A. -

Au propre

1.

"Saveur amère et désagréable" : Item il est verité que par pluseurs et divers conduis une partie de l'eaue de mer court par dessoubz terre et aucunefoiz une partie passe et coule par terre sablonneuse et doulce, par quoy elle pert sa salure et son amaritude et puis sourt comme une fontaine doulce. (FUSORIS, Traité cosmogr. G., 1432, 24). Dont commanda Alixandre que on leur demandast en lengaige indoien ou il pourroent trouver eaue doulce, car il ne pouvoient boire de l'eau de ce fluve pour la grant amaritude d'elle. (WAUQUELIN, Conq. faits Alexandre, c.1448. In : Chrestom. R., 106). Le sang mal est celluy qui se devoye de cestui [du bon sang] comme celluy qui se decline a subtilité a citrinité et amaritude et en odeur ague et est dit collericque, et celluy qui se decline a grosseur et noyrdeur a odeur acetose il est melancollicque (PANIS, Guidon, 1478, tr.VII, doct.1, chap.1).

2.

"Sensation d'aigreur" : ...mais les signes de l'estomac sont assés clers, car amaritude signifie colere et doulceur fleume doulx et salsedine fleume salse et ainsi des autres. (GORDON, Prat., c.1450-1500, V, 5). De noble troncq, d'exquise fortitude, D'ardues meurs, de flagrant sainctitude, Fut Natalie en son jeune et bas eage ; En chartre obscure entra par abitude, Draps y porta de rice valitude Pour mitiguier des fains l'amaritude (MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 508).

-

[Dans un cont. métaph.] : ...car cestui livre que je t'ay presente puet estre figure au livre qui fut presente a Hieremie le prophete, qui estoit escript et dedans et dehors, et lui fu commande qu'il le mangeast. Et quant il l'ot mangie, il senty grant amaritude a son ventre et grant doulceur en sa bouche. (MÉZIÈRES, Songe vieil pèl. C., t.2, c.1386-1389, 175).

B. -

Au fig.

1.

"Sentiment durable de tristesse, de douleur (lié à une déception, une perte)" : Et si devroient en voz cuers et en voz entendemens estre comme une amaritude et amere ploracion les horribles contraires aux fins besans... (MÉZIÈRES, Songe vieil pèl. C., t.2, c.1386-1389, 486). ...quant tu voudroies bien issir hors, c'est a dire ton ame du tabernacle de ton corps pour contempler et savourer mieux ma beauté et clarté [de Dieu], sans l'amaritude de ceste vicissitude et variacion que tu souffres maintenant [dans cette vie] (Etat perfection, c.1400-1500, fº 182). ...et parleroy en la tribulacion de mon esperit et en l'amaritude de mon arme, ainsi que faisoit Job in loco theumatis. (JUV. URS., Loquar, 1440, 301). Je suis tout pleim de pouvreté, D'amaritude et d'aspreté, Par mes meffés certeynemant. (Myst. st Sébast. M., c.1450-1500, 89). Ne m'appellés plus que Marie, C'est a dire mer tres amere, Car j'ay amertume de mere Et suis en mer d'amaritude. (MICHEL, Myst. Pass. J., 1486, 255).

2.

"Sentiment de mécontentement, de rancoeur (lié à une injustice, à une insatisfaction)" : En recollant doncques ces jours En douleurs et amaritude, Maudit cent mille fois Amours, Et quant il vit onc son estude ! (Résol. am. M.R., c.1480, 315). O peuple plain d'ingratitude, Suffocquié en amaritude, Trop vaxillant sans rectitude, Obnubilé sans claritude, Sans savoir, sans mansuetude, Sans fruit, sans foy, sans fortitude Et submis a la servitude Du demoniacque matin. (MOLINET, Myst. st Quentin C., c.1482, 104). Gens de maledicion pleins Qui, soubz umbre de doulx mïel, Portés dedens vos cueurs fïel Plain de maulditte amaritude, Jamais n'aurés beatitude Se ne corrigés vos erreurs. (MICHEL, Myst. Pass. J., 1486, 14).

-

Au plur. "Injustices, douleurs, souffrances" : Et prens en la dicte playe des espices aromatiques, qui sont confites, selon le dit de saint Bernart, de toutes les amaritudes que le doulx Aignelet voult humblement, par le besant de ma forge, souffrir pour la redempcion de ton ame. (MÉZIÈRES, Songe vieil pèl. C., t.2, c.1386-1389, 457). Mais les aucuns sont semblables a la singesse qui, quant elle est montee sur ung noyer et elle trouvat l'escorche de la noix estre amere, elle gette et l'escorche et le fruit en voiz et ainsi ne gouste point de la doulceur de la noix. Pareillement, moult de folz gettent ensuz d'eulx les tribullacions tandiz qu'ilz sentent les amaritudes d'icelles et pour ce ne gousteront ilz point de la doulceur ne du bon loyer de la vie eternelle, laquelle sera donnee a ceulx qui pacianment soustiendront pour l'amour de Dieu les tribulacions de ce monde. (COLART MANS., Dial. créat. R., 1482, 105).