C.N.R.S.
 
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     CORRIGER     
FEW II-2 corrigere
CORRIGER, verbe
[T-L : corrigier ; GDC : corrigier ; AND : corriger ; FEW II-2, 1220a : corrigere ; TLF : VI, 228a : corriger]

A. -

Corriger qqc.

 

1.

"Rectifier, amender qqc. (un dire)" : Mais je vous pri (...) que vous ne moustrés le livre que a gens qui soient trop bien de vostre cuer ; et, s'il y ha aucunes choses a corrigier, que vous y faites ensengnes, car il vous a pleu que je y mette tout nostre fait, si ne say se y met ou trop ou po. (MACH., Voir, 1364, 558). Aprés il corrige ceste conclusion. (ORESME, E.A.C., c.1370, 451). Item je suppli tiercement à toute gent d'entendement, Voulans aviser à loisir Ce livret, jouxte leur plaisir, à le corriger de leur grace, S'ilz voient besoign qu'on le face. (LA HAYE, P. peste, 1426, 166). Et pour ce que la cedule sembloit estre à la charge de la Court, ilz requirent que ladicte cedule in narracione fust corrigée selon la verité du fait (FAUQ., III, 1431-1435, 22). Et pour ce, je vous prie, dictes s'il y a que corriger. (BUEIL, I, 1461-1466, 201). MAISTRE ALIBORUM. Je corrige tout sus et soubz. (Sots Magn., a.1488, 201). Cestui traslata de arabicq en latin les livres de Albumazar, par especial le Livre des ymages de la VIIIe spere, et corrigea le vice d'aucuns escripvains, où il print grant labeur. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 97 v°).

 

-

[Une décision, une disposition...] : Et quant au regard du traictié de Calaix qui comprint et corrige celuy de Bretigny... (JUV. URS., Aud. celi, 1435, 207). Et pour ce, je vous prye tant que je puis que vous le me renvoyez, ainsi qu'il a esté corrigé, le plus toust que vous pourrez, et vous me ferez grant plaisir. (LE CLERC, Interp. Roye, c.1502, 360). Pour ces causes fut advisé par le Conseil de commettre et ordonner aucune personne notable de grant auctorité, seur et feal au roy pour pourveoir aux choses dessusdittez et icellez corriger, reparer, et obvier aux inconveniens qui en pourroient advenir. (LE CLERC, Interp. Roye, c.1502, 225).

 

-

Corriger le magnificat. "Vouloir tout rectifier, vouloir tout amender" : Tel n'entend latin ne ne parle Qui corrige magnificat (ALECIS, Faintes monde P.P., c.1460, 106). Pour le present Je corrige magnificat. (Sots Magn., a.1488, 200). SOTIN. Et pour tant, entre vous gallans Qui mesdisés sur tout estat, Et vous aussi qui tenez rengs En corrigant magnificat, Gardez d'estre pugnis de plat, D'estre tous sotz et d'avoir frain Aux dens, prenez en gré l'esbat, C'est de sotie le reffrain. (Sots Magn., a.1488, 212).

 

-

Corriger qqn (dans ce qu'il dit, dans ce qu'il avance) : Tholomée met l'ange du Soleil non mouvable ; mais les autres astronomïens qui aprez sont venus l'ont quant a ce corigié. (Renart contref.,, 1ère réd. R.L., t.2, c.1319-1322, 229). "Or sus doncq ! dist l'Admiral. J'ay dit ce que me semble de nostre chevauchée de demain, sauf à messeigneurs de me corriger." Tous dirent : "Vous avez bien dit." (BUEIL, I, 1461-1466, 187).

 

-

Empl. pronom. Se corriger (de qqc.). "Rectifier (ce que l'on a dit précédemment)" : ...après ce qu'il ot esté mis à question et fait plusieurs variacions et denegacions sur les accusacions contre lui autrefois proposées, hors d'icelle question, et sanz aucune force ou contrainte, et en soy corrigant des confessions par lui autrefois faites, dist et afferma par serement sur ce fait aus sains Euvangiles de Dieu, la verité estre telle (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 524). PHEBUS. J'ay dit que par infection Mourra humaine creature En prenant sa refection Par devant le cours de nature, Et soustiens la judicature Estre vraye sans m'en corriger. (Cene dieux, c.1492, 138).

