C.N.R.S.
 
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     DÉMETTRE     
FEW VI-2 191b mittere
DEMETTRE, verbe
[T-L : demetre ; GD : demetre/desmetre1 ; AND : demettre ; FEW VI-2, 191b : mittere ; TLF : VI, 1069b : démettre1/démettre2]

I. -

Au propre [Idée de déplacement vers le bas ou de déplacement hors d'un lieu]

A. -

"Descendre, déplacer qqn ou qqc. vers le bas"

 

-

[Du corps du Christ] : Nonne quant Jhesu Crist a l'esprit hors mis, Quant il eust fait le cours qui luy estoit commis Et il eust l'ennemi combatu et sousmis ; Vespere quant il fust de la croix jus demis. (Livre Rossignol. N., c.1400-1420, 57). SAINT.PIERRE. Jhesus, mon maistre ? Benoist Dieu, Qui a ceste faulte commise D'avoir du sepulcre demise Sa precïeuse humanité ? (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 390).

 

-

[P. métaph.] "Descendre qqn (d'un rang plus élevé)" : Mais, non obstant que plusieurs princes, Qui regnent en maintes provinces, Aient en ces lieux esté nez, Non pas d'aventure menez, N'est ce pas, a tous en souviengne, Que moult souventes foiz n'aviengne Que laidement soient desmis Et trestout au plus bas soubzmis (CHR. PIZ., M.F., I, 1400-1403, 133). Quoyqu'il lui doye messeoir, Lui assiet Eür et ma dame, Et tel qui n'a once ne drame De sens, ne quelquonque bonté, Sera tout au plus hault monté Souventes foiz, et le sçavent Bon et loyal, qui deust avant Estre bouté, sera desmis Et trestout au plus bas lieu mis (CHR. PIZ., M.F., I, 1400-1403, 149). Achile et barons autres mains Y alerent, dont croy qu'au mains De ce se peüst depporter Achile, mais de ce ennorter Le volt Fortune, qui desmet Souvent ceulx, qu'elle au plus hault met. (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 113).

B. -

"Mettre hors de, faire sortir de"

 

1.

[De la mort] "Emporter qqn" : Pour le present, de Sallebry Parler n'en fault, princes gentilz, Puis que la mort si l'a desmis. (Myst. siège Orléans H., c.1480-1500, 217).

 

2.

"Mettre qqn hors d'un lieu"

 

-

"Chasser qqn" : Le XIIIme chappitre declaire que aultres angelz ne peuent estre remis ou lieu dont les premiers furent desmis. (CRAP., Cur Deus, De arrha B.H., c.1450-1460, 164). ...Pour quoy Dieu tantost le desmist De paradiz en autre terre Pour sa vie a grant labour querre. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 21).

 

-

[Dans un contexte métaph.] "Faire cesser l'ordre d'un ensemble, mettre en déroute (des forces hostiles)" : Ou j'ay remys Et contremys, Du tout desmys Mes ennemys. (LA VIGNE, S.M., 1496, 475).

 

-

Empl. pronom. "Se retirer" : Or sus ! tous les gens de cest estre, De ce lieu vous convient desmettre Et vous en aller sur les champs. La banniere fault au vent mettre. (Myst. st Laur. S.W., 1499, 155).

 

-

"Se débarrasser de qqn" : Vezcy Berengier qu'en menrez ; En vostre voulenté le met. Egardez : de li me desmet, Et le vous baille. (Mir. Oton, c.1370, 388).

 

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Au passif Estre demis de qqn. "Être privé de qqn" : Ainsi furent Troyens desmis De tous leur plus prochains amis, Dont ilz orent douleur assez (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 131). Or sommes nous de luy desmys. (LA VIGNE, S.M., 1496, 378). Mes freres et mes bons amys, Desja trop de temps avons mys De regarder a nostre eglise, Car de prelat sommes desmys. Pour ce, ne soyons endormys D'y pourvoir par moult bonne guise. (LA VIGNE, S.M., 1496, 393).

 

-

"Se décharger du sort de qqn" : Lionnette, soies envers ce baceler amiable, doulce, debonnaire et serviçable, car c'est ton chief et ton refuge. A lui te donne, de toy me demay (Percef. Compl. R., c.1450 [c.1340], 538).

 

3.

