I. -

Curer de qqn / de qqc. "Se soucier de qqn / de qqc., se préoccuper de qqn / de qqc."

A. -

Curer de qqn : Or sui je pris et atrais Par les trais De vostre amoureuse atraite, Si vuelliés de moi curer Et curer Celui qu'en vous a mis Mort ou vie (ACART, Prise am. H., 1332, 58). Et donques ceulz qui ces choses contempnent ou qui les ont en despit et n'en tiennent compte, il semble qu'il ne curent des diex. (ORESME, Ycon. Arist. M., 1374, 835). Esperance la bonne dame (...) Ne cure plus de moy ne d'ame (CHAST., Temps rec. D., 1451, 71).

B. -

Curer de qqc. : D'aultre labour ne volt curer (Tomb. Chartr. W., c.1337-1339, 123). ...chascun s'enhardit D'estat lever (...). Il n'est ouvrier qui de son mestier cure. (DESCH., Oeuvres Q., t.2, c.1370-1407, 112). ...Que mais de cure Ne cure... (MACH., Lays, 1377, 305). Comment est sa douceur pure Douce à tous et à moy sure Et ne cure De ma cure Ne de la mortel pointure Dont mes cuers est entechiés, Et seur toute creature L'aim d'amour ferme et seüre ? (MACH., Lays, 1377, 437). ...se felicité fust en souffissance et non curer du monde ne de nulz biens mondains. (LA SALE, Sale D., 1451, 167). ...du monde plus ne cure (GARIN, Compl., 1460, 119). C'est une grande forfaicture : Du remede nully n'y cure. (GARIN, Compl., 1460, 124).

-

Curer de + inf. "Se préoccuper de" : Car, aussi comme bestes, il ne curent fors de emplir leur pances. (ORESME, E.A.C., c.1370, 224). Li Troïien qui moult curoient (...) De venir en pelerinage Ens ou temple d'Apolinis... (FROISS., Joli buiss. F., 1373, 68).

.

Ne curer de + inf. "Ne pas se préoccuper de, ne pas se soucier de" : Et pour ce, il ne parle gueires ne de soy ne des autres, et ne cure d'estre loé ne que les autres soient blasmés. (ORESME, E.A., c.1370, 255).

-

Curer à qqc. : Le roy, qui a ce moult cura, La pucelle ensepultura Pour sa noblesse demonstrer. (Percef. III, R., t.2, c.1450 [c.1340], 355).

-

Curer pour qqc. : ...il curent et font assés pour le bien commun (ORESME, Pol. Arist. M., c.1372-1374, 78).

-

Ne curer si + interr. indir. "Ne pas se soucier de savoir si" : Si comme, pour cause d'exemple, quant le mathematicien parle de cercle, il ne cure et ne considere pas se il est d'or ou d'argent ou d'autre matiere, mais le naturien considere la matiere sensible et le subject et ainsi des autres figures et des nombres. (ORESME, C.M., c.1377, 590).

C. -

Empl. pronom. Se curer de qqc. "Se préoccuper de qqc." : ...Paulus fust de continence si très plain que des richesses ne se cura (LA SALE, Sale D., 1451, 196).

II. -

Curer qqn / qqc.

A. -

"Nettoyer, récurer"

-

[Un lieu, des fossés, un récipient...] : Pour curer les rivieres de Provins... (Comté Champ. Brie L., t.3, 1340-1341, 311). ...ilz virent en une montaigne une grosse tour qui sourveoit V. lieues de pays autour de lui. Et fu la tour bien fossoye et les fossez bien curez, et bonnes, fortes et haultes brayes ; et autour, dehors les fossez, bons murs ; et fu la tour bien gueurlandee, et y ot deux paire de bons fors pons leveiz. (ARRAS, c.1392-1393, 244). Item, il [le prévôt] doit faire curer les marez de ladicte forest (HECTOR DE CHARTRES, Cout. R., 1398-1408, 94). Et le lundi ensuivant (...) commencerent les gens de Paris, c'est assavoir, de quelque estat qu'ilz fussent, prebstres ou clercs, ou autres, à curer les voiries ou à faire curer à leur argent (Journal bourgeois Paris T., 1417, 77). ...son salaire d'avoir curé et nettoyé la fosse des prisons de la court archiépiscopal et les latrines séans en icelle fosse et avec ce lez grans latrines d'iceulz prisons et ceulx de la chambre de Monsieur le seelleur (Comptes Archev. Rouen J., 1438-1439, 178). Les Herbaiges des aigoux de ladicte ville, n'a esté aucune chose reçue par ledit receveur pour ce que en l'année de ce present compte ils ont esté curez par Oudin Daniel pionnier, qui n'a pas voulu ne soufert que aucun y ait esté cueillir herbe, pour ce que c'estoit au prejudice de son marché (Comptes Paris V.L.D., t.1, 1442-1443, 310). ...au maistre du pont qui mena Mesdits Seigneurs veoir les fossés des tours Saint Bernard, Billy et Neelle, pour savoir si les curreux qui les curoient avoient fait ce qu'ils devoient faire (Comptes Paris M., t.2, 1458-1460, 203).

