C.N.R.S.
 
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     ASSOUVIR     
FEW XXV *assopire
ASSOUVIR, verbe
[T-L : assovir ; GD : assovir ; GDC : asouvir ; FEW XXV, 565a-566a : *assopire ; TLF : III, 733a : assouvir]

I. -

[Idée d'achever, de finir]

A. -

Assouvir qqc.

 

-

"Finir de réaliser, terminer (un objet construit, fabriqué)" : ...une autre chappelle entière, qui n'est mye assouye encores, laquelle est de veluiau azuré, brodée à fleurs de liz d'or (Invent. mobilier Ch. V, L., 1379-1391, 143). ...plusieurs pièces d'argent blanc, pour le commencement d'une châsse qui ne fut oncques assouye (Invent. mobilier Ch. V, L., 1379-1391, 210). Et fu en pou de temps l'eglise et la prieuré assouie (ARRAS, c.1392-1393, 76). A Pierre de Bouguanville et Parent, pour avoir fait et assouvy la cheminée de la dicte salle et chambre a parer, le latter tout au long, clore et lambrousser d'aisselles la chambre, IIII livres XVIII sols (Arch. Nord, 1402, B 17058, f° 6 v°, IGLF). A maistre Guillaume Courtot, conseillier et maistre des comptes de mondit seigneur à Dijon, la somme de trois cens frans (...) pour lui aidier assouir une maison par lui commencee en la ville dudit Dijon (Comptes Etat bourg. M.F., t.2, 1418, 141-142). Et au regard des édifices qui se doibvent faire en ladicte ville de [Monstreau] ou au plus près d'ycelle, on y commencera à ouvrer dedens trois mois après que ladicte ville sera réduicte en l'obéyssance du Roy, et y continuera on diligamment et sans intercupacion, tellement que yceulx édifices seront tous parfais et assouvis dedens cinq ans ensuivans. (Doc. 1435. In : MONSTRELET, Chron. D.-A., t.5 c.1444-1453, 158). Il me fault aller besongner Pour eviter son hault langaige. Je vueil assouvir ceste caige ; Ce sera pour mettre une pie. (Obstin. femmes T., c.1480-1500, 36).

 

-

"Mener à terme, accomplir, réaliser (une action, une entreprise, un processus)" : L'ostel premier maison de vertu claim, Ou li puissant avoient chiere lie, Qui par vertus en maint pays lointain Orent souffert travail, paine et hachie. De cel hostel leur conqueste assouvie, Leur fu convis en l'ostel d'onneur fais (DESCH., Oeuvres Q., t.3, c.1370-1407, 141). ...tant que cellui soit en vie, Ne sera la guerre assouvie (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 85). Et tantost aprés, comme on treuve En escript, fu, delez un fleuve, Ravi [Romulus] ; on ne sot qu'il devint. La gent folle et mescreant tint Qu'ou ciel avoit esté ravi, Et ainsi fu le temps assouvi De Romulus, qui fonda Romme, Qui ot vesqu d'age la somme De .XXXVI. ans (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 187). ...ainssy sa dolente vie Fu, par luy mesmes, assouvie. (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 242). Elas ! Pourquoy m'a elle procuree Mort a demy sans l'avoir assouvie ? Vie en langueur, telle est ma destinee, Quant je ne voy ma doulce dame en vie. (CHART., R. Bal., c.1410-1425, 391). Nous irons en Espaigne, La pourons nous assouvir nostre affaire (LA MARCHE, Triumphe dames K.-B., p.1488, 62).

 

-

Assouvir de + inf.

 

.

"Achever de" : Encor n'ay je pas assouvi De dire tout ce que je vi Ou lieu plain de confusion Et de perverse abusion : Gent qui se meslent de finance Je y vi, en grant ordonnance. (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 65).

 

.

"Réussir à" : Homme qui sert sans nul bien desservir A beau suyvir, Car jamais assouvir D'espoir chevir Ne peult que sur bon gaige. (SAINT-GELAIS, Séj. honn. D., c.1490-1495, 128).

 

-

"Se procurer qqc." : Et sera chascune part et porcion de telle quantité comme elle verra qu'elle puisse faire selon sa revenue, et ainsi par ceste voye faire regleement pourra avoir droit ordre en toutes ces choses sans confusion, ne que argent faille pour assouvir aucunes des susdictes choses, par quoy il convenist faire finances estranges ou chevances non licites a grans domages et fraiz. (CHR. PIZ., Trois vertus W.H., c.1405, 76).

