"Mouvement, inclination qui pousse à satisfaire un besoin"

A. -

[Un besoin, un désir de l'organisme]

1.

[À propos des sens en général]

a)

"Impulsion des sens, instinct (chez l'animal et chez l'homme ; l'homme peut le canaliser par la raison)" : Item, les passions sont mouvemenz de l'apetit. (ORESME, E.A., c.1370, 158). ...et qui donne conseil a l'appetit, non pas a la raison, son oppinion n'est pas conseil mais flaterie. (CHART., Q. inv., 1422, 64). Les bestes sont contraintes par leurs inclinations et appetifz aux fins ou ilz les enclinent, et tu peulz contraindre les tiens appetifz, et ramener par ton seul voulloir a rayson. (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 151). Et le clergé en a prins si grant fetz sur ses espaullez, qui le courbe vers la terre et destourbe a regarder aux cieulx. Car l'appetit avaricieux dez ecclesiastes a si surmonté leur rayson que leur damnation y giest manifestement (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 178). Pour ce que l'appetit de l'homme est insaciable et quiert tousjours choses nouvelles, pourquoy très souvent il est deceu, et meismement par faulte d'experience, j'ay voullu prendre paine d'escripre et racompter les causes mouvans le Jouvencel, duquel je faiz principalle mention, d'aller à la court pour trouver aucun avantaige (BUEIL, I, 1461-1466, 39).

-

Appetit (naturel). "Inclination innée d'une nature à sa fin" : Item, l'en pardonne plus volentiers et raison est as choses qui sont faites par appetis naturelz que a autres. (ORESME, E.A., c.1370, 384). Les mauvais selon appetit naturel appetent delectacion en general, et ce est bien. Mais selon appetit corrumpu, ilz appetent desordeneement et en diverses manieres les delectacions particulieres. (ORESME, E.A.C., c.1370, 499). ...[les bestes] pour volunté ont appetit naturel, pour raison apprehension sensuelle (Disc. amour divine, 1470, 24).

-

Appetit sensitif/sensuel. "Impulsion des sens" : ...car la concupiscence qui est en l'appetit sensitif est contraire a raison, mes l'incontinent n'a pas opinion contraire a droite raison. (ORESME, E.A., c.1370, 374). ...pour ce que quant tel mauvais se depart ou delaisse aucune delectacion, il a de ce tristece pour la malice a laquelle est enclin son appetit sensitif. (ORESME, E.A., c.1370, 468). ...et les raisons speculatives des autres sciences ne meuvent en riens l'appetit sensitif se n'est par accident. (ORESME, E.A.C., c.1370, 144). ...et ainsi est monstré par .I. voies que l'appetit sensitif obeïst a raison, c'est par les persuasions raisonnables que un homme fait en soy meïsme et par celles qui lui sont faites par autre. (ORESME, E.A.C., c.1370, 144). L' en doit savoir que yre est une passion et mouvement de l'appetit sensitif a pugnicion ou venjance. (ORESME, E.A.C., c.1370, 260). Et se aucun s'avançoit de dire simplement que les hommes sont telz que leurs nativitez signifient, certainement je cuide qu'il ne fauldroit de gueres, consideré le temps tel qu'il est a present, pour ce que presques tuit communement ensuivent leurs inclinacions naturelles et vivent plus selon l'appetit sensitif que selon ce que Raison leur enseigne. (EVR. CONTY, Harm. sphères H.P.-H., c.1400, 28). Ne sces tu que le hault maistre dez oeuvres, dont la providence ne fait riens en vain, t'a mis en corps d'omme pour toy excerciter, et pour domter l'appetit sensuel, et le mener par discipline a rayson ? (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 25). Tu devoies eslargir les loys estroictes, et tu as ouvert la voye et abandonné la bride a tout appetit sensuel. (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 122). Des aussi tost que l'oeul voit et l'oreille oit quelque chose qui appette au corps, je te dys que naturellement l'appetit sensuel y fait incliner la voulenté, par façon que le cuer le convoite (RENÉ D'ANJOU, Mortif. Vaine Plais. L., 1455, 31). ...[les créatures sans volonté] a toutes leurs operations sont esmeues et enclinees par nature ou demenees par appetit sensuel (Disc. amour divine, 1470, 121).

