C.N.R.S.
 
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     COMPLAIRE     
FEW II-2 complacere
COMPLAIRE, verbe
[T-L : complaire ; GD : complaire ; GDC : complaire ; AND : complaire ; FEW II-2, 978a : complacere ; TLF : V, 1172b : complaire ; TLF : V, 1173b : complaisant]

A. -

Complaire à qqn/complaire qqn

 

1.

"Être agréable à qqn en s'accommodant à ses goûts, à son humeur, à ses attentes..."

 

a)

Complaire à qqn : Et celui qui superhabonde en ce et qui met son entencion et son estude a condelecter et a complaire a ceulz avecques qui il parle et converse, se il le fait tant seulement pour faire delectacion et plaisance et non pas pour aucune autre chose, il est appellé plaisant. (ORESME, E.A., c.1370, 266). LA CONTESSE. Sire, voir, on les m'a donnez [enfants], Bonnes gens qui trouvez les ont, Qui pour moy complaire le font Et je voulentiers priz les ay, Maiz dont ils viennent je ne say ; Et si les aim treschierement. (Gris., 1395, 69). A tous complaist, a nul n'est ennuiant, Qui plus la voit plus en est desirant (CH. D'ORLÉANS, Ball. C., c.1415-1457, 27). ...ele a aux ungs et autres satisfait, A tous compleu sans blasme ne meffait (HAUTEV., Compl. B., c.1441-1447, 18). Et pour ce, sachant leur venue, pour eulx complaire et faire le bien venant, fist tirer du vin et le porter dehors la poterne de la tour ; et vindrent yceulx boire. (MONSTRELET, Chron. D.-A., t.5, c.1444-1453, 103). ...la jenne chevalerie se commença a assambler pour faire ung turpinois pour complaire aux dames et aux pucelles qui estoient venues a ce tournoy (Percef. III, R., t.1, c.1450 [c.1340], 317). Frere Conrard, desirant a complaire a son compaignon, accorde ce marché (C.N.N., c.1456-1467, 107). Il [le mari] mist sa cure et son estude a la fassonner [sa femme], et de fait elle luy obeissoit et complaisoit comme il le desiroit (C.N.N., c.1456-1467, 278). Quoy que jeunes [mes deux pauvres clergeons, deux vieux chanoines de Notre-Dame] et esbatans Soient, en riens ne me desplaist : Dedens trente ans ou quarante ans Bien autres seront, se Dieu plaist ! Il fait mal qui ne leur complest ; Ilz sont tres beaulx enffans et gens, Et qui les bat ne fiert fol est, Car enffans si deviennent gens. (VILLON, Test. R.H., 1461-1462, 107). ...le cappitaine du chasteau, qui estoit homme prudent, saige et ancien, eust bien voulu delayer ceste entreprinse. Mais, pour complaire au Jouvencel, qui estoit homme jeune, hardy et ardant à faire la guerre, il s'i accorda (BUEIL, I, 1461-1466, 70). Voulez-vous riens, ma doulce gorge ? A vous complaire, c'est mon desir (P. Jouh. D.R., a.1488, 25).

 

-

[À Dieu, à un être céleste] : Il [Jean-Baptiste] faisoit les gens virtüeulx. A tout malheur estoit contraire, Pour complere Au souverain Dieu glorïeux. (Pass. Auv., 1477, 107). GABRIEL [à Notre-Dame]. Dame, nous vous voulons complaire Ainsi comme le commandez. (Mir. st Nic. juif, c.1480-1500, 137). Et en l'eglise cathedralle du lieu Fut au service pour mieulx complaire a Dieu (LA VIGNE, V.N., p.1495, 242).

 

-

P. iron. : Je bave et vente sans finer, Pour mieulx a gens de bien complaire. (Roy sotz, c.1450-1500, 220).

 

-

Prov. Il est impossibe de complaire à tous : Et creez que il est impossible de complaire a tous, et y aura envieulx (JUV. URS., Nescio, 1445, 451).

