C.N.R.S.
 
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     COMPRENDRE     
FEW II-2 comprehendere
COMPRENDRE, verbe
[T-L : comprendre ; GD : comprendre ; GDC : comprendre ; AND : comprendre1 ; FEW II-2, 988a : comprehendere ; TLF : V, 1202b : comprendre]

I. -

Empl. trans. [Marque l'appropriation]

A. -

"Prendre"

 

1.

"Saisir, attraper"

 

-

Comprendre qqc. : D'aulcuns larrons plains de seducyons Dedens ung boys premierement fus pris, Lesquelz, a voir leurs preparacions, De me tuer avoyent entrepris, Car l'un d'iceulx sa hache avoit compris Dessus mon chief en façon et manyere Qu'il m'eust tué (LA VIGNE, S.M., 1496, 356).

 

-

Comprendre qqn + nom désignant une partie du corps

 

Rem. Cf. : Par le geule le vont li escuiers comprendre (Scheler, Gloss., 73).

 

2.

"Se rendre maître de"

 

-

[L'obj. désigne un territoire] "Se rendre maître de, envahir" : ...il a ja concquise Thire, Suese, Mahon et Portingal, Tout païs amont et aval. Toutes terres va comprenant, Nul n'est encontre lui tenant (Renart contref. R.L., t.1, 1328-1342, 124). De ce trouvons nous en escript Que le tresgrant roy Alixandre, Qui tout voult le monde comprandre Et qui par tout est recitez, Fist a son temps .XII. citez Et a toutes donna son nom Pour continuer son renom. (DESCH., M.M., c.1385-1403, 263).

 

-

Comprendre qqn : Certes, s'y veul, il ne fauldra mye De nous mectre en sa ballie, Pour quoy mieulx vaulx que nous en fuons, Tant de mestier que nous pouvons, Quar se comprandre il nous pouvant, Morir nous ferons tres mechamment. (Pass. Autun Biard F., 1470-1471, 140).

 

.

Au passif : Mais il te faut agenoullier, Et com a signeur droiturier, Te rens a moy pris et compris. (JEAN DE LE MOTE, Voie d'enfer P., 1340, 32).

B. -

P. anal.

 

1.

[Marque une saisie par le regard]

 

-

[Le suj. désigne l'organe ou le sens de la vue] "Embrasser" : Et estoit grant biauté de veoir reluire contre che soleil ces banières, ces pennons et ces bachinès et si grant fuison de gens d'armes que veue d'ieux ne les pooit comprendre. (FROISS., Chron. R., XI, c.1375-1400, 129). ...j'entray ou temple dont la beauté nul subtil oeil n'eust sceu comprendre, sy non par poses et intervales souvent reprises dessus (CHASTELL., Temple Boc. B., 1463-1464, 21).

 

-

[D'une pers.] "Voir, apercevoir" : Car j'espris Mon coer, lors que je compris La biauté de vo figure. (FROISS., Espin. amour. F., c.1369, 168). Et le Bossu commença lors a regarder vers la forest, sy vey venir grant plenté de chevaulx, et pardessus vey comme umbres noires et hideuses a veoir, mais aucunement n'en pouoit autre chose comprendre. (Percef. III, R., t.1, c.1450 [c.1340], 82). ...elle se boutta au plus hors de la fenestre qu'elle peut pour mieulx comprendre et veoir, si apparceut, incontinent aprés que la matiere fut esprise, la comette fachonné et apparant ou ciel (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 519).

 

2.

[Du feu] "Embraser" : Une grant lueur apperceurent [les Romains] Devers septentrïon venant, Comme feu grant lieu comprenant (CHR. PIZ., M.F., IV, 1400-1403, 5).

C. -

Au fig.

 

1.

[D'une pers.] Comprendre qqc. en qqn. "Percevoir, discerner qqc. en qqn" : Dame, je muir pour vous, com pris Pour bien amer, dont miex m'enprise. Pour le bien qu'en vous ay compris. Dame, je muir, pour vous compris. (MACH., L. dames, 1377, 102).

 

2.

[D'une chose] Comprendre qqn

 

-

"S'emparer des sens, de la conscience de qqn" : Voirement es tu mon seul refuge, car je sçay que tu es tout puissant et tout parfaict, ne autre ne me peut aidier ne sauver de la tribulacion qui m'a compris. (CHR. PIZ., Psaumes allég. R., 1409, 91). A moy navrer dueil entreprent Et cas de mort mon filz comprent, Dont suis en desolacion (LA VIGNE, S.M., 1496, 488).

 

.

Au passif : He Avarice et Couvoitise ! Ta rapine le fu atise D'Infer, ou il me faut entrer. Ma pensee fu moult sousprise, Engignie, prise et comprise, Quant por metal qui luisoit cler Ai fait ma lasse ame dampner. (JEAN DE LE MOTE, Voie d'enfer P., 1340, 74).

 

-

"Lier, asservir" : Mon trés chier filz, pour grant espace Nostre Bernard a supplié Pour le peuple qui est lié Et compris per ydolatrie De Jupiter, que ne doibt mie Acomparer le simple gens Par le dyable qui est dedans. (Myst. st Bern. Menth. L., c.1450, 120).

 

-

[D'une maladie] "Affecter" : ...tusses, c'est toux qui comprent les membres d'en haut et fait courre les humeurs (SAINT-GILLE, Comment. A.Y. L., 1362-1365, 246).

II. -

[Marque l'inclusion]

A. -

Comprendre qqc./qqn

 

1.

"Inclure, enfermer en soi, contenir"

 

a)

[De Dieu] : Car comme dist Saint Bernard : Dieu est, par tout regne, par tout commande, par tout est sa majesté, il remplist toutes choses. Il comprend et embrache l'université des choses. (Somme abr., c.1477-1481, 139).

 

b)

[D'une pers.]

 

-

"Avoir en soi" : Qui croit rapport de faulses jangles Et qui comprent malvais exemples Morir doit de la mort d'enfer. (DUPIN, Mélanc. L., c.1324-1340, 200). Li yvres pert toute mesure. Yre, orguil et desmesure Comprent senz havoir nulx desport. (DUPIN, Mélanc. L., c.1324-1340, 203). Que vous puissez vivre en vostre aage bon De .LX. ans ; toutes vertus comprandre ; Estre piteux ou il cherra pardon, Si que de mal ne vous puist nul reprandre (DESCH., Oeuvres Q., t.2, c.1370-1407, 150). Et Mitridates, roy de Pont, comprint tant de science qu'il parloit par .XXII. langaiges a .XXII. nations qui soubz lui estoient. (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 73).

 

.

[De la Vierge] : E ! vierge, qui compris en toy Ce que le ciel ne peut comprendre, Vueilles sur moy ta grace espandre (Mir. femme roy Port., c.1342, 194). Entendez, roys, princes et seigneurs et toutes devotes personnes, entendez quelle belle personne est au jour d'uy faicte : elle comprent et ciel, et terre, et Dieu, et homme : gloire est donnee a Dieu pour sa part, et paix chiet en la part des hommes de bonne voulenté. (GERS., Noël, p.1404, 292).