-

Appetit intellectif. "Faculté de vouloir, volonté" : Or di je donques, que les vertus intellectuelles sont du tout en la partie intellective [une des cinq parties ou puissances de l'âme]. Mais les vertus morales sont principalment en l'appetit intellectif, c'est en volenté et toutevois, aucune en est en l'appetit sensitif. (ORESME, E.A.C., c.1370, 145). Mais pour ce que il repute inconvenient dire que eulz ne oeuvrent pas voluntairement, l'en doit savoir que se voluntairement est pris proprement et derivé de volenté proprement dicte, qui est appetit intellectif, en ceste maniere nulle chose mortel n'a volenté fors homme, ne nulle chose ne fait rien voluntairement fors homme, qui a entendement et usage de raison et liberté et puissance de faire ou de non faire. (ORESME, E.A.C., c.1370, 183). Mais a prendre voluntairement largement et volenté selon ce que elle se estent a appetit intellectif et sensitif, comme nous disons que un chien a volenté de mangier, et a prendre voluntaire pour operacion qui n'est pas involuntaire, comme par violence ou par ignorance, mais que l'en fait de son gré, -- en ceste maniere peut l'en dire que les bestes mues et les enfans font aucunes operacions voluntairement (ORESME, E.A.C., c.1370, 183).

2.

[À propos du désir sexuel]

a)

Appetit charnel/de la chair/amoureux. "Désir sexuel ; sensualité" : Or arrestons ci un petit Pour penre amoureus appetit En un po de comparison Qui porroit faire garison A aucun qui seroit malades (MACH., D. Aler., a.1349, 327). ...l'appetit De la char qui dure petit (DESCH., M.M., c.1385-1403, 223). ...la forge de ce monde touchant a moy n'est autre chose que nature humaine d'omme et de femme forgeans besans pour oeuvre de generacion par naturelle inclinacion. Mais le charbon alume de terre en ma dicte forge n'est autre chose que un delit ou appetit charnel qui est vray naturel. (MÉZIÈRES, Songe vieil pèl. C., t.1, c.1386-1389, 345).

-

Appetit de habiter. "Désir d'avoir des relations sexuelles" : Satiriazie est continue erection de la verge avec desir et appetit de habiter, mais priapisme c'est continuelle et immoderee erection sans appetit et sans desir de habiter (GORDON, Prat., c.1450-1500, VII, 2). Item note que appetit de habiter compete plus naturellement en printemps car vertu est plus forte et les porres commencent a eulx dilater et chaleur a vigourer (GORDON, Prat., c.1450-1500, VII, 2).

b)

Donner appetit à qqn. "Exciter son désir sexuel" : Il semble de beaucop que ce soient [certaines femmes] vielles mulles ou meschans chevaulx, enfrenés de grans paremens pour estre mieulx vendables, et puis monstrent leur sain ou tetins : il est grant besoing de donner appetit aux compaignons. (JUV. URS., Verba, 1452, 280).

c)

Faire appetit. "Éveiller le désir" : Or voy ge bien sans mentir Che vous estes joiouse, Belle, sayge, honeste e amorouse ; Belle bouche hé vermeglete, Petit nas e curte mamelles, Petite mains e beaus ventre ; C'est pour feyre bon apetit, Beaux creyson e violetes, Belle ghiambes riondetes, E anchores beau col. (Trois comm. M., c.1475, 540).

d)

De (bon) appetit. "Avec ardeur" : ...il me souvient tres bien que aujourd'uy, au matin, vous feistes de tresbon appetit le jeu d'amours. (C.N.N., c.1456-1467, 266).

e)

[Dans un cont. métaph. où le désir sexuel est suggéré à travers le vocab. du désir de nourriture] "Désir sexuel" : En changeant mes appetiz, Je suis tout saoul de blanc pain, Et de menger meurs de fain D'un fres et nouveau pain bis. (...) S'il en fust a mon devis, Plus tost anuyt que demain J'en eusse mon vouloir plain (CH. D'ORLÉANS, Rond. C., 1443-1460, 389). Dedans l'amoureuse cuisine, Ou sont les bons, frians morceaux, Avaler les convient tous chaux, Pour reconforter la poitrine. Saulce ne faut, ne cameline, Pour jennes appetiz nouveaux (CH. D'ORLÉANS, Rond. C., 1443-1460, 453).

f)

P. anal. [À propos d'une chose] "Attraction [d'une chose] par une autre" : ...quar puisque ces parties de terre sont materielles, la matere de elles a possibilité et inclinacion ou appetit a autre forme et a la generacion d'autre chose et corrupcion de ceste. (ORESME, C.M., c.1377, 254).

