C.N.R.S.
 
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     AISE     
FEW XXIV adjacens
AISE, subst. et adj.
[T-L : aise ; GD : aise ; GDC : aise ; AND : eise ; DÉCT : aise ; FEW XXIV, 143b : adjacens ; TLF : II, 393a : aise]

I. -

Subst.

A. -

"État de satisfaction plus ou moins intense vécu par un sujet"

 

1.

"Bien-être physique et moral" : ...om congnoist le bien par le mal Et la douçour qu'on appelle aise Par la durté d'avoir mesaise (DESCH., M.M., c.1385-1403, 320). Le corps avez fait trop aisier, Sy est raison qu'il ait mesaise ; Car nulz ne puet du tout son aise En ce monde et en l'autre avoir, Ce nous font nos docteurs savoir. (Mir. ste Genev. S., c.1410-1420, 104). ...ung gentilhomme de ce royaume voulut savoir et esprouver l'aise qu'on a en mariage (C.N.N., c.1456-1467, 197).

 

-

[Affiché de façon provocante] : ...[les seigneurs gascons venus présenter leurs réclamations à Paris et n'obtenant jamais une réponse toujours retardée] maudisoient l'orgoel de France et l'aise et le sejour ou li rois et si consilleur estoient (FROISS., Chron. D., p.1400, 622).

 

2.

"Confort, absence de gêne" : Mestier d'armes (...) Plus perilleux est (...) Il n'y a aise ne repos (DESCH., M.M., c.1385-1403, 79). Je doubte que au jour d'uy plusieurs en y a qui se donnent plus grant paine d'estre vestus pompeusement ou superfluement, ou de avoir leur aise que de avoir vaillance de courage (JUV. URS., Verba, 1452, 246). Et puent [l. puet] plus enforcer le couraige d'un preudhomme par paine que par aise (BUEIL, I, 1461-1466, 74).

 

3.

"Contentement, plaisir" : ...car certes je ne porroie avoir joie ne aise tant comme je vous sentisse a meschief (MACH., Voir, 1364, XXVI). L'aise que j'ay dire je ne sauroye, Quant Souvenir et vous me racontés Les tresdoulx fais, plaisans et plains de joye De ma Dame (CH. D'ORLÉANS, Ball. C., c.1415-1457, 58). Serviteur plus de vous, Merancolie, Je ne seray, car trop fort y traveille ; Raison le veult, et ainsi me conseille Que le face, pour l'aise de ma vie. (CH. D'ORLÉANS, Rond. C., 1443-1460, 445). ...madicte dame de Nerbonne, qui estoit fort grosse, qui, pour son aise avoir, avecques sondit mary et jusques au nombre de huit souperent en une chambre basse dudit hostel ou logis de Jehan de Roye (ROYE, Chron. scand., II, 1460-1483, 68). Puis demourerent le roy Amydas et son filz le Regent en grans aises, en grans plaisirs et en grans delices, le royaume bien uny et en grant justice. Et, pour ce que aise ne se peult souffrir, il y eust quelque filz de bonne mere qui dist au Jouvencel, pensant mettre quelque grant brouilliz et quelque grant debat entre le roy Amydas et lui, et lui remonstra comment il estoit trompé (BUEIL, II, 1461-1466, 252).

 

-

"Bien-être d'ordre spirituel" : Et lez tourmens ly monsteras Qu'aront ceulx qui seront dampnez, Et lez grans aises dez sauvez (Mir. ste Genev. S., c.1410-1420, 89). Frere, il n'est main qui peust escripre, Cuer d'omme ne pourroit pensser, Oreille oïr, langue parler, Les grans aises ou ceulz seront Qui Dieu de bon cuer ameront Sur toutes choses sans faintise. (Mart. st Pierre st Paul R., c.1430-1440, 146).

 

-

Faire son aise. "Faire ce qui fait plaisir" : Monlt en eust le cuer esmeü Courecié, tristre et a malaise Qu'elle n'ose faire son aise De ce que Nature clamoit. (Renart contref. R.L., t.1, 1328-1342, 9).

