C.N.R.S.
 
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     DÉTRIER     
FEW XIII-2 tricare
DETRIER, verbe
[T-L : detriier ; GD : detrier ; AND : detrier2 ; FEW XIII-2, 258b : tricare]

I. -

Empl. trans. Detrier qqn/qqc.

A. -

"Retarder qqn ou qqc., empêcher qqn de faire qqc." : L'ERMITE. Sire, si est m'entencion Que par vostre gré m'en revoise En mon lieu (...). LE PAPE. Estre ne vous vueil detriant Le propos de bien qu'en vous voy. (Mir. pape, 1346, 375). Quant le roy Edouart oy ces nouvelles, il assembla ses princes et ses hommes (...), et entra en mer pour aler en Gascongne, mais le vent les detria. (Chron. norm. 14e M., c.1369-1372, 74). Mais qu'essoinne ne me destrie, G'y pense assez briément a estre (Mir. fille roy Hongrie, c.1371, 11). Garde que riens ne te detrie Jusques a tant que la seras. (Mir. Berthe, c.1373, 243). Pour quoi, ceste doubte et les escripsions que li rois de Sesille en faisoit, detrioient grandement pluiseurs signeurs dou dit royaume. (FROISS., Chron. L., I, c.1375-1400, 183). Cilz rencontres detria grandement le senescal de Haynau qu'il ne peut venir à temps au pont à Trit. (FROISS., Chron. L., II, c.1375-1400, 16). Et ce qui avoit detriiet et empechiet bien cinc jours les mariages à aprochier, estoit pour un different que li consaulx dou duc de Bourgongne i trouvoient et mettoient. (FROISS., Chron. R., XI, c.1375-1400, 190).

 

Rem. Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], gloss.

 

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"Faire attendre qqn" : Se li pooit bien ce peser, avoech le grant tresor qu'il avoit donnet à ces signeurs qui ensi le detrioient par parolles. (FROISS., Chron. L., I, c.1375-1400, 153).

 

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Detrier qqn à + inf. : "Signeur, dist il, nous veons que nostre ennemi nous detrient à combatre, et si en sont en grant volenté, si com je l'espoir." (FROISS., Chron. L., VI, c.1375-1400, 121). "Et oultre il dient que les ambasadours de France, qui par chi passèrent, furent detriiet à non venir [non explétif] devers nous en Escoce, sicom il deussent, et trop longuement les tenistes en sejour et en solas." (FROISS., Chron. R., XI, c.1375-1400, 173).

B. -

"Repousser, écarter qqn ou qqc." : ...et avrez avecques vous bons archiers pour les sourvenans detrier et faire reculer (LE BEL, Chron. V.D., t.1, 1358, 339). Et sa belle vie, par foy, Monstre qu'elle est de Dieu en grace ; Par quoy on adjouste plus foy à son fait. Car, quoy qu'elle face, Tousjours a Dieu devant la face, Qu'elle appelle, sert et deprie En fait, en dit ; ne va en place Où sa devotion detrie. (CHR. PIZ., J. d'Arc, 1429, 34). Moult furent bien serviz, n'es nuz qui les detrie. (Jourd. Blaye alex. M., a.1455, 206).

 

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"Détourner qqn (de qqc.)" : Ces quatre vertus en oubli Ne sont pas pour lui detrier. (MACH., D. verg., a.1340, 25). Si entra en son oratoire Pour le souverain Dieu de gloire Aourer, loër et prier, Ne riens nel peüst detrier Qu'a genous trois fois la journee Ne fust s'orison presentee A Dieu qui deffent et qui garde De tous ceaus qu'il prent en sa garde (MACH., C. ami, 1357, 37). ...dont messires Johan, sires de Harduémont, ses freires, et messires Johan d'Oreilhe, sires de Vellerous, ses cusiens, qui estoit tres sages chevaliers et de grande eloquence en romans et en tiexhe, l'avoiient sovent repris et chastoiiet et tousjours detriiet juxes adont, par force de bonnes parolles et de bons exemples raisenables (HEMRICOURT, Guerres Awans B., c.1398, 36-37).

 

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"Empêcher qqc." : Ce detrie Ma joie et ma maladie Fait gringnour. (MACH., Ch. bal., 1377, 608). Si n'est vie Si jolie Com de desirer ami En Espoir Qui chastie Et maistrie Desir, si qu'il n'ait maistrie Ne pooir, Qu'il detrie Vie lie, Quant Espoirs ne s'amolie. (MACH., Les lays, 1377, 431). La ne tuent nuluy, Gloriant le detrie (Jourd. Blaye alex. M., a.1455, 589).

 

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[D'une chose] : ...Voire sans adenter, le liege le detrie (Jourd. Blaye alex. M., a.1455, 376).

C. -

"Allonger (un propos)" : Qe vous purroie je detrier La matiere et plus alongier ? (HÉRAUT CHANDOS, Vie Prince Noir T., c.1385, 102).