3.

"Instinct maternel" : ...vueille vous plaire Que tenir le puisse [mon enfant] un petit Et baisier, pour mon appetit Ressasïer. (Mir. enf. ress., 1353, 69). Une miserable et mal entendue femme avoit ung enfant, lequel elle aymoit d'ung fol et desordonné appetit sans icelui chastier ne corriger de ses meffaiz. (TARDIF, Apologues R., c.1493-1498, 86).

4.

[À propos du besoin de se nourrir]

a)

"Désir de nourriture (et/ou de boisson)" : S'on t'aporte bonne viande Et ton appetit te commande Que tu en preingnes largement, Ne fai pas son commandement (MACH., C. ami, 1357, 60). Eins avoient vin et viande, Et tout ce qu'apetis demande, Largement et à grant planté (MACH., P. Alex., p.1369, 193). ...om retient l'appetit Sanz trop vouloir ne po mangier (DESCH., M.M., c.1385-1403, 297). Et lors si durement enferme de corps et de pensee, fus renversé sur ycelle et tres ennuyeuse couche, ou j'ay depuis plusieurs jours demouré a fade bouche, et fally a appetit. (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 5). Appetit corrompu, c'est appetit iracionable, quant on desire a menger croye ou charbon ou poissons ou chair crue et fruitz nouveaux et pontiques, sicomme nous le veons manifestement en femmes grosses (GORDON, Prat., c.1450-1500, V, 4). Ne pert pas une personne l'appetit de mengier par longue abstinence telement qu'il fault aulcunes fois contre l'appetit et en horreur prendre la viande, pour l'appetit provocquier et remettre en estat ? (Traité S. Sacr. B., c.1450-1500, 164). Et sçay bien que, moy et autres, prinsmes garde comme disneroient ne de quel appetit ceulx qui estoient à ceste table (COMM., II, 1489-1491, 161). Pour vostre appetit actraper, Les vïandes sont ordonnees Bien cuyctes (LA VIGNE, S.M., 1496, 202). Et puis, pour trouver le goust bon, Prens moy la cuisse d'ung jambon Dont tu mangeras ung petit : Cela te donra appetit Et tu bevras mieulx tout le jour (Serm. bien boire K., c.1500, 563).

-

Appetit canin. "Boulimie" : Les causes intrinseques sont sicomme grandes passions de membres du corps, sicomme il appert ou cervel pour epilence et pour appoplexie et es passions de l'estomac comme trop grant replecion ou inanicion, si comme il appert en appetit canin et bolisme et en douleur de l'estomac et en mordicacion d'estomac et sicome il appert en colique et en illiaque et en flux de ventre et en vermes (GORDON, Prat., c.1450-1500, IV, 12). Appetit canin est grant, irracionable, que on ne peut saouler et qui plus menge, plus appete et l'appelle on canin que ainsi que le chien ne peut estre saoulé (GORDON, Prat., c.1450-1500, V, 4). Appetit canin est divisé en quatre : l'un est appelé canin, l'autre est appelé bolisme, l'autre faim sincopale et l'autre appetit corrompu (GORDON, Prat., c.1450-1500, V, 4).

b)

P. méton. "Plaisir qu'on éprouve à manger, à boire" : Et advient souvent que, pour la diversité des viandes que el a et pour l'aise ou elle est, que l'apetit li passe, pour ce que elle est ennuyee des viandes communes (Quinze joies mar. R., c.1390-1410, 18). Car mary qui se paist d'esgrun Et le miel sa femme refuse Sans y prendre appetit aulcun, Digne n'est pas que sa vie use. (MARTIN LE FRANC, Champion dames I-II, P., 1440-1442, 179).

