C.N.R.S.
 
Article complet 
StructureSans exempleCompletFormesExemples
FamilleTextesSourcesImpressionAide à la lecture
     DÉMENTIR     
FEW VI-1 mentiri
DESMENTIR, verbe
[T-L : desmentir ; GD : desmentir ; GDC : desmentir ; AND : desmentir1 ; DÉCT : desmentir ; FEW VI-1, 744a : mentiri ; TLF : VI, 1066b : démentir]

I. -

[Correspond à mentir "dire le faux"] "Contredire en niant la véracité de ce qui est affirmé, désavouer"

A. -

Empl. trans.

 

1.

[D'une pers.] Desmentir qqn. "Contredire qqn en niant la véracité de ce qu'il affirme, désavouer qqn, l'accuser de mentir" : Et cil qui ou nombre se mettent Des amans, tant qu'il s'entremettent De prier, et moult se guermentent, Et se voit bien Amours qu'il mentent, Car Amours les voit par dedens Et les desment par mi les dens ; Cil sont a la senestre mis Pour estre amez, et non amis. (MACH., D. Aler., a.1349, 337). De quoy les damoiselles avoient si tres grant duel et si grant maltalent que a pou que le cuer ne leur crevoit de meschief et d'angoisse, pour ce qu'elles n'osoient desmentir le traïtour. (Bérinus, I, c.1350-1370, 325). Et lors ledit Loys lui respondi, en disant telles parolles ou samblables en substence : Et comment ? Mons. de Thouraine est d'aussy bon pere et bonne mere comme est le roy. De laquele parolle ledit Charlot desmenti ledit Loys, en disant : Tu mens, car mons. de Thouraine n'est que homme de neant et que un putier. (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 24). Je n'ay pas paour qu'il me doye desmentir ; J'ose bien tant de son fait soustenir ; Et pour cela, maugré tous envieux, Je maintendray, qui ne le vueille oïr : J'ayme la belle, la meilleur des meilleurs. (GARENC., Poésies N., c.1390-14, 23). ...un enfant s'estoit plaint qu'il lui avoit donné une buffe pour ce qu'il l'avoit desmenti (Bouciquaut L., 1406-1409, 18). ...le dit suppliant (...) n'avoit lors cousteau, dague, espée ne baston, et fut triste et merencolieux de ce que le dit Pontenier l'avoit desmenti et appellé ribaut, et avoit tiré l'espée nue sur lui (Doc. Poitou G., t.8, 1431-1447, 226). ...lors ledit Poinlet, soy demonstrant de la responce indigné et corroussié, commança a injurier très fort ledit suppliant et le desmentir très rudement (Trés. Reth. L., t.4, 1451, 202). PATHELIN. Vous ne sçavez, Belle dame ! Se vous n'avez Du drap pour nous deux largement, Si me desmentez hardiement. Quel couleur vous semble plus belle D'ung gris vert ou d'une brunette Ou d'aultre ? (Path. D., c.1456-1469, 54). Et adonc la moinsnée commença à dire à son amy : Me laisserés vous ainsi desmentir et villenner pour soustenir vostre honneur ? (BUEIL, I, 1461-1466, 126). Bien dit ou mal, vaille que vaille, Enregistrer j'ay [Villon] fait ses diz Par mon clerc Fremin l'estourdiz, Aussi rassiz que je pense estre, S'il me desment, je le mauldiz : Selon le clerc est deu le maistre. (VILLON, Test. M., 1461-1462, 59). LE SERGENT. Je suis ung membre de justice, Et devant moy le dementez, Et encore outre vous vantez Que vous mesme(s) le pugnirés ? (Sav. serg. D.L., c.1480-1490, 33). ...en parlant de leurs matières ensemble, le connestable desmentit très villainement ledict seigneur de Humbercourt par deux foiz. (COMM., I, 1489-1491, 244). Estant toutes ces questions parmy nous (et que ledit duc d'Orleans en print debat avecques le prince d'Orange jusques à le desmantir) (COMM., III, 1495-1498, 241).

 

-

"Infliger un démenti (par la force des armes)" : Et Gaufroit les chargat [les barons] une response teille qu'ilz desissent a leur roy : s'i[l] veult dire que sa terre doit cavage ne tregut, il le vourat dementir et combattre. (JEAN D'OUTREM., Myr. histors G., a.1400, 24). Respont Gloriande : "Vous conquerreis toute Cristienté, maiz encores doncquez en ma chambre est ung prisonnier qui vous dementirat ; et par batailhe il moy calengerat pour Carahus, mon amy." (JEAN D'OUTREM., Myr. histors G., a.1400, 56).