 

-

[D'une chose] "Faire plaisir à qqn" : LA MARQUISE. Pere, saichiez quant ce complaist Au marquis qu'en soye partie, Dueil ne courroux de ma partie N'en sera fait ; ains loe et vueil De franche voulenté son vueil De cuer et bouche sanz desdire. (Gris., 1395, 87).

 

-

Empl. abs.

 

.

"Être agréable" : El [var. Elle, c.-à-d. Plaisance] fait ungs homs a tout plaire, Et complaire Sans desplaire ; Estre des bons essemplaire, En moustrant ses grans franchises. (CHART., L. Plais., c.1412, 149).

 

.

"Faire plaisir" : [Description d'un dessin] Tappiz d'ung homme qui marche sur l'estommac d'un homme cousché et en porte ung autre sur ses espaulles. Ung quidan dit : Je tiens celluy pour affoulé Qui a faveur a luy contraire, Car souvent, en voulant complaire, Pour porter l'un, l'autre est foulé. (BAUDE, Dictz moraulx S., p.1450, 95).

 

.

"Être accommodant" : LE .I. SERGENT. En plusieurs lieux il est memoire De moy. LE .II. SERGENT. Tu parles tres bien, Aussi es tu homme de bien ; Pas ne vueil dire le contraire. LE .I. SERGENT. Se n'est pas mal faict de complaire Qui peult. (...) Pour bien adjourner d'ung accord Et faire accorder les parties, N'est que moy. (Mir. st Nic. juif, c.1480-1500, 99).

 

.

"Ne pas être importun" : Car s'en jeunesse il [le pauvre vieillard] fut plaisant, Ores plus riens ne dit qui plaise - Tousjours viel singe est desplaisant, Moue ne fait qui ne desplaise - ; S'il se taist affin qu'il complaise, Il est tenu pour fol recreu ; S'il parle, on lui dist qu'il se taise Et qu'en son prunier [ce qu'il dit] n'a pas creu. (VILLON, Test. R.H., 1461-1462, 51).

 

b)

[Rare] Complaire qqn. "Être agréable à qqn" : Eulx estans en ceste rage et demesurée langueur, l'un dit a son compaignon : "Nous voyons a l'oeil que noz dames ne tiennent compte de nous, et toutesfoiz nous enrageons après, et tant plus nous monstrent de fiertez et de rigueurs, tant plus les desirons complaire, servir, et obeyr, qui est, sur ma foy, une haulte folye." (C.N.N., c.1456-1467, 363). ...le menu peuple de la ville en général le faisoit de bon coeur, car il estoit entièrement pour le duc et pour le complaire et servir (CHASTELL., Chron. K., t.3, c.1456-1471, 138). Filz,il fault que je te baise, Que je t'embrace à mon aise Et appaise De ma doulce mamelette. Il faut que ton cry se taise, Que je te baigne et solaise Et complaise, Que je te porte et alaitte. (MOLINET, Myst. st Quentin C., c.1482, 11).

 

2.

"Chercher à plaire à qqn, par tous les moyens, pour se le rendre favorable"

 

a)

Complaire à qqn : Et ainsi je croy que cuer de noble estrattion qui a la science des nobles vertus des ars dessuz diz ou cuer, qu'il n'en sauroit meserrer si tost que cil qui auroit aprins les ars par avarice de vouloir enrichir, par dissimilitude de complaire aux princes, et non monstrer le vif du droit, car rudesse de nature ne se puet bonnement appliquer a la nature nourrie en noblesse. (ARRAS, c.1392-1393, 17). ...et en complaisant aux gens de Paris qui nagueres s'efforçoient de gouverner, avoit ledit de l'Aitre esté fait assez legierement chancellier (BAYE, II, 1411-1417, 128). Qui feit aux ypocrites servir saintement Dieu par grant peine et labeur en jeunes, en oyant messes, en voyages, en voulans a tous complaire, et par ce en estant de tous serfs en foles largesces ? (GERS., Concept., 1401, 412). ...et sur ce ensuit sa sentence [de Sénèque] sur les envies et grans debas qui sont es cours aux grans seigneurs, a qui leur pourra mieulz complaire et plus soubtilement flater. (LA SALE, J.S., 1456, 47). ...veu qu'ilz sont plus enclins a toutes choses voluntaires que autres hommes, tant pour la nourriture et petit chastoy qu'ilz ont eu en leurs jeunesses que pour ce que, venans en l'aage d'homme, la pluspart des gens taschent à leur complaire et à leurs complexions et condicions. (COMM., I, 1489-1491, 2). Le prince tumbe en telle indignation envers Nostre Seigneur, qu'il fuyt les conseilz des saiges et en eslieve de tous neufz, mal saiges, mal raisonnables, flateurs, qui luy complaisent à ce qu'il dit. (COMM., II, 1489-1491, 228).

