme par dedens, et parfons trencheiz et bonnes brayes. (ARRAS, c.1392-1393, 66).

 

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Dru de. "Plein de" : Et fu la tour bien fossoye et les fossez bien curez, et bonnes, fortes et haultes brayes ; et autour, dehors les fossez, bons murs ; et fu la tour bien gueurlandee, et y ot deux paire de bons fors pons leveiz. Et y ot basse court, forte et bien muree, bons fossez, fors portes et bon pont leveiz. Et furent les murs druz de bonnes tours. (ARRAS, c.1392-1393, 245). Ou palaiz fut menés qui de biens estoit drus (Flor. Octav. L., t.2, c.1400, 565).

 

b)

[Idée de vigueur]

 

-

[De guerriers] "Vigoureux" : "Et vous di que là en dedens avoit bien III. ou IIIIM. de droite gens d'armes aussi appers, aussi soutilz de guerre que nulles gens pourroient estre, pour aviser une bataille et prendre à son avantaige, pour escheler et embler villes et chastiaux, aussi drus et aussin nourris que gens povoient estre." (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 98).

 

-

[D'une action, d'une conduite, d'une bataille...] "Vigoureux" : Ensi se commença la bataille desous Chisech des Bretons et des Englès, et tout à piet, qui fu grande et drue et bien maintenue. (FROISS., Chron. R., VIII, c.1375-1400, 113).

 

-

[Idée de vigueur arrogante] : ...je di Que, puis que t'a homme vaincue, Ne dois pas estre puis si drue Vers homme. (GUILL. DIGULL., Pèler. vie hum. D.-M.-S.-T., c.1330-1331, 127).

 

c)

[Idée de bonne santé]

 

-

[D'une pers.] "Sain, vigoureux" : Or, me dittes, biaus niés, iestes-vous sains et drus ? (God. Bouillon R.B., t.3, c.1356, 109). Car mon filz, qui est jeune et dru, Pour moy frequentera l'armee. (LA VIGNE, S.M., 1496, 160).

 

-

"Bien nourri, replet" : Certes, dist elle, le pourpoint Si te fust bien taillie a point, Se tu a point fusses taillies ; Mais a toi tient qui apointiez N'es pas a droit selonc son point, Quar trop es cras et as trop d'oint Dessous l'elë et trop es drus, Trop reveleus et trop pëus. (GUILL. DIGULL., Pèler. vie hum. S., c.1330-1331, 122). ...certes la char ainsi nourrie ressemble le cheval, lequel quant son maistre a bien tasché a l'engraissier, il est si dru et si mignot que quant il s'en cuide aidier il ne le puet tenir (CHR. PIZ., Trois vertus W.H., c.1405, 18).

B. -

Empl. adv.

 

1.

"De manière drue, dense, serrée" : Il veoient le grant desroy Des annemis Dieu qui traioient à eaus, et pierres leur gettoient Fort et dru et espessement, Et si très felonessement Que ne le vous saroie dire. (MACH., P. Alex., p.1369, 154). ...nous tenir drut et fort ensamble que on ne nous puist ouvrir. (FROISS., Chron. R., XI, c.1375-1400, 50). Et vous di que li archier d'Engletière, qui estoient sus les dodanes des fossés de la ville, traioient saiètes à ceux dedens si ouniement, si roit et si drut, que à paines osoit nuls aparoir as crestiaux de la ville et as deffenses. (FROISS., Chron. R., XI, c.1375-1400, 120). ...adont veïst on les fleches La voler plus dru que flameches (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 250). Paiens volent plus dru que ne vollent arondel ! (Galien D.B., c.1400-1500, 123). Plus drut volent quariel que nege qui nevie (Jourd. Blaye alex. M., a.1455, 743).

 

-

Si fort et si dru : La commencierent a traire de canons et d'arbalestres, et a l'approuchier, a lancier dars si fort et si dru que ce sembloit gresil des viretons qui vouloient ; et fu la bataille dure et forte. (ARRAS, c.1392-1393, 129).