B. -

S'assouvir. "S'achever, prendre fin" : ...si grosse bataille comme ceste là fu, où tant avoit de peuple, ne se puet asouvir, au mieux venir pour les vittoriieus, que elle ne couste grandement (FROISS., Chron. R., XI, c.1375-1400, 56). Mes jours s'en sont alez errant, Comme, dit Job, d'une touaille Font les filletz, quant tixerant En son poing tient ardente paille : Lors s'il y a nul bout qui saille, Soudainement il le ravit. Sy ne crains plus que riens m'assaille, Car a la mort tout s'assouvit. (VILLON, Test. R.H., 1461-1462, 37).

C. -

Au fig. Assouvi. "Parvenu à un haut degré d'achèvement"

 

1.

[D'une pers.]

 

-

"Accompli, parfait (physiquement et surtout moralement)" : Et moult eust esté assouvy Prince en toute grace, sanz doubte (CHR. PIZ., M.F., IV, 1400-1403, 77). Lors ceulx qui vous voient ces mignons Disent qu'estes bien assouvie Puisque tant de gens compaignons Ont de vous servir telle envie. (VAILLANT, Oeuvres D., c.1445-1470, 129). A my voye [d'un livre] je m'endors et assomme, M'esbaissant de ta haulte eloquence, Et encor plus de la grace et prudence Que ceste dame, qui est tant assouvye, A demonstré tous les jours de sa vie. (ROBERTET, Oeuvres Z., c.1450-1500, 104). En priant Dieu, digne pucelle [Marie d'Orléans], Qu'i vous doint longue et bonne vie, - Qui vous ayme, ma demoiselle, Ja ne coure sur lui envie ! - Entiere dame et assouvie, J'espoir de vous servir ainçoys, Certes, se Dieu plaist, que devie Vostre povre escolier Françoys. (VILLON, Poèmes variés R.H., c.1456-1463, 45). [Ysiphile à propos de Jason :] Et moy, aprés la perte d'un si assouvi prince, dois je vivre plus ? Que me vauldroit le vivre ? Se je viz, ma vie sera plaine de continuel regret, de douleur, de larmes, de souspirs (LEFÈVRE (R.), Hist. Jason P., c.1460, 216). Lequel marquis estoit ung bien grant seigneur en Ytallye, très beau personnaige de prince, facondieux et saige, belliqueux et vaillant, assouvy, doué et decoré de toutes nobles et loables vertuz, requises et afferentes d'estre en ung assouvy, valereux et vertueux prince. (LESEUR, Hist. Gast. IV, C., t.2, 1477-1478, 214). Tres reverend evesque lausannois, Monfalconnois qui regnez a present, Comme a celluy qu'en vertuz je congnois Tout assouvy, je transmectz ce present. (ANTITUS, Poés. P., c.1500, 22).

 

-

[D'une partie du corps réduit à l'état de squelette] "Réduit à sa fin, arrivé à son terme" : Et icelles [les têtes] qui s'enclinoient Unes contre autres en leurs vies, Desquelles les unes regnoient Des autres craintes et servies, La [dans les charniers où l'on entassait les squelettes, au cimetière des Innocents] les voys toutes assouvies, Ensemble en ung tas, pesle mesle ; Seigneuries leur sont ravies, Clerc ne maistre ne s'i appelle. (VILLON, Test. R.H., 1461-1462, 134).

 

2.

[D'une chose]

 

a)

[D'un objet] "Qui est achevé, remarquable" : De là, à Lischfield, très bonne petite ville non fermée, mais il y a une esglise cathédrale très bien fermée de nuyt, et la plus belle petite esglise du païs, du plus riche et assonny [l. assouvy (?)] ouvraige de pierre qui soit en Angleterre (LANNOY, Voy. amb. P.H., p.1450, 172-173).

 

-

Assouvi de. "Remarquable en" : Plus pres de nous hault siege vy Pieça de grandeur assouvi (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 11).

 

b)

[D'une chose abstr.] "Porté à son plus haut degré"

 

-

[Avec une valeur positive] : ...proece assouvie Seroit en lui, se la toison D'or peust conquerrë (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 30). Je vous voeulz reciter la vie Du tres glorïeux sainct Eustace Et sa pacïence assouvye Pour acquerir divine grace. (Vie st Eust. 2 P., c.1400-1450, 192). Dame tousjours les vaillans auctorise, Dame par droit tout deshonneur mesprise, Dame ne quiert que bonté assouvie (MICHAULT, Procès honn. F., p.1461, 62). Car il est bien digne qu'on luy assigne Pour son bon bruit haulte gloire assouvie : On doit loer les gens aprés leur vie. (MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 275). Allez luy dire de volunté ravie Que j'ay congneu sa bonté assouvie Et son vouloir begnin et gracIeux, Dont il convient que brief son corps desvie, Car son ame de venir je convie Decoste moy au royaulme des cieulx. (LA VIGNE, S.M., 1496, 555).