 

-

[Dans des relations politiques, diplomatiques...] : ...chils papes (...) qui complaire voloit au roi d'Engleterre et a messire Hue le Espensier, respondi a ceuls qui envoiiet i furent de par le roi de France, que ja ne dispenseroit ce mariage, car il estoient trop proçain. (FROISS., Chron. D., p.1400, 52). Li rois d'Engleterre entendi a ceste priiere trop volentiers, pour complaire as Flamens (FROISS., Chron. D., p.1400, 367).

 

.

Part. prés. en empl. adj. "Accommodant" : Et seürement, ad ce qu'il m'a tousjours semblé, j'ay congneü gens en ce royaume aussi dignes de conduyre ung grant accord que nulz autres que j'aye congneüz en ce monde, et par especial de la nourriture de nostre roy: car en telles choses fault gens complaisans et qui passent toutes choses et toutes parolles pour venir à la fin de leur matière, et telz les vouloit-il, comme je diz. (COMM., I, 1489-1491, 220).

 

-

[Dans un cont. métaph.] : Espoir ne me fist oncques bien, Souvent me ment pour me complaire Et assez promet sans riens faire (CH. D'ORLÉANS, Rond. C., 1443-1460, 399).

 

-

Empl. abs. : Flateur est la seraine qui en chantant noye, et est comme le scorpion. Flateur, qui pis est, corrumpt la verité de vraye foy pour complaire et prouffiter a soy, et fait croire mensonges, sourceries, charmeries et ydolatries (GERS., Annonc., a.1400, 235). ...mais, depuis que je suis né, j'ay veü en beaucoup de lieux qu'on disoit, pour ung homme qu'on avoit tué, cent, pour cuyder complaire ; et avecques telz mensonges s'abusent bien aucunes fois les maistres. (COMM., I, 1489-1491, 107).

 

b)

[Rare] Complaire qqn : ...si mettra peine en toutes manieres raisonnables et licites de les complaire et faire leur gré, et les attraira amiablement, et a chiere joyeuse sera procuraresse pour eulx vers son seigneur se besoings est, et s'il advenoit qu'il y eust aucun contens entre eulx, elle se mettra en peine d'en faire la paix. (CHR. PIZ., Trois vertus W.H., c.1405, 57).

 

-

Complaire qqn du tout. "Chercher à plaire à qqn en tout" : Si ne les doivent pas complaire Du tout [les enfants que l'on garde], mais donner exemplaire De tout bien (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 53).

 

-

Au passif : Et eux approchant la ville de Valenciennes, envoya le duc au devant de eux l'évesque de Tournay avec ceux du conseil. Envoya aussi grant part de sa baronnie et des nobles de son hostel pour les bienviègnier. Et tous ensemble les menèrent descendre en leur logis, là où ils furent aisés et complus de tout ce qu'il estoit possible de faire et de penser, et tout aux despens et provision du duc jusques un denier près (CHASTELL., Chron. K., t.4, c.1456-1471, 155).

B. -

(Se) complaire à qqc., complaire qqc.

 

1.

"Satisfaire à qqc."

 

a)

Complaire à qqc.