 

-

Desmentir l'un l'autre : ...ou quel chemin se murent paroles entre le dit Pierre et le dit Berthelot, teles que ilz commancerent à desmentir l'un l'autre, comme gens qui estoient tous yvres et plains de l'ennemi (Doc. Poitou G., t.5, 1380, 150). Ilz sont tous solz et tous enragiez ; et reviennent jurant, batant et desmentant l'un l'autre. (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 35). ...discorde et haine s'esmurent entre le conte de Qent et messire Rogier de Mortemer, et si groses paroles que il desmentirent l'un l'autre. (FROISS., Chron. D., p.1400, 183).

 

-

S'entre-desmentir. "S'accuser mutuellement de mentir" : Item, cogneut que, environ la foire de Compiengne derrenierement passé ot un an, pour debat et paroles qui se meurent, en icelle ville de Compiengne, entre lui et un nommé Gieffroy de Louvain, du païs de Breban, à un jeu de palme où ilz jouoient l'un contre l'autre en icelle ville de Compiengne, et qu'ilz se furent entre-desmentis par plusieurs fois, et aussi que li uns ot dit à l'autre qu'il le courrouceroit là où il le trouveroit, sceust, il qui parle, que ledit Gieffroy estoit partis d'icelle ville de Compiengne, en venant le chemin droit à Noyon. (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 170).

 

2.

[D'une chose] Desmentir qqn / qqc. "Contredire, refuter qqc. ; désavouer qqn" : A ce ci ne m'acort je point, Car je say bien un autre point Qui ce point ci dou tout desment, Dont cils qui le maintient se ment, Et tantost li reprouveray, Car selonc raison prouveray Pour moy droit et contre lui tort, Car de la verité se tort. (MACH., D. Aler., a.1349, 300). ...et se ne veulz ton païs desmentir tu dois en toy monstrer bonne condicion : car tres communement gens de ta region sont tres vertueux et bons, et de louenge dignes (LEGRAND, Archil. Sophie B., c.1400, 91). Qui son païs desment se fait moult a reprenre. (LEGRAND, Archil. Sophie B., c.1400, 130). Je n'ay bouche qui puisse rire Que les yeulx ne la desmantissent, Car le cuer l'envoyeroit desdire Par les larmes qui des yeulx yssent. (CHART., B. Dame, 1424, 332). Que ont il gardé des excellences seigneuriaulx, et retenu dez dignités des princes, fors seullement le nom faint et vain, dont leurs oeuvres lez desmentent et desdient ? (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 66). Mais de toy vueil je sçavoir la cause de ceste alternative punition, qui semble derroguer a la divine justice, et desmentir le texte qui dit que le filz ne portera point l'iniquité de son pere, maiz que chacun soustendra le poix de son fardel. (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 44).

B. -

Inf. subst. : ...quiconques injurieroit par desmentir estant au conseil perderoit la langue (LA SALE, Sale D., 1451, 121). Et tellement parla et aguillonna l'autre dame par son langaige qu'elle se prinst à dire qu'elle disoit mal et qu'il n'en estoit riens (...) Et tant parlerent qu'elles vindrent au desmentir. (BUEIL, I, 1461-1466, 126).

II. -

[Correspond à mentir "faire défaut, faillir"]

A. -

Empl. trans. "Briser, mettre en pièces"

 

1.

[D'une pers.] "Mettre qqc. en pièces, briser qqc." : Le hialme li oste et dou chief li desment : Le maistre et le chevalz abaitit laidement. (Lion Bourges K.P.F., c.1350, 615). ...car partout la ou il veoit la grande merlee il se adventuroit et desmentoit au branc d'acier en tel façon lez harnois dont lez infidellez estoient adoubés, que pou de gens estoient de luy a consaulz que ce ne fust a leur male journee. (Fille comte Pontieu B., c.1465-1468, 101-102).

 

-

Desmentir qqn. "Briser qqn, harceler qqn" : ...pour laquelle cause icelluy de Gransson, se voyant frappé et desmentu, et qu'il estoit injurié et villainement outraigé, fut esmeu en soy (Lettres rémission René II P.D.H., 1481, 123).

 

2.

