A. -

"Abandonner, quitter, délaisser"

1.

Deguerpir qqn. "Abandonner qqn" : Aÿ ! Maugis, dist Regnault, cousin, que n'es tu scy ! Tu nous as an besoing laissié et deguerpy (Renaut Mont. B.N. V., c.1350-1400, 387). Mais se tu me veulz deguerpir Et a ce grant besoing fallir, A Dieu ! tout je veuil cy morir Sans nul respas. (MACH., Voir, 1364, 356). Et ne me deguerpis jusques atant que tu me moynes en la mayson de mon creatour, ou pardurablement avec touz les sains je puisse esleecier. (GAST. PHÉBUS, Livre oraisons T., c.1380-1383, 34). Je ne sçay qu'il est devenuz. Tous sez amis groz et menuz A deguerpis par sa foleur. (Vie st Fiacre B.C.P., c.1380-1400, 24). ...pour ce que elle cuidoit que, des lors qu'il aroit la chemise vestue, il se deust retourner a s'amour et celle qu'il avoit de nouvel acointé laissier et deguerpir du tout, ainsy que on ly avoit devant fait a entendre. (EVR. CONTY, Eschez amour. mor. G.-T.R., c.1400, 201). De tous soit cellui deguerpis, D'onneur desgradé et deffait, Qui descongnoist et tourne en pis Le don de grace et le bienfait De sa dame qui l'a reffait Et ramené de mort a vie ! (CHART., B. Dame, 1424, 352). ...mais quant les pertrias sont nez et ilz oent la voix de leur droicte mere tantost s'en vont a elle et deguerpissent leur faulsse mere. (Best. hérald. H.E., c.1435-1450, 484). En ce temps, les gens de guerre de l'ordonnance du roy estans logez à Paris y firent de grandes cheres, et en lieu de passetemps y seduisirent plusieurs femmes et filles, qui par leur moien en laisserent et deguerpirent leurs mesnages et enfans, et les autres jeunes filles servans leurs maistres et services, pour suivre iceulx gens de guerre. (ROYE, Chron. scand., I, 1460-1483, 111).

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Deguerpir Dieu : ...ce seroit mal et deulz Que j'aoure telz diex ne croye Qui ne sont que fust ou que croye Et que mon bon Dieu deguerpisse. (Mir. st Panth., 1364, 364).

2.

Deguerpir qqc.

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"Abandonner, quitter (un bien, une terre, un lieu, ...)" : Adonc perdras corps et avoir. En grant ordure porriras Et touz tes biens deguerpiras, Chivalx, robes et paleffrois. (DUPIN, Mélanc. L., c.1324-1340 [c.1450], 160). Pourphilias monlt bien ama Qui son corps et s'honneur livra Et tous ses biens voult deguerpir Pour le sien amy garandir. (Renart contref. R.L., t.1, 1328-1342, 22). ...il eust seant ou duchié de Guienne huit vins livrées de terre ou environ, qui estoit la greigneur partie de sa chevance et dont il maintenoit son estat, la quelle il a deguerpie pour nous tousjours servir et estre vray françois (Doc. Poitou G., t.3, 1369, 391). Et certes il est vrais François ; Je le puis bien dire, qu'ençois Volt deguerpir toute sa terre Qu'estre homme dou roy d'Engleterre, N'à son fil, le duc de Guienne, Quant la duchée fu premiers sienne. (MACH., P. Alex., p.1369, 140). ...ja soit ce que aucuns pourroient dire que cez guerres, cez pestilences et divisions, lezquelles sont presentement en Ytalie et lezquellez ont aussi esté ou temps passé, sont advenues pour lez pechiés dez Sains Peres de Ronme, lezquelx ont deguerpy et laissié le Saint Siege de Ronme (Songe verg. S., t.1, 1378, 318).

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"Fuir, déserter (un endroit)" : ...une nuit, en recellee, Les fist deguerpir la valee (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 247). LUCIFER. Sathan, or me dy maintenant Ou est ce Jesus n'en quel place. SATHAN. Je ne sçay, le diable le sache. Il me fait trop discipliner ; Mais, s'on ne le fait tost finer, Nos enfers seront desguerpis. (MICHEL, Myst. Pass. J., 1486, 243).

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"Délaisser (la loi, la religion) ; se convertir" : Et s'on le pooit prendre par bie[n] fort assalir, S'on le faisoit chaiens en le chartre gesir, Je veu a Mahommet je l'en feroie issir ; Ma loy en gerpiroie, s'il me voloit chierir ; Je feroie du tout son gre et son plaisir. (Bât. Bouillon C., c.1350, 46). De conforter lez povrez ne se pouoit tenir, Et pour ce fist Dieu sa fauce loy guerpir, Que l'Ezcripsture dist qu'i ne peut avenir Qu'arme de cors piteus voit en enfer perir. Huymez est bien resson que la magniere die Par quel point saint Eustace out sa loy deguerpie. (Vie st Eust. 1 P., c.1350-1400, 137). Ung chevalier de grant parage, Lequel est Carabant nommé Et s'en est avec eulx allé Et a nostre loy deguerpi. (DU PRIER, Roy Adv. M., 1455, 135). Je voy voir se les solers miens Sont fais a l'ostel de Crepy : De la iray voir en Amiens, Quel loy Quentin a degerpy. (MOLINET, Myst. st Quentin C., c.1482, 170). Vous m'amenastes de Flandres maulgré moy et mes parens et jamais je ne deguerpy la saincte crestienté (Doolin de Mayence V, P., a.1500, 91).

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"Renoncer (à un acte coupable)" : JÉSUS. Que ceulx qui se repentirent Et leurs pechiez deguerpirent Tant com ilz seront sain et fort Avant qu'ilz soient ou lit de mort Et vraiement se confesseront Et a poeir satisfieront En moy humblement requerant Et vray merci suppliant. (GUILL. DIGULL., Pèler. âme S., App., p.1358, 363).

B. -

Deguerpir qqc. à qqn. "Enlever, ôter qqc. à qqn" : Le docteur [Hue de Saint Victor] dit ainsi, "Mon Dieu et mon Seigneur, je confesse à toy tes miserations, car tu ne m'a pas deguerpi la doulceur de ma vie et lumière de mes yeux. Que te porray je retribuer et rendre pour tous les biens que tu m'as retribué ?..." (MÉZIÈRES, Vertu sacr. mar. W., c.1384-1389, 354).

C. -

Deguerpir de. "S'éloigner de"

1.

Deguerpir de qqc. : Biau sire Diex ! comment puet ce estre Que je sui si fort mis à mestre Que departir, Deguerpir Ne fuïr Ne puet mes cuers de son dous estre Eins est toudis dessous sa destre Pour li servir, Oubeir (MACH., Les lays, 1377, 436).

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Part. passé en empl. adj. "Disparu" : NOSTRE DAME. Filz, je ne te puis oublïer, Mon chier filz, de mes biens le mieulx. Las, ou es tu ? Conscente Dieux Que briefment puisse avoir coppie De ta presence deguerpie, A ma douleur tres singuliere, Et d'Envye toute adversiere Te vueille sauver et garder ! (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 238).

2.

Se deguerpir de qqc. "Se soustraire à (une obligation)" : Et autres y avoit, qui avoient cédules signées de divers offices, auxquels maintenant il différa le don et s'en desgarpit le mieux que pouvoit. (CHASTELL., Chron. K., t.4, c.1456-1471, 97).