 

-

[Avec une valeur nég.] : C'est une erreur trop assouvie Pour tout le monde decevoir. (LA VIGNE, S.M., 1496, 428).

 

c)

"Suffisant" : En grans tenebres habitoye Avec d'autres grant compaignie Et, se j'eusse place assouvye, Grans merveilles vous en diroye. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 201).

II. -

[Idée de satisfaire, de rassasier]

A. -

Assouvir qqn/qqc.

 

1.

Assouvir qqn

 

a)

"Rassasier qqn/(une personnification)" : Le Createur n'a pas mestier d'estre nourry de la pasture d'iceulx offrendes. Car lui qui assouvist les familleux n'a pas fain de mengier la chair de tes aigneaux, et tes chandelles ne donnent pas clarté a la lumiere de luy qui est souverain soleil. (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 173). Soit la mort saoule(e) et assouvie, Faictes tout gerre humain mourir. (Cene dieux, c.1492, 112).

 

b)

Au fig. "Satisfaire, contenter, combler qqn" : La pucelle, qui moult estoit joyeuse de ceste aventure, de lié couraige vint dire au chevalier : "Sire, j'espoir que la besoigne ira bien. Delivrés moy des deux dragons, sy me avrez assouvye." (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 1128). Mort, j'appelle de ta rigueur, Qui m'as ma maistresse ravie. Et n'es pas encore assouvye Se tu ne me tiens en langueur. Oncques puis n'euz force, vigueur. Mais que te nuysoit elle en vie ? (VILLON, Test. R.H., 1461-1462, 85). Au retour de dure prison Ou j'ay laissié [moi, Jacquet Cardon] presque la vie, Se Fortune a sur moy envie, Jugiez s'elle fait mesprison. Il me semble que par raison Elle deust [Fortune] bien estre assouvye, Au retour de dure prison Ou j'ay laissié [moi, Jacquet Cardon] presque la vie. (VILLON, Test. R.H., 1461-1462, 136).

 

c)

Assouvir qqn de qqc.

 

-

"Contenter qqn de qqc." : ...riens n'arrestoit davant lui ; et ne savoit l'en assez assouvir de lances, tant en rompoit (Charles de Hongrie C., c.1495-1498, 146).

 

-

"Satisfaire qqn en le débarrassant de qqc." : ...nulle rien ne me puet resjoïr Tant que ne voy son plaisant regarder ; Mais son regart me pourroit assouvir De tous les maulx que l'en pourroit penser. (GARENC., Poésies N., 1389-1415, 10).

 

d)

(Estre) assouvi de/en qqc./qqn

 

-

"(Être) comblé de qqc." : ...et tout ne luy fait de mal [au mari]pour ce qu'il est resconforté de l'esperance qu'il a aux cures que la femme prendra de luy a son retour, aux aises, aux joyes et aux plaisirs qu'elle luy fera, ou fera faire devant elle : d'estre deschaux a bon feu, d'estre lavé les piez, avoir chausses et soullez fraiz, bien peu, bien abeuvré, bien servy, bien seignoury, bien couché en blans draps et cueuvrechiez blans, bien couvert de bonnes fourrures, et assouvy d'autres joyes et esbatemens, privetez, amours et secretz dont je me taiz. (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 99). Je l'aye choysie pour ma dame, Dont je ne crains reprouche d'ame, Car de tous biens est assouvye Celle pour qui [je porte l'M.] (Rond. poés. XVe s. R., c.1400-1500, 72). ...deux gentilz hommes, (...) bien assoviz et adressez de tout ce qu'on doit ou peut loer [en] ung gentil homme vertueux. (C.N.N., c.1456-1467, 362). L'ame aneantye, franche, seure et paisible, qui a laissé son propre corps (...) vivant de congnoissance d'amour et de louenge sans elle mouvoir d'elle mesmes (...) est parfaictement assouvye de divine amour et amour de elle (Disc. amour divine, 1470, 8). [Le Psalmiste] disoit que son esprit deffailloit en l'abundante delectation de ceste divine union. Ainsi estoit sa volunté assouvie de divine doulceur (Disc. amour divine, 1470, 213).

