A. -

Au propre

1.

"Fait de brûler, feu, flamme"

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[Feu de l'Enfer] : Cy sui tourmentez jour et nuit D'ardure qui cy m'art et cuit (Mir. prev., 1352, 248). [Le pèlerin à son ange :] Lors li demandai je, comment Pouoit durer sens arsure En tel feu et tel ardure, Et se nulle paine sentoit Qui si pres de moi se tenoit. (GUILL. DIGULL., Pèler. âme S., c.1355-1358, 107). FERGALUS (ung dyable). En peine, en dueil et grief ardure, Plus ardant que barre de fer, M'en revois courant en enfer Moy plongier au fons du paluz. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 166). LAZARON. Seur, j'ay raison assez pleniere, Car, depuis ma mort corporelle, J'ay veu mainte chose cruelle ; Par quoy, quant en ce pensser suis, De riens esjoÿr ne me puis. Je pense aux paines et tourmens, Aux pleurs et aux gemissemens, Aux dures destresses donnees, Aux povres ames condempnees Au terme de perdicion, Au lieu de desolacion, Au lieu de destresseuse ardure, Au lieu de mort qui tousjours dure Sans son pacïent allegier. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 210). En doleur et en grefve ardure Plus ardant que l'embrasé fer, Je m'en voys plonger en enfer, Au parfond puys, sans dire mot. (MICHEL, Myst. Pass. J., 1486, 113). Les ames sont la detenues En lieu de l'importable ardure, Au lieu de mort qui tousjours dure, Sans qu'on les puisse soullager. (MICHEL, Myst. Pass. J., 1486, 203).

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P. métaph. "Flamme (le Saint Esprit)" : [Prière au Saint Esprit] O tres sainte ardure Par qui toute ordure Se met a declin, Qui telle l'endure, Tant qu'elle luy dure, A bien est enclin ! (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 448).

2.

"Chaleur intense" : ...li solaus en ardure Se tient, et la lune en froidure (MACH., J. R. Nav., 1349, 179). Cils Dieus qui tout paist et gouverne Le centre dou ciel et le cerne, Le soleil tient haut en ardure Et la lune bas en froidure (MACH., C. ami, 1357, 48).

B. -

P. anal.

1.

"Brûlure ; sensation de brûlure" : ...il [l'empereur malade durant trois jours] dist que tous les trois jours qu'il avoit esté si grevé, que les Ennemis luy coulerent par my le flagoeul en la bouche [,] dedens le corpz metail ardant et boullant. Mais ung bel jeune homme aporta ung calice d'or plain d'eaue fresche par vertu de laquelle les ardures furent estaintes. (Renart contref. R.L., t.1, 1328-1342, 277). ...ardure et inflammacion (SAINT-GILLE, Comment. A.Y. L., 1362-1365, 231). ...enflambement et ardure au corps (SAINT-GILLE, Comment. A.Y. L., 1362-1365, 231). Jamais ne sentis tel doulleur Que je sens ; je suis enraigé, Dyable, seray je point vengé De mon ennuy, qui tant me dure ? J'ay dedans le cueur une ardure Qui me brusle jusques au foye. (Myst. Viel test. R., t.4, c.1450, 116). Hellas ! vray Dieu, je suis transsi Du mal que je seuffre et endure ; Jamais homme ne vit aussi De corps sortir si ville ordure. Je sens une si grand ardure Et puanteur si execrable Que, se guéres long temps me dure, Je mourray de mort detestable. (Myst. Viel test. R., t.5, c.1450, 28). Car de son corps cler sang issoit, Ou la char de chault perissoit Et le cuir boursouffloit d'ardure. (Percef. III, R., t.2, c.1450 [c.1340], 354).

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[Dans un cont. métaph.] : Amour est de si grant ardure, Tant comme antre home et fame dure, C'uns chascuns veut le tout pour voir Sanz conpaignie de nul avoir. (Renart contref. R.L., t.1, 1328-1342, 310). Pareillement quant le feu de luxure Embrase aucun et lui fait grande ardure Courir il doit a la froide eaue et fresche (BAUDOUIN, Instruct. vie mortelle B., c.1431-1439, vers 5424).

2.

"Sensation de chaleur intense" : Et si sentoie une froidure Entremellee d'une ardure Qui faisoit fremir et suer Mon corps et ma couleur muer (MACH., Voir, 1364, 1932).

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[Dans un cont. métaph. ; connot. positive] : Par Jupin qui fit la froidure, Tu me dis tres bonnes nouvelles, Tu baïgnes mon cuer en ardure ["Tu me fais chaud au coeur"] Et tout le sang me renouvelles (MOLINET, Myst. st Quentin C., c.1482, 68).

C. -

Au fig.

1.

Ardure de qqc. "Vivacité, force de qqc. (en particulier d'un sentiment)" : Car l'ardure de mon triste desir Me fait adès de plus en plus doloir (MACH., L. dames, 1377, 38). L'ardure dou grant desir Qui me fait à la mort traire (MACH., L. dames, 1377, 46).

2.

"Ardeur, envie, désir" : J'ay tout laissié, pour ung seul Dieu amer, Toute gentillesse lesse, Toute ma richesse cesse, De quoy trop l'ardure dure (MOLINET, Myst. st Quentin C., c.1482, 77).

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En ardure : Pourquoy quiert il en tel ardure Chose mondaine qui poy dure ? (Pastor. B., c.1422-1425, 241). Tant comme de plaider art dure Le cueur avez en tel ardure Qu'a vespres n'estes n'a complie Pour faire la cause acomplie. (ALECIS, ABC P.P., 1451, 15).

