A. -

"Ouvrir ce qui est fermé (ce qui se ferme à clef, porte, coffre...)"

1.

Au propre Desfermer qqc. : [Cont. métaph.] Par la vertuz d'umilitey Sera le chasteal [le trésor] defermez De nostre royal heritaige. (DUPIN, Mélanc. L., c.1324-1340, 220). La dame dist qu'elle l'avoit [l'anel], Mais ou, pas bien ne le savoit. Si fist samblant de l'aler querre Et, en deffermant une serre, Comme dame avisée et sage, Dist a un sien privé message : "Va sans arrest a mon ami Et si li di que mal pour mi, Se mon anel ne me renvoie..." (MACH., J. R. Nav., 1349, 235). ...par nuyt osta à la dame dudit hostel sa sainture de dessous son chevez et en osta une clef, elle dormant en son lit, de laquelle il deferma un cofre ouquel il print VIxx florins d'or, c'est assavoir IIIIxx XVIII escuz d'or du coing du roy, XX escuz à l'aigle (Conf. Jug. Parlem. Paris L.L., 1351, 185). ...et avoit bien demandé lesquelles clefs deffermoient la porte et lesquelles le guischet (LE BEL, Chron. V.D., t.1, 1358, 279). Si me levai et m'acesmai, Et puis mes coffres deffermai Ou l'ymage estoit enfermee Qui Toute Bele estoit nommee. (MACH., Voir, 1364, 710). Messires Guillaumes Douglas avoit bien veu que li portiers avoit toutes les clés de le grant porte dou chastiel, et avoit couvertement demandet au portier le quèle deffremoit le porte, et la quèle le guicet. (FROISS., Chron. L., II, c.1375-1400, 52). Il (...) vient à le première porte et le deffrume. (FROISS., Chron. L., V, c.1375-1400, 92). ...et si print ses clefs, et ala à un coffre, lequel il en cuida deffermer et ouvrir, maiz il ne pot, et pour ce remist l'argent en la bourse dudit clerc et les clefs là où il les avoit prinses (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 20). ...li bourgois (...) desfrema la porte de laquelle il gardoit les clefs. (FROISS., Chron. D., p.1400, 558). Si fait la porte deffermer. (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 145). Pitié en cuer de dame siet Ainsi qu'en l'or le dÿamant, Mais sa vertu pas ne s'assiet Tousjours au plaisir de l'amant ; Ains fault deffermer un ferment ["ce qui ferme"] Dont Crainte tient Pitié enclose Et, en ce fermouer deffermant, Souffrir sa douleur une pose. (CHART., E. Dames, 1425, 368). [Cont. métaph.] Mesmement Entendement qui defferma le guichet de ma memoire lez mescongneust a l'entrer, car encores avoit il ses yeulx esblohis, comme prisonnier qui d'une trouble chartre vient soudainement a la lueur du solleil. (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 23). La seconde ense igne estoit ung aultre livre a sept fermeurs deffermés, escript du sang de l'aignel sans tache qui fut digne de cestuy livre ouvrir par sa vertueuse passion (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 27). "A cela ne fauldrez vous mie, Phlipot, mon amy," respondy le conte, lequel tout sur piez alla deffermer ung coffret et en tira pluseurs richez joiaux en disant... (Comte Artois S., c.1453-1467, 136). ...quand chacun sera retrait, je feray ung sault jusques en la chambre de parement, et deffermeray l'huys, et le lairay ouvert. (C.N.N., c.1456-1467, 193). ...il avoit une grand huche, laquelle il defferma et le fist entrer ens [Un mari joue un bon tour à l'amant de sa femme] (C.N.N., c.1456-1467, 379).

-

[D'une chose précieuse] Clos sans desfermer. "Fermé sûrement" : [Cont. métaph.] Dame d'onneur ou tout bien sont present, Arche royaux, close sanz defermer... (Mir. st J. Paulu, c.1372, 150).

-

Desfermer ses malles. V. malle "Vider son sac"

-

Inf. subst. : [Cont. métaph.] Et, mon doulz cuer, quant au noble et au riche tresor dont j'ai la clef, par Dieu je l'irai desfermer le plus tost que je porrai. Et seront au desfermer Foi et Loiauté, Droiture et Mesure (MACH., Voir, 1364, 424).

2.

[P. méton. de l'obj.]

a)

Desfermer un lieu : [Cont. métaph.] Mais ce n'est pas chose sensible Que vostre pensée invisible Puist venir a ma congnoissance, Fors que par la clef d'ordenance Dont vostres cuers soit deffermez, Et que si en soie enfourmez Que vostre bouche le me die. (MACH., J. R. Nav., 1349, 168). Aprés y a des saphyrs que on nomme saphyrs de meir, qui sont lays et obscurs. Mais chils a une vertut que ly autre n'ont mie : car qui, de luy, touche prizons ou autres serres, quelconques soit, il defferme tantost. (MANDEVILLE, Lap. M., c.1350-1390, 178). La fu la clef ouvrée et acomplie Dont la prison d'enfer voult defermer Et paradis ouvrir pour y mener Les vrais amans (Mir. chan., c.1361, 186). Les varlez saillirent avant et deffremerent le lieu ou les chiens estoient (FROISS., Chron. M., XII, c.1375-1400, 180). Sire, sachiez qu'ay deffermé La prison, mais il n'y est pas, Et sçavons bien et hault et bas Mais il n'y a treu ne froissure. (MARCADÉ, Myst. Pass. Arras R., a.1440, 260). JÉSUS. A moy viendra en paradis Qui cloux avoit esté jadis. Tantost je le desfermeray, Quant resuscité puis je seray. (Myst. Pass. Amb. R., c.1474-1500, 62).