 

-

Dru + adj. : Les dames furent orfrisies, Drut perlees et bien croisies (FROISS., Par. am., c.1361-1362, 63). Et ses dames et damoiselles furent noblement atournees, et les pluseurs orent les chiefs bien perlez et druz croisiez. (ARRAS, c.1392-1393, 190).

 

2.

"Abondamment" : Je les gecteray [les ennemis] cul a terre Plus dru c'une grasse geline, Mez que je aye ma capeline Qui fut a Ogier le Danois. (Myst. st Adr. P., c.1450-1485, 38). Deschargez sur ce pelerin Plus dru que ne vont poix en pot. (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 336).

 

-

"À coups répétés" : MARELLIER. Tresdru et menu, Sans plus longuement sermonner, A sonner me veulx ordonner. Chascun de vous preigne une corde Et veillez tous dedens donner. (LA VIGNE, S.M., 1496, 544).

 

-

Dru et souvent. "À plusieurs reprises"

 

Rem. MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, gloss.

 

3.

"Vigoureusement" : Jouster yray dru et souvent, Et vainqueray mes ennemis, Et quant j'aray le mien corps mis En honneur et chevalerie. (Gris., 1395, 46). Je crioye tousjours : je me rens ; j'avoye paour de la mort ; car ilz estoient deux ou troys qui me sercheoient o leurs espées entour la gorge si dru qu'il ne me souvenoit que de mourir. (BUEIL, I, 1461-1466, 224). Alons m'en faire une hesmee Et rompre lieux dru et menu. Se ce faulx matin est tenu, Dieu, qu'il sera bie[n] pourbondy ! (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 779).

 

-

Ferir dru et menu. "Distribuer une pluie de coups" : ...et là eussiez vous veu lancez voler contremont, chevaliers desseeller, chevaulx cheoir et courre par la praierye et ferir dez espeez sy dru et menu qu'il n'y avoit celluy quy ne fust assez empeschié de soy meismez (Comte Artois S., c.1453-1467, 10).

 

-

"Nettement" : A paine par livre ou par role Porroit on si dru desrengier ["faire ressortir"] Comme il sçavoit en plaine escole Son gentil propos arrengier. (MARTIN LE FRANC, Champion dames D., t.1, 1440-1442, 163).

C. -

Empl. subst. "Partie la plus dense, la plus épaisse d'un espace" : Des chevaus descendirent, car ne polrent errer Par my le dru dou bos, ou il voloit passer, Adfin que nuls nel sieuce, siergant ne baceler. (Flor. Rome W., c.1330-1400, 215).

 

-

Les (plus) drus. "La foule, la masse" : Aux plus drus des François se bouterent briefment (Gir. Vienne D.B., c.1350-1400, 133). Là eut fait pluiseurs grans apertises d'armes. Et ne s'i espargna li rois d'Engleterre noient, mès estoit toutdis entre les plus drus. (FROISS., Chron. L., IV, c.1375-1400, 80). ...il court et racourt, fiert et rue par les plus drus (Cligès C.T., 1455, 91). ...és plus drus se fiert, si fait lez rens trambler (Cligès C.T., 1455, 128). De plus en plus acouroient autour de Thybauld de Dommarc lez hommez du duc d'Iort (...) et a chief de piesce, le conte de Pontieu serchant les plus grandez assamblees voit que illec est aulcun qui sans aide ne puelt bien licitement eschaper. Il (...) picque et fiert par les plus drus soubdainement, tant qu'il en abbat le primier, le second... (Fille comte Pontieu B., c.1465-1468, 61).

 

Rem. Percef. I, R., c.1450 [c.1340], gloss. ; Mabrien V., 1462, gloss.
 

DMF 2020 - Article revu en 2015 Robert Martin

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