I. -

Empl. trans.

A. -

"Discréditer (par ses propos) qqn ou qqc."

1.

"Médire de, calomnier, attaquer, discréditer, diffamer qqn (ou une collectivité), répandre le discrédit sur qqn ou qqc." : ...tous li cuers me frit et tramble, Quant einsi sans cause blamer Oy les dames et diffamer. (MACH., J. R. Nav., 1349, 243). La croist honneurs ; la chiet diffames. Car tels a esté diffamez Qui puis est chieris et amez De ceuls qui ains le diffamoient, Pour ce qu'apertement vëoient Qu'il met son corps en aventure (MACH., J. R. Nav., 1349, 272). Dont par eaus seras diffamez Et meins prisiez et meins amés, Povres, chetis et mendians, S'il te tiennent en leurs lians, Ne mais ne passera ta porte Honneur, eins sera pour toy morte. (MACH., C. ami, 1357, 117). Aucuns en la parfin ont voulu blasmer saint Pol de ce qu'il diffamoit les autres en les appellant aucunes foys folz et sans sens - O incensati etc. -, aucunes foys males bestes et menteurs ; les autres il louoit et flatoit, ce leur semble (GERS., P. Paul, a.1394, 506). Il fault que li rois d'Engleterre obeise a son peuple (...) Et s'il fait le contraire (...) il ne le poront amer, mais le disfameront et querront sur lui voies et adreces obliques, ja soit il preudons en consience, par quoi il le destruiront. (FROISS., Chron. D., p.1400, 221). Toutefoiz ne vueil je pas dire Ces choses affin de mesdire, Ne diffamer le tres noble ordre Angelique (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 9). Oudit temps, lesdiz ennemis, ainsi logez devant Paris, firent plusieurs balades, rondeaux, libelles diffamatoires et autres choses, pour diffamer aucuns bons serviteurs estans autour du roy, afin que à ceste cause le roy les prinst en sa malvueillance et les deschassast de son service. (ROYE, Chron. scand., I, 1460-1483, 111). Herodïas, Jehan vous diffame ! Treuve façon qu'il preigne mort. (Pass. Auv., 1477, 92). Je sçay bien qu'on me diffame Et infame, Mes certes il ne m'en chault. (Pass. Auv., 1477, 135). Iceulx jugemens je tais pour ce que les semblables à noz calumpniateurs en furent diffamez à Paris et ahontiz, envers Dieu et envers les hommes (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 141 r°).

-

"Jeter la honte sur, déshonorer" : Aucuns homs sara que sa fame Se gettera en un diffame Par sa folie et son outrage, Dont elle ara honte et damage, Ou d'un amant sa bien amée Qui porra estre diffamée Par la maniere devant dite Que j'ay en sousposant descrite. (MACH., D. Aler., a.1349, 388). ...doit on avoir pitié D'ardoir une si faite dame Qui si deshonneure et diffame Un tel homme que le marquis (...) ? (Mir. marq. Gaudine, 1350, 137). Vous dites ceste chose pour le roy diffemmer (Renaut Mont. B.N. V., c.1350-1400, 367). Le court n'est mie bonne ou droiture est faussee ! - Messagier, dist li rois, trop menez grant posnee De diffamer me court (Renaut Mont. B.N. V., c.1350-1400, 573). Quant au besoing vous ont lessiez, Princes royaulx qui les paissiez, Leurs lignages ont abessiez Et diffamez. (CHART., L. Dames, 1416, 226). Qui n'a Amour et amis, il n'a rien. Or se puet donq cellui chetif clamer, Et son estat est dolent et dampnable, Qui grieve et nuit et se fait diffamer Et n'aime rien fors d'amour prouffitable. (CHART., B. Nobles, c.1424, 401). Souvienge toy que vie curial est de la nature des folles et dissolues femmes qui plus cherissent lez derniers venuz, et gettent les bras au col plus ardaument a ceulx qui les pillent et diffament, que a ceulx qui trop les ayment et servent. (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 7). ...et pour le [le roi Edouard] deshonnorer et diffamer perpetuelment luy fit [le prince de Galles] imposer cas non creables (JUV. URS., T. crest., c.1446, 145). Mais par la desloyalle emprise, Catheline diffama tout son lingnaige et fist oublier tous les biens fais de ses predecesseurs (LA SALE, Sale D., 1451, 211). La quatrieme est que cellui que on veut appeller soit diffamé du fait par indices ou presumpcions semblables a verité, et ce signiffie la clause des indices. (LA SALE, J.S., 1456, 32).

