A. -

"Chagrin, affliction, contrariété, trouble" : Pour ce pris la moienne voie Et me parti de present vous En tel dueil et en tel courrous Qu'a po mes cuers ne partoit... (MACH., R. Fort., c.1341, 133). Si tu n'iès couchiés et levez (...) Vestis et chauciez nettement, Einsois es tenus povrement, Po honnourez et po servis Et de ta franchise asservis, Et se ti drapel sont tous rous, Je te pri, n'en moustre courrous Et si n'en fai samblant ne chiere, Car s'on vëoit a ta maniere Que fusses mas et desconfis, Pis t'en seroit, j'en sui tous fis, En trois manieres ou en quatre (MACH., C. ami, 1357, 62). ...Pour moy le di, qui de tel maladie Ay longuement esté si fort espris Qu'il n'est rage, maulz ne forcenerie Dont assaillis ne soit mes esperis à toute heure ; si en seray peris, Car je derve de dueil et de courrous. (MACH., L. dames, 1377, 67). Amours vous est si courtois et si douls Qu'il vous laisse sans paine et sans couroux (CHART., D. Fort., 1412-1413, 165). Depuis je ne sceu qu'il [le dolent] devint Ne quel part il se transporta ; Mais a sa dame n'en souvint Qui aux dances se deporta. Et depuis on me rapporta Qu'il avoit ses cheveux desroux, Et que tant se desconforta Qu'il en estoit mort de courroux. (CHART., B. Dame, 1424, 359). ...son tresennuyé pere destort ses mains, ses cheveulx detire par la grand rage de ce nouvel courroux (C.N.N., c.1456-1467, 32). ...elle n'estoit en riens contente, mais trestroublée et marrye en estoit. Si garda ce courroux sans en rien dire jusques ad ce que son mary s'en vint coucher. (C.N.N., c.1456-1467, 70). LA FEMME DU CRESTIEN. Cher espoux, dolente j'en suis, Mais tout ce vient par voz conduis, De conduicte mal promenee. J'en ay eu cent mauvaises nuitz, De dueil, grief courroux et ennuis Et en est ma joye finee. (Mir. st Nic. juif, c.1480-1500, 75). LE JUIF. Le grant Dieu vous gard de courroux Et vous tienne en prosperité ! (Mir. st Nic. juif, c.1480-1500, 113). Si j'avoye quelque courroux Maintenant seroy je joyeuse. (P. Jouh. D.R., a.1488, 29). J'ay de courroux le povre cueur transsi De peur que j'ay qu'elle me soit trop chiere. (LA VIGNE, S.M., 1496, 178).

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"Dépit" : ...ce courroux ne sa roidde poursuite, ne dura gueres, car, a ce qu'on me dist, tantost après par bons moyens la paix entre eulx si fut trouvée [Justice n'a pas été rendue à la jeune femme] (C.N.N., c.1456-1467, 162).

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Au plur. "Tourments, chagrins" : ...en vostre cuer sont affluees Merancolyeuses pensees, Souspirs, tristeces et frivoles Et ymaginations foles, Et tousdis pensés contre vous Et si cuidiés en vos courrous C'une blanche brebis soit noire ; Et tout par legierement croire. (MACH., Voir, 1364, 758). C'est de la vaillant Griseldis Qui jadiz fu femme au marquis De Saluce, nommé Gautier, Laquele il voult tant essaier Et tant de courroux lui offri Qu'onques femme tant n'en souffri Qui si bien s'en sceust deporter (Gris., 1395, 2). Noz cuers sont si plains de courroux Et de tristesce... (CHART., L. Dames, 1416, 210).

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Avoir courroux de qqn. "Être affligé pour qqn" : Et quant elle appercoit le meschief, si fu moult doulente. Et ot plus de courroux de Remond que d'autre chose, car elle veoit bien que le meschief que Gieffroy avoit fait ne povoit pour le present autrement aler. (ARRAS, c.1392-1393, 254).

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Se donner courroux de qqc. "Se désespérer de qqc." : Ma fille, laissiez ester ce dueil, car, en chose qu'on ne puet amender, c'est folie de s'en donner trop grant courroux, combien que c'est raison naturelle que la creature soit doulente de son amy ou de son proesme, quant on le pert. (ARRAS, c.1392-1393, 120).

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Prendre courroux de qqc. "Être contrarié, troublé par qqc." : Mais ses gens [de Mélusine] ne pensoient pas a cela, mais pensoient que ce feust pour la desplaisance qu'elle eust de ce que Gieffroy avoit ars son frere et les moynes et pour le courroux qu'elle savoit que Remond en avoit pris. (ARRAS, c.1392-1393, 254).