 

-

"Concevoir dans son corps" : Et qui loyaux fu digne de comprendre Dieu et vray homme et par nuef mois porter (Mir. nat. N.S.J.C., c.1343, 246). Ha ! dame, qui la deité Qui tout comprent en toy compris, Est il nul qui puist le grant pris De ta bonté (...) Comprendre ? (Mir. emp. Julien, 1351, 204).

 

.

Au passif : LA MATRONNE. Je ne voy pas conment compris Enfant soit cy ne conceuz, Dame, ou mes cuers est deceuz. (Mir. abbeesse, 1340, 93).

 

c)

[D'une chose]

 

-

Comprendre qqn : ...affin que les tenebres des poines infernals ne nos puissent comprendre (HEMRICOURT, Patron Temp. B., c.1360-1399, 51).

 

.

DR. [D'un texte, d'une décision] Comprendre qqn. "Inclure qqn" : ...car toute la provision ou ordonnance, hors miz les exceptez, ne comprenoit que v ou vj, desquelx les uns avoient servi le Roy xix, les autres xviij, les aucuns xvij ans, et l'exception estoit de celx qui avoient servi le Roy vint ans (BAYE, I, 1400-1410, 152). Les Gantois ne firent compte de la sentence qui les avoit comprins et se recommencèrent à faire guerre plus forte que devant. (CHASTELL., Chron. K., t.2, c.1456-1471, 341).

 

-

[L'obj. désigne une chose concrète] : ...entre yaus il fu là avisé (...) que aultres lettres, comprendant tous les articles de le pais, fuissent escriptes et seelées les deux rois presens et leurs enfans. (FROISS., Chron. L., VI, c.1375-1400, 26). Qant chil signeur se furent logiet, ensi que vous avés entendu, sus la riviere d'Escaut et mis entre Nave et Iwis, deus villages les plus proçains de Thun l'Evesque, li dus de Normendie estoit d'aultre part la riviere, et fu moult esmervilliés qant il vei si belle gent d'armes et tant de logeis que les hoos de son cousin le conte de Hainnau comprendoient, car ensi que il entendi par ses gens meismes, tous les jours li croissoient gens. (FROISS., Chron. D., p.1400, 401). ...car entre toute l'empire qui comprent toutes les Alamaingnes et Lombardie a aliance reele de pais a pais, lesquelles furent faittes du temps que Charlemeingne fut empereur, du consentement de tous les pais, et ne se puent jamais rompre. (JUV. URS., Aud. celi, 1435, 220).

 

-

[L'obj. désigne une chose abstraite] : ...tous li sien corpz resplent De la grande biaulteit que le sien corpz comprant (Lion Bourges K.P.F., c.1350, 924). Je te mercy, tresdoulce dame ; Je te lo ; je te glorify ; De tout mon cuer te magnify Pour les graces et le bienfait Qu'autre foiz et ores m'as fait. Par toy suis hors de grant tristesse ; Par toy ay recovré leesse Plus que mon cuer ne peut comprendre. (Mir. enf. ress., 1353, 73). Justice legal peut estre prise en .II. manieres ; une est que elle signifie et comprent toutes les vertus ensemble, et ainsi elle differe de chascune vertu particuliere, comme un tout differe de sa partie. (ORESME, E.A.C., c.1370, 280). Se le Chaton [probablement les Distiques de Caton (Éd.)] as bien aprins, C'est la souveraine doctrine ; Celluy a bonnes meurs comprins, De bien vivre c'est la racine (GARIN, Compl., 1460, 99). Mais se le utilité et le honesteté ne conviennent ensemble, le honnesteté doit estre preferee. Et, ad ce, fait la raison [de] Ciceron ou tiers livre Des Offices ja allegué, quant il dit que nous hommes sommes nez au monde a honesteté faire, c'est a dire pour honestement vivre, et que honnesteté est le souverain bien que nous puissons avoir, car il comprent utilité, attendu que rien n'est honeste qui ne soit utile et bon. (FILLASTRE, Traité Conseil H., c.1472-1473, 216). Mais est a noter que l'immensité, c'est a dire la non mesurableté, en comprend quatre choses, c'est a scavoir infinité qu'il est sans fin, incomprehensibilité que nulle creature le puet comprendre, incirconscriptibilité, c'est a dire qu'il n'est en aucun lieu determiné et est par tout et en tous lieux, et eternité en perdurableté. (Somme abr., c.1477-1481, 130).

 

.

[D'un livre] Comprendre que + v. à l'ind. : Et ainssy est que le livre qui se dit Miroer Historial comprent que Pepin prince unefois envoya ses messagiers a Rome a pape Zacharie pour avoir response sur une demande... (BAGNYON, Hist. Charlem. K., c.1465-1470, 11).

 

d)

[De limites, d'objets qui délimitent]

 

-

"Entourer" : Les devins en leurs sors trouverent Et les sages, qui exposerent Le songe, q'un tel hoir ystroit De sa fille qu'il osteroit Au roy son regne, et en ert sire De Mede et du regne d'Assire, Que celle vigne avironnoit, Et tout le pays comprenoit. (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 192).

 

.

Au passif : Ung riche palais ancien avoit de coste soy, somptueusement edifié de murailles eslevees et de haultes tours, compassé, comprins et environné de diverses et differentes habitacions par engins de souverains ouvriers (CHART., Q. inv., 1422, 9). Le lieu y est si gentement compris A haulx pilliers et grans soubassemens Que d'un costé sont grans chevaulx de pris Et d'autre part les haras des jumens. (LA VIGNE, V.N., p.1495, 185).

 

.

Part. passé en empl. adj. "Délimité" : Item, aussi comme c'est impossible que ligne droite ou longitude ou latitude qui a fins et termes soit infinie, semblablement est ce imposible que quelconque figure soit infinie, si comme seroit un triangle, quar il est comprins et finy et terminé de toutes pars. (ORESME, C.M., c.1377, 102).

 

-

[D'une limite supérieure] Comprendre qqc. sous/dessous qqc./soi : Et celles [sept branches] de si grant engien Et si magistraus faisoit estre Que trestout ce qui pooit nestre Ne desous leurs eles comprendre, A elles estoit a reprendre. (FROISS., Joli buiss. F., 1373, 102). Je di donques que le fonz de ce bacin tout seul comprent autant d'eaue souz soy comme fait tout le bacin, et tout le bacin poise plus que ne fait le fonz tout seul (ORESME, C.M., c.1377, 716).

 

.

Comprendre qqc. dessous : Maiz Dieu a sa merche mise Es cieulx, et en leur pourprise Et assise, Par merveilleuse devise Et maistrise, La terre a desoubz comprise Pour donner signifiance Comme elle est a lui soubzmise, Et veult que ce nous suffise. (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 37).

 

2.

