I. -

[Idée concr. de direction, d'orientation, liée à sen et sens]

A. -

"Orientation, indice, signe révélateur (qui oriente vers qqn/qqc.)" : Mére Dieu, que feray j'huy mais, Se je n'ay d'eulz [le roy et ses gens] aucun absenz ? (Mir. st J. Paulu, c.1372, 102). Si (...) considererent cil baron (...) qu'il prenderoient terre et place sus les camps, et là, aviseroient de tous assens, pour mieus avoir ent le cognissance (FROISS., Chron. L., VI, c.1375-1400, 153). ...leur coureur (...) tenoient de certain que li rois Henris et ses gens n'estoient point lonch de là, par les assens qu'il avoient veus et le couvenant des Espagnols. (FROISS., Chron. L., VII, c.1375-1400, 18).

-

A/par l'assens de

.

[...de qqn] "En suivant les indications de qqn" : Adont les gens du duc Phelippe de Bourguoigne allerent par lassens [l. l'assens] daulcunes [l. d'aulcunes] femmes de la ville au lieu ou avoit este [l. esté] enterre [l. enterré] le duc Jehan son pere (WAVRIN, Chron. H., t.2, p.1471, 319).

.

[...de qqn/qqc.] "En suivant les signaux (sonores, visuels...) émis par qqn/qqc." : [Un chevalier entend des cris de femme] A l'assent de la vois s'en va Ou la damoiselle trouva Qui forment estoit esplorée : Je croi c'on l'appelloit Florée. (FROISS., Méliad. L., t.1, 1373-1388, 141). ...quant je les oy crier, Je m'en alay sanz detrier Par assens de leur voiz, et ting Le chemin si qu'a eulz droit ving (Mir. roy Thierry, c.1374, 307). ...on chevauça tous rengiés apriès les Escos, à l'assent des fumières ["en suivant la direction indiquée par les fumées des incendies allumés par eux"] (FROISS., Chron. L., I, c.1375-1400, 54).

B. -

Au plur.

-

"Chemins, d'où contrée, région" : Dagor chevauce les assens, Pour trouver a son meilleur sens Melyador, que moult desire A veoir, et qu'il li puist dire Comment a esté recueilliés. (FROISS., Méliad. L., t.3, 1373-1388, 92). Comment, maistre ? Juïfz nagueres Vous queroient pour lapider, Et si ne vous sçariés garder De retourner en ses assens ! (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 198). Comment, maistre ? Juïfz nagaires Vous queroient pour lapider, Et vous ne vous pouez garder De retourner en ses assens ! (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 495).

-

Savoir les assens. "Connaître les chemins, les lieux..." : Quant il [Jules César] fu au guez d'Engleterre, Ne vault il par nulluy enquerre Quel port il y ot ne quel gué, Jusquez il ot partout esté ; Et tant vault sçavoir les assens Plus par lui que par aultre sens. (Renart contref. R.L., t.1, 1328-1342, 219). Quant ilz vindrent en la forest, les deux chevaliers dirent au roy : "Sire, nous sçavons mieulx les assens de la forest que vous ne faittes. Il nous convient aler devers soleil levant pour aler a Trinovant..." (Percef. I, T., c.1450 [c.1340], 270).

C. -

Au fig. "Direction, chemin ; d'où voie, moyen, façon, manière"

1.

Loc.

-

L'assens par où... "La voie, le moyen, la façon de (faire qqc.)" : Espoirs trouvera il l'assens Par ou il se pourra sauver Miex que nous ne pourrions trouver (Mir. enf. diable, c.1339, 25).

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De droit assens. "Par des voies légitimes, de manière légitime" : Vous ne reubiés mie vos gens, Assés aviés de droit assens Sans vos hommes deshireter, Tant doniés, et sans rien hoster. (JEAN DE LE MOTE, Regr. Guill. S., 1339, 120).

-

De tous assens. "Dans tous les sens, de toutes les manières" : Li biens de vous et li grans sens M'ont conquesté de tous assens. (FROISS., Joli buiss. F., 1373, 148). Mais adont il me fu avis, Par le songe ou je fui ravis, Si tost que Desirs o moi fu, Que j'estoie en flame et en fu De tous les et de tous assens (FROISS., Joli buiss. F., 1373, 228).