-

[Un objet] : Monsieur, il nous fault procurer D'aller aux champs pour nous esbatre Et faire noz harnoys curer Pour aller quelque villain batre. (LA VIGNE, S.M., 1496, 181).

-

[Les dents, les oreilles, les ongles...] : Ongles ot longs (...), Mal rez et dedens mau curez (Dit prunier B., c.1330-1350, 49). Lors [la Dame] print l'espingle de sa poitrine et en façon de curer ses dents fist son signal, et par tant de fois que Jehan de Saintré l'apparceut et au plus honnestement qu'il peust de son signal respondit. (LA SALE, J.S., 1456, 68). ...ung pié de voultour d'argent doré que sa dame luy avoit doné pour curer ses dens (MART. D'AUV., Arrêts Am. R., c.1460-1466, 56).

.

Cure-dents

Rem. Doc. 1416 ds TLF VI, 630b ; Comptes roi René A., t.1, 1478, 334 (ung cureden de coral).

.

Cure-oreilles

Rem. Doc. 1416 ds TLF VI, 631b ; TARDIF, Art faulconn. J., t.1, 1492, 102 (une cureoreille).

-

[Une volaille] "Éviscérer" : ...qu'il hait des estoudeaux et si les face plumer, curer et nectoyer bien et appoint (CHIQUART, Cuis. S., 1420, 185).

-

Peau curee. "Peau nettoyée, vidée de la chair" : Ma chair est trestoute gastee. Sur moy n'a que la peau curee (Pac. Job M., c.1448-1478, 352).

-

[Contexte métaph.] : Tu n'as net ne ame ne cors ; Ainsi t'a noircie li tors Qui beles ames enfumees Fait, noires et encendrees. Ceste cendre curent par cendre Cil qui veulent leur vie reprendre Et amender par penitance. (Best. lap. Rosarius S., c.1330, 71).

B. -

"Traiter"

1.

[Un mets] "Apprêter" : ...Sanz pouoir mangier en recoy, Tel viande que l'oste cure (DESCH., Oeuvres R., t.7, c.1370-1407, 89).

2.

[Un arbre] "Tailler" : L'arbre jeunë au premier gette Se doit curer pour bien conduyre, Le jardinier ainsi s'aquitte : Hoster couvient ce qui peut nuyre. (GARIN, Compl., 1460, 70).

-

[Du bois] "Débarrasser (le bois) de l'écorce, de toute chose qui le rend impropre à l'usage" : ...pour un quarteron de planches de chesne seiches et curées de saison (Trés. Reth. S.L., t.2, 1409-1410, 621).

3.

DRAP. "Blanchir (les fils)" : Qui laisse le samedi le lin sur sa quenoulle sans parfaire, le filé qui aprés en viendra, ne porra curer et ja bien ne fera. (Ev. Quen., II, c.1466-1474, 124).

Rem. Doc. 1410 ds GDC IX, 267a.

-

[Contexte métaph.] Avoir autre toile à curer. "Avoir à blanchir une autre toile, avoir autre chose à faire" : Car telz choses point ne me plorent ; Je ne les pooie endurer. J'avoie aultre toille a curer, Ou la bele entendre me fit (Echecs amour. K., c.1370-1380, 159).