[Avec passage de la notion d'inclusion à celle de superposition]

 

a)

[De choses ou d'un ensemble de pers.] Comprendre qqc. "Occuper (un certain espace), s'étendre sur (un certain espace)" : Et quant les chiens en encontrent de la nuit, se il sont bons, il le [la loutre] vont trouver en cachant baudement. Et se il l'ont trouvé et la riviere est trop grant, il doivent porter pour les grans rivieres fillé que il tendent au dessuz et au dessous, lesquiex sont larges a l'antree, aussi comme un quidel, pour comprendre le [lé] des rivieres. (HENRI FERR., Modus et Ratio, Livre deduis T., c.1354-1377, 96). Ensievant la bataille dou roy, venoit li grans charois, qui comprendoit bien deux liewes de lonch. (FROISS., Chron. L., V, c.1375-1400, 200). Et fu la chités partie pour logier les signeurs : le roi à Saint Martin, et comprendoient ses gens un quart de la ville. (FROISS., Chron. R., XI, c.1375-1400, 71). Et se loga li dus devant Tournai, et comprendoit son hoost grant qantité de terre (FROISS., Chron. D., p.1400, 417).

 

b)

Au fig. [De pers.] "Encadrer ; s'occuper de" : Aprés, fut ordineit en l'eglise VIII archidiacres, qui comprendoient lé XXVIII concielhez et les obscures excés que dedens les conseilhez venroient (JEAN D'OUTREM., Myr. histors G., a.1400, 86).

 

3.

[Avec influence de compriendre ?] "Résumer" : PROLOGUE II Or vous avons en brief comprinse La matiere haulte et feconde de la crëacion du monde, Puis commant l'omme fut fourmé Et comment, de Dieu infourmé, Inobédïence commist (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 21).

 

Rem. Cf. aussi : Compendieusement at compris la substanche D'alcuns fait plus notablez (Scheler, Gloss., 73).

 

-

A bref comprendre. "Pour résumer" : Item, le lundi, environ huit heures, fut de par le Roy, au son de la trompète, Taneguy du Chastel desmis de la prévosté de Paris, et en son lieu y fut constitué Le Veau de Bar, bailli d'Auxi. Et à brief comprendre, tous les conseillers du Roy, de la chambre de parlement, des comptes et autres bourgois de Paris de nom, tenans la partie du compte d'Armignac, furent pillez, prins ou occis cruellement. (MONSTRELET, Chron. D.-A., t.3, c.1425-1440, 263). Et lors, à l'une de leurs entrées, se combati le connestable d'Escoce et ses gens, qui, à brief comprendre, furent desconfis et mors en la place. (MONSTRELET, Chron. D.-A., t.4, c.1425-1440, 312).

 

4.

"Tracer les limites de" : ...et refist son hostel a Paris en le comprenant tel comme il estoit par avant (LE BOUVIER, Chron. Ch. VII, C.C.J., c.1451-1455, 15).

B. -

"Faire entrer"

 

1.

Comprendre qqc./qqn + compl. prép.

 

a)

Comprendre qqc./qqn en qqc./qqn

 

-

Comprendre qqc. en qqc. : ...car je ne pense pas comprendre en ce livre difficultez ne questions (SAINT-GILLE, Comment. A.Y. L., 1362-1365, 363). Par trois raisons me vueil deffendre Qu'on ne me doit mie reprendre, Se, selon la condition De m'amour, qui ja mais n'iert mendre, Vueil ma pleinte et mon lay comprendre En triste ymagination. (MACH., Lays, 1377, 322). Item, je lessë a noble homme Regnier de Montigny trois chiens ; Aussi a Jehan Raguier la somme De cent frans prins sur tous mes biens ; Mais quoy ? Je n'y comprens en riens Ce que je pourray acquerir : L'en ne doit trop prendre des siens Ne ses amys trop surquerir. (VILLON, Lais R.H., c.1456-1457, 19).

 

.

Sans en ce comprendre... "Sans mentionner, sans parler de" : Et, après son procès fait par messire Tristan l'Ermite, acompaigné d'aucuns seigneurs de la court de Parlement et autres notables gens de conseil à ce commis, par ledit messire Tristan fut condempné à estre decapité comme criminel de lese majesté, pour aucunes forfaittures, traïsons, violences et autres crimes par luy commis et perpetrez, lesquelz estoient sy grans et abhominables que quasi l'air seroit infect de les proferer, sans en ce comprandre plusieurs efforcemens de femmes et filles qu'il avoit faictz, dont cy dessus est fait mencion. (LE CLERC, Interp. Roye, c.1502, 212).

 

-

Comprendre qqc. en qqn : Or me punist Fortune, sans mesprendre, Pour celle amer, ou n'avoit que reprendre Et ou Nature et Dieu vouldrent comprendre Ce qu'on savroit a souhait desirer, Qui tous les biens vouldroit en un tirer (CHART., Compl., 1424, 324).

 

-

DR. Comprendre qqc./qqn en + nom désignant une décision juridique, une convention, une obligation... : ...autrement ce n'estoit mie son intencion de comprendre ladicte forteresse en quelconques abstinences de guerre ou treves dont il soit requis (FAUQ., I, 1417-1420, 350). ...et là firent messeigneurs de Bourbon et de la Marche apointement avecques le Roy sans y comprendre monseigneur le connestable. (GRUEL, Chron. Richemont L., c.1459-1466, 66). Et puis s'en party [le roi] dudit lieu de Mante et s'en ala à Vernon sur Seine, où il demoura ilec depuis par certain temps, durant lequel vint et arriva devers lui monseigneur le connestable, lequel trouva moien que le roy bailla et donna trefve entre lui et monseigneur de Charrolois jusques à six moys lors après ensuivans, sans en ce y comprendre les villes et pays de Liege, qui desjà estoient mis sus et en armes à l'encontre dudit seigneur de Charrolois, en esperance d'avoir l'aide et secours du roy, ainsi que promis leur avoit esté (ROYE, Chron. scand., I, 1460-1483, 191). ...nous vous mandons et expressement enjoingnons que lesdicts de Pierrevive vous ne comprenez ou faictes comprandre esdictes tailles, emprunstz et autres subsides de nostredicte ville de Lyon, en les faisant raier de tous papiers et registres. (Lettres Ch. VIII, P., Pièces justif., t.1, 1485, 77).

 

b)

Comprendre qqc./qqn à qqc.

 

-

Comprendre qqc. à qqc. "Faire entrer qqc. dans qqc." : Et a ceste clameur ou doleance on pourroit comprendre la fourme des menaces, quant on fait les elections de par vous [le roi de France, qui cherche à infléchir des élections ecclésiastiques] (JUV. URS., Verba, 1452, 355).

 

-

Comprendre qqn à qqc. "Enfermer qqn dans qqc." : Fortune ainsy des compaignons s'esbat, Qui au delit de la char les comprent, Puis les destruit, con la souriz le chat (DESCH., Oeuvres Q., t.4, c.1370-1407, 296).

 

2.