 

2.

"Améliorer qqc." : ...seigneurie et povoir de corrigier telles fleumasies (SAINT-GILLE, Comment. A.Y. L., 1362-1365, 251). Et, si au vespre il soupent bien, au moins auront il a matin corrigié leur nature, quar il auront pou menjé, et nature ne sera point empeschee de fere sa digestion (GAST. PHÉBUS, Livre chasse T., 1387-1389, 56). Et se tenir celle saison Communelment en sa maison, Et avecques il doit pèner à corrigier et réfrèner L'air venimeux et sa malice, En faisant feu de boiz propice. (LA HAYE, P. peste, 1426, 80).

 

-

En partic. Corriger le fer. "Donner au fer la forme voulue, l'étirer" : Marteaulx sont fais pour corriger le fer et le mettre en tel ouurage que l'en veult. (Best. hérald. H.E., c.1435-1450, 504).

 

Rem. Cette expr. ne semble pas att. ailleurs ; sans doute pour conreer le fer, cf. FEW XVI, 697b, s.v. reþs : «corroyer du fer "le battre, l'étirer"».

 

-

"Rectifier les conséquences de qqc." : Pallas li compta la maniere Coment Discorde la doubliere Vint aus noces, et sans mander, Pour corrigier et amender La villenie et le meffait Qu'elle dist qu'on li avoit fait De ce qu'on ne l'avoit mandé, Et dit qu'il sera amendé. (MACH., F. am., c.1361, 215).

 

-

Empl. pronom. [D'une chose] "S'amender" : ...ou que l'un surmonte chaleur et l'autre froidure et que les semences ne se peuvent attremper ne corriger ensemble (GORDON, Prat., c.1450-1500, VII, 14).

 

3.

"Modérer, tempérer qqc." : C'est assavoir, en adreçant les fais et en ce est la vertu de justice et la vertu d'actrempance est en adresçant, corrigeant et reprimant les passions ; et sont passions comme yre et concupiscence. (ORESME, E.A.C., c.1370, 152). Pour ce voulloit Dieu icellui Jouvencel estre prisonnyer et faillir à son entreprinse pour aucunement moderer et actemprer le couraige, corrigier et reffraindre les challeurs de jeunesse. (BUEIL, I, 1461-1466, 74).

B. -

Corriger qqn (ou les vices, les défauts de qqn)

 

1.

Corriger qqn (de qqc.). "Amender qqn (de qqc.), le ramener dans le droit chemin" : ...soudeinnement venoit Entre nous deus Douce Esperence, Pour parfaire ceste alience, Dont moult lié et moult joieus fumes, Quant a nostre conseil l'eümes, Pour ce que, se li uns deïst Riens contre l'autre ou meffeïst, Qu'elle le peüst corrigier Et selonc son meffait jugier Avec amour et loiauté... (MACH., R. Fort., c.1341, 150). Lorsqu'a respondre contredie, Quant de bouche le m'arez dit, J'en vueil moult bien, a vostre dit, Estre blasmez et corrigiez. (MACH., J. R. Nav., 1349, 168). ...et estoit par eulz justice gardee, et corrugoient [var. corrigoient] les gens (HENRI FERR., Modus et Ratio, Livre deduis T., c.1354-1377, 143). Tu ais corregieit et repris les gens de lour deffauls (Psaut. lorr. A., 1365, 12). Et ta discipline a la fin m'ait corrigieit (Psaut. lorr. A., 1365, 20). ...[saint Pierre] souffrit estre repris, et le porta paciemment, et y obeit humblement, ce qui est contre l'orgueil de pluseurs qui ne veulent, tant soyent petiz, souffrir de riens estre repris ou corrigiez (GERS., P. Paul, a.1394, 490). Encores veul je et vous commande que les sept euvres de misericorde espirituelles soient toujours en vous, c'est assavoir les ygnorans enseignier, les deffaillans corrigier (LA SALE, J.S., 1456, 39). Au deable telle femme, dist le mary, qu'on ne peut par quelque voye corriger (C.N.N., c.1456-1467, 519). Le promoteur de Therouenne (...) fut informé du gouvernement de nostre gentil curé, et le fist citer pour le corriger et luy faire muer ses meurs. (C.N.N., c.1456-1467, 530). ...lequel Meslon qui estoit vindicatif et furieus, qui ne vouloit en riens estre corrigé par les dessus nommez, mais estoit très fort courroussié et esmeu dont on le corrigeoit ou vouloit corriger, adressa ses parolles à ung nommé Regnart (Doc. Poitou G., t.10, 1463, 425). Mectés en croix ce palhart nice, Qui ce faisoit roy appeller, Pour le corriger de son vice. (Pass. Auv., 1477, 195). TESTE CREUSE. Je deviens palle, On corrige cy diable et Dieu. (Sots Magn., a.1488, 204). SOTIN. Et, beau sire ! que gaignez vous A nous corriger si a plat ? (Sots Magn., a.1488, 205). Par deluge furent fais submerger Pieça au temps du bon homme Noé Ceulx qu'on ne peut de vices corriger Où gerre humain est present emboé. (Cene dieux, c.1492, 114). ...se li maistre et .VI. d'aulcun mestier volloient corrigier aulcun compaignon de lour mestier, en disant qu'il vont contre l'atour qu'il ont ordonnei (Jug. maître-échev. Metz S.M.S., t.1, a.1494, [1350], 279-280). Cestui fut stippendié d'un grant prince, tirant et mal condicionné, et, voyant qu'il ne le povoit corriger par nulle discipline, ne retirer par nul enseignement de ses mauvaises inclinacions, à ceste cause, pour exemple familliere, il lui composa le jeu des eschetz (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 45 v°).