II. -

Empl. intrans. ou pronom. "Tarder, s'attarder, hésiter" : LE BOURGOIS. (...) or ne vous detrïez, Et la nostre dame prïez Humblement et de devot cuer (Mir. enf. ress., 1353, 2). C'om maine tost la dame en prison et comvoye, Et on le fit tantost quar point on ne detroye. (Flor. Octav. L., t.1, c.1356, 19). Adonc Berthe ne detria ; De paour qu'elle ot me pria Qu'en lieu d'elle avec vous jeust Ma fille (Mir. Berthe, c.1373, 218). Va t'en ou marchié, ne detries, Et la pour bani Robert cries (Mir. Rob. Dyable, c.1375, 21). Si desploiièrent cil signeur de France leurs banières et detriièrent un petit, pour le cause de ce que il voloient avoir leurs brigans. (FROISS., Chron. L., V, c.1375-1400, 167). Cil de le ville de le Rocelle (...) detriièrent plus d'un an que onques il ne veurent laissier entrer Englès en leur ville. (FROISS., Chron. L., VI, c.1375-1400, 58). DIEU. Sanz plus estre cy detriant, Mére, aler vueil a ce bourgeois (Mir. march. juif, c.1377, 215). Or avant : ne vous detriez, Avec moy Dieu de cuer priez (Mir. fille roy, c.1379, 72). Et sont toutes gens, asquels les paroles viennent, esmervilliet pourquoi vous detriiés tant que vous n'en faites vostre devoir, puisque vous en estes soufissanment enfourmés. (FROISS., Chron. D., p.1400, 231). On dist a mesire Gautier : "Sire, faites lever ces jeuiauls par vostres gens, car il sont vostre." Mesire Gautier respondi et dist : "Je n'ai pas deservi a recevoir dou roi de France si grans dons ; et qant je li averai fait service qui le vaille, je prenderai bien ce don ou aultres." On detria sus cel estat un petit. Li rois volt sçavoir quel cose il avoit respondu. On li dist... (FROISS., Chron. D., p.1400, 759). Autres cités aussy fin prindrent Puis n'ala Guerres detriant Et toutes par guerres perirent (TAILLEV., Prise Luxemb. D., 1443, 173). Desy jusqu'o palais ne cesse ne detrie. (Jourd. Blaye alex. M., a.1455, 38). [nombreux autres ex. ds ce texte, cf. gloss. de l'éd.]

 

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"Faire durer ce que l'on fait" : "S'un petit alons detriant, Tant nous est li deduis plus lons..." (FROISS., Joli buiss. F., 1373, 93). Cil Englès qui n'estoient que un petit, se combatoient sagement, et detrioient toutdis, en yaus combatant, ce qu'il pooient ; car il cuidoient que leurs gens deuissent venir. (FROISS., Chron. R., VIII, c.1375-1400, 110).

 

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[D'une action] "Durer, traîner" : Entrues que ces besongnes se detrioient, li aultre chevalier englès (...) s'espardirent aval le pays de Flandres (FROISS., Chron. L., I, c.1375-1400, 148).

 

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(Se) detrier de + inf. "Différer de, tarder à" : ...et pourtant Loys, ainsné filz du beau roy Phelippe, detria d'aler à son sacre à Rains, jusques à ce qu'il y eust un pappe, par qui l'arceveschié feust ordonnée. (Chron. norm. 14e M., c.1369-1372, 31). Restourner me fault a l'eglise. Mon chier amy, pour moy priez Souvent, ne vous en detriez. (Vie st Fiacre B.C.P., c.1380-1400, 22).

 

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Empl. impers. "Prendre du retard" : ...grans parlemens et assamblees sus li dit honmage furent en celle saison en Engleterre. Et i sejournerent li desus nonmé prelas et barons envoiiés dou roi de France tout l'ivier et jusques a l'issue dou mois de mai ensievant, que il ne pooient avoir nulle response. Toutesfois, quoique il fust detriiet, finablement li rois d'Engleterre, par l'avis de ses previleges asquels il ajoustoit grant foi, fu consilliés de escrire ensi lettres patentes seelees de son grant seel, en recongnissant l'onmage tel que il le doit et devoit adont faire (FROISS., Chron. D., p.1400, 191).

 

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Sans detrier. "Sans tarder, sans délai" : LA VOISINE. Dame, je vois sanz detrier. Alons men : vez en cy tout plain ; La messe est sonnée a saint Main Et si sera par temps chantée. (Mir. enf. diable, c.1339, 16). Adont me mis sans detrier A genous pour li mercier. (MACH., R. Fort., c.1341, 141). LA FEMME. (...) Mouvons dés cy sanz detrïer (Mir. enf. ress., 1353, 79). ...j(e) y voys sans de(s)trïer. (Flor. Octav. L., t.1, c.1356, 250). Des plus tres fors hommes qu'il ot Manda li rois et en mi l'ost Commanda les trois Juïs prendre Pour ardoir et bruïr en cendre, Et si leur fist sans detrier Les piez et les jambes lier Et eaus geter dedens le fu... (MACH., C. ami, 1357, 22). Li gentils roys, sans detrier, Fist parmi tout son ost crier Que toute maniere de gent, Gens d'armes, vallet et sergent, Fussent tuit à une assamblée... (MACH., P. Alex., p.1369, 100). Li roys la fist, sans detrier, Devant chascun, penre et lier, Seur une eschiele, et puis estendre. (MACH., P. Alex., p.1369, 260). Et aprés celui mariage Ne voet gaires plus atarger, Eins s'en ala, sanz detrier, En Gascoigne, en courte saisson (HÉRAUT CHANDOS, Vie Prince Noir T., c.1385, 92). Thamaris, sans detrier, Lui dit, par hault et fier courage (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 209).

 

Rem. Myst. st Clément Metz D., p.1439, gloss.

III. -

Inf. subst. "Retard" : Et si fu dedens enfermee La chanson ci devant nommee ; Et li tramis sans detrier, Qu'a moi grevoit le detrier. (MACH., Voir, 1364, 368).
 

DMF 2020 - Synthèse Robert Martin

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