C.N.R.S.
 
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     CAR     
FEW II-2 1421a quare
CAR, conj.
[T-L : car ; GD : car ; GDC : car ; AND : kar ; FEW II-2, 1421a : quare ; TLF : V, 166b : car1]

I. -

[Par héritage du sens de quare "c'est pourquoi"]

A. -

[Adv. accompagnant l'impér. ou un subj. de souhait] : Car me donnez cuer et courage De vous servir tout mon eage, Et vueilliez par vostre puissance, Combien que j'aie de grevance, Que je puisse conseil trouver, Dame (Mir. enf. diable, c.1339, 30). Amis, par la vierge Marie, La lettre vient a moy tout droit. La mére Dieu sa grace ottroit Vous et celui qui la m'envoie, Et Dieu, qui par cy vous avoie. Car tresbien puissez vous venir. (Mir. enf. diable, c.1339, 40). S'il a ceens du pain, pour Dieu car l'en donnés (Jourd. Blaye alex. M., a.1455, 128).

 

Rem. Bien représenté en a.fr. : T-L II, 38 ; GD I, 781c. Devenu rarissime.

B. -

[Conj. de sub. commutable avec pour ce que] "Parce que" : Ainsi m'en est Car je n'ay cessé [l. cesse] në arrest De pourchacer ce qui me plest (CHART., L. Dames, 1416, 258). Premierement, car la debte estoit previlegee (...). Secondement, car les pertes et fortunes par luy alleguez n'estoient point recepvables (MART. D'AUV., Arrêts Am. R., c.1460-1466, 71).

 

-

Et car / mais car. "Et parce que / mais parce que" : ...mais est pour ce que il vit selon ses passions et les poursuit du tout, et car a telles gens la cognoissance de ceste science leur est inutile ou non pas profitable (ORESME, E.A., c.1370, 107). Et car saint Pol n'a pas perdue ceste compassion et misericorde - pour ce cil est en paradis -, mais est plus parfaicte, supplions luy fyablement qu'il nous vueille nourrir et gouverner comme ses propres enfans ou orphenins jusques a ce que nous soyons parcreuz et parfais en l'amour de Dieu et confermez en gloire. (GERS., P. Paul, a.1394, 508). ...et a dit et declaré ycellui de Vauricher par son serement que plus tost bonnement n' en eust osé appeller pour crainte desdiz eulx disans lieutenant et commissaires, et car il a tousjours depuis esté prisonnier, et ce a requis estre enregistré. (FAUQ., I, 1417-1420, 140). Car son propos fut tout determiné avant que il formast Adam et car son propos est inmutable, pourtant ne en sont il pas seclus. (CRAP., Cur Deus, De arrha B.H., c.1450-1460, 238). Semblabement nous disons que Dieu doit presider a toutes gens, non pas qu'y soit obligiez de presider a toutes gens, mais car toutes gens sont obligiez de estre subjettz a Dieu comme a leur presidant (CRAP., Cur Deus, De arrha B.H., c.1450-1460, 249). Il cuidoit bien que sa femme songeast, mais car trop longuement duroit, et qu'il oyoit le chareton se remuer et tresfort souffler, tout doulcement leva sa main en hault, et si tresbien a point en bas la rabatit qu'en dommage et en sa garenne le poulain au chareton trouva, dont il ne fut pas bien content, et ce pour l'amour de sa femme. (C.N.N., c.1456-1467, 66). Et car la chandelle est estaincte et madame mot ne sonne il cuide avoir sa chambriere. (C.N.N., c.1456-1467, 76). J'ay cogneu en mon temps une notable et vaillant femme, digne et de memoire et de recommendacion, et car ses vertuz ne doivent estre celées n'estainctes, mais en commune audience publiquement blasonnées, vous orrez en bref, s'il vous plaist, en la deduction de ceste nouvelle, la chose de quoy j'entens amplier et accroistre sa treseureuse renommée. (C.N.N., c.1456-1467, 241). Et car suis esté müable Comme sable, Ce m'a fait le juste presser. (Pass. Auv., 1477, 278).