2.

"Tenir qqn ou qqc. pour honteux, pour méprisable, mépriser qqn ou qqc." : Car tant het d'orgueil le diffame Que sa char destruit et diffame Pour s'ame honnorer par penance (Mir. parr., 1356, 44). Et ceus ici, nous les diffamon par sus tous. (ORESME, E.A., c.1370, 364). ...et ceulz qui trop en usent sont bestialx et genz a diffamer. (ORESME, E.A.C., c.1370, 221). Sanz nombre on pourroit tousjours dire Exemples et dis a despire Richeces, les maurenommees, Qui des sains furent pou amees. Jhesucrist petit les ama, Plus qu'autre riens les diffama (...) Et qu'a desprisier elles facent Et ceulx pou louer qui amassent Au coust d'autrui diversement, Et en usent mauvaisement, Toute en est plaine l'escripture. (CHR. PIZ., Chem. estude P., 1402-1403, 208-209).

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Estre à diffamer. "Mériter d'être rejeté comme déshonorant" : Et pour ce est tel vice justement et a bon droit reprouvable et a diffamer (ORESME, E.A., c.1370, 222).

B. -

P. anal. "Jeter le discrédit sur qqn ou qqc. (en le souillant, en le défigurant...) ; souiller, défigurer" : La grant doleur, le grief martyre Que les autres bestes li font, Dont li cuers en ventre li font, Et comment elles ne le puelent, Comment mettre a la mort le vuelent, Com le diffament, com l'abaient, Poingnent, espient et detraient, Comment il ne s'ose vangier, Comment il vit en tel dangier Qu'il li couvient feindre estre amis A ses plus mortels anemis... (MACH., D. Lyon, 1342, 178). [Un bourreau à propos de Vincent qu'un loup est sur le point de dévorer] Il sera de luy diffamé, Certes, s'il y peut acrocher (Myst. st Vincent L., 1471 (1476), v. 14506, X. Leroux, R. Ling. rom. t.77, 2013, 487). La terre, l'eau, l'air [et le] feu font plainte Que chair humaine est de vice enflammee, Tant que celle n'est par justice (d)estainte La court du ciel en sera diffamee. (Cene dieux, c.1492, 114).

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"Porter atteinte à l'image de qqn ou de qqc., nuire à" : Je vueil qu'il me voise vengier De Julien, cel homme infame ; Mon doulx filz et moy trop diffame (Mir. emp. Julien, 1351, 195). Certes, c'est bien vray que lez Anemis si tourmantent a la foys aucunes personnes, selon le croissement de la lune, laquelle chose ilz font pour deux causes : primierement, afin que ilz puissent diffamer la creature de Dieu, c'est assavoir la lune (Songe verg. S., t.1, 1378, 381).

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[D'une chose] Diffamé. "Discrédité, mauvais" : Se leur fist dédyer et consacrer l'espée Et l'aniel ensement par oevre difamée. (Geste ducs Bourg. K., c.1410-1419, 272). LA LAITIERE. Il a menti maulvaisement Parmy sa gorge diffamee, Car il a la noise entamee Et m'a tant dit de desplaisir Que point n'en auriez de plaisir, Car, si vous le saviez bien, Il n'en portera rien du mien, Par Dieu, que je ne le pugnisse. (Sav. serg. D.L., c.1480-1490, 33).

C. -

P. ext. "Répandre, divulguer" : ...les chevalliers, prendans la monnoie, dirent ainsi qu'ilz estoient admonnestez des juifz, et diffamee est par tout leur parole. (Percef. VI, R., c.1450 [c.1340], 849).

Rem. Calque du sens latin de diffamare "divulguer".