-

Part. passé en empl. adj. [D'une ville] "Ouvert, sans remparts, sans clôture" : Et vinrent ces gens d'armes et biaucop de compagnons de piet de Cambrai, environ deus heures en la nuit, en la ville de Haspre, laquelle estoit tout desfremee et est encores (FROISS., Chron. D., p.1400, 352). ...en laquelle isle de Nermoustier a ung bourg bel et notable, lequel est deffermé et ouvert sans aucune closure, et champestre (Doc. Poitou G., t.9, 1449, 120).

b)

Desfermer qqn

-

"Délivrer, faire sortir qqn (du lieu où il était enfermé)" : ...il s'en vinst à la prison où le roy estoit et le deffruma et getta dehors et puis se getta à genoulx devant lui (WAUQUELIN, Belle Hélène Const. C., c.1448-1452, 360). Et, pourtant, est il bien besoing De penser a le bien garder Et songneusement regarder. Au moins, s'on le vient deffermer, Que nous puissions bien affermer Que ce n'est pas nostre simplesse. (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 764).

-

"Libérer qqn d'un objet qui ferme à clé et qui enserre une partie de son corps (bracelet, fers...)" : ...cellui à qui ce advenra sera tenu de porter par ung an entier ung bracellet d'or en son bras, tel que cellui qui l'avera porté jus lui vorra baillier, pourvu que il ne troeuve la dame ou damoiselle qui la clef portera ; et quant l'avera trouvé, se celle lui ["le lui"] veult deffremer, il est tenu de soy laissier deffremer (Doc. 1448. In : ESCOUCHY, Chron. B., t.1, c.1453-1460, 268). ...s'il advenoit que l'un des deux fust porté par terre en combattant par la manière que dit est, (...) celuy à qui il adviendra, sera tenu de porter par un an entier un bracelet d'or, fermé à un loquet à clef, et ne le pourra oster ou faire oster ledit an durant, s'il ne trouvoit la dame ou damoiselle qui auroit la clef dudit loquet, par laquelle il se devra faire défermer, si elle le veut, et à icelle donner ledit bracelet et présenter son service. (Faits Lalaing K., c.1470, 191).

-

Part. passé en empl. adj. [D'une armée] "Sans protection" : Jà estoit paravant l'assault ces Liégeois fort matz, tant pour les gens qu'ilz avoient perduz à ces deux saillies où estoient mors tous leurs chefz, que aussi pour le grant travail qu'ilz avoient porté par huict journées, car il failloit que tout fust au guet, pour ce que de tous costéz estoient desferméz, comme avez ouy. (COMM., I, 1489-1491, 160).

B. -

P. ext.

1.

"Enlever, ôter (ce qui enferme, ce qui enclôt qqc.)" : Laquelle [Jeanne d'Arc] me voult affermer Que brief elle feroit defermer Le siege clos devant Orleans, Dont iceulx estoient enfermez Par Anglois venuz d'oultre mer Qui sont anemis anciens. (Myst. siège Orléans H., c.1480-1500, 513).

-

Desfermer qqc. (une fosse). "Enlever, ôter ce qui clôt, ce qui recouvre qqc." : Si aucun euvre fousse ou defferme et il ne le couvre pas, si beuf ou asne chiet dedens celui à qui la fousse est rendra le pris des bestes (Cout. instit. Anjou Maine B.-B., t.4, 1426, 92).

-

[De vapeurs] Se desfermer. "Se dégager" : Au matinet que les champs fument Et que les vapeurs se deffrument Des bas liex et montent a mont... (Pastor. B., c.1422-1425, 72).

2.

Desfermer les yeux. "Ouvrir les yeux" : Arrestés vous sur ces pointz, et deffermez vos yeulx, et desormaiz ne revoquez en doubte que sur vous ne soit espandue l'ire divine, qui vous ravalle et destraint par dessus la fortune du monde, et plus vous griefve et empesche que ne fait l'ambition oultrageuse de ceulx qui vous guerroient. (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 83).

C. -

Au fig.

1.

"Libérer qqn (du mal)" : De mal me veulliés deffermez (Prières saints R., t.1, 1400-1500, 131).

-

"Détacher, détourner, dissuader qqn (son âme) de ce à quoi il est fermement attaché" : J'ai grant vouloir d'aler au lieu, Et mon ame y est sy fermee ["fermement résolue"] Que ne peut estre deffermee. (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 323).

2.

Desfermer qqc. "Révéler qqc." : Ha, jouvenceau, a toy n'affiert avoir la clef pour desfermer si chier secret. (SAINT-GELAIS, Séj. honn. D., c.1490-1495, 285).

3.

Empl. pronom. [De choses] "Ne pas rester enfermé, apparaître" : Cil dui point de leur droit conferment Vray amité, et se defferment Les dis, les signes et les fais, Par amours dis, monstrez et fais. (MACH., D. Aler., a.1349, 349).