C.N.R.S.
 
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     DEVENIR     
FEW III devenire
DEVENIR, verbe
[T-L : devenir ; GD : devenir ; GDC : devenir ; AND : devenir ; DÉCT : devenir ; FEW III, 59b : devenire ; TLF : VII, 98a : devenir1/devenir2]

I. -

[Verbe attributif]

A. -

"Passer d'un état à (un autre), commencer à être (ce qu'on n'était pas)"

 

1.

[L'attribut est un adj. ou un part. passé] : Ma main sens morte devenir : Perdue l'ay. (Mir. st Panth., 1364, 353). Et sont pluseurs qui ne font pas telles oeuvres appartenantes a vertu, mais ont leur refuge a raisonner ou a oÿr ou estudier la philosophie des vertuz et par ce il cuident acquerir vertu ou estre faiz et devenir vertueus. (ORESME, E.A., c.1370, 157). Et l'aventure si est telle que, se, a ceste presente heure, uns subgiez occioit son seigneur, qu'il devendroit ly plus riches, ly plus puissans, ly plus honnourez qui feust oncques en son lignaige, et de lui ystroit si tres noble lignie qu'il en seroit mencion et remembrance jusques en la fin du monde (ARRAS, c.1392-1393, 21). Ne ja pour ce [en te mariant] ne devendra Ta complectïon feminine, Car bien scez que pas ne domine La femme, maiz ce fait li homs (Gris., 1395, 15). Toutefoiz en vi je pou riches Devenir, sanz faire grans triches (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 73). ...quant les maistres particuliers d'icelles Monnoies sont ou deviennent non solvables. (FAUQ., II, 1421-1430, 242). Et aussi ceulx qui trop ardanment et sans discrecion se mectent a trop longuement penser a quelque chose, ou par affection desordonne comme sont ceulx qui folement ayment ou charnellement, comme aucunesfois on voit quilz en deuiennent folz et sans raison (CIB., p.1451, 213). Et ceulx qui ne sont nobles de lignée doivent bien garder l'honneur des armes, quant le harnoix les fait devenir nobles. (BUEIL, II, 1461-1466, 82). J'ay alheurs paraboles mis, Lesqueulx voyans aveugles sont, Et en ouyant sourtz deviendront. (Pass. Auv., 1477, 137). ...et trouva que, au moïen de la pluye, ledit sel se augmente et croist et devient si très dur que nul acier trempé à peine le peut rompre. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 85 r°). ...lui remonstrant qu'il faisoit mal de vouloir calumpnier astrologie, actendu les utillités d'icelle, dont il eut tel dueil que peu après en devint aliené de son sens et après deceda et mourut, quasi enragé ou incensé. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 164 r°). Tous se font riches et povre je deviens. (LA VIGNE, S.M., 1496, 373).

 

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En partic. [La cause du processus évolutif est exprimée par en] : O Adonaÿ, quel tempeste Et quel meschief vient de luxure ! Le plus saige en devient beste, Layssent raisonnable nature. (Pass. Auv., 1477, 110).

 

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[Attribut représenté par un pronom neutre] : Il est force qu'adés il m'en souvieigne, Quel que je soye et quel que je devieigne, Tant que l'ame dedans le corps se tieigne ; Et n'est chose dont mieulx ne me passasse. (CHART., Compl., 1424, 325). Pour le temps que je l'ay congneü, point n'estoit cruel ; mais il le devint avant sa mort, qui estoit mauvais signe de longue durée. (COMM., II, 1489-1491, 154).

 

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[Attribut effacé] : "Conte," se dist le roy, "foy que doy saint [Espire], S'estiés devenu, j'en aroye grant yre..." [anaphorique de assoté] (Galien D.B., c.1400-1500, 15).

 

2.

[L'attribut est un subst.] : Et fisent deus bonnes batailles (...) Si avoit le première li dauffins d'Auvergne, contes de Clermont, si l'appelloit on Beraut, et devint là chevaliers ["fut fait chevalier"] et leva banière esquartelée d'Auvergne et de Mercueil. (FROISS., Chron. L., V, c.1375-1400, 187). Amoureux Jhesus (...) Qui (...) Deignas en ce monde venir Et filz de vierge devenir (Mir. ste Bauth., c.1376, 115). Comment ! Ribaulx moynes, qui vous a donné le hardement d'avoir enchanté mon frere tant que par vostre faulse cautele vous l'avez fait devenir moine ? (ARRAS, c.1392-1393, 251). ...je m'adrece a lui et voel devenir son honme de foi et de bouce (FROISS., Chron. D., p.1400, 480). Ung fer lime l'autre, et ung pecheur chastie son semblable, et devient instrument de la divine justice. (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 42). Sa, tost ! je vueil devenir prestre. Or sa ! (Path. D., c.1456-1469, 126). Et tout ce jour demoura audit lieu de Saint-Denis jusques au lendemain après vespres, qu'il s'en retourna en son hostel des Tournelles, et d'ilec s'en ala souper en l'ostel de sire Denis Hesselin, son pennetier et esleu de Paris, qui nouvellement estoit devenu compere du roy à cause d'une sienne fille dont sa femme estoit accouchée, que le roy fist tenir pour lui par maistre Jehan Balue, evesque d'Evreux ; et pour commeres y furent madame de Bueil et madame de Montglat. (ROYE, Chron. scand., I, 1460-1483, 182). Oudit moys de juing, le roy, qui avoit à son prisonnier le prince d'Orenge, seigneur d'Arlay, et qui estoit à XXXm escus de finance, le delivra et donna sadicte finance ; et, en ce faisant, devint homme lige du roy et lui fist hommage de ladicte principauté d'Orenge. (ROYE, Chron. scand., I, 1460-1483, 338). ...et, oultre la restitution, luy offroyent laisser toutes les alliances qui seroient contre son vouloir, et par especial celle du roy, et devenir ses alliéz et le servir de six mil hommes (COMM., II, 1489-1491, 99).