II. -

Empl. pronom. Se diffamer. "Se discréditer, se déshonorer" : ...quant tu seras à la court, ou tu feras bien ou tu feras mal. Se tu fais mal, tu te pers et diffames. (BUEIL, I, 1461-1466, 49).

III. -

Part. passé en empl. adj. "Décrié, de mauvaise réputation, déshonoré" : Et par ce sunt exclus de tel honneur sacerdotal gens qui ont deffaute en nativité, qui sunt illegitimes ou mal engendrés ou de lignage vil ou diffamé ou serf. (ORESME, Pol. Arist. M., c.1372-1374, 306). ...Marion Tenebrere, femme diffamée (Doc. Poitou G., t.5, 1381, 161). Je suis trop courouciés et aussi est ma femme de ce que nous povons durer à Henry, mon pere, pour une garsse appellée Jehannete, la plus diffamée et la plus mauvaise ribaude que l'en sache, car elle est toute commune (Trés. Reth. S.L., t.2, 1388, 350). Et dit que dudit cas icellui prisonnier est communement et nottoirement diffamé au pays. (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 403). Tous lesquieulx, veu l'estat et personne d'icelle Macete, laquelle, par sa confession, a esté fille de vie et de petit gouvernement, et que icellui de Ruilly est homme bien né et renommé, et n'est pas à presumer que un homme de tel estat eust prins par mariage une tele fille si diffamée, se par aucune aventure il n'eust ad ce esté ceduit par aucun (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 321). "Vous y mentez !" dist il, "faulces gens diffamee !..." (Galien D.B., c.1400-1500, 20). Ainsi vous ensemble maudictes Les fuitifz pour leurs demerites, Dont ilz ne seront jamaiz quictes, Quant courouchié Ont les bons comme on a touchié, Dont j'ay le cuer bien courouchié Qu'il me puist estre reprouchié D'avoir amé Un lasche fuitif diffamé Et de tel deshonneur blasmé, Qui tant a son bien entamé Comme de fuire En tel place et aux autres nuire, Faire son bacinet reluire Et vestir harnoiz pour defuire ! (CHART., L. Dames, 1416, 276). ...ladite Jehanne la Pucelle fist faire ung cry, que nul homme de sa compaignie ne tensist aucune fame diffamée ou cuquebine. Néantmoins elle trouva aucuns trespassans son commandement, parquoy elle les frappa tellement d'icelle espée, qu'elle fut rompue. Et tantost ce venu à la congnoessance du roy, fut baillée à ouvrier pour la resoulder, ce que ilz ne peurent faire, ne la peurent rassembler oncques, qui est grant aprobacion qu'elle estoit venue divinement. (CHART. J., Chron. Ch. VII, V., t.1, c.1437-1464, 122-123). Sy apperçoy le grant danger Ouquel omme amoureux se boute. Et qui me vouldroit laidanger De ce mot, en disant : "Escoute ! Se d'amer t'estrange et reboute Le barrat de celles nommees [les filles de joie], Tu faiz une bien folle doubte, Car ce sont femmes diffamees..." (VILLON, Test. R.H., 1461-1462, 60). ...tout homme qui prend guerre ou querelle par envye est deshonnourablement diffamé et destruit à la parfin. (BUEIL, I, 1461-1466, 127). LE GENDARME. Helas, je vous prie, ma mignonne, Que je ne soye point esconduit, Car cy se moyne vous conduyt, Vous estes femme diffamee, Mais de moy vous serez aymee Plus que Paris n'ayma Helaine, Et se vous estes a ce moyne, Tout vostre honneur est desconfit. LA FILLE. (P. moyne, a.1500, 50).

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Diffamé de + subst. "Déshonoré par (une pratique), déshonoré à cause de" : ...tout userier publique ou notablement diffamé d'usure (Hist. dr. munic. E., t.1, 1356,,, 350). ...en son [du roi] Hostel (...) ne souffrist hommes ou femmes diffamez de puterye et ribaudie et de tous aultres peschez (JUV. URS., Nescio, 1445, 547). Et partant fut absoubz de ladicte accusation contre ledit Julio comme homme vaincu, reproché de honte et diffamé de son injuste querelle et deffaillant à son honneur. (LE CLERC, Interp. Roye, c.1502, 358).