-

Par nul assens. "D'aucune manière" : Il n'est homs ou mont tant ait sens Et fust docterres scïenteus Et vausist adés estre oyseus, Pour penser au ciel glorïeus, Ne saroit il par nul assens La centisme part des joieus Secrés, hautains et precïeus, Dont je vi les contenemens. (JEAN DE LE MOTE, Voie d'enfer P., 1340, 120).

-

Par assens. "Selon la voie, la manière accoutumée" : Son estat estoit bel et gent ; En son lit mengoit par assens Carpobalsamon et encens. De ce se print a merveillier Quant tel viande vit mengier, Qu'il ne pensast ne ne creüst Que nulz homs mengier le peüst. (Renart contref. R.L., t.1, 1328-1342, 164). (Je) me pensai de quel partie La haie avoie laissiee. Par assent pensai que iroie Et (que) pou ou nient i faudroie. (GUILL. DIGULL., Pèler. vie hum. S., c.1330-1331, 356).

2.

[À propos d'une pers.] "Façon d'être" : Juges il est, a chascun rent sa toise ; Ne se brise pour or ne pour argent. Chascun l'aime, tant son parler a gent ; (...) La dame a dit : "S'il est de tel acent Et par son sens si hault honneur attent, Bien le sachiés, de rien il ne m'en poise, Car plus serai prisie." (Percef. lyr. L., c.1450 [c.1340], 77).

-

"Bon sens, intelligence" : Alcidès fu uns marcheans Riches, saiges et bien cheans ; An plusseurs leus s'aloit pener Pour sa marchandise mener. Bien li chut, et tout par son san, Car il fu plains de grant asan. (Renart contref. R.L., t.1, 1328-1342, 308). Il n'a ne memoire n'assens Plus qu'aroit une mue beste (Mir. parr., 1356, 29).

II. -

[Idée abstr. d'intention ou d'assentiment, liée à sentir, lat. adsensus]

A. -

"Intention"

1.

"Volonté, intention, désir" : Serf Dieu quel part que tu t'avoies. Estableté ma fille prens : Soies atemprés par vrai sens, Et se raisons en ton assens Estoit aussi, mieus en vaudroies (JEAN DE LE MOTE, Voie d'enfer P., 1340, 107). Dieu qui de li scet les assens Li remerira pour grant sens Sa foleur penitencielle (Mir. parr., 1356, 46). Bon rois, par celui Dieu qui ne faut ne ne ment, Oncques mes cors ne fist viers vous vilain assent (Jourd. Blaye alex. M., a.1455, 626).

-

C'est l'assens de qqn à/de + inf. : PREMIER CLERC. Despoillez vostre chape cy, Si entrez ens. L'EVESQUE. A ce faire est bien mes assens. (Mir. ev. arced., c.1341, 111). Dites, Agnès, est vostre assens De venir y ? (Mir. prev., 1352, 260). Je te dy que c'est mes assens De finer crestien ma vie (Mir. Barl. Josaph., c.1363, 282). [C'est Vénus qui parle] "Paris ! ha bandon Je vous feray amie avoir Qui vaura mieux que tout l'avoir De cest monde, ne tout le sens, Afin que ce soit vos assens De me jugier la riche ponme." (Livre amour. all. F., c.1398-1430, 16).

-

"Entreprise, projet" : CAŸPHE. Prenez torches grant assemblee, Lanternes, brandons et phalotz A grant puissance. ANNE. Je le lotz, Car la nuyt est ung petit brune Si fault redoubter la fortune, Qu'ilz ne faillent a leurs absens. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 247).

2.

"Avis, sentiment" : Sire, dites moy vostre assens, Sanz riens celer ne retenir. (Mir. ev. N.D., c.1348, 65). ...le conte Ciperis ouvra d'un aultre assent (Cip. Vignevaux W., p.1400, 57).

-

L'assens de qqn est (tel) que : "Dame," dit la mestresse, "en vous a pou de sens, Quant devant moy avez fait a l'enfant presens ; Plus que je ne cuidoie est vos cuers neglisens. Et en despit de vous, tés est li miens asens Que cilz enfes qui ci est devant nous presens, Soit mendïans d'amie en ses jones jouvens..." (Brun de la Mont. M., c.1350-1400, 34). Il a hui passet ordenance De tournoy, par son hardi corps. C'est li assens et li acors Des dames et des damoiselles, Des chevaliers et des pucelles, Que li faucons li demorra (FROISS., Méliad. L., t.2, 1373-1388, 114).