-

Appetit de/à + inf. : Versez, sus ! (...) cest oison m'a appetit Donné de boire. (Mir. roy Thierry, c.1374, 305). Maiz tous ceulx qui n'ont le povoir, Ou l'appétit ou le vouloir, à boire du vin franchement, Doivent choisir soigneusement Eaue nete, légière et pure, Sans mixtion ou mesléure (LA HAYE, P. peste, 1426, 100).

-

Aiguiser son appetit. V. aiguiser

-

Avoir bon appetit : Or ça, de par Dieu, seons nous Tout ensemble, si mengerons, Car bon appetit en avons. (Mir. femme roy Port., c.1342, 159). Alors les dames et damoiselles et aucunement le maistre d'ostel, qui jeunoient et avoient bon appetit pensans que trop mieulz disneroient que de l'ordinaire de l'ostel (...) tant prierent pour la premiere requeste de damp Abbés que Madame s'i consenti. (LA SALE, J.S., 1456, 248). ...me semble que j'ay tresbon appetit ; si vouldroye bien aller disner (C.N.N., c.1456-1467, 369). J'avoye si bon appetit, Qui a fain fault il qu'on [le] verse ? (Sots, c.1480-1500, 271).

-

Perdre (tout) appetit/ses appetits : : Les malades cueurs amoureux Qui ont perdu leurs appetis, Et leurs estomacs refroidis Par soussis et maulx douloureux, Diete gardent sobrement (CH. D'ORLÉANS, Rond. C., 1443-1460, 358). Je pers tout appetit et goust ; Plus ne sçaroie cy arrester, Quant je voy du sang le desgout. (Pass. Auv., 1477, 108).

B. -

[Un besoin psychol., moral, culturel]

1.

Appetit (de qqc.)

a)

"Désir" : Eins m'a ouvert A descouvert Que de ma mort a appetit. (MACH., Les lays, 1377, 291). ...si me donne mon appetit grand vouloir de nommer, en ma petite ratelée, le conte Walerant (C.N.N., c.1456-1467, 154). ...les autres s'apareillerent pour commencer la bataille, escrierent a mort les Gregois et tirerent sus eulz saiettes et trait par grant appetit de vengance. Mais quant le roy vey ce, il les fist cesser et dist: "Cessez vous, cessez ! Ne vous travailliez plus pour Medee recouvrer..." (LEFÈVRE (R.), Hist. Jason P., c.1460, 214). Beneurés sont ceulx qui ont appetit de justice [Matth. V, 6] (ALECIS, Dial. crucif. pèler. P.P., 1486, 100). Car les biens ne les honneurs ne se despartent point à l'appetit de ceulx qui les demandent. (COMM., I, 1489-1491, 3).

b)

"Ambition" : Mon desir s'arreste en deux choses singulieres : l'une a conquerre nom en armes, qui doit estre l'appetit de la vocacion de tous nobles cuers, l'autre a obeyr aux commandemens et plaisances d'Amours (LEFÈVRE (R.), Hist. Jason P., c.1460, 151). ...ceste science [la science d'astrologie] tant encienne, noble et utille, qui jusquez cy par tant de si grans gens a esté excercée, soustenue et pratiquée, maintenant au seul appetit desordonné de telx ignorans et detracteurs, durant vostre resgne soit ainsi et ou contempt de vous chassée, abatue et villipendée (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 6 r°).

c)

Appetit du desir. "Ressort, moteur du désir" : C'est droitement li apetis Dou desir qui n'est pas petis, Mais grans assés pour esmouvoir Tous jones chevaliers, pour voir. (FROISS., Méliad. L., t.1, 1373-1388, 89).

2.

THÉOL. "Puissance de l'âme sensitive, qui l'incline vers ce qu'elle perçoit comme un bien (appetit concupiscible) et la détourne de ce qu'elle perçoit comme un mal (appetit irascible)" : De ces appetis concupiscible et irascible procedent et naissent quatre affections, c'est a dire accions ou passions, desirs ou manieres de voulentés, c'est a sçavoir joye, espoir, doleur et cremeur. (Somme abr. M., II, c.1477-1481, 118). ...l'appetit concupiscible et l'appetit irascible, par lesquelz l'ame appete et convoite ou desire le bien et ce qui est bon, et se eslieve contre le mal. (Somme abr. M., II, c.1477-1481, 118).

3.

