A. -

[À propos de l'être hum.] "Corps (en tant qu'il est voué à la décomposition, p. oppos. à l'âme)" : Nient moins la charoingne chestive Encontre l'esperit estrive Et art par desir et remue Pour la belle que la voy nue. (Mir. chan., c.1361, 174). Et conbien qu'il desire a morir doulcement en Dieu, toutefois tout ce qu'il plara a Dieu soit fait de sa charongne, mais que l'ame pecheresse li soit recommandee. (MÉZIÈRES, Test. G., 1392, 307). ...ne en toute sa menterie ne trouveras tu qu'en la vie advenir il [Mahommet] promette quelque gloire a l'ame, ne ung seul don ou beatitude d'esperit, ainçoys baille tout le guerdon au corps pourrissable et a l'apetit de sa charongne (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 121). Villain, vous arés tant de honte Avant que ceste nuyt ce passe, Arés la charongne tant lasse, Que vous ne sçarés ou aler. (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 740).

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"Cadavre" : Item, je vueil et ordene que, si tost comme je seray trespassé et ensevely, afin de despescher la place de la charoigne de mon corps que le plus tost que faire se pourra, sans y garder aucune solennité, elle soit portée en l'eglise de Saint Cosme (Test. Parlem. Paris T., 1404, 373). En oultre, le dit souldan, eslevé par orgueil, se fait nommer estoille de la secte de Mahommet, protecteur d'icelle seigneurie, des trois temples du monde, de Salomon, du Saint Sepulcre, et de la Mesque, en Arabe, où gist la charrongne de son Mahommet. (GERMAIN, Discours outr. S., 1452, 325).

B. -

[À propos d'un être hum. ou d'un animal] "Corps, cadavre en décomposition" : Li dus leur acorda et mist en souffrance tous assaus et leur donna triewes quinze jours, qui fisent moult de biens as compagnons dou dit fort, car aultrement il euissent esté tout mort et empunaisiet sans merci, tant leur envoioit on de charongnes pouries et d'aultres ordures par les engiens. (FROISS., Chron. L., II, c.1375-1400, 26). Et aussi disons nous quant charoingne est engendree de beste ou de honme que ce est corrupcion. (ORESME, C.M., c.1377, 698). Et qu'esse d'un corps fors que un sac a fiens, une viande a vers dedans brief, et une charonne vile, puant et abhominable ? (GERS., Annonc., a.1400, 238). ...aucuns ont despoillié certaines fourches ou gibés patibulaires environ Paris des charoignes de ceulx qui y avoient esté executez (BAYE, I, 1400-1410, 221). ...non contrestant qu'elle [la personne humaine] saiche bien, et doye scavoir, que tantost elle sera boutee en terre, et sa charoingne rongee de vers, et que en ceste langoreuse vie elle recoit peine, doleur, honte, afflictions, maladies et maleuretés sans nombre. O sote presumpcion ! O charoingne orguilleuse ! O sac plain de fiens ! Pourquoy te esleves tu ? (GERS., Noël, p.1404, 295). Dit Seneque que telz ensuyvent le seigneur comme les mouches le miel, l'escouffle la charongne, le larron le mercier, c'est pour ravir et acquerir. (GERS., Noël, p.1404, 311). Item note que puisqu'on a prins choses ameres pour vermes le corps se trouble, car les vermes se esmeuvent et debatent qui ne peuvent soustenir la medecine et aussi elle occist les vermes et devient charongne (GORDON, Prat., c.1450-1500, V, 20).

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[Comme terme de compar.] : Sa bouche [de Polyphème] ressemble une fosse Puant com charongne de mors Qu'il a mengié, occis et mors. (MACH., Voir, 1364, 620). Je les vueil [lions], sanz plus, descoupler ; Puis les feray sur lui coupler Com sus charongne. (Mir. st Ign., 1366, 110). ...si s'arresta sus ces poins et comenca a ouvrer en sa fiente en la faisant sechier au feu et faire poudre et la fin en fu qu'il puoit comme charoigne, et chascun le fuoit et se moquoit on de lui qui cuidoit faire de fiente or (CHR. PIZ., Avision T., 1405, 139). Hee ! Sathanas, puant ordure Plux que charonne et longuaigne, Esse icy la belle guaigne De quoy tu fasoye cy grant joie ? (Pass. Semur D.M., c.1420 [1488], 245). Vienne, (...) prist encontinent une piece de moston, qu'il y avoit, et la party en deux partz et mist soubz checune des aycelles une part, si que ains qu'il fut au lendemain, la cher fut aussi pugnayse comme charoyne. (LA CÉPÈDE, Paris Vienne K., 1432, 290). ...les oyseaux et bestes villes Les mengeant [les corps] come charognies (OUDIN, St Genis M.S., c.1490, 61). On ma iecte sur ce fumier Comme on feroit vne charongne Iay tel dueil que le cueur me saigne Que la mort ne me vient prendre. (Myst. st Martin K., a.1500, 298).

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[Terme d'injure] "Pourriture !" : Mes ung estront a vostre nés Sanglans cheroynes que vous estes Vous me rompés toute la teste Puisqu'elle seroit de fer (OUDIN, St Genis M.S., c.1490, 76). ASTAROTH. (...) (Il frappe sur les deables.) Ordes caroignes, faictes vous les gallans ? (LA VIGNE, S.M., 1496, 224).

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Au masc. [Insulte adressée à un pécheur] : NOSTRE DAME. Vil charoingne ou il n'a qu'order, Plain de la Dieu inimitié, Fuy de cy (Mir. pape, 1346, 378).