[D'une chose] "Ébranler, briser qqc. (un mur, un bâtiment)" : Mais la lance Herpin l'ataindit teillement Que permy le hauber la maille li desment. (Lion Bourges K.P.F., c.1350, 101). ...et y a eu tel coup de bonbarde qui par force et fureur a getté et desmenti les pierres par le dedens a l'espoisseur de XXVI piés (BARBATRE, Voy. T.-C. P., 1480, 161).

B. -

Empl. intrans. ou pronom.

 

1.

[D'une chose] "Perdre sa solidité, voler en éclats" : Je vueil ce bon boucler cesir Qui pour coups ne puet desmentir. (Myst. Pass. N.S. R., c.1350-1370, 118). Ceste cités de Carcassonne (...) fu anciennement appellée Carsaude (...) et le fisent fremer et edefiier Sarrasin. Onques depuis on ne vei les murs ne le maçonnement desmentir. (FROISS., Chron. L., IV, c.1375-1400, 167). Il confesse sans repentir [Judas], Il fait l'eschielle desmentir. Pour ce ja ne la trouvera Ne par dessus ne montera, Se Dieu par sa misericorde, Qui tout puet, a lui ne s'acorde. (LE FÈVRE, Respit Mort H., 1376-1380, 123).

 

-

Empl. pronom. "Se briser, s'ébranler" : Quant on les voit changier en deshonour [les trois piliers sur lesquels repose la tour de l'État], Dieu non doubter, Justice estre muable (...), Et qu'om ne veult fors que l'or acrochier, Cela des lors fist la tour desrochier, Fendre et fremir, qui par ce se desment, Que chascuns dust des princes redrecier, Qui ces pilliers et leur nature sent. (DESCH., Oeuvres Q., t.5, c.1370-1407, 391). Cil de la ville furent esbahy durement, Quant ilz virent le voirre qui trembla ensement, Pour les cops c'on frappoit en la mine souvent Et pour ce que li murs a desmentir se prent. (CUVELIER, Chans. Guescl. F., c.1380-1385, 125). ...et contretenoit de cellui bras le plus principal pan de mur et qui portoit le branle du seurplus, et neantmoins se desmentoit et decrevoit en pluseurs lieux et des principaulx piliers s'enclinoient aux fais des aucuns. (CHART., Q. inv., 1422, 9).

 

2.

[Du corps ou d'un membre du corps] "Faire défaut" : Car li pensers fait ma doleur doubler, Et mon desir croistre en ardeur qui dure, Et esperer qu'adès me sera dure Celle que je comper si chierement, Que cuers me faut et mes corps se desment, Quant sans pité voy sa douce figure. (MACH., L. dames, 1377, 58).

 

-

Empl. pronom. "Être défaillant, ne plus remplir sa fonction, se dérober" : De jour en jour son corps anientit Par traveiller, par viellesce ensement ; Le dos lui duelt, l'eschine se desment, Doleur l'ençaint, tele est sa destinée (DESCH., Oeuvres Q., t.2, c.1370-1407, 50).

 

-

En partic. Le coeur lui desment. "Le coeur lui manque" : Trestout le corps lui alenti Et tout le cuer lui dementi ; Le goust perdy, la mort voloit, Et chascun dit que il moroit. (Renart contref. R.L., t.1, 1328-1342, 17). Quant li roys voit le belle, tous li coers li desment : "Ahi, noble pucelle", dist li roys bassement (Bât. Bouillon C., c.1350, 81). Et de si grant courroux et aïr le fist que le cuer l'en dementi et lui failly, si cheï pasmez sur la tumbe de sa mere et fu moult longuement en paumoisons. (Bérinus, I, c.1350-1370, 30). Et quant il fu montés sur le cheval s'estent ; Ses péres le regarde et sa mére ensement, Chascuns tel joie en a que li cuers l'en desment. (Brun de la Mont. M., c.1350-1400, 105). Li duc ploure et soupire, tout le cuer li desment (Lion Bourges K.P.F., c.1350, 832). Quant la dame l'oÿ, tout le ceur lui desment. (Tristan Nant. S., c.1350, 241). Quant le venin au cuer senti, Qui ja pres lui ert desmenti, D'angoisse a Dieu s'escria "Merci", et granment lui pria Que saint Evroul par sez merites Lui dont de sez maus estre quites. (Vie st Evroul S., c.1350, 145).
 

DMF 2020 - Article revu en 2015 Hiltrud Gerner

Fermer la fenêtre