 

-

[Un animal] "Dresser" : Molettes sont poingnantes et sont ordonnees a estre mises aux esperons pour corrigier le cheual et le cheual est ordonné a seruir l'ordre de cheualerie (Best. hérald. H.E., c.1435-1450, 503). Vous corrigez et chien et chat ["vous voulez dresser, amender tout le monde"] (Sots Magn., a.1488, 200).

 

-

"Amender, réformer les vices, les défauts, les dispositions de qqn" : ...ne ne te quier Mais que pour mes maux corrigier A toute ta plaine ordenance. (Mir. st Guill., c.1347, 23). Et de cest mistere (...) deust bien la char d'omme mortel estre corrigiee et le monde hosté hors de pechié. (HENRI FERR., Modus et Ratio, Songe pest. T., c.1354-1377, 18). Si est a entendre corriger ses meismes deffaulx, si qu'ilz soient du tout amortis (CHR. PIZ., Ep. Othea L., c.1400-1401, 164). Maiz par l' imperfection des choses creez doit on entrer a congnoistre la perfection du Createur, qui leur foiblesse soustient, et leurs erreurs corrige (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 39). Je leur feray guerre mortelle Pour corrigier leur mauvais vice. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 38). ...ung conseillier doit (...) corriger les excés, concepvoir les meurs, ordonner en honneur la vie (JUV. URS., Verba, 1452, 314). ...leur erreur blasmeray Et leurs vices corrigeray (LA VIGNE, S.M., 1496, 326).

 

-

Empl. pronom. "S'amender, devenir meilleur, se débarrasser d'un défaut" : Et s'elle [se] vuelt corrigier, Pardonner li doi de legier Et le faire amiablement, Doucement et courtoisement. (MACH., Voir, 1364, 726). Pour ce pent l'en les larrons afin que la policie ou la communité en soit purgiee, et afin que les autres se corrigent par tel example, et que la painne de un face paour a pluseurs. (ORESME, E.A.C., c.1370, 533). Ceste famme ouy une vois entre elle et la paroiz : "fy ! fy ! fy !" Elle en eust telle paour que tantost s'en ala a confesse et se corriga. (GERS., Pent., p.1389, 77). Pour l'amour de Dieu, qui s'en sent coulpable - il m'entent bien ! -, corrige soy, et, quoy que ce soit du temps passé, tiegne soy ou temps advenir. (GERS., Pent., p.1389, 78). On querra voye humaine et naturelle, et, se elle fault, n'y fault fors demander la misericorde de Dieu par bien vivre et soy corrigier, non pas pour recourir a son contraire. (GERS., Noël, p.1404, 308). Maiz plus eshontee chose est obstinee persistence en erreur, et soy vouloir avant perdre que corriger. (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 106). Celluy qui veult enseigner aultruy se doit premyerement corriger que les aultres (MACHO, Esope R., c.1480, 207). Cestui ne doubta la puissance d'Alexandre, ainçois lui remonstra plusieurs choses, voyant qu'il ne se vouloit corriger et, entre autres, en le increpant lui dist : "Si Deus es..." (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 55 v°).