 

-

Pour ce car. "Parce que" : Mais toutefois la fortune d'ele, pour ce quar elle avoit esté prise et amenee en mains de ses anemis, fit le monde cuidier que Servius eust esté filz de serf (BERS., I, 1, c.1354-1359, 39.6, 67). Si leur a dit que il avoit tant demouré pour ce car on l'avoit esleu pour juge et arbitre a reconcilier un filz avecquez son pere (BERS., I, 1, c.1354-1359, 50.8, 84). LE CURé. Biau sire, et pour quoy ne fera ? Trop par est fiére. L'ASNIER. Pour ce car elle est penanciére Telle, ce m'a elle compté, Que la ou li est anuittié Il convient qu'elle se demeure Celle nuittie jusqu'a l'ure Qu'elle revoie le jour cler (Mir. mère pape, c.1355, 396). Item, les autres esperes des planetes ont chascune une estoille pour ce car moult de esperes celestielx meuvent une tele estoille (ORESME, C.M., c.1377, 512).

 

-

(C') est car. "C'est que, c'est parce que" : ...et li metoit avant comme Tacius, jadis estranges pour sa vertu avoit regné a Rome [et] a esté appelés a regner, et comme Numes qui estoit nés des Cures et Ancus qui estoit des Sabins devers sa mere qui seulement estoit nobles par une seule ymaginacion, c'est car il estoit neveus du dit roy Numa, furent par leur vertus roys et seigneurs de Rome (BERS., I, 1, c.1354-1359, 34.6, 59). La .IIIe. utilité est car il procede seurement et est laissié entrer en la vie eternelle. (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 169). C'est car l'en fait son devoir. (ORESME, E.A.C., c.1370, 218). C'est car es charges qu'ilz avoient, Ilz faisoient d'un maulvaiz bon. (CHART., D. Her., p.1415, 426).

 

-

[À la suite d'une question] "C'est que, c'est parce que" : Et, pour Dieu, quelx en sont les noms [?] C'est grace et si est gloire es cieulx. Et conment ? car son filz est Dieux. (Mir. abbeesse, 1340, 62). Ne t'a elle fait assez grace, Quant elle t'a, se bien le gloses, Fait user des estranges choses ? Car elles ne sont mie tiennes (MACH., R. Fort., c.1341, 97). Après li dist l'ange Benedicta tu in mulieribus , qu'elle estoit beneite entre toutes les femmes. Pour quoy ? Car avec sa virginité fu ajointe fecondité (Mir. nat. N.S.J.C., c.1343, 207). Je, qui suis Fortune nommee, Demande la raison pourquoy On me donne la renommee Qu'on ne se puet fier en moy Et n'ay ne fermeté ne foy ? Car, quant aucuns en mes mains prens, D'en bas je les monte en haultesse Et d'en hault en bas les descens, Monstrant que suis Dame et maistresse. (CH. D'ORLÉANS, Ball. C., c.1415-1457, 175).

C. -

[Conj. de sub. commutable avec que]

 

1.

[Domaine de la causalité] La cause / la raison / la consideration est car... "La cause / la raison / la chose prise en consideration est que..." : ...la raison si est car, selon saint Augustin, en mariage corporel sont troys biens qui plus parfaitement doivent estre en mariage espirituel de l'ame a Dieu : ... (Mir. femme roy Port., c.1342, 149). ...et la cause est car telles choses ne sont pas naturelment delitables (ORESME, E.A., c.1370, 126). La raison est car nature, qui est sage, envoie les esperilz et les humeurs as membres qui sont desoléz et desconfortéz. (ORESME, E.A.C., c.1370, 273). Et la cause est quar ces magnitudes seulles sont simples, ce est a savoir, la droite et la circulaire. (ORESME, C.M., c.1377, 58). ...et la cause est car l'entendement naturelment est imperfet (CHR. PIZ., Faits meurs Ch. V, S., II, 1404, 20). La seconde raison est car aucunes lois sont moult mauvaises (CHR. PIZ., Faits meurs Ch. V, S., II, 1404, 23). ...et la raison de monsr. saint Augustin si est car les femmes ne sont pas capables de dignités (JUV. URS., Aud. celi, 1435, 165). La tierce consideracion pour quoy vous devez faire paix si est car il semble a entre nous povres compaignons de frontiere que toutes choses neccessaires a faire guerre defaillent (JUV. URS., Loquar, 1440, 403). Et la raison si est car, ainsi comment a la beatitude ne s'apartient point la conmodité que aucuns [a] encontre voulenté, ainsi misere ne puet [estre] a prendre par quelconque neccessité aucune inconmodité selon voulenté. (CRAP., Cur Deus, De arrha B.H., c.1450-1460, 228). ...et la raison est ceste, car les plus fors mesprisent les plus feibles et combatent en orgueil, et les feibles requierent l'aide de Dieu, qui les conforte et est pour eulz (LA SALE, J.S., 1456, 150).