Loc.

a)

Avoir appetit de + inf. "Avoir envie de, avoir le désir de" : Et moigne, clerc et prestre, li grant et li petit De veoir leur patron avoient appetit (Gir. Ross. H., c.1334, 289). Lors Desirs petit a petit Voloir li donne et appetit De plus grant joie recouvrer (MACH., D. verg., a.1340, 36). Biau filz, ça venez un petit : J'ay de parler grant appetit A vous sanz doubte. (Mir. st Panth., 1364, 315). Dame, j'ay trop grant apetit D'un po dormir. (Mir. ste Bauth., c.1376, 151). J'ay de savoir grant appetit Dont est né ne de quelle terre. (Mir. Clov., c.1381, 205). Depuis les grans jusqu'aux petis Semblent qu'ilz n'ayent appetis Fors de trouver baras et bourdes (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 25). Fastide, c'est abhominacion de viande et de beuvrage ainsi que nauzee et aulcun appetit de vomir par corrupcion de viande et de humeurs qui sont en l'estomac (GORDON, Prat., c.1450-1500, V, 8). ...il [Talbot] respondit que de leurs paremens [de ceux de la suite du roi] ne tenoit il compte, et que ce n'estoit que donner courage et appetit a ceulx qui les combateroient de gaigner (JUV. URS., Verba, 1452, 248). Neantmoins ilz se asseurerent en leurs estriers, prindrent leurs escus par les enarmes, haulcerent les espees et attendirent franchement et de pié ferme Jason et ses gens qui le sieuvoient. Et lors Jason, en ouvert esprit, nagant en plaisir par appetit de nom acquerre, se mesla entre ces chevaliers ou les Esclavonnois se ralyerent. (LEFÈVRE (R.), Hist. Jason P., c.1460, 148). J'ay appetit D'arregarder s'il porte brayes. (Pass. Auv., 1477, 213).

b)

(Estre) à l'appetit de qqn. "(Être) à la convenance, au goût de qqn" : Ce ne sont pas ydoles ne les dieux controuvez a l'apetit dez hommes, maiz il est creu selon verité et l'enseignement de parfaicte science. (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 129). ...quant les marchans a quoy j'avoie acoustumé de prandre tout ce que mestier m'estoit m'apparceurent en cest estat, jamais, de celle heure en avant, n'eusse en leur boutique trouvee en drap sorte a mon apetit, car, si je demandoie du gris de Rouen, ilz n'avoient que du vert de Montevilliers (Abuzé D., c.1450-1470, 74). ...pour ung drap paint aux arbalestiers qui tirent au blanc de la bute (...), lequel drap a esté refait par deux foiz à l'occasion de ce qu'il n'estoit pas bien à l'appétit du roy (Comptes roi René A., t.1, 1478, 197). Il le fault louer vistement, S'il est bon à vostre appetit. (Bad. loue T., c.1500, 41).

-

(Faire qqc.) à l'appetit de qqn

.

"Selon le désir, la volonté de qqn, à son gré" : Où, à la guise et bon usage D'un mesnagier de bon courage, J'ay fait, construit et réparé Un jardinet, et tant paré De beaulx entons ["greffons"] quelque petit, à mon plaisir et appétit Que j'ay grant espoir, et le croy, Qu'il produira tousdiz en soy Très bon fruit (LA HAYE, P. peste, 1426, 162). ...ilz furent contens de soy gouverner a l'appetit de celuy qui les avoit mis en train (C.N.N., c.1456-1467, 475). ...Hardy, à l'apetit d'aucuns hayneux du roy, avoit conspiré de faire mourir le roy par poisons... (Lettres Louis XI, V., t.9, 1474, 42). Les sotz font devant et derriere De Chascun a leur appetit. (Sots triumph., c.1475, 43). De la yrons couronne prandre A Rains, ainsi que avez dit, Et se ad ce voulez entendre, Nous ferons a vostre appetit. (Myst. siège Orléans H., c.1480-1500, 518). ...Jupiter en presence Nous a trahis, comme faulx apostat, A l'appetit de ce vilain [prelat], Dit Saturnus, il a sa foy faulsee (Cene dieux, c.1492, 117). Vella le corps que vous pouez A vostre apetit regarder. (LA VIGNE, S.M., 1496, 379).