 

2.

"Reprendre, réprimander qqn (pour le ramener dans le droit chemin)" : ...en moy priant humblement en nostre lit, comme en suis recors, que pour l'amour de Dieu je ne vous voulsisse mie laidement corrigier devant la gent estrange ne devant nostre gent aussi, mais vous corrigasse chascune nuit, ou de jour en jour, en nostre chambre (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 1). Esope receupt son filz benignement en le corrigant doulcement (MACHO, Esope R., c.1480, 60).

 

3.

"Punir, châtier qqn" : Car il convient pugnir, chastier et corrigier celui qui appete choses laides. (ORESME, E.A., c.1370, 228). Le roy respondy que il vouldroit voulentiers que les Londriens, qui très grant couppe avoient de ces affaires, fussent corrigiez et mis à raison, et ses oncles aussi. (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 49). ...tenir justice et corrigier les mauvais (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 160). ...il corrigoit et punissoit les pillars (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 160). ...il est temps que il soient pugni et corrigiet de lors mesfais (FROISS., Chron. D., p.1400, 88). Et furent pris auquns bourgois de la ville et mis en prison, et corrigiet les auquns de lors vies et de lors cavances (FROISS., Chron. D., p.1400, 573). Toutesfoys couvient a l'enfant du prince aultre maniere de faire craindre que par grandes bateüres, car par trop aspre voie de courrigier icellui enfant qui est nourri es delices et qui ja sent la grandeur de seigneurie par l'onneur que on lui fait en pourroit en lieu de corection concevoir indignacion, tant aux lettres comme mesmement au maistre, laquele chose seroit a l'empirement de sa discipline et au peril du maistre et peut estre a la santé de l'enfant lequel est delicatif et souef nourri. (CHR. PIZ., Corps policie L., 1406-1407, 6-7). ...de cascune ville (...) Y ot hommes de loy, eschevins apiellés, Afin, s'aucuns Flamens fust en riens desrieulés, Qu'il fust selon le cas corigiés et blamés. (Geste ducs Bourg. K., c.1410-1419, 434). Ce jour, le prieur d'Abbeville a esté et est d'accort que damp Mahiu Ciffet, moisne claustrier du prieuré d'Abbeville (...) soit puni et corrigié par le prieur de S. Martin des Champs (BAYE, II, 1411-1417, 75). ...si d'aventure il se fust trouvé devers luy, il l'eust corrigé de main mise par prison ou autrement (CHASTELL., Chron. K., t.3, c.1456-1471, 53). Et toutes ces choses il faisoit le plus au solaigement du povre peuple et des pays que possible luy estoit, en pugnissant et corrigent ceulx qui faisoient quelzques pilleries ou roberies sur le peuple, tellement que les autres y prenoient exemple et que ceulx qui avoient voulenté de faire telz excès cessoient et ne s'en osoient ingerer. (LE CLERC, Interp. Roye, c.1502, 249).

 

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Corriger qqn corporellement. "Infliger à qqn un châtiment physique" : ... par lesquelles [lettres closes] il luy manda corrigier corporellement les compaignons de guerre qu'il trouveroit estre retournez de son armee par mer sans congié. (Comptes argentier Ch. le Téméraire B.F.L., t.3/1, 1470, 207).

 

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Empl. pronom. "Se punir" : Quant il le sceut, il se remort Et se mist en la congnoissance Qu'il y apartenoit vengence ; Dont il meïsmes se juga, Punist dou tout et corriga. (MACH., J. R. Nav., 1349, 265).

REM. Traduit corripere ds les ex. suiv. : Sire en tou courrouz ne me weilles argueir, ne en ton ire corrigier (Psaut. lorr. A., 1365, 9). De la force de ta main dont tu m'ais touchiet et corrigieit... (Psaut. lorr. A., 1365, 42).Cf. aussi la forme correpgier enregistrée ds GDC IX, 206c (doc. 1383).
 

DMF 2020 - Article revu en 2015 Robert Martin

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