 

-

[Sans est] Par cette raison car. "Par cette raison, à savoir que" : Mais tote leur disputaison Doit cesser par ceste raison (,) Quar riens n'est a Diex impossible (Tomb. Chartr. Trois contes S., c.1337-1339, 85).

 

Rem. Se rapproche ainsi d'un relatif. Emploi de relatif dans l'exemple suivant : Si vous dirons quelle la besongne est car nous avons à faire en court (Percef. VI, R., c.1450 [c.1340], 642).

 

-

Pour ce car. "Étant donné que" : Mais autrement m'en advint pour ce car au matin trouvay que... (Percef. VI, R., c.1450 [c.1340], 444). Pour ce le dy car j'ay espoir de... (Percef. VI, R., c.1450 [c.1340], 530).

 

2.

[Domaine de la conséquence] Tant de ... car. "Tant de ... que" : ...je mettray en cest ouvrage tant de choses mondaines car il est bien droit que je mette aucune bonne chose de la sainte Escripture (BOUVET, Arbre bat. R.-B., c.1386-1389, 42). Leur Dieu sy ait tant de poissance Car tout ce qu'il dit et commande Est fait ou ciel et en la terre (Myst. st Clément Metz D., p.1439, 356).

 

-

Si ... car. "Tant ... que" : ....sy tost que vous la veistes, vous fustes sy eschauffé sur elle car (...) vous la prinstes par la main et l'emmenastes en sa chambre et luy deistes qu'il convenoit que vous eussiez charnelle compaignie a elle. (Percef. I, R., t.1, c.1450 [c.1340], 426).

 

-

Si bien ... car. "Si bien ... que" : Et la sy bien labourerés Pour la foy de nostre Seignour Car vous acquerrés grant honnour. (Myst. st Clément Metz D., p.1439, 309).

 

3.

[Domaine de la comparaison] Si ... car. "Autant que" : ...il avoit sy grant plenté de cheveulx qu'il en estoit tout vestu par derriere (...) et en avoit sy grant foison car ceulx de devant (Percef. I, R., t.1, c.1450 [c.1340], 196).

 

-

[Rencontre de car complétif et de que comparatif (cf. le type impossible en fr. mod. : *mieux vaut qu'il parte que qu'il reste dans de si mauvaises conditions)] Car que. "Plutôt que" : Et si disoit que miex li valust estre veve et lui aussi estre sans fame quar que il fuissent conjoint chascun avecquez persone non pareille et dissemblabe, et que il couvenist que chascuns d'eus fust languereus par autrui imbecillité ou par autrui simplece. (BERS., I, 1, c.1354-1359, 46.7, 78).

 

4.

[Après un verbe épistémique ou un verbe d'énonciation] : ...car les uns dissoient car vraiement il estoit mieulx a Romme de destruire la cité de Cartaige que d'avoir touzjours guerre et tant de batailles pour celle cité garder (BOUVET, Arbre bat. R.-B., c.1386-1389, 135). Car ung grant prophette jadix Anonça car de paradix Nous devoit ung grant pasteur naistre (Pass. Semur D.M., c.1420 [1488], 77). Je dix car quil [je dis que celui qui...] fiert d'ungne espee, La plaie est plux tost resanee Que d'ungne langue venimeuse De quoy la personne est joieuse Quil de son voisin mal raconte (Pass. Semur D.M., c.1420 [1488], 78). Seigneurs, sachés quar le filz Marie Est relever de mort a vie (Pass. Autun Biard F., 1470-1471, 140).

II. -

[Conj. de coord. servant à justifier, à expliquer la prop. qui précède]