[Sans compl. prép.] : ...tu as traversé et passé au travers de tes ennemys contenans en pays loingtains non pas une lieux ne dix, ne vingt, ne trente seulement : mais au nombre de sept ou de huyt cens lieux, a comprendre tant ton allee que ta revenue. (LA VIGNE, V.N., p.1495, 298).

 

-

A tout comprendre. "A tout considérer" : Et les parties que ledit Jehan dit avoir paiées pour le fait desdictes vendenges et pour ledit deffunct montent à tout comprendre CVIJ l. XIIJ s. IIIJ. d., dont il ly est contredit XLVIIJ fr., d'une part, et VIIJ. l. p. que il dit avoir payé pour l'ayde mise sur le vin ou moys de novembre derrainement passé de VIIJ solz pour queue. (Invent. N. Baye T., 1419, CX). ...il [Jason] parla par soy et dist tout bas : "O dieux, que sera ce de moy et de ceste dame ? - Il fault que d'amours la prie ! - O, je ne suis pas assez hardy. - Non ? - Le cas est tel ! - Pour quelle raison ? - Elle y est bonne ; car c'est, à tout comprendre, le bruit du monde. Que plus est : elle fait reffus d'un roy..." (LEFÈVRE (R.), Hist. Jason P., c.1460, 139).

C. -

Au passif

 

1.

[Avec un compl. prép. désignant le contenant]

 

a)

"Etre inclus, contenu"

 

-

Être compris en qqc.

 

.

[De choses] : Seigneurs, pieça n'oy sermon Ou eust tant de biens compris ; Car tout ce qu'a a dire empris A demené trop bien et bel. (Mir. emper. Romme, 1369, 243). ...dedens icelle riviere, et aussi près et sur les rivages d'icelle, il a mucé et bouté, tant en plaz, escueles, couppes couvertes, cuilliers et aiguieres d'argent, compris en ce environ LX ou LXX mars d'argent (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 210). Si couvient que plus oultre tire, Mais je ne pense mie a dire Tous les fais compris en l'istoire (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 194). En gré soit pris Ce livret pour vous entrepris, Car se aucun bien y est compris, Ce a fait l'amour dont suis espris (CHART., L. Dames, 1416, 304). Et sour tout l'amour de quoy il vous ayme est bonne et loyalle et comprise en noblesse et honnesteté, dont je suis bien joyeuse. (Belle Maguel. C., 1453, 15). Jeune fait mal et prent du pys. En jeunesse tout mal est mis Et compris ; Elle brule du feu d'enfer. (Pass. Auv., 1477, 118). Troys cercles sont compris et enclos contiguement en la circonference d'ung aultre ayant 12 de dyametre, qui est .a.b. ; assavoir moult de combien sont les dyametres d'ung chascun des cercles contenuz. (NIC. CHUQUET, Géométrie H., 1484, 301).

 

.

[De pers.] : "Frere, se vous avez empris De veiller a voustre loysir, Les autres n'y sont pas compris. Face chascun a son plaisir". (CHART., D. Rev., a.1424, 307). ...le Roy ne pourroit bonnement paier que jusques au nombre de xxij conseilliers avec les presidens dudit Parlement pour ceste année, non compris oudit nombre lesdiz mes Gaillard et de Celsoy, et aussi ledit Piedefer (FAUQ., III, 1431-1435, 76). Par les cieulx, je entens tous bons crestiens estans en l'esglise militant, qui peut estre cieulx appellee pour la latitude de charité, pictié et compassion qui doit estre en ceulx qui sont comprins en icelle. (JUV. URS., Aud. celi, 1435, 145).

 

.

[De Dieu] : Pourquoy ne pourra estre Dieu par tout sans acroissement ou diminucion, sans ce que on le puisse dire estre hors telement qu'il ne soit dedans, et sans ce qu'il soit du tout compris, ou enclos, ou fourclos en quelconque creature ? (GERS., Trin., 1402, 162). Par tout et en tous lieux Dieu est et toutevoies nulle part est, car il n'est absent par eslongement d'aucun lieu, ne est comprins en ou par aucun lieu. (Somme abr., c.1477-1481, 136).

 

-

[De choses] Être compris en qqn : Ne homme ne s'en doit donner gloire, Fors à Dieu qui fait la victoire. Il en a l'onneur et le pris, Com cils où tous biens sont compris. (MACH., P. Alex., p.1369, 63). Ne plus n'aray riens triste n'oscurci, Mais lié et gay me vorray demener Et faire que maint dur cuer adouci Soit par mos dous et plaisans aüner Des biens qui en vous sont compris, Qui me seront par vos enfans apris. (MACH., Prol., c.1377, 6). Le signeur de Lesparre a luy Hot debat, mais, comme celluy Ou tout honeur estoit compris, En issy a son loz et pris. (CHR. PIZ., M.F., IV, 1400-1403, 69). Et je, meu de compassion, pour ramener a memoire l'estat de nostre infelicité et a chascun ramentevoir ce qui lui en touche, ay composé ce petit traictié que je appelle Quadrilogue, pour ce que en quatre personnages est ceste oeuvre comprise, et est dit invectif en tant qu'il procede par maniere d'envaïssement de paroles et par forme de reprendre. (CHART., Q. inv., 1422, 5).

 

-

Être compris à qqc./qqn

 

.

Être compris à qqc. "Y être inclus" : Maintenant vous ay en françois mis les Apologues de Laurens Valle, par luy latins faitz de Ezope grec, auquel livret, soubz couleur de fables, plusieurs enseignemens sages et vertueux sont brievement comprins. (TARDIF, Apologues R., c.1493-1498, 60).

 

.

Être compris à qqn. "Être réuni à qqn" : GABRÏEL. Nous te venerons, Louons, adorons, Enffant de hault pris, Car nous esperons Que par toy serons Aux hommes compris. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 70). AGRESTIN. Il m'estoit dit avec cela Que tous voz disciples y fussent, Car moult voulentiers les y eussent Le sire et la dame de pris. JHESUS. Tous ensemble y seront comprins En ceste journee ensuivant. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 150).

 

-

Être compris sous qqc. : Et ces condicions icy doivent avoir toutes gens de guerre, lesquelx sont compris soubz l'estat de chevalerie. (BUEIL, II, 1461-1466, 71).

 

-

Être compris sur qqc. : En cellui temps vit [vit] Pepin, moult vaillant de la personne et noble tant seullement comme [comme] prince, et, a cause que tous les rois de France de lignee en lignee ont succedy de cestuy Pepin, especialement Charles Maigne son filz, sur le quel ceste euvre est comprise, je vueil cy commencer a desduyre de la matiere de la quelle superficialement j'entens parler. (BAGNYON, Hist. Charlem. K., c.1465-1470, 11).

 

-

Être compris de qqc. "Y être inclus" : Le lavandier doibt laver et nettoyer le linge, et pour ce est il comprins de la paneterie. (LA MARCHE, Mém., IV, Pièces annexées, 1474,,, 31).

 

b)

DR.

 

-

Être compris en qqc.

 

.