 

-

"(Être) satisfait de qqc./qqn" : ...sans elle, je ne puis Avoir joye n'esbatement, N'estre de nul bien assouviz Ne vivre bien joyeusement (GARENC., Poésies N., 1389-1415, 73). ...vous en choisirez ung seul [beau jeune homme], et vous en tiendrez contente et assovye pour faire ce ou vostre nature vous inclinera. (C.N.N., c.1456-1467, 563). ...corsaige compillé a souhaict de cueur, viaire plus poly c'un ymage, yeulx estincellans comme la rade du souleil, le cueur gay, dehaict, alegre et deliberé, la celule comble de science, playnne de prudence et riche de savoir, le corpustule de pouoir, l'exigence d'avoir, premunye de tous honneurs, condicionnee de bonnes meurs, assouvye de toutes valeurs, soustenance des bienheureux et ressource des maleureux. (LA VIGNE, Ress. chrest. B., 1494, 114).

 

-

"(Être) pourvu de qqc." : Helas ! Pour quoy m'as tu laissé ? Tu estois en biens assouvy. Helas ! Tu m'as, le temps passé, Sy tres loyallement servi (Vie st Eust. 2 P., c.1400-1450, 14). Ce fut un tres grant riches hom Et assouvy de mondains biens (COUDRETTE, Mélus. R., c.1401-1402, 112). ...delibera a Dieu faire sacrifice du corps qu'il luy avoit presté, bel et puissant, assovy de taille desirée (C.N.N., c.1456-1467, 109).

 

e)

[Dans un contexte grivois] (Estre) assouvi de qqn. "Être sexuellement comblé, rassasié" : ...[le jeune marié] se ingéra faire son devoir envers sa femme, et si sottement s'y porta qu'elle en fut saoullée dès la première fois et luy tourna le dos, en mettant le train derrière au giron de son mary, lesquel n'estoit pas encore assouvy d'elle (TARDIF, Facéties Pogge M., c.1490, 21).

 

f)

Au fig. (Estre) assouvi de + inf. "Être rassasié de" : ...mais la perseverance et bonne continuation acroist et augmente le bien fait. Sy ne fut pourtant las, content ne assouvy de bien faire le bon Jouvencel de ceste prise. Ainçois voullut et tousjours desira estre à la paine et au travail pour faire nouvelles entreprinses. (BUEIL, I, 1461-1466, 93).

 

2.

Assouvir qqc. "Satisfaire (un désir, un sentiment)" : Sachiez qu'encore n'est pas toute Sa voulenté bien assouvie ; Car il pense, ains qu'il perde vie, Sire, a vous de plus en plus nuire (Mir. Amis, c.1365, 11). Quant Dieu sa vengence assouvie Ot, ses grans nues departy (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 141). Or cuida Municius, pour assouvir le vouloir du peuple, soy combatre contre Hannibal, mais il fut honteusement vaincu et eust perdu ses legions, se Fabius ne l'eust secouru et rebouté ses ennemis. (CHART., Q. inv., 1422, 36). Quant j'euz mon cueur et ma quittance, Ma voulenté fu assouvie, Et non pour tant, (...) Quant vins a congié demander, Trop mal me fist la departie (CH. D'ORLÉANS, Songe compl. C., 1437, 114). Tres hault prince et parfait seigneur, A vostre command le ferons Et grandement joyeulx serons Se vos vouloirs sont assouvis. Mais vecy qu'il m'estoit advis (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 282). De vous trouver ay heu moult grant envye, Car jamais jour ne peult estre assouvie Ma volunté. (LA VIGNE, S.M., 1496, 213).

B. -

S'assouvir

 

1.

[D'une pers.] "Se rassasier" : Je ne me pourrois assouvir De riz, d'esbatemens, de jeuz. (B. veoir, p.1480, 14).

 

2.

[D'un sentiment] "Se rassasier, être satisfait" : Ou mon desir s'assouvira Ou ma tristece m'occira Par vous, belle, prouchainnement, Se mon cuer quiert l'alegement Du mal que pour vous servir a. (CHART., R. Bal., c.1410-1425, 375).

 

-

[D'une personnification] : Amours ravit Les cuers, et pas ne s'assouvit. C'est un oisel qui de cuer vit ; Oncques nul tel oisel ne vit. (CHART., L. Dames, 1416, 267).

REM. Assevir v. Lexiques pour des sens proches. Sur l'hypothèse qu'assouvir pourrait être une réfection d'assevir sous l'infl. de sofire, cf. FEW XXV, 567b : *assopire.
 

DMF 2020 - Synthèse Pierre Cromer

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