C. -

"Traiter, soigner (qqn, une maladie, une plaie...) ; guérir" : Il afferme, et je croy son dit, Que les maladies quelconques - Et qu'autrement il n'avint onques Sont curées par leur contraire. (MACH., J. R. Nav., 1349, 203). [Le spasme est] fort a curer (SAINT-GILLE, Comment. A.Y. L., 1362-1365, 255). Se je te garis et te cure, Laisseras tu la loy paienne Pour tenir la foy crestienne (...) ? (Mir. st Panth., 1364, 336). Si demoura dedens sa chambre Presques tout le mois de novembre, Tant qu'il fu de tous poins garis Et ses maus curés et taris. (MACH., P. Alex., p.1369, 131). ...Bon mire pour plaies curer (DESCH., Oeuvres R., t.7, c.1370-1407, 72). Et là morut, car il fut povrement curez de ses playes. (FROISS., Chron. M., XII, c.1375-1400, 62). Il y a un moiz qu'elle ne cesse de crier, de latrer comme le chien, à qui souvant sont comparez les clers selon les docteurs de l'Eglise, pour ceste plaie curer et la leche souvant (BAYE, I, 1400-1410, 103). Et quoy que toute personne mortelle soit par nature encline a pechié, se gardera a son pouoir par especial de pechié mortel, et vouldra faire tout ainsi que fait le bon medecin qui cure le malade par son contraire. (CHR. PIZ., Trois vertus W.H., c.1405, 29). ...moyennant ta tres grant misericorde, et ouyés les voix des vrais deprians, t'a pleu par benigne paix garir, saner, et curer la mortelle playe de dure hayne et l'effusion de sang tres orrible ja toute enmeillié de ton catholique royaume de France qui tout perissoit. (CHR. PIZ., Paix W., 1412-1413, 59). Nul Médicin, tant soit bon Maistre, Ne peut par art ne sagement Curer le mal aucunement (LA HAYE, P. peste, 1426, 20). En oultre est a noter que en prenant grande quantité ou petite de viande au disner ou souper, toute coustume doit estre conservee, car coustume est chose tresgrande et merveillieuse pour conserver la santé et pour maladies curer, comme est escript au second livre des Maladies [agues] (Rég. santé corps C., 1480, 13). ...duquel je puisse guerir et curer mes plaies (COLART MANS., Dial. créat. R., 1482, 138). ...ta doleur est curee, Tu as rechut le bon mire. (MOLINET, Myst. st Quentin C., c.1482, 276).

-

Curer (qqn) (d'une maladie) : [La fin du livre] Enseignera les medicines Assez suffisantes et dignes, Selon que humain entendement Les peut aviser bonnement, à préserver et asseurer, Délivrer, guérir et curer, De la boce ou de pestillence (LA HAYE, P. peste, 1426, 73).

-

[Du traitement] : ...et ou millieu d'esté, que grande infusion de eaue froide cure par la revocacion de chaleur naturelle. (SAINT-GILLE, A.Y., 1362-1365, 82). ...c'est la fontaine qu'on nomme de Jovainte (...) : elle cure de tous maulx que on peult sentir ne avoir, se la mors n'y est. (JEAN D'OUTREM., Myr. histors G., a.1400, 157). Le caridrin (...) est ung oysel tout blanc, les entrailles duquel curent les yeulx caligineux et rouges. (COLART MANS., Dial. créat. R., 1482, 171).

-

"Appliquer un traitement à" : Les chancres qui sont muciez, il est meillieur de non curer. (SAINT-GILLE, A.Y., 1362-1365, 93).

-

[L'oiseau de proie] "Purger (avec une plume)" : Et se il [le faucon] est curé de plume et de glete, soit abechié de bonne char chaude (HENRI FERR., Modus et Ratio, Livre deduis T., c.1354-1377, 183). J'avoye un faucon sur mon poing, Qui de mengier avoit besoing, Car poy li avoye donné Le soir, si s'iert matin curé. (LA BUIGNE, Rom. deduis B., 1359-1377, 215). ...tel faucon sera curés [var. ferez curer] (LA BUIGNE, Rom. deduis B., 1359-1377, 351). ...et lors le fault curer [l'épervier] et donner plume (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 152).

-

P. métaph. : Or sui je pris et atrais Par les trais De vostre amoureuse atraite, Si vuelliés de moi curer Et curer Celui qu'en vous a mis Mort ou vie (ACART, Prise am. H., 1332, 58). Donques aussi comme telz malades ne seront ja guaris ne bien disposés selon le corps, semblablement ceulz qui sceivent philosophie moral et comme l'en doit ouvrer pour acquerir vertu et rien n'en font, leur ame ne sera ja guerie ne curee. (ORESME, E.A., c.1370, 157). Fruit et medecine Pour tous maus curer, Par tel vertu qui ne Porroit empirer, Fonteinne divine Pour pechiés laver, Rose sans espine... (MACH., Lays, 1377, 403).

D. -

Au fig. "Purifier, laver" : ...de soy amender n'a cure A ce que conscience cure Son cuer (Mir. parr., 1356, 11). Pechié contens te procuroit Au curé qui t'ame curoit Du pechié que tu as en toy. (Mir. parr., 1356, 43). ...autrement le vice D'inobedience curé Ne seroit (GUILL. DIGULL., Pèler. J.-C. S., 1358, 27). ...Dont je me confesse a ceste heure Pour m'en nectoier et curer. (HAUTEV., Conf. Test. am. tresp. B., c.1441-1447, 39). O deïté pure (...), Ta bonté nous cure (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 450).