[De choses] : ...en laquelle ordonnance aussy ne sont pas compriz rentes à vie ou à volenté que prennent par nostre octroy aucuns noz officiers par les mains du changeur de nostre tresor ou de nos vicontes et receveurs (BAYE, I, 1400-1410, 33). ...au moins voulsist la Court surseoir jusques à ce qu'ilz eussent esté oyz, ou declairier l'université, leurs lieux, leurs colleges et leurs benefices estre exemps et non compris en ladicte ordenance. (FAUQ., III, 1431-1435, 123).

 

.

[De pers.] : Ce mesme jour, la Court a dit que les procureurs et advocas du Roy seront comprins en l'octroy du Roy fait à ladicte Court de non paier taille. (FAUQ., I, 1417-1420, 6). A esté ordené par la Court que lesdis Tailleur, Savoie, Guillaume Prevost (...) seront comprins ou lais fait ou testament dudit feu Roy à ses serviteurs et officiers (FAUQ., II, 1421-1430, 85). Oudit temps, ledit seigneur de Bourgongne, au moien desdictes treves à lui baillées par le roy, esquelles n'estoient aucunement comprins lesdiz Liegois, entra oudit pays du Liege avecques toute son armée, en persecutant lesdiz Liegois. (ROYE, Chron. scand., I, 1460-1483, 193). Item, qu'il pourroient aller avec tous leurs biens, chevaulx, harnois et vivres à eulx appartenans où bon leur sembleroit, ou les vendre et distribuer et en faire à leur plaisir ; et, de ce qu'ilz avoient dependu de l'autruy, en seroient tenuz quittez et comprins en leur absolution. (LE CLERC, Interp. Roye, c.1502, 238). Hier arriva Mons. le president en ceste ville ; et depuis son partement de devers le roy est aussi retourné ung de mes gens, qui aussi arriva du jour de hier, par lequel j'ay sceu qu'il y a treves en Bretaigne pour six sepmaines, esquelles est comprins monseigneur de Bourgoigne, se comprins y veult estre ; laquelle chose en besoignant avec les Bourguignons, je leur ay dict. (LE CLERC, Interp. Roye, c.1502, 321).

 

-

Être compris par qqc. : ...les enfans issus du costé des nepveuz ou frere du cardinal de Beauvaiz et leurs parens de par la femme dudit frere estoient comprins par les status du college de Dormans pour avoir les bourses dudit college (BAYE, II, 1411-1417, 104).

 

-

Être compris sur qqc. : ...dont les plusieurs ne vous daignerent oncques demander pardon ne misericorde mais seulement se dient comprins sur une abolicion generale. (JUV. URS., Exort., 1458, 419).

 

2.

[Sans compl. prép.]

 

-

[Dans un ouvrage] : Le thiers de ches nobles membres est chis pour lequeil chest mateire est compriese et qui est fondemens de chest ovre. Ch'est la Loy, par laqueil ly paiis doit eistre governeis et droituries, et dont les esquevins de Liege sont chief, wardans et jugeur soverains, sens nulle rapeal. (...) Ch'est ly une des estoilles par laqueil la ditte citeit est plus enlumynée et auctorisiie. (HEMRICOURT, Patron Temp. B., c.1360-1399, 61).

 

-

Non compris. "En excluant" : Et luy en furent faictes et bailléez lettres à Estampes, le dix neufvieme jour de juillet oudit an, en la presence de l'evesque d'Evreux, signé par Loys Toustain, secretaire. Et eust du roy, non comprins son estat de grant maistre, neuf mil livres de pension. (LE CLERC, Interp. Roye, c.1502, 207).

 

-

Toutes choses comprises. "Tout ce que l'on peut inclure" : L'or faict frapper, arreste les bombardes Et faict gaigner batailles et emprises. L'or faict tomber picques et hallebardes, Lances, harnois et housseures et bardes. L'or acomplit toutes choses comprises. (ANTITUS, Poés. P., c.1500, 39).

 

3.

Part. passé en empl. adj. ou subst.

 

a)

Empl. adj.

 

-

[D'une chose] "Inclus, contenu" : De Troye fu qui ce livre fist Et tout le fait comprins y mist, Ditta et escript de sa main (Renart contref. R.L., t.1, 1328-1342, 1).

 

-

[De pers.] "Mis ensemble" : ...mais l'estat, la charge et les petis gages d'iceulx considerez, se voulsissent passer pour aucune courtoise somme que lesdiz gens de Parlement, comprins les presidens, conseillers, graphiers, notaires et huissiers, tous faisans le nombre de cent et une personnes, feroient, donroient et paieroient à ladicte ville. (BAYE, II, 1411-1417, 33). Et pour ce que ledit seellé contenoit comprins amys et alyez, nostredit cousin suppliant deist expressement audit Regnault, pour dire aux gens du duc qu'il entendoit excepter les Bourgoignons et Anglois, qu'il ne vouloit estre bourgoignon ne anglois. (Doc. Poitou G., t.12, 1475, 47).

 

b)

Empl. subst.

 

-

"Ensemble (de personnes)" : Et tout autour vy ung noble compris D'anciens clercz plains de philozophie (SAINT-GELAIS, Séj. honn. J., c.1490-1495, 215).

 

.

Les compris en... "Les personnes comprises dans..." : ...monseigneur maistre Robert Mauger (...) nomma ou colloca de ce jour tous les compris esdictes nominations pour la Court aux eglises et benefices qui par eulx et chascun d'eulx sont et seront prises et esleues. (BAYE, II, 1411-1417, 195).

 

-

Le compris d'une lettre. "Son contenu" : "...mais selon le contenu de la lectre de voz armes, Jehan de Saintré, qui concluent : 'combatre tant de voz haiches que l'un soit porté par terre, ou sa haiche perdue des deux mains,' - dont par le compris d'icelles, Jehan de Saintré, le seigneur roy qui cy est vous adjuge le pris." (LA SALE, J.S., 1456, 128).

 

-

"Enceinte" (Ex. de 1414 ds GD II, 214b, s.v. compris)

 

.

Au fig. : ...la très doulce benoitte Nonciade se monstrant ne estre pas bien contente d'avoir ainsi batu son compris... (LA SALE, Sale D., 1451, 244). [Interprétation incertaine]

 

Rem. V. comprise

D. -

Empl. intrans. ou pronom. (Se) comprendre qq. part

 

1.

"Être enfermé, inclus qq. part" : De l'or et de l'argens qui illuec se comprant Reluisoit celle chambre tout avironneement. (Lion Bourges K.P.F., c.1350, 605).

 

-

(Se) comprendre en qqc./qqn. "Se trouver en qqn/qqc." : Pour tout le muelx faisant dez le commancement Pour flour de gentillesse ou proesse conprant Je lou donne a mon grez et a mon loement A cely qu'es hyalme portait si longuement Le bel chaippelz de rose (Lion Bourges K.P.F., c.1350, 235). Per foid, dit Ysacars, il y perrt mallement Que soiez filz Lion ou noblesse conprant (Lion Bourges K.P.F., c.1350, 918). Lassus fuit Signagon qui persoit clerement Sa niepce Gracienne la ou biaulteit comprant (Lion Bourges K.P.F., c.1350, 1034). Et les dames aussi avoiënt grant talent De vëoir le vassal ou beauté se comprent. Car il avoit la grasse, trestout generalment (Huon Bordeaux B., c.1400-1450, 13). Luy qui est povre homme et meschant, Comme il a hardement en soy De blasmer princes de la loy, Les presidens, les discuteurs, Gouverneurs et legisdocteurs En qui tant de sens se comprend ? (MICHEL, Myst. Pass. J., 1486, 153).