 

-

"Se transformer en" : [La Vierge s'adresse à Dieu] Car, tresdoulx, qu'en moy descendi La vostre deité diuine Deneuist cest verité fine Fors al humaine lignie (Sept péchés C., c.1300-1350 [p.1478], 223). Item, se les elemens estoient determineement de certaine figure, donques s'ensuiroit il que se l'en mettoit eaue en un vaisseau qui fust de tele figure comme est aer, que l'eaue devenist aer. (ORESME, C.M., c.1377, 642). Il [le chevalier], par sa curieuseté, la voult veoir [sa femme], et tantost la faee bouta sa teste dedens l'eaue et devint serpente, n'oncques puis ne fu veue, et le dit chevalier declina petit a petit de toutes ses prosperitez et de toutes ses choses. (ARRAS, c.1392-1393, 4). Car se pitié de nous [nous, les pendus] povres avez, Dieu en aura plus tost de vous mercis. Vous nous voiez cy attachez, cinq, six : Quant de la chair que trop avons nourrie, El est pieça devoree et pourrie, Et nous, les os, devenons cendre et pouldre. De nostre mal personne ne s'en rie, Mais priez Dieu que tous nous vueille absouldre. (VILLON, Poèmes variés R.H., c.1456-1463, 66). ...quant ils l'auront de coustume, quant le besoing y viendra, ne vous ne eulx, ne traveillerez point à le faire [chevaucher en ordonnance]. Car coustume rent maistre et devient nature. (BUEIL, II, 1461-1466, 32).

 

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Devenir neant. "Disparaître" : "Ilz, c'est a dire toutes creatures, periront et devendront neent, mais tu demeures." (Somme abr., c.1477-1481, 104).

 

3.

[L'attr. est un synt. prép.] : Et si te meïs en servage De Fortune qui tant est sage Que nuls ne devient de sa court, Qu'il ne couveingne brief et court Qu'il face sa franchise serve, Puis qu'il face tant qu'il la serve. (MACH., R. Fort., c.1341, 94). C'est bien assez pour devenir Hors du sens et estre cocu, Et comment en mon temps j'ay veu Ung sot soctement gouverné Lequel sot fut soctement né, Sot saillit du ventre soctise. (Feste roys, c.1475-1500, 301).

B. -

[En prop. interr.] "Avoir (tel état, tel attribut) pour sort" : Helas ! que pourray devenir ! (Mir. ev. arced., c.1341, 114). LE MARI. (...) Qu'est la dame ore devenue, Qui cy endroit estoit venue ? (Mir. enf. ress., 1353, 65). ...lui fu donné couronne, XVJ ans a ou environ, en l'ostel dudit evesque (...) et de ce il ot lettre, laquelle il ne scet qu'elle est devenue, parce que depuis ce qu'il ot eu tonsure, il ne demoura en ycelle ville (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 88). ...un orfevre nommé Boileaue (...) et ledit prisonnier, avoient oujourd'ui, à son estal, pesé à son pois une tasse d'argent, ne scet la cause pourquoy, ne à quel fin, et que, icelle pesée, eulx deux s'en alerent, elle qui parle ne scet où, ne qu'ilz devindrent (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 346). Et y ot ja venu grant foison des gens du pays, qui lui demandent s'il avoit veu le jayant. Et il dist qu'il l'avoit combatu, et s'en estoit fouiz et s'estoit boutez en un pertuiz, et se fu si tost esvanoyz que il ne scot qu'il fu devenuz. (ARRAS, c.1392-1393, 265). Et depuis qu'il [le marquis] l'a congneü [Griseldis] En a deux beaux enfans eü Qu'on ne scet qu'ils sont devenuz. (Gris., 1395, 70). "Mervelles est dou voiage des Englois. Que pensent il a devenir, ne ou quident il passer la riviere de Sainne ?" (FROISS., Chron. D., p.1400, 700). Et quant le monde finera, madame, que devenrrez vous ? Alors elle lui dist : nous devendrons ce que est ordonné (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 94). ...et ne scet on que tous les aultres [hommes d'armes] et leurs bagages sont devenus (JUV. URS., T. crest., c.1446, 40). Je ne scé qu'il sont devenus. (Pass. Auv., 1477, 187). ...car ces seigneurs de la maison d'Arragon, dont je parle, perdirent honneur et royaulme et grant richesses et meubles de toutes natures, si departis que à grans peyne scet-l'on qu'ilz sont devenuz (COMM., III, 1495-1498, 82).