"Faire sortir qqn d'un lieu où il est enfermé, le libérer" : Se j'avoye toute la richesse Qu'on fineroit dedans Paris, De la donner vous faiz promesse A ce que je soye desmis De la prison ou je suis mis Qui est lieu ort, umbragé et vieulx. (GARENC., Poésies N., c.1390-14, 103). Et en la croix pour reparacion L'ame du corps fit separacion, Volant des limbes noz Saincts Peres desmectre, Qui jusqu'alors avoit volu permectre Estre interdis du deïffic premeve, Que transgresserent jadis Adam et Eve. (LA VIGNE, Ress. chrest. B., 1494, 111).

II. -

Au fig.

A. -

Demettre qqn.

 

1.

"Destituer qqn" : Item, il demist Maugier, son oncle, qui estoit archevesque de Rouem, pour ce que malvaisement et negligentement il administroit les choses de l'Eglise (Renart contref. R.L., t.1, 1328-1342, 280). Qui fist son fil roy d'Alemaingne, Et empereur par sa vaillance, Et par son scens et sa prudence, Tout maugré Loys de Baiviere, Qui adont empereres yere ; Car de l'empire l'a desmis, Par force d'armes et d'amis. (MACH., P. Alex., p.1369, 24). Des portes ont les clefs en ses mains mis, De leurs armes firent ostancion, les gouverneurs furent des lors desmis (DESCH., Oeuvres Q., t.3, c.1370-1407, 68).

 

-

Demettre qqn de qqc. (d'un bien, d'une charge, d'un office) : Item, se il semble au monarche que il doie aucun demettre ou deposer de sa grande posté, il doit ce faire de degré en degré et non pas oster lui toute sa posté ensemble. (ORESME, Pol. Arist. M., c.1372-1374, 250). ...et fut ostez et desmis de son office l'archevesque d'Yorth (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 43). Et puis se demist des biens du monde, et se donna au seruice de Dieu, et fonda vne eglise en l'onneur de nostre dame (MIÉLOT, Mir. N.D. W., 1456, 51). ...mais s'il advenoit, que Dieu ne veulle, que l'année pendant, iceulx keuriers ou aulcuns d'eulx se mefesassent aucunement, il sera en la puissance de l'abbé ou de son commis à ce, les demettre et despointer (Hist. dr. munic. E., t.1, 1469,,, 243).

 

-

Demettre qqn de qqc. (de son honneur, de sa réputation) : ...si aigrement l'acusay Que la feistes a mort mettre Sanz raison et d'onneur demettre (Mir. emper. Romme, 1369, 307). Et depuis, faignant s'emploier à la pacification desdites divisions, suborna et atrahit à luy aucuns de noz principaulx et plusieurs familiers serviteurs, et avec eulx conserva et machina en nostre personne de nous destituer de nostre auctorité et seigneurie et nous demettre de nostre liberté et franchise ; et de faict firent ensemble plusieurs mauvaises et dampnables entreprinses contre nous. (LE CLERC, Interp. Roye, c.1502, 243).

 

-

Au passif Estre demis de qqc.

 

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"Être dépouillé, privé de qqc." : Ja nulz autres dis N'en soit dis, Quar demis De deport, Par naturel port, Suis si fort Que je port Cheveux gris (MACH., Les lays, 1377, 480). Haa, ce dist il, Gieffroy, or avoies tu le plus bel commencement de prouesse et de bachelerie pour venir ou degré de haulte honneur, que filz de prince qui feust vivans. Et ores en es tu du tout desmis par ta cruauté. (ARRAS, c.1392-1393, 253). Lucifer cheut du ciel par orgueil tres miserablement, et Nabugodonosor par sa presompcion de son royaume fut desmis et en beste muéz (LEGRAND, Archil. Sophie B., c.1400, 156). Le corps d'icy sera transmys En nostre eglise solempnelle ; Par ainsi, les moynes desmys Seront de leur faulce querelle. (LA VIGNE, S.M., 1496, 581).

 

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Demis du sens. "Privé du bon sens, fou" : Hommes failliz, bersaudez de raison, Desnaturez et hors de congnoissance, Desmis du sens, comblez de desraison, Folz abusez, plains de descongnoissance, Qui procurez contre vostre naissance, Vous submettans a detestable mort Par lascheté, las ! (VILLON, Poèmes variés R.H., c.1456-1463, 62).

 

-

Empl. pronom. Se demettre de qqc. "Renoncer à qqc."