.

"Pour faire plaisir à qqn" : LA SECONDE FEMME. Je vous supply que vous et mot Disons ung mot de chanson. LE SECOND MARY. Cest bien dit. Or sus, commençon. (Ilz chantent) LA SECONDE FEMME. Mon mary, à mon appetit, Que nous banquetons ung petit ; Dis-je bien ? (Deux hommes deux femmes T., c.1500, 461).

-

(Faire qqc.) à l'appetit de qqc. "En tenant compte de qqc." : Le medicin ne baille pas a boire au malade a l'apetit de sa soif, maiz choisit et atant l'eure au prouffit de sa santé (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 51).

c)

(Faire qqc.) de (bon) appetit

-

"Avec envie, avec désir" : Sachiez qu'oroison vaut petit S'ele n'est faite d'apetit. Quant est faite en deue maniere, Adonc est bonne la priere. (Mir. N.D. Rosarius K., c.1330, 57).

-

"Avec détermination" : Vous m'avez fait injure et tort, Mais briefment en avrez la mort. Or m'atendez la ung petit Car je y voys de bon appetit. (RENÉ D'ANJOU, Cuer am. espris W., 1457, 61).

d)

(Faire qqc.) de franc vouloir et appetit. "De plein gré et volontiers" : Si partirons en ordonnance Donques, comme il a esté dit, En coraige et en excellance, De franc voloir et appetit, En acquerant louenge et bruit Que a tousjours la renommee, Tant que le monde sera produit, Sera parlé de vostre armee. (Myst. siège Orléans H., c.1480-1500, 539).

e)

Faire chere à qqn de grand appetit. "Accueillir qqn en lui montrant qu'on désire vraiment le recevoir" : Se ton ami te voit petit, Fai li chiere de grant appetit, Et se il comme mouche vient, Festoie lai petit ou nient. (Mir. N.D. Rosarius K., c.1330, 19).

f)

Prendre son appetit à + inf. "Vouloir bien" : Et quant il furent la assis, La dame dist de sens rassis: "Sire, entendez un bien petit, Et se prenez vostre apetit A diligenment escouter Ce que je vous vorray compter..." (MACH., J. R. Nav., 1349, 188). Au fort, puisqu'il le convient faire, Je le feray si trespetit [ mon testament] Que ung mien amy a le parfaire Pourra prendre son appetit. (RÉGN., F.A., 1432-c.1465, 127).

C. -

[À propos d'une chose]

1.

[À propos d'un fruit] "Saveur, goût" : Voicy ung moult notable fruit ; Le goust me rent toute joyeuse, Tant est de souëf appetit. (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 55).

2.

[À propos d'une situation, d'une chose quelconque] "Agrément, force d'attraction" : Car il est de coustume et souvent le voit-on, C'une jone pucielle, d'umble condision(,) Met en .J. estragne homme plus tost s'entension, Que ne face en celui qu'est de sa noureçon. Car estragne cose a apetic à fuison [Ou faut-il lire à apetic a fuison ? Avoir foison aurait le sens de "avoir ce qu'il faut pour" ("l'étranger a tout ce qu'il faut pour [susciter] le désir") ; suggestion de G. Roques.] (Baud. Sebourc B., t.2, c.1350, 65). Je ne scay pas quel apetit, Ma seur, vous y avez trouvé ; Je n'y en trouve ung seul petit : Par mon fait puelt estre prouvé. Maiz puisque l'avez esprouvé Dictes ce qui s'en puelt ensuivre ; Et se mal n'y est reprouvé, Je suis contente de vous suivre. (VAILLANT, Oeuvres D., c.1445-1470, 127).

3.

[À propos d'un plat] "Régal" : Item, qui n'avroit autre viande que seiche, et elle fut fricte aux ongnons comme dessus, puis mise en deux platz, et avoir bonne jance ["sorte de sauce" (éd.)] aux aulx boulye et gectee dessus, ce seroit appetit assez passable. (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 243).

4.

Estre d'appetit. "Être appétissant" : La fiebvre me fadist la bouche Et m'eschauffe si fort le cueur Que je ne treuve plus saveur En chose qui soit d'appetit. (MICHEL, Myst. Pass. J., 1486, 181).