 

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[Pour demander des nouvelles de qqn, pour s'enquérir ou s'inquiéter de son sort] : Je croy qu'estes yvre de vin, Ma seur ; et que devenés vous ? (Pass. Auv., 1477, 150).

 

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Ne savoir que devenir : ...Marion (...) vint en sondit hostel moult dolante, corrociée et desconfortée, disant que sondit amy Hainsselin estoit fiancé de nouvel, (...) et que elle ne savoit que faire, que dire ne que devenir, en soy destordant et deschirant sa robe et ses cheveux. (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 354).

 

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[D'une chose] : ...on demande tailles sur tailles et aydes sus aydes, et si a esté le royaulme plus taillié et plus grevé de telz choses non accoustumées puis le couronnement du roy, que il n'avoit esté chinquante ans en devant ; et ce ne scet-on que tout est devenus ne que tout devient. (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 25). ...nous voulons avoir compte, et bien briefment, sur ceulx qui ont gouverné vostre royaulme depuis le jour de votre couronnement, et volons savoir que le vostre est devenu, et les grans levées qui ont esté faictes depuis IX. ans parmi le royaulme d'Angleterre, où elles sont contournées. (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 30). Mais a ceste derreniere voye ont perdu une partie de leur navire et de leur gent, qu'ilz ont attendu en l'isle de Collos, car une nostre gallee de la Noire Montaigne qui les poursuivoit, nous a dit qu'ilz mirent en chasse deux des gallees de l'ospital. Et sachiez qu'ilz ne sceurent que depuis sont devenu, car depuis les attendirent bien six jours ; mais quant ilz virent qu'ilz ne vendroient pas, si se partirent et vindrent au siege. (ARRAS, c.1392-1393, 94). Qu'est devenue la constance et loyauté du peuple françois, qui si longtemps a eu renom de perseverer loial, ferme et entier, vers son naturel seigneur sans querir nouvelles mutacions ? (CHART., Q. inv., 1422, 14). LE JUIF. Que deviendront mes cent escus Que vous ay prestéz en fin or ? (...) Me pairés vous ? (...) Ha, mauldit crestien, Mon vallet me le disoit bien Que crestiens estoyent parjures. (Mir. st Nic. juif, c.1480-1500, 110). Je laisse ung peu ce propos pour dire que devint nostre lettre que avions envoyée, le cardinal et moy, par une trompète. (COMM., III, 1495-1498, 180).

C. -

Loc. Se devient. "Peut-être" : Et s'il avient Que si a point de ses amours lui vient Que a sa dame quelque peu en souvient, Ou qu'el lui veult aucun bien, se devient, Et il perçoit Que le semblant d'elle ne le deçoit Mais qu'en bon gré son service reçoit (CHART., D. Fort., 1412-1413, 174). Bien lui souvient De ces paroles, se devient ; Maiz s'en memoire lui revient, El scet que le bout de l'an vient. (CHART., L. Dames, 1416, 301).

 

Rem. T-L II, 1861, l.47 et suiv. (nombreux ex. d'a.fr.) et GD II, 997b (a.fr.).

II. -

[En constr. indir., composé de venir] Devenir à qqc. "Parvenir (volontairement ou non) à qqc." : Et l'en suppouse comme principe en mathematiques que toute chose continue est divisible et composee de parties qui sont touzjours divisibles sanz ce que l'en puisse devenir a parties qui soient simplement tres petites si comme il fu dit ou premier chappitre. (ORESME, C.M., c.1377, 98). Si lui prïay A genoulz - et me humilïay Pour la pitié que de ly ay, Et pas a dire n'oublïay Que de l'ennuy Avoie aussi, tel que je suy Autant comment homme nulluy - Qu'el me deïst du bien de luy, Don ce lui vient Que tant douloir il la couvient Et qu'a tel destresce devient (CHART., L. Dames, 1416, 213). Et ainsi par icelles comme les effects on devient a la congnoissance de la cause. Item par la congnoissance de ces choses qui se moeuvent et par le mouvement on devient a la congnoissance du mouveur. (Somme abr., c.1477-1481, 136).

 

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Devenir en qqc. : Aux amans est de bien servir A la fin qu'en grace en deviennent, Et aux dames de desservir A ceulx qui a droit se maintiennent. (CHART., D. Rev., a.1424, 316). Lequel mondit seigneur de Bourbon dist et respondit audit de l'Escluse qu'il n'en feroit riens et qu'il aimeroit mieulx estre mort et avoir perdu son vaillant et devenir en aussi grant captivité et povreté que fut onques Job, que de consentir faire ne estre fait quelque chose que ce feust qui fust au dommage ou prejudice du roy ; et à tant s'en retourna ledit Hector sans autre chose faire. (ROYE, Chron. scand., I, 1460-1483, 364). Au contraire, celuy qui gaigne devient en reputation et estime de ses gens plus grande que devant (COMM., I, 1489-1491, 109).
 

DMF 2020 - Synthèse Robert Martin

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