 

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[À un bien, à une charge, à une fonction] : ...et d'abondant promist s'en dessaisir [de la dite terre], devestir et desmettre en la main du dit Monseigneur le conte ou de ses officiers pour lui (Canarien,, Pièces justificatives C., 1395, 386). Pour l'estat dudit monseigneur Loys du 13e jour de mars l'an 340 qu'il fu establi admirail jusques au 28 de decembre qu'il se desmit dudit office, par 291 jours au fuer de 3000 livres par an (Clos galées Rouen M.-C., t.2, 1341-1342, 29). Si me vueil a l'aourer mettre Et de touz biens mondains desmettre Pour gangnier des cieulx l'eritage Rendre me vois en hermittage Et mon corps en paine asservir Pour l'amour ce Dieu desservir Et me faire crestienner : A li me vueil du tout donner, C'est mon propos. (Mir. Barl. Josaph., c.1363, 248). Li connestables, messires Oliviers de Cliçon, se desmeteroit (...) de l'office de la connestablie (FROISS., Chron. R., XI, c.1375-1400, 46). Je vous requier qu'il vous plaise a prendre ma fille pour moillier, et tout mon royaume, et cy presentement je m'en desmet. (ARRAS, c.1392-1393, 120). ...et pour eslire chancelier ou lieu de messire Jehan Le Clerc, qui le jour precedent avoit rendu les seaulz et s'estoit excusé et demis de l'exercice de l'office de Chancelier (FAUQ., II, 1421-1430, 159). ...et tant plus que c'est office a vie, s'il ne s'en desmect ou ne l'a forfait, que Dieu ne plaise ! (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 235). ...le dit Henry voult dire que de sa voulenté il se desmit du royaulme et qu'il congnut qu'il avoit failly et qu'il n'estoit pas digne de tenir le royaulme (JUV. URS., T. crest., c.1446, 154). ...et aprez elle se demest en la main de ces enffant de son dowaire, se fault que ses enffans aient les cens que l'eritaige debvoit (Jug. maître-échev. Metz S.M.S., t.1, a.1494, [1344], 228).

 

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[À l'amour, à la religion, à une ambition, ...] : Et se a raison [ma dame] ne se vuelt mettre, Ains se vuelt de m'amour demettre, Je l'en doi laissier couvenir, Puis qu'a raison ne vuelt venir, Et, sans plus plaindre ne crier, L'en doi hautement mercier Et li dire a chiere levee : "Puis qu'il vous plaist, forment m'agree" (MACH., Voir, 1364, 726). ...il se veult de la loy demettre Sarrazine et crestien estre (Mir. st Panth., 1364, 329). Voir est que de terre fu fait Homme, qui par son grief meffait En si grief servage se mist Que de paradis se desmist (Mir. Clov., c.1381, 272). De vayne gloire terriffique Totallement je me desmetz (LA VIGNE, S.M., 1496, 262).

 

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[Valeur juridique] "Se décharger de qqc." : ...de tout cest affaire Je me demet et me descharge Et vous en lais du tout la charge. (Mir. march. juif, c.1377, 174). Quant est a moy, je m'en desmetz, Soye puissant ou non puissant. Herode est assez souffisant Pour en faire pugnicion : C'est de sa juridicion (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 287). Ha, mau gré en ait Jupiter, Fault-il que executer le doye ? C'estoit tout quanque je craindoye Et, pour m'en de tout point desmetre, L'avoy je la voulu transmettre ; Et il m'est transmis de rechief ! (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 299). Selon les davitiques diz Son lieu ne congnoistra jamaiz [de Jacques Coeur]. Quant du seurplus, je m'en desmez : Il n'appartient a moy, pecheur ; Aux theologiens le remectz, Car c'est office de prescheur. (VILLON, Test. M., 1461-1462, 41).

 

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Se demettre de faire qqc. "Renoncer à faire qqc." : ...dedenz wyt jours prochain venantz, comenchans à la datte de ces lettres, il cessent et demettent de tout en tout de faire draperie et ostent toutes choses appartenans à draperie dedens ycelle ville, et che fait en telle manière que il n'y conveingne pourveoir de plus grand remède. (Hist. industr. drapière Flandre E.P., t.3, 1330-1500, 13).

 

2.

"Tirer qqn de qqc. (d'un état), enlever qqn à qqc. (à une occupation)" : Benoit soit Diex qui rachaté A son peuple, et par sa bonté A noz enfans d'orgueil desmis Et en telle humilité mis. (Mir. ste Bauth., c.1376, 151). Tousjours barbote ne sçay quel oroison Sans que l'en puisse aulcunement desmectre. (LA VIGNE, S.M., 1496, 187).

B. -

Demettre qqc.

 

1.

[Idée de destruction] "Détruire, disloquer" : ...Et se boute l'umeur en terre : On ne scet lors la flour ou querre, Tant est sec, perdu et desmis. (DESCH., M.M., c.1385-1403, 191). LE GENERAL. Vray Dieu ! comment Tout est desmis, Tout est deffait, en piteux point. (Sots, c.1480-1500, 277).