-

Par l'assens de qqn. "Par les conseils, sous la direction de qqn" : ...consentez Que me donnez graces et sens De si ouvrer, par vostre assens, Que puisse vivre en chaasté (Mir. enf. diable, c.1339, 3).

B. -

"Assentiment, consentement" : Sachez que nous, par assent des prelats, seigneurs et autres de notre Conseil, avons ordeigné que la repaire des leines et autres marchandises qui passeront hors de notre Roialme d'Engleterre et de nos terres de Gales, et Irlande et Escoce, soit tenuz en notre ville de Caleys (Hist. dr. munic. E., t.2, 1363, 363). ...Esmon Alderforde, presentour d'icestes, et un autre home, qui sont personnes benefisiéz, sont en purpos de permuter canoniquement certeinz leur benefices, mediantz les congié et assent de lour patrones et ceulx qui ont l'entreesse (Lettres agn. L., 1404, 105). Car il n'avoit pas tant de chevaliers que pour souffire a establir une bataille a la compaignie, dont il enaprés usant de soubtil conseil proposa de nuyt aler es tentes de ses ennemis et eulx endormiz decepvoir les gardes et tout tuer. Et comme il s'advisast que ce ne pouoit estre sans l'assent et l'ayde d'aucun des Gregoiz, il appella a luy Anacletum le compaignon Antigoni (Percef. I, T., c.1450 [c.1340], 69).

C. -

Loc.

1.

D'assens/d'un (commun) assens

-

"De concert, d'un commun accord" : Despis dist : "Desepoir, moult chier Devés avoir et festïer Che vallet ; il est de vos gens. Nous nous venons a herbegier, Avoec Orguel convient mengier Che vallet et nous d'un assens." (JEAN DE LE MOTE, Voie d'enfer P., 1340, 27). Sire, vez la un hermitage. Or regardons chascun d'assens, Sire, s'il a ame leens (Mir. st Guill., c.1347, 37). Quant ceulz de la cité voient le couvenent, Si orent a conseil ensemble d'un assent D'envoyer ung message pour sçavoir l'errement. (Cip. Vignevaux W., p.1400, 52). ...la gent d'Escale tout d'un commun assent Vous envoient ce brief. (Cip. Vignevaux W., p.1400, 53).

-

"D'un même mouvement" : Selonc l'imaginastion De mon fait et l'intention Que j'ay et qui d'amours me vient, Pour l'achever il me convient Allijer mon pooir, mon sens Et ma vollenté d'un asens, Pour faire ce livre present (Livre amour. all. F., c.1398-1430, 2).

2.

Par cuer et par assens. "Avec une adhésion profonde" : Mais le saige qui a Dieu se consent Et le mercie par cueur et par assent, Voit on aprés que sa richesse augmente. (MESCHIN., Lun. princes M.-G., c.1461-1465, 22).

3.

Estre es assens de + inf. "Être d'accord pour ; être à même de" : [Regars] Ne savoit aillours ou fuïr. Lors trouva jouste lui Oïr. C'estoit li secons de mes sens Et qui plus estoit es assens De li jüer en Compaignie. (ACART, Prise am. H., 1332, 22).

-

Avoir d'assent (de faire qqc.). "Avoir l'intention de (faire qqc.) ; consentir (à faire qqc.)" : Car d'issir sur lez camps je n'ay mie d'assent. (Hugues Capet Lab., c.1358, 118). Puis donnerent conseil a le paienne gent D'aler par devant Gadrez, et yl orent d'assent. (Jourd. Blaye alex. M., a.1455, 783).

4.

[De plusieurs pers.]

-

Estre d'un (commun) assens que : Pour ce furent tous d'un commun assent Que on escriproit Tout ce debat (CHART., D. Fort., 1412-1413, 195).

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Estre d'assens de + inf. "Se mettre d'accord pour..." : ...François et Bretons seront bien tost d'assent De pillier sur vos biens ; grant vouloir leur en prent. (CUVELIER, Chans. Guescl. F., c.1380-1385, 86).

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Estre d'assens de qqc. "Être d'accord avec qqc." : S'il veult aourer Dieu si en soions d'assant (Renaut Mont. B.N. V., c.1350-1400, 527).