 

2.

"S'étendre qq. part" : ...ma fille sera hiretée de toute la conté de Guerles, ainsi que elle s'estent et comprent dedens les bornes (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 149). Tous ses preis comprendoient du lieu ou la Sablonier est ors en alant jusques Avroit et revenant tout aultour jusques ou Saint Jacques est maintenant (JEAN D'OUTREM., Myr. histors G., a.1400, 66). Et ensi que il venoient, il se logoient sus celles belles praiories qui sont entre Brouselles et Villevort ; et s'estendoient lors logeis et comprendoient bien avant joindant Brouselles (FROISS., Chron. D., p.1400, 299). ...et, ou millieu de ce pont, fut faict ung fort treilleïz de boys (...). Et comprenoit le treilleïz jusques sur le bort du pont, affin que on ne peust passer de l'ung costé à l'autre. (COMM., II, 1489-1491, 60).

 

3.

Au fig. [D'une pers.] (Se) comprendre à/en qqc. "S'enfermer dans qqc., s'y adonner" : Hons qui est de noble lignie Qui se comprent en villenie Droit le repute pour villain (DUPIN, Mélanc. L., c.1324-1340, 139). Femme qu'est de malvaise vie Comprent a toute villenie Et a touz malx espiremenz. (DUPIN, Mélanc. L., c.1324-1340, 156). Celluy [Jésus] c'on ne puet comparer Ne puet nulx hons chier comparer. Chescum y mette s'esperance. Cilz est de touz biens separez Que autre a cestuy vuet comparer Il comprent a desesperance. (DUPIN, Mélanc. L., c.1324-1340, 237).

III. -

[Marque la comparaison]

A. -

Comprendre qqc. à qqc. "Comparer qqc. à qcc." : ...Et puis en moy imaginai Le biauté ma dame et le pris : A la rose je le compris (FROISS., Dits Débats F., 1363-1393, 136). Moult sembleroit a eulx chose villaine Du temps present au temps passé comprandre (DESCH., Oeuvres Q., t.1, c.1370-1407, 87). Avoec ce, il comprendoit l'ombre Dou buisson, qu'il universoit, A nature et l'i conversoit (FROISS., Joli buiss. F., 1373, 101). [Pour une interprétation différente de cet ex. (sens B1c), avec suppression de la virgule après universoit, cf. B. Ribémont, Senefiance, 28, 1990, 319.] Et premierement, mon tresredoubté seigneur, je treuve en ung des livres de Tullez, que il nomma De Virtutibus, que ilz sont VIII choses souveraines que font les princes, seigneurs et dames qui ont seignouries a gouverner, vivre en ce monde tresglorieusement. Lesquelles VIII choses je les comprens a VIII grains de tresglorieuse semence, lesquelz partent du cuer loyal et sain de bon et dilligent prince (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 7).

B. -

Empl. intrans. Comprendre à qqc. "Être comparable à qqc."

 

Rem. Cf. : Sens rendre nul tregut, ne rins qui puist comprendre A nulle servitude (Scheler, Gloss., 73).

IV. -

[Idées de représentation, d'entendement]

A. -

"Concevoir"

 

1.

[D'une faculté de l'homme]

 

-

Comprendre + compl. nom. ou pronom. : Qui est la bouche qui pourroit dire, ou cuer comprendre la divine leesse que vous receutes au jour d'uy, Mere de Dieu glorieuse ? (GERS., Noël, p.1404, 291). ...et [le roi Charles VII] reintegra sa couronne en si pou de temps que penser d'homme ne le pourroit croire ne entendement concepvoir ou comprendre suffissamment (BUEIL, I, 1461-1466, 28). Car Dieu, souventesfois, revele a ceulz qui sont reputez les plus simples et moins sçachans ce que il muche a ceulz que l'on repute les plus sages. Et si voit on tres souvent advenir que l'entendement des plus simples comprent choses auxqueles les plus haulz et plus eslevez engins n'ont visé ne pensé. (FILLASTRE, Traité Conseil H., c.1472-1473, 184). La raison si est, car la nature des choses simples nostre entendement ne puet parfaitement entendre ou comprendre si non par negation, par quoy se remeuvent les choses qui ne competent a icelles pour leur simpleté. (Somme abr., c.1477-1481, 141).

 

-

Comprendre + interr. indir. partielle : Saint Gregoire en ses Omelies dit, parlant de celle saincte cité de Paradis, dist en brief : Qui est la langue ne l'entendement qui peust comprendre ne dire quelles ne comment sont grandes les joyes de Paradis ? (CHR. PIZ., Trois vertus W.H., c.1405, 21).

 

2.

[D'une pers.] "Embrasser par la pensée, concevoir"

 

-

Comprendre + compl. nom. ou pronom. : Et, pour ce qu'il ne puet estre que je n'aye failli ou laissié trop de choses qui apartienent a bon veneur par moult de raysons, l'une, que je ne suis pas si saiges comme il me seroit mestier, l'autre, je ne suy mie si bon veneur, combien que ce soit mon droit mestier, que on n'i trouvast bien que amender et que reprendre, l'autre, tant de choses faut a estre parfet veneur que on ne les puet toutes comprendre ne dire, que on ne en laisse aucune chose. (GAST. PHÉBUS, Livre chasse T., 1387-1389, 290). ...non pourquant confesse il bien [saint Jean Bouche-d'Or] que la grandeur de voz louanges, o glorieux saint Pol, surmontoit du tout son eloquence. Et en ce est vostre louange honnourable monstree plus excellante quant on ne la puet attaindre ou comprandre aucunement. (GERS., P. Paul, a.1394, 493). Mais ne cuidez que fusse oiseuse En celle voie deliteuse D'aprendre moult et concevoir, Car Sebille me fist savoir Les natures de toutes plantes. Ainsi com nous marchions, des plantes M'aloit devisant les natures De toutes mortelz creatures Et de toute beste insensible, Ne il n'est riens qu'omme sensible Puist ymaginer ne comprendre, Qu'elle ne meist paine a m'aprendre ; Et les proprietez disoit De tout quanqu'elle devisoit. (CHR. PIZ., Chem. estude P., 1402-1403, 65). Vous advés grace de comprendre Le rëaulme de paradis. J'ay alheurs paraboles mis, Lesqueulx voyans aveugles sont, Et en ouyant sourtz deviendront. [Réf. à Luc 8, 10] (Pass. Auv., 1477, 137).

 

.