 

-

Aise charnelle. "Plaisir charnel" : S'il se conjoinct a Venus, il signifie la loy des Sarrasins, qui est toute d'aise charnelle et de toute luxure. (Renart contref. R.L., t.1, 1328-1342, 233).

 

.

[P. personnif.] : Aise, Delit, tant com pouoient, Soufflés et charbon apportoient (LA BUIGNE, Rom. deduis B., 1359-1377, 259).

 

Rem. GD I, 196c cite le passage d'après LA CURNE et lit ayse de lit "plaisir de l'amour", d'où FEW 24, 144b

 

4.

Avoir aise de (faire qqc.). "Avoir l'occasion de faire qqc." : Ils se desduënt et solacent a grant joye, sans contredit a leur voulenté, si come jeunes gens seulent faire quant ilz en ont lieu et aise. Que vous yroie je contant ? Ilz orent la meilleur nuit que ja mais jeunes gens puissent avoir, et bien voulsissent que la nuit leur eust duré un an ; mais ce ne puet estre. (Chev. papegau H., c.1400-1500, 43).

 

5.

[Avec une idée nég.]

 

a)

"Relâchement, inactivité, mollesse (obstacles aux valeurs viriles et guerrières)" : ...tous les anciens escrips, Qui des bons ont esté escrips, Dient que les bons point n'estoient Delicatifs, ainçois hantoient Rudes viandes et durs lis, N'il ne leur chaloit des delis D'aise de corps, en nul endroit (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 33). ...est escript es fais des Rommains que, quant ceulz de Romme orent deliberé que Cartage seroit destruitte du tout, pour ce que trop estoit la condicion des Cartagiens rebelle, Scipio Basiqua, qui lors estoit consule, contresta tant comme il pot que elle ne fust destruitte, mais que on la laissast pour l'excercitement des Romains, affin que par aise ou par paresce ilz ne perdissent leur force et abilité, quant ne trouveroient à qui combatre. (CHR. PIZ., Faits meurs Ch. V, S., I, 1404, 195). Et quant il fut gary de ses playes, il ne peut plus endurer l'aise, sy s'en vint au bon homme et lui dist : "Beau pere, vous m'avez fait tant de biens que par vostre bonne ayde je me treuve en bonne santé..." (Percef. III, R., t.2, c.1450 [c.1340], 239).

 

b)

"Confort, luxe, plaisirs, vie facile (obstacles aux valeurs morales, religieuses)" : Comme il soit voir nature humaine, pour cause de sensualité, estre encline à pluseurs vices, tous tendens au delit et aise du corps, lesquelles choses ne procurent mie les proprietez de l'ame intellettive (CHR. PIZ., Faits meurs Ch. V, S., I, 1404, 22). Toutes les choses dessus dictes, ou les semblables, sont les mets que temptacion administre a toute creature vivant en aise et delices. (CHR. PIZ., Trois vertus W.H., c.1405, 14). Et croy, mais qu'il ne vous desplaise, Que l'onneur n'est ne ne tient compte De nul home qui quiere l'aise, Et fust cent fois roy, duc ou conte. (CHART., D. Her., p.1415, 424). O ! vous mondains qui naturelment desirez souverain bien, et qui tant vous penez à avoir aise, repos et parfaite felicité, certes en vain vous travailliez, dont vous ressemblez à l'omme yvre qui toute jour quiert et trace et retourner ne scet à son droit lieu, quant vous la querrez en cestui monde où elle n'est mie. (CHR. PIZ., P.V.H., 1416-1418, 43).

 

6.

Loc.

 

a)

Avoir/faire aise

 

-

Avoir aise de qqc. "Profiter de qqc." : ...[les Ecossais abattent leur bétail avant de lever le camp] afin que les Englois n'en euissent aise. (FROISS., Chron. D., p.1400, 150).

