I. -

Empl. trans.

A. -

Contregarder qqn (de qqc.). "Protéger qqn (contre qqc.)" : ...l'eaue, qui est resperse de sel et sacree par les divines prieres, nettoie de pechié veniel et multiplie les vertuz et contregarde des fantosmes. (JEAN GOLEIN, Rational B.D., c.1370-1372, 283). Et pour la doubtance de ces gens qui chevauchoient ossi, il mist sus une autre armée de gens d'armes, pour contregarder les fourrageurs qui chevauchoient entre la rivière de Dourdonne et la rivière de Geronde. (FROISS., Chron. R., IX, c.1375-1400, 8). Par la seconde pierre qui le portant de venin contregarde et de tout malvaiz esperit, veult l'acteur (...) aussi entendre bien celer. (EVR. CONTY, Eschez amour. mor. G.-T.R., c.1400, 552). [Var.] ...la vigne (...) les contregardoit du soleil (Percef. I, R., t.2, c.1450 [c.1340], 1026). Mon chier seigneur, tant que je puis, Vueillez vostre fille garder, Et ceulx d'Orleans, voz bons amis, Vueillez en pitié regarder ; Que se ne les contregardez, Il auront de bref fort a faire. (Myst. siège Orléans H., c.1480-1500, 449). De blasme et de villain reproche Nous vueille Dieu contregarder ! (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 1009).

-

Contregarder qqc. "Préserver, conserver qqc. " : J'avoye plus a travailler A ung pencer joyeux garder Que pour les grand fatras veiller Ou paine avoye a regarder, Car ung propos contregarder Pourroit moins l'omme solitaire Que son grant mal ou salut taire. (CHAST., Temps rec. D., 1451, 53). Amour est facile a perir Qui ne la scet contregarder. (Paraboles Maistre Alain H., 1493, 6). Ne tenez pas ce mistere a faintise, Mon bel enffant, contregardez le bien. (LA VIGNE, S.M., 1496, 215).

-

Empl. abs. "Prendre garde, surveiller" : Et incontinant icellui prebstre sans mot dire, son espée au poing toute nue, courut sus audit suppliant, et de fait l'eust villenné, se ce ne feust ce que il se reculoit, contregardoit tousjours en lui disant qu'il ne le voulsist fraper ne blecier. (Doc. Poitou G., t.8, 1444, 196).

B. -

Contregarder qqc. "Veiller que qqc. ne survienne, empêcher qqc." : ...les [malz] presens sont a vaincre, les futurs a contregarder (JEAN GOLEIN, Rational B.D., c.1370-1372, 575).

-

Contregarder qqn de + inf. "Veiller que, empêcher que (qqn ne fasse l'action à éviter de...)" : "Et contregardés vos gens et vos marcheans de aler ne venir ne envoiier ne marcander en Flandres, car, se il i vont, il seront retenu et li leurs pris." (FROISS., Chron. R., X, c.1375-1400, 271).

-

Contregarder que. "Veiller que, empêcher que" : ...et envoya grand foison de ses meilleurs hommes pour contregarder sur les frontieres que les Anglois ne revenissent plus par deçà la mer (LE BEL, Chron. V.D., t.2, 1358, 170).

II. -

Empl. pronom. Se contregarder

A. -

"Se protéger, se défendre" : Si y eut ce jour dreciet aucunes eskelles et compagnons aventureus montans amont, paveschiés sus leurs testes, pour yaus contregarder et garandir des pierres et dou tret. (FROISS., Chron. L., VII, c.1375-1400, 173). Les serpens par musique sont aussy moult souvent seurpris et deceuz quant ilz oyent la voix ou la parole d'aucun enchanteur s'ilz ne se contregardent par leur naturelle industrie. (EVR. CONTY, Harm. sphères H.P.-H., c.1400, 91). Fortune fait son bien tarder, Dont fort est soy contregarder : A coup adviennent Ses tours qui d'ordre point ne tiennent (CHART., L. Dames, 1416, 235).

Rem. Guill. Orange T.H.G., p.1450, gloss. ; Cligès C.T., 1455, gloss.

-

"Prendre garde, se tenir sur ses gardes (face à qqn ou qqc.)" : Et puis regarde d'autre part, et voit la table mise, et la nappe belle et blanche dessus, et y voit moult de nobles mez. Il se traist celle part, et en prist un petit de cellui qui mieulx lui pleut, et menga un pou, et but une foiz, et se contregarda bien, car il savoit assez que le trop mengier et boire actrait le dormir. (ARRAS, c.1392-1393, 303). Le messagier d'Amours - c'est assavoir Doulz Regard - estoit tousjours en voye. L'un se hontoioit et couleur changoit, autretel le faisoit l'aultre. Jason ne se pouoit contretenir, et Mirro se percevoit assez de son maintien. Mais Mirro estoit plus subtille et se contregardoit raisonnablement, et plus en faisoit son sens que son ceur ne luy apportoit. (LEFÈVRE (R.), Hist. Jason P., c.1460, 139). Dire vous veulx vostre gouvernement, A celle fin que vous contregardez (LA VIGNE, S.M., 1496, 190).

-

Se contregarder que : Toutes fois se doit contregarder le prestre qui veult pluseurs foiz celebrer qu'il ne prengne l'ablucion aprés la communion (JEAN GOLEIN, Rational B.D., c.1370-1372, 269).

B. -

"Se garder (de qqc.)" : ...qu'il ne sueffre mie que nous soions menez en tele temptacion que nous n'i puissions resister et de quoy nous ne nous sachons oster, delivrer et contregarder (JEAN GOLEIN, Rational B.D., c.1370-1372, 587). Par nette et plaisant cointise, D'ordure se contregarde Cellui ou tous prennent garde. (CHART., B. Nobles, c.1424, 405).

-

Se contregarder de + inf. "Prendre garde de (ne pas faire qqc.)" : Et icy, oultre la louange et deffense saint Pol, nous avons enseignement de nous contregarder de cheoir en perilz ou tribulacions sans neccessités ou proffit (GERS., P. Paul, a.1394, 500). Puisque par pitié me regarde, En me pardonnant mes meffaiz, Il fault que je me contregarde De procurer crismes infectz Et admoderer mes forfaiz Par penitence et oroison (LA VIGNE, S.M., 1496, 498).