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Ardure de + inf. : Et quant ilz ont vëu la palle creature Qui de servir Jhesus avoit sy grant ardure, Adonc l'ont salué de la Vierge tres pure. (Tristan Nant. S., c.1350, 686). ...li desirs et l'ardure Que j'ay de tost retourner Vers vous me font desperer (MACH., L. dames, 1377, 42). Au joly boys bien chargiet de verdure Le rosignol menoit grand melodie ; Sy longuement que ce doux chant luy dure, Je le sieuvy et fus en grant ardure D'y emploier toute mon estudie (MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 101).

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P. personnif. : Avarice, Convoitise et Ardure D'acquerir plus m'ont mis en adventure D'estre perdu ou tomber en malheur (ROBERTET, Oeuvres Z., c.1450-1500, 83).

3.

"Désir amoureux, flamme amoureuse" : ...elle congnut bien a mon vis L'amour, le desir et l'ardure De moy (MACH., R. Fort., c.1341, 126). ...amoureuse ardure (MACH., J. R. Nav., 1349, 242). En regardant et compasser De vous la tres gente figure, Dont mes coers est en tel ardure... (Dame Lycorne G., c.1349-1350, 168). Se Pités, qui bien procure Pour tous cheuls dont elle cure, Me voloit oster l'ardure Qui me vient de la pointure Amoureuse, a mon cuidier, Elle feroit belle cure, Car je gis en cartre obscure Ou point de desconfiture. (FROISS., Par. am., c.1361-1362, 72). ...et quant Jalousie Me batoit de sen escorgie, J'estoie mournes et pensieus Et clinoie en terre les yeus. C'est li estas, c'est li ardure Que vrais amans par droit endure. (FROISS., Espin. amour. F., c.1369, 148). Comment les puet uns coers oïr, Qui est atains de tele ardure (FROISS., Pris. am. F., 1372-1373, 52). N'elle n'a pité De l'ardure Que j'endure Pour sa grant biauté. (MACH., Ch. bal., 1377, 597). Trop l'amerez a desmesure ; Ja ne vouldrez soir ne matin Estre sans lui. En telle ardure Vivrez pour celle qui de joie Rira, quant congnoistra la voie Qu'Amours pour vos maulx vous destine... (Cent ball. R., c.1388-1396, 89).

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"Désir amoureux mêlé de souffrance" : ...ceaus qui sont en tristesse, en ardure, En plours, en plains, en dolour sans cesser (MACH., R. Fort., c.1341, 72). ...en ardure Durement vif et humblement l'endure. (MACH., L. dames, 1377, 78). ...briefment Morray dolereusement De dueil et d'ardure (MACH., Motés, 1377, 511).

4.

"Amour charitable" : Au pellican je suis samblable Qui par pitié cuide bien faire ; Sa nature est tant pitable Qu'il se deffait pour aultres faire (...). Le pellican, de son ardure, Il se delivre de sa vie... (Prisonn. desconf. C., c.1488-1489, 16).

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RELIG. "Ferveur" : Pour quoy, de cuer par grant ardure, Mon vray compaignon et ami Se voua a aler pour my Nostre Dame du Puy requerre. (Mir. enf. ress., 1353, 46). Grant joye de ly nous aviens En nostre cueur et grant ardure ; C'est celly quil la mort tresdure A souffert pour l'umain lignaige. (Pass. Semur D.M., c.1420 [1488], 265).

Rem. Épisode des disciples d'Emmaüs (Luc XXIV, 32 : «Notre coeur n'était-il pas tout brûlant au dedans de nous (...) quand (...) il nous expliquait les Écritures ?»).

5.

[Dans le domaine guerrier] Mettre en ardure. "Échauffer, exciter" : Sire, par mal eure Ly cuer m'aveis bruleit et tot mis en arsure ; Or ne me vuilhiez metre le mien chief en ardure : Encors poroit la chouse bin estre à alcun dure. (JEAN D'OUTREM., Geste Liège B.B., t.4, a.1400, 719).

6.

"Tourment, vive préoccupation" : En plourant voit l'aignel pour nostre achoison né, L'aignel voit sans malice d'espines couronné, De cleux agus perchiet, playet, emprisonné, Et tout le corps de luy de sang environné. "Ocy !" adont escrie mil foiz par grant ardure, "Ocy ! ocy ! las moy !" il n'est voix qui luy dure Quant voit de son amy la face tant obscure Pour nous languir en croix et souffrir mort si dure. (Livre Rossignol. N., c.1400-1420, 67). Veés la painne que j'endure, Qui me dure Et m'a longuement duree. Pensés a l'angoisse dure, Dont l'ardure A ma personne enduree... (DU PRIER, Songe past. D.-M., c.1477-1508, 105). Je pense aux peines et tormens, Aux pleurs et aux gemissemens (...) Au lieu de tant cruelle ardure, Au lieu de mort qui tousjours dure Sans jamais pouoir alegier. (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 538). Dieux puissans dessus nature, Faictes des cieulx ouverture, Venés voir la grant ardure Que j'endure En plourant ma destinee. (MOLINET, Myst. st Quentin C., c.1482, 57). Je voy ton cueur qui ne procure cure, Laydure dure, Et sa foyblesse blesse, Regret le meut à corrompure pure, Morsure sure, Luy fait ardure dure (SAINT-GELAIS, Séj. honn. J., c.1490-1495, 49).

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Estre en ardure. "Être préoccupé" : Car en touz temps et en toutes saisons, Li mesnagier povres est en ardure Comment il puist faire aucun de ses bons (MACH., App., 1377, 645).

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"Situation critique" : Li evesque le jettat de celle mesprisure, Homme astoit à l'evesque, or vient à la murmure Contre nos qui l'aviens getteit de teile ardure (JEAN D'OUTREM., Geste Liège B.B., t.5, a.1400, 594).