 

-

Faire aise à qqn. "Procurer ses aises à qqn" : Sa, mon seigneur, vezci nostre hoste Qui nous fera aise (Mir. marq. Gaudine, 1350, 154).

 

-

Faire son aise. "Satisfaire un besoin corporel (uriner)" : Le luiton, dist une autre moult vielle, quant j'estoie a marier, me suivoit de nuit ou que j'aloye et grant paour me faisoit. Une nostre voisine me dist : "Porte du pain avec toy, et quant volenté te prent de pissier, fay ton aise et toudis mengue de ton pain ; s'il te voit ce faire, jamais plus ne te suivera". (Ev. Quen., II, c.1466-1474, 142).

 

b)

Verbe + à son aise/à l'aise de qqn

 

-

Estre à son aise

 

.

"Être content, être dans une situation agréable" : Si n'i sont du tout a leur aise, Mais, quoyqu'ilz y ayent mesaise, Tant leur agree et plaist la place... (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 4). Quel besoing est, quant on est a son aise, De se bouter en soussy et meschief ! (CH. D'ORLÉANS, Rond. C., 1443-1460, 440). ...et se la contesse fu joieuse de la compaignie de son seigneur, il fault dire que sy fut le conte, cuidant avoir trouvé sy precieuse dame comme fille de roy et a la verité il la trouva tant entiere tendre, fresche etc. qu'il ne fu jamais mieulx a son aise ne plus joieux (Comte Artois, c.1453-1467, 133). Or dy, Jhesus, dy ; veulx tu rien ? Tu est [l. es] maintenant a ton aise ? Non es pas ? (Pass. Auv., 1477, 211).

 

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"Être libre" : ...s'il advient que aucun entreprenant soit surprins et mys en prison, il s'advise mainteffoiz de plusieurs choses, dont il ne s'adviseroit point, s'il estoit à son aise. (BUEIL, I, 1461-1466, 70).

 

-

Estre + part. passé + à son aise. "(Être + part. passé) de façon à être satisfait" : Ja ne quier estre departie De vous, dame (...) Tant que vous soiez relevée Tout a vostre aise. (Mir. nat. N.S.J.C., c.1343, 220). Dedens la ville [de Caen] estoient logiet li connestables de France, li contes de Tanqarville et plus de .CC. chevaliers, tout au large et à leur aise (FROISS., Chron. D., p.1400, 688).

 

-

Estre à/en aise. "Être heureux, satisfait" : ...se je savoie En quel point ma besongne va Du dyable qui m'atent la, Mon cuer seroit a plus grant aise. (Mir. enf. diable, c.1339, 37). Ainssi parloient tres bonnement De leur amour li vrai ament Et en si tres grant aise sont Que a painne sevent qu'il font (Dame Lycorne G., c.1349-1350, 370). Quant commanceray a voler, Et sur elles me sentiray, En si grant aise je seray Que j'ay doubte de m'essorer. (CH. D'ORLÉANS, Rond. C., 1443-1460, 331).

 

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(Estre) à/en mal aise : Se Dieu plaist, n'arez se bien non ; N'en soiez de rien a mal aise, Dame (Mir. abbeesse, 1340, 76). Et se ce ne fust la pensée et le souvenir que j'ai de vous, je fusse trop a mal aise (MACH., Voir, 1364, XXIX). Je vous voy assez a mal aise Du mal que vostre frére porte, Et ce forment vous desconforte Que nul ne li scet procurer Chose dont il le puist curer Ne qui sa maladie sanne. (Mir. emper. Romme, 1369, 298). Pour certain, a tort me blasmez, Car je ne suy plus en mal aise Que de vir mes corps diffamez Par vostre volenté mauvaise (MARTIN LE FRANC, Champion dames D., t.2, 195).

 

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[D'une chose] Estre à l'aise de qqn. "Être à la convenance de qqn" : Tout nostre affaire Reviendré en bien. Dieu de bon haire - ne fist onc rien Que ne fut sien Et a son ayse ; Pour ce je tien - que tout luy plaise. (Pass. Auv., 1477, 242).