 

2.

[Idée d'ôter, d'écarter] "Enlever, éloigner" : Boy, je te pry, du vin de sa taverne Et bien sçauras ta folie desmettre. (MESCHIN., Lun. princes M.-G., c.1461-1465, 27). Enfant, pas ainsi ne te couche : Fay oraison a Dieu, que ton cueur touche Et que de toy vueille ton mal desmettre. (MESCHIN., Lun. princes M.-G., c.1461-1465, 31). ...ceulx qui se vuellent submettre A nos rappors, jugemens et destrois, Voullons de fait d'eulx tollir et desmettre Ce que rigueur y semme et veult permettre, Qui pluiseurs fois fait varier nos drois. (MICHAULT, Procès honn. F., p.1461, 87).

 

-

"Rejeter, écarter qqc." : Et en touz cas doit le dit seingneur bien regarder de toute querelle s'elle est meue indecemment et la refuser et demettre (BOUVET, Arbre bat. R.-B., c.1386-1389, 520).

 

-

Empl. pronom. : De ses beaulx yeulx, qui sont, plus que nature Ne peult ouvrer en nulle creature, Doulx et rians, ung regard me transmist, Qui me donna au cueur une poincture Si tresplaisant et de tel nourriture Que mon soucy presque tout se desmist (MESCHIN., Lun. princes M.-G., c.1461-1465, 18).

 

-

Demettre (son coeur) de qqn, de qqc. "Éloigner, retirer (son coeur) de qqn, de qqc. ; se dépouiller de qqc." : Pour vostre amour, beau sires, mon cueur s'estoit desmis Et pour la grant beauté que Dieu a en vous mis Fut le myen corps ad vous du tout donné et mis. (Flor. Octav. L., t.1, c.1356, 196). J'ay en amours mauvais maistre Qui m'ocist de mort amere, Pour ce que mon cuer desmestre Ne puis de ma dame chiere. (MACH., L. dames, 1377, 68). Car Amours l'a contraint et mys Comme amys A vous amer tant fort, m'amye, Que du tout a son cuer demys Et promys Qu'aultre que vous n'amera mye. (Poés. lyr. court. XVe I., c.1454-1456, 126).

 

-

Demettre qqc. de son coeur. "Enlever, retirer qqc. (une idée) de son coeur" : Auquel espoux et espousée, C'est Jhesucrist le piteable Et aussi toute ame feable, Tu, chiers filz, te vueilles commettre Et vueilles de ton cuer desmettre Le mariage temporel, Et pense a l'espirituel (DESCH., M.M., c.1385-1403, 255).

C. -

Empl. abs. Sans demettre. "Sans tarder" : Et ly escuier sans demettre Monta et chevaucha sy fort Qu'il fist a son cheval grant tort, Car il ne penssoit nullement Fors a la dame seulement. (Dit prunier B., c.1330-1350, 67). [Le marquis à Griseldis] Savoir vueil par droit convenant Se, de ta franche voulenté, Le corage as entalenté Et vuelz encliner et soubzmettre A ma voulenté, sanz demettre, Par tel maniere que de toy Et de ta personne, par moy, Et de ce qui te touchera, Soit fait tout ce qui me plaira, Sanz repugnance ou contredit (Gris., 1395, 37).

III. -

[Le préf. a une valeur intensive ; intensif de mettre]

 

-

Se demettre à. "S'intéresser à, s'occuper de" ( (Éd.)) : ...la mi-aoust passee, les fumees [du cerf] ne sont de nul jugement. La cause si est pour ce que les cerfs se demettent es biches [variante de se dementent des biches] et commencent a eschaufer, par quoi les fumees se restraingnent (HENRI FERR., Modus et Ratio, Livre deduis T., c.1354-1377, 20).

 

-

[Idée de transfert] Demettre qqc. à qqn. "Accorder qqc. à qqn, remettre qqc. à qqn" : "Salve soit vostre grace, respondirent li chevalier, la terre fu à Tournai liegement rendue et demise en la main et gouvrenement de monsigneur Loeïs, le conte de Flandres." (FROISS., Chron. R., XI, c.1375-1400, 99). Je ne sçay en place ne lieu Homme plus digne pour y mectre. (...) Pour ce, ma voix luy veulx desmectre. (LA VIGNE, S.M., 1496, 396).
 

DMF 2020 - MAJ 2020 Hiltrud Gerner

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