Au passif : N'est pas de merveille : car nous scavons que incomprehensible ne puet estre compris, et autrement ne seroit il point tel. (GERS., Trin., 1402, 158). Haro, quelz tormens importables ! Je voy plus de cent mille dyables, Les plus hideux qu'on sceust comprendre, Qui n'actendent que pour moy prendre Et pour moy trainner avec eulx. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 109).

 

.

Comprendre Dieu. "Avoir l'idée de Dieu" : Comprendre Dieu est conferé et se raporte a la puissance du Pere, cognition a la sapience du Filz, dilection a l'amour du Saint Esperit. (Somme abr., c.1477-1481, 125). Et a ce propos dist Saint Bernard : "Dieu est es creatures non raisonnables telement que toutesfois ne puet estre comprins d'elles. Toutes creatures raisonnables peuent comprendre Dieu par congnoissance, mais des bons tant seulement est comprins par amour." (Somme abr., c.1477-1481, 133).

 

-

Comprendre que + v. à l'ind. : Mon filz, nocte ce que je dis Et a comprendre ne desdis Qu'en une vierge necte et pure Il descendit de paradis Et fut fait homme sans ordure, Pour reparer la grant laidure De l'offence dessus predicte, Ou, la bas, humayne nature A jamais estoit interdite. (LA VIGNE, S.M., 1496, 150). Veulx tu pas bien en toy mesme comprendre Que Jupiter n'est c'un deable parfait ? (LA VIGNE, S.M., 1496, 217).

 

3.

Comprendre qqc. + compl. de manière "Concevoir, envisager qqc. de telle ou telle manière" : Et moy, Guillaume Tringant, dit Messire Odes, nourry en la compagnie des troys dessus nommez, qui ay oy debatre à eulx-mesmes et autres la certainetté et verité des faictz, ay volu escripre et declarer à mon povoir les chouses ainsi que je les ay peu entendre et comprendre. (TRING., c.1477-1483, 267). SAINCT MARTIN. De chanter ne veulx entreprandre Si le povre n'est revestu. ARCEDIACRE. Commant le voulez vous comprandre ? Icy n'a poinct de povre nu. (LA VIGNE, S.M., 1496, 547).

 

4.

Empl. pronom. à sens passif "Se concevoir" : J'ay ma char pour toy martiree Autant qu'elle se puet comprendre (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 345).

 

-

Se comprendre + comparative : Encore nous convient dire à quel comparoison se peut adjoindre cestui ordre de chevalerie et de quoy il doit servir, et que segnefie son nom, dont par naturele similitude, me semble, se peut comprendre si comme un liain ou une chaienne forte et de dure assemblée par ordre de plusieurs aneaux joins et entretenans ensemble (CHR. PIZ., Faits meurs Ch. V, S., I, 1404, 118).

B. -

"Avoir une idée claire de qqc."

 

1.

"Avoir une idée claire de qqc., de ses causes, de ses conséquences ; se l'expliquer"

 

a)

[D'une faculté de l'homme] Comprendre qqc.

 

-

Comprendre + compl. nom. ou pronom. : Dont memoire est si esbahie Et sa veüe si troublée Et d'entendement la visée, Qu'entendemens ne puet comprendre Ce que volentez vuet emprendre. (MACH., D. Aler., a.1349, 328). ...et l'imaginacion ne pourroit comprendre ce que je, Raison, congnois. (GERS., Trin., 1402, 158).

 

-

Comprendre + interr. indir. partielle : Et qui dit le contraire, je dy que les secrez jugemens de Dieu et les punicions sont invisibles a congnoistre a entendement humain, car il est trop gros pour entendre l'espite espirituelle, ne comprendre que c'est. (ARRAS, c.1392-1393, 311).

 

b)

[D'une pers.]

 

-

Comprendre qqc.

 

.

Comprendre + compl. nom. ou pronom. : Si que, gentils dame de pris, Je croy que bien avez compris L'entention des deus parties. (MACH., J. R. Nav., 1349, 252). Quant ma dame les maus d'amer m'aprent, Elle me puet aussi les biens apprendre, Qu'en grant douceur mon cuer tient et esprent. Quant ma dame les maus d'amer m'aprent. Dont qui les biens à droit saveure et prent, Riens n'est plus dous ; c'est legier à comprendre. (MACH., Rond., 1377, 576). Item, combien que raison naturelle nous enseigne que en Dieu sont telles choses ou que Dieu est telle chose, toutevoies nous ne pourrions ce comprendre ne plainnement entendre pour ce que nostre entendement depent de noz senz naturelz lesquelz sont corporelz, mais nous les entendons imperfectement. (ORESME, C.M., c.1377, 272). Aultre cause n'i pouons rendre, Selon ce que je puis comprendre (CHR. PIZ., M.F., I, 1400-1403, 30). ...quelque grace de bon entendement ou discretion de bien jugier que Dieu ait mis en testes et comprehencions des jounes hommes, leur capacité ne pourroit les regards particuliers et cauteles ingenieuses qui affierent a si hault oeuvre bien conduire ne comprendre. (CHART., Q. inv., 1422, 46). Aprés nous fault aucunement entendre, pour congnoistre la difficulté du fait que nous menons, se nostre finance se peut estendre selon nostre necessité, et en ce pas ne me vueil je trop avant bouter, car fort est en moy de bien en jugier et a pluseurs qui en parlent de bien le cognoistre et comprendre. (CHART., Q. inv., 1422, 50).

 

.

Comprendre que + v. au subj. : Si ne puis nullement comprendre Ne nuls ne me feroit entendre Que, quant Amours .j. amant prendre Vuet, que ce soit pour lui destruire. (MACH., Lays, 1377, 381).

 

.

Comprendre + interr. indir. partielle : Item, en ce chappitre est dit devant que pour ce que nostre pensee ne puet estre sanz transmutacion, nous ne povons comprendre ne proprement entendre qu'est eternité, et nientmoins rayson naturelle nous enseingne que elle est. (ORESME, C.M., c.1377, 176). Semblablement, pour ce que la congnoissance de nostre entendement depent de noz senz qui sont corporelz, nous ne povons comprendre ne proprement entendre quelle est ceste espasce incorporelle qui est hors le ciel. Et toutevoies rayson et verité nous fait congnoistre que elle est. (ORESME, C.M., c.1377, 176).

 

.

Empl. abs. : Je veulx apprandre A bien comprandre Et laisser ma detraction Sans plus de peché me surprendre, Sans vouloir a mal entreprandre Puisque j'ay heu redempcion. (LA VIGNE, S.M., 1496, 392).

 

-

Comprendre qqc. en son entendement/pensée/engin : David le prophete dit que les jugemens et punicions de Dieu sont comme abysme sans rive et sans fons, et n'est pas saige qui les cuide comprendre en son engin. Et croy que les merveilles qui sont par universel terre et monde sont les plus vrayes, comme les choses dictes faees, comme de pluseurs autres. Doncques la creature ne se doit pas pener par oultrageuse presumpcion que les jugemens et fais de Dieu vueille comprendre en son entendement, mais y penser et soy esmerveillier ; et, en soy esmerveillant, considerer comme il saiche doubter et glorifier Cellui qui si celeement juge. (ARRAS, c.1392-1393, 2). Maiz ou grace de Dieu et vertu d'omme se adjoingnent, nul bien n'est impossible a fayre ne illicite a esperer. Et bien souvent met Dieux ou povoir d'omme ce que homme ne peult comprendre en sa pensee. (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 137).