A. -

[Justifiant une prop. assertive] "Étant donné que, puisqu'il en est ainsi que" : Pour venir a moralité, Ly pruniers du quel j'ay parlé, Qui estoit haulx et estendus, Doit par Proeche estre entendus ; Car ly fruis est en son venir Trop durs et amerz a sentir, Et ly fleur est moult tost gastee Soit par bruÿne ou par gellee (Dit prunier B., c.1330-1350, 41). L'endemain assez d'un et d'el Trouva assez a besongnier, Car il avoit moult a songnier. (Dit prunier B., c.1330-1350, 47). Et ly escuier sans demettre Monta et chevaucha sy fort Qu'il fist a son cheval grant tort, Car il ne penssoit nullement Fors a la dame seulement (Dit prunier B., c.1330-1350, 67). Ces motz que je cy vous sermonne Puis ge bien dire en la personne De ceulx qui sunt en purgatore, Quar trop pou nous vient en memore La peine et la doleur qu'ilz trayent Donc moult en leurs tormens s'esmayent. (Tomb. Chartr. Trois contes S., c.1337-1339, 73). Mon cuer en est merveille baus : Car bien say qu'il y tourneront (Mir. enf. diable, c.1339, 8). G'y vueil aler, car moult m'est bel Quant j'oy sermonner de la vierge Qui a Dieu fu chambre et concierge. (Mir. abbeesse, 1340, 60). Et la droite ligne finie n'est pas parfaite quar l'en puet a elle adjouster et la alongier tant comme l'en veult. (ORESME, C.M., c.1377, 72). ...ce ne lui regarde ne ne touche de riens au fait present dont on traite, car il ne met nul empeschement (Chartes Abb. St-Magl. T.F., t.3, c.1382, 522). ...et sy n'y avoit en son hostel a Paris femme, enfens ne personne quelquonques de ses gens, fors une bonne femme sourde, encienne et de petit gouvernement, car, pour doubte de la mortalité, il avoit fait partir son mesnage et envoier demourer a Sens (Chartes Abb. St-Magl. T.F., t.3, 1388, 574).

 

-

[Une seconde prop. en car peut être juxtaposée] : La dame heult ung maistre d'ostel, Ens ou royalme n'avoit tel, Qu'elle amoit moult et honnouroit, Car en ses besongnes l'avoit Trouvé loyal et pourfitable, Sage, hardy et honnourable, Car il ne cremoit fust ne fier. (Dit prunier B., c.1330-1350, 44).

 

-

[En tête de proposition] "Il en est ainsi que" : L"AME : Car celuy je desire, je convoite de toute ma force (CRAP., Cur Deus, De arrha B.H., c.1450-1460, 291).

B. -

[Justifiant une injonction, un souhait] : Et plus ne me faites priere, Car je le terroie a meffait. (Dit prunier B., c.1330-1350, 86). Vierge, priez a vo doulx hoir, Dame, fontaine de pité Qui nous doint a sa voulenté Ouvrer en faisant son service ; Car li dyable plain de triche Me tente par nuit et par jour. (Mir. enf. diable, c.1339, 7). Diex, qui pour nous morut en croix, Puist estre de cel enfant garde ; Car s'en pitié ne le regarde, Par pére et par mére est perduz. (Mir. enf. diable, c.1339, 34). Mes sereurs, ne vous ennuit pas, Car assez tost cy revenray. (Mir. abbeesse, 1340, 68). Pour Dieu, s'on me vient demander, Si dites que je n'i suis mie, Car je vois dormir a ressie Un petitait. (Mir. abbeesse, 1340, 71).

C. -

[Justifiant une interrogation] : Saincte Marie ! qui paiera tout ce que Orchas nous fera despendre ? Car nous n'avons or ne argent (Bérinus, II, c.1350-1370, 111). Par ou donques ou par quelle part irons nous a noz ennemis ? Car certes tous, quanque nous sommes, armez et non armez, et fors et feibles, sommes pris et vaincu (BERS., I, 9, c.1354-1359, 3.3, 5). Que cuidez vous devenir Ne quele seurté tenir ? Car qui soy mesmes se blesse D'autry deffïé se tient (CHART., L. Paix, a.1426, 417). Quelle paix demandes tu, quant il est en ta puissance de tout avoir par armes ? Car guerre ne se fait que pour avoir paix ; fais forte guerre, et tu auras paix par subjuguer tes ennemis. (JUV. URS., Aud. celi, 1435, 221). ...pourquoy le seuffre il a violer ne tant ne quant ? Car ce que on laisse violer n'est pas parfaitement gardé (CRAP., Cur Deus, De arrha B.H., c.1450-1460, 185).

 

-

[Une interrogation rhétorique] : Dieux ! Qui fust cil qui les veïst a qui il n'en preïst pitié ? car si grant nombre en y avoit que on ne les peüst estimer (Bérinus, I, c.1350-1370, 135). Qu'en puis je mais ? ne doy je bien plourer ? Car je n'ay pas la painne desservi Qu'il me convient souffrir et endurer. (MACH., L. dames, 1377, 223).

 

.

[Car lui-même peut introduire une question rhétorique] : Tu qui ploures tes amis mors, de quoy te plains, ne quel tort reçois-tu ? Car n'ont-ilz receu chose qui commune ne soit à tous ? (CHR. PIZ., P.V.H., 1416-1418, 26).
 

DMF 2020 - MAJ 2020 Robert Martin

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