 

-

[aux attentes, aux désirs... de qqn] : Mais au jour d'ui en pluseurs voit on che acompli que dist saint Pol en sa seconde Epitre a Thimothee ou quart chapitre : «Le temps sera que les hommes ne voulront soubstenir saine doctrine mais, pour complaire a leurs desirs, assambleront maistres qui leur diront es oreilles paroles pourries plaines de menchongne, et se destourneront leur oÿe de verité, et se convertiront aux fables». (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 54). Pour ce le dy qu'aucuns faintis Qui cuident estre moult soubtis, Pour complaire a ma voulenté, Sont venu moult entalenté De mon bien et de mon honour, Ce me dient, et pour l'amour Qu'ilz ont a moy de bon courage M'ont admonnesté mariage, Disans : "Tu es uns riches homs, Et si as diverses maisons: Ton eage est encor ou moyen..." (DESCH., M.M., c.1385-1403, 6). Par dessus ce, en coulourant sa cauteleuse fourme de faire soubz auctorité divine, disoit estre ordonné de Dieu a moderer les trop grans rigueurs et aspres ordonnances dez loys de Moyse et de Jhesu Crist, et que Dieu, ayant compassion de la charge du peuple, vouloit complaire a l'inclination des hommez et leur eslargir la regle de vivre par luy qui estoit son message. (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 120). ...Je, vostre tresobeissant serviteur, desirant, comme je doy, complaire a toutes voz treshaultes et tresnobles intencions... (C.N.N., c.1456-1467, 22). Prince du lis, qui a tout bien complest, Que pansés vous comment il me deplaist, Quant je ne puis venir a mon entente [rembourser le prince] ! Bien m'entendez, aydés moy, s'il vous plaist, Vous n'y perdrés seullement que l'attente. (VILLON, Poèmes variés R.H., c.1456-1463, 51). ...pour faire sur monseigneur de Bourbon, ses villes, pays, officiers et bons subjectz plusieurs dampnez exploictz et nouvelletez que lesditz commissaires prindrent joyeusement à faire, cuidans destruyre et porter dommaige audit mons. le duc contre Dieu et raison et sans cause, mais pour complaire à la voulenté du roy, qui le menoit, affin de destruire ledit seigneur et mettre en exil. (ROYE, Chron. scand., II, 1460-1483, 96).

 

-

[à qqc. de blâmable] : Pour complaire a ces faulx Juïfz, Je me suis en ung dangier mis D'estre privé de mon office. Pour complaire a leur maleffice, Je me suis mis en ung destroit Ou nul d'eulx ne me congnoistroit. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 407). PYLATE. ...En riens coupable je n'en suis : Ce ont fait ces envïeux Juïfz Qui m'ont fait faire jugement De force et violentement Pour complaire a leur arrogance. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 356). ...moy qui souloye triumpher en toutes pompes et richesses en la cité de Rome, qui acomplissoye la plus part de mes desirs et volentez, qui gouvernoye celluy qui a le total gouvernement sur tous chrestiens, qui par richesses estoye monté au degré d'estre duc et grant seigneur, par ma desordonnee volenté, par complaire a la sensualité, soubz la conduicte de Luxure et de Convoitise ay esté excecrablement navré a mort et prosterné et mis dedens le Tybre, comme voyez. (ANTITUS, Poés. P., c.1500, 72).

 

b)

[Rare] Complaire qqc. : LE SECOND SOT. Le present vient de par nous deux, Si vous prions prenez en gré Ung chascun selon son degré, Aultre chose n'eussions sceu faire Pour le royaulme mieulx complaire. (Feste roys, c.1475-1500, 311).

 

-

Complaire qqc. à qqn. "Accorder qqc. à qqn pour lui faire plaisir" : Et menra [le rossignol] tant celle joliveté en servant sa dame de melodieux chant qu'elle de sa partie aucunement en avra mercy et lui complaira ce dont elle avra esté requise. (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 145).

 

2.

"Prêter attention à qqc. en y trouvant du plaisir"

 

-

Se complaire à qqc. : Et combien que le juif Abraam feust ung grant maistre en la loy judaïque, neantmoins, ou que la grant amistié qu'il avoit avec Jehannot le meust ou par adventure les paroles que le saint esperit avoit mises sur la langue d'un homme idiote et rude feissent ceste chose, le juif commença moult soy deliter et complaire es paroles de Jehannot. (PREMIERFAIT, Décaméron, 1414. In : Chrestom. R., 67).
 

DMF 2020 - Synthèse Pierre Cromer

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