 

c)

Inf. subst. "Compréhension" : S'engin parfait en grant acuité, Tost concevoir et comprendre legier, Sens resolu en euvre exercité, Langaige prompt, tost dit et recité, Trescopieux, subtil, aigre jugier En memoire se povoient logier En un suppost pour tes haulz fais escripre, Si fauldroit il trop de temps à l'escripre. (ROBERTET, Oeuvres Z., c.1450-1500, 124).

 

2.

[Le compl. désigne un discours ou un texte] "Avoir une idée claire du sens de (un texte, un discours)" : ...et Raison mesmement, qui est bien pres, ne puet comprendre cestuy langaige. (GERS., Trin., 1402, 170). Messeigneurs, qui comprindrent bien le parler de la royne qui tresmal contente d'elle estoit, ly escriprent et envoierent l'un de leurs beaus peres. (LA SALE, J.S., 1456, 300). ...me parti et m'en alay reposer car la teste avoie fort vuide pour les raisons traversaines d'elles que mon entendement n'avoit peut comprendre. (Ev. Quen., I, c.1466-1474, 111). LE TIERS. Qui entent mieulx (qui) a grans oreilles. PROPTER QUOS. Voz rapors me dient merveilles Et si ne les puis bien entendre. Qui mieulx entent ces motz comprendre Je ne puis bien ces motz comprendre (Rapp., c.1480, 69).

 

-

P. méton. Comprendre qqn. "Avoir une idée claire du sens de ses paroles" : ...loisir ne temps n'avoie aucunesfois les [les dames] bien entendre, ne ma main qui par viellesse est devenue pesante et mes yeuls obnubilez ne les povoient si hastivement comprendre ne servir si tost qu'elles eussent bien volu. (Ev. Quen., I, c.1466-1474, 80).

C. -

"Se rendre compte de qqc."

 

1.

Comprendre + compl. nom. ou pronom. : Gens lassés et recreus, Deffiez et mescreus, Et de vertu descreus, Qui a souffrir ne s'aprennent, Et lez biens qu'ilz ont eus Et par grace receus, Ont trop tost descongneuz, Sans savoir dont ilz lez prennent, De legier vers Dieu mesprennent, Et d'espoir tost se desprennent, Quant fortunes lez surprennent, Tost sont en ire cheuz. Maiz ceulx qui a droit comprennent Leurs faultes, et se reprennent, Et soubz Dieu tout entreprennent, Sont d'espoir bien pourveuz. (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 94).

 

2.

Comprendre que + v. à l'ind. : Mais compris Et apris Ay que je pris La mort à l'entreprendre, Pour ce qu'en vo dous viaire Dont toute ma dolour sort Ne truis secours ne confort (MACH., Lays, 1377, 307). ...en conclusion me semble que, entre les choses expedientes quatre ensemble en y a neccessaires, car sanz ycelles n'aperçoy et ne porroit estre le degré et tiltre de chevalerie honnorée nullement acquis, ne accreu par quelconque voie, c'est assavoir : bonne fortune, sens, diligence et force, et là où l'une de ces quatre fauldroit, la vertu des autres remandroit comme toute amortie ; et qui ce veult à droit notter peut comprendre que sanz l'assemblée de ces quatre, oncques en quelconques empire, regne, ou homme singulier, ne fu eslevé le hault nom de tres louée prouece. (CHR. PIZ., Faits meurs Ch. V, S., I, 1404, 117). Et la cause pourquoy il le fist, nul ne le scet, fors que l'en comprent qu'il le fist affin que nul ne le trouvast jamaiz. (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 118). Et pourtant a present je dis que, se tu entengs bien et regardes dilligaument toute la reconciliacion de humainne nature, tu pourras comprendre que impossible est la reparacion des angelz estre faitte ou d'avoir ad faire (CRAP., Cur Deus, De arrha B.H., c.1450-1460, 255). Le seigneur de Saintré, qui a ces parolles comprint que c'estoit l'abbé, et aux moynnes qui darriés lui estoient, lui dist... (LA SALE, J.S., 1456, 274).

 

-

Comprendre en son cuer que... : Car se tu fusses bien apris, En ton cuer eüsses compris Qu'a l'issir dou ventre ta mere Elle ne te fu pas amere (MACH., R. Fort., c.1341, 96). Et quant messire Anguerrant oÿst d'un si tres josne homme son tres bel parler, fut esmerveillié et comprint en son cuer que il vouloit dire qu'il n'osoit, par [l. n'osoit par] quoy il se tendroit quicte de son veu. (LA SALE, J.S., 1456, 107).

 

3.

Comprendre + interr. indir. partielle : ...Ains ta noblesse Qui nul ne blesse En ma foiblesse, Par vray humblesse, Mon cueur prandra. Il comprendra, Entreprandra Et apprendra Ou il prandra T'amour entiere (LA VIGNE, S.M., 1496, 475).

D. -

"Avoir le dessein de, concevoir"

 

1.

Comprendre qqc. : Or y sont amis traïteur (...) Qui veult esprouver leur valeur, On n'y treuve foy ne verité. Ne comprendre pas trop grant chouse Pour esperance d'autruy bourse Ne pour amis ne pour lignaige. (DUPIN, Mélanc. L., c.1324-1340, 171).

 

2.

Empl. pronom. Se comprendre de + inf. : Se Panalois se sont compris De gaster le roial pourpris... (Pastor. B., c.1422-1425, 207). Ce n'est pas chose trop cellee Que Jhesus est en Galilee Se de Joseph pouez finer, Nous nous comprenons d'amener Jhesus, se le cas le requiert. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 402). ...il avoit trouvé ung chevalier de France, quy pour l'amour de moy et la grant pitié qu'il a eu de ma femme, quant son fait a oÿ raconter, qu'il s'est compris de soy combatre a l'encontre de Cassidorus. (Hist. seign. Gavre S., c.1456, 38).

E. -

"Prendre en compte (?)" : Et quant le chief a pourveu et comprins ses six condicions de gens, se il est bien acompaignié grandement, il en doit faire V ou VI esquieres, plus ou mains, selon la quallité de ses gens, affin que ses anemis ne saichent a laquelle entendre (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 240).

 

-

Comprendre qqc. avec soi. "Porter son intérêt sur qqc." : Et lesquels roy et duc comprennent avecques eux le fait d'Angleterre, et les deux roys qui y sont, pour cause que entre les trois parties gist une communication d'affaires cottidiennes, dont l'une prend dépendence de l'autre (CHASTELL., Chron. K., t.4, c.1456-1471, 220).
 

DMF 2020 - Synthèse Corinne Féron

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