B. -

"Colère, indignation, ressentiment contre qqn" : J'en ay le cuer si empeschié De grant courrous et de grant yre Que, par foy, je ne say que dire (Mir. abbeesse, 1340, 82). ...Et se n'i [la lettre] havoit seel ne cyre, N'il n'avoit en moi courrous ne ire Quant je l'i mis, mais bien voloie Qu'elle sceüst qu'esté avoie A meschief pour l'amour de li (MACH., Voir, 1364, 512). Mais ne dites ne plus ne mains En nostre non, ne de par nous, Seur peinne de nostre courrous. Vous estes sages et legiers ; Si yrez avec ces messagiers, Qui droit au soudan vous menront Seürement et ramenront. (MACH., P. Alex., p.1369, 127). Je ne le dis mie pour vous ; Mais j'estoie pleins de courrous, Pour la grant desobeissance Que je veoie en ma presence. (MACH., P. Alex., p.1369, 264). Mansuetude est une vertu moiennerese vers yres ou courrous. (ORESME, E.A., c.1370, 260). Car yres ou courrous et concupiscences charnels et quelconques teles choses tiennent la pensee liee (ORESME, E.A., c.1370, 372). [Li contes de Montfort] blasma durement monsigneur Hervi de Lyon, par courouch de chou qu'il les avoit si tost fait retraire. (FROISS., Chron. L., II, c.1375-1400, 112). Or tenez vostre parolle et faictes tant qu'elle soit veritable, ou aultrement il y ara maltalent et très grant courroux de moy à vous. (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 205). Car plus n'ose ne venir ne aler Ne retourner vers vostre noble atour, Pour ce que j'ay de vos courrous paour, Qui m'a ja si mis hors d'envoiseüre Que pour vous sui mis à desconfiture. (MACH., L. dames, 1377, 140). Laquelle femme, en merciant de ce sondit mary, auxi lui pardonna tous corrous, ires et maltalens que sondit mary povoit avoir faites, dittes et encourues envers elle, par quelque maniere que ce soit (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 272). Lors fait Gieffroy monter ses X. chevaliers, et s'arma, et monta, et party de Mont Jouet, espris de grant courroux et de grant hayne sur l'abbé et les moines de Mailleres. (ARRAS, c.1392-1393, 250). LA MARQUISE. Pere, saichiez quant ce complaist Au marquis qu'en soye partie, Dueil ne courroux de ma partie N'en sera fait ; ains loe et vueil De franche voulenté son vueil De cuer et bouche sanz desdire. (Gris., 1395, 87). Lui en poyse, et cuide rabatre Leur courrous et entr'eulx paix faire (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 288). ...toutes haynes soient ensevelies, irez et courroux delaissiez, soyt tout oblyé. (JUV. URS., T. rever., 1433, 72). C'est a dire, mon ami, que yre et couroux empeschent et aveuglent le couraige de la personne en telle façon qu'elle ne puet regarder a ce qui est vray (LA SALE, J.S., 1456, 19). ...quand la langue d'elle eut povoir sur le cueur tresfort chargé d'ire et de courroux... (C.N.N., c.1456-1467, 28). ...il failloit qu'il cessast l'euvre, dont il estoit tresmal content, doubtant le courroux de son maistre. [D'un clerc que la femme de son maître empêche de travailler] (C.N.N., c.1456-1467, 151). ...quelque malcontent qu'il fust pour ung temps, tant qu'il fut ung peu refroidi, tout son courroux fut converty en cordiale amour. (C.N.N., c.1456-1467, 158). ...oncques n'avoit on vu entr'eulx deux que aulcunement y eut quelque courroux noise ou maltalent. (C.N.N., c.1456-1467, 385). Qui du soleil voeult estre servy, si lui tourne le dos, car il ne voeult estre regardé a plain du pecheur ; et se autrement fait, tost moustre son courrouz. (Ev. Quen., II, c.1466-1474, 129). Mais d'un corrous passé, il n'en faut plus parler, car ce n'est que desplaisir que de le ramentevoir (Charles de Hongrie C., c.1495-1498, 78).

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"Accès de colère" : ...je vous supplie et de rechef que tout aultre passé courroux et [cestuicy] vous obliez (C.N.N., c.1456-1467, 30).

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Avoir courroux. "Se mettre en colère" : Tu sambles trop bien a celui Qui a emprunté de l'autrui, Et quant il est temps qu'il le rende, Il a courrous, s'on li demande. Einsi fais tu, ne plus, ne mains. (MACH., R. Fort., c.1341, 97).

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Avoir grand courroux au coeur : Quant le gallaffre appercoit le dommage, si ot grant courroux au cuer. (ARRAS, c.1392-1393, 133).

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Avoir (grant) courroux de. "Ressentir de la colère, de l'irritation à cause de" : ...N'en dit, n'en fait, n'en penser ne feray Chose envers vous, N'envers autrui dont vous aiez courrous. (MACH., J. R. Beh., c.1340, 82). Je croy qu'oy avez assez Qu'il n'a Crestien en tout le monde, Puis qu'il passe la mer parfonde, Pour faire le très saint voiage Qu'au soudan ne paie trevage : Car de V. florins de Florence Rachete son chief sans dobtance. Li roys molt grant courrous en a : Pour ce fist tant qu'on ordena Que desormais chascuns iroit Franchement et quittes seroit... (MACH., P. Alex., p.1369, 174).

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Se donner courroux pour qqc. "S'irriter contre qqc." : Car, comment qu'il soit, Dieu vous a pourveu de tres haulte et noble seigneurie et possession terrienne. Dont vous vous povez bien passer, s'il vous plaist, de vous donner courroux ne ennuy pour telles choses qui ne vous pevent ne aidier ne nuire. (ARRAS, c.1392-1393, 20).