 

-

(Faire qqc.) à (son) aise

 

.

"Avec plaisir, en appréciant ce qu'on fait" : Et lors appresta le roy son erre, et entra en mer a belle compaignie, et tant erra qu'il arriva la nuit de devant la sourveille Saint Jehan ou chastel de l'Espervier, et fist tendre un bel paveillon devant, et souppa tout a son aise, et puis se ala couchier, et dormy jusqu'au lendemain, souleil levant (ARRAS, c.1392-1393, 302). Qant messires Jehans de Hainnau eut dormi et reposé tout à son aise (...), il se leva et apparilla (FROISS., Chron. D., p.1400, 63). Quand ils eurent mengié et beu à lor aise (...) il se traissent sus les camps (FROISS., Chron. D., p.1400, 718). "...Et faudra qu'il soit nuyt, avant que nous approuchions d'eulx plus près de demye lieue, adfin que les fourragiers ne nous sentent venir." Ainsi repeurent le Jouvencel et ses gens tout à leur aise ; et, quant ilz eurent repeu, lors se mirent à chemin, ainsi qu'ilz avoient ordonné (BUEIL, I, 1461-1466, 106).

 

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"Sans avoir à se retenir" : Vroy est que a fine force retenoit dedens son povre estomac la grant bataille que il avoit de souspirs et de plains ; et encores cela luy sembloit nyent ad ce qu'il avoit entencion de faire quant il se trouveroit seulet en sa chambre, car la vouloit il faire a son aise ses plains et ses lamentations pour bien desembraser son povre cueur, lequel estoit tout enflammé. (BEAUVAU, Troyle B., c.1455, 616).

 

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"À son gré, à sa convenance, librement" : Damoiselle, ne vous desplaise, Se je vous resgarde a mon aise, Car pas ne vous hé si forment Com je vous regart laidement (MACH., J. R. Nav., 1349, 244). Dame, avant ! (...) Tristan, vueilles la soustenir, Et la laisse a son aise aler. (Mir. enf. ress., 1353, 39). [Le connétable de Castille permet aux blessés ennemis d']entrer ens es citez et bonnes villes de Castille pour y demourer à leur aise, tant comme ilz soient garis et raffresquis (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 115). Lors dist Jossellins : Or vous alez donques armer et vous mettez en tel estat que nul ne vous puist congnoistre, et nous vous actendrons au dehors de la ville, et si vous menrons en tel lieu ou vous vous pourrez bien vengier a vostre aise. Et il si fist, et retourna par devers eulx. (ARRAS, c.1392-1393, 57). ...et avoient li Flamenc fait un pont sus l'Escaut (...) pour aler et venir sus a leur aise et chariier sans peril (FROISS., Chron. D., p.1400, 417). [Les Anglais ont fait quatre cent prisonniers] et en recrurent courtoisement les auquns sus lors fois, qui depuis paiièrent [leur rançon] à lor aise, car en tels coses Englois ont esté moult courtois. (FROISS., Chron. D., p.1400, 768). Et, pour ce que vous estes demouré sur foy et sur equité, je vous asseure ; et allez veoir mes gens tout à vostre aise et vostre bon plaisir ; car tous ceulx que voyez là sont à moy, mes parens et serviteurs. (BUEIL, II, 1461-1466, 240). Josep n'y a point fait d'abus, Car le corps [de Jésus] il a demandé A Pilate, qu'a ordené Qu'il l'ensevelit a son aise (Pass. Auv., 1477, 268).

 

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"Facilement" : Mais ceulx qui la doleur n'aqueult Si en parlent bien a leur aise. (CHART., D. Rev., a.1424, 308). Ung pas est mauvais et estroit tousjours ; et n'en peult-on pas bien saillir à son aise, quant les ennemyz viennent charger dedans ce pas. (BUEIL, II, 1461-1466, 245).

 

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[D'une chose] : ...affin qu'elles [pièces d'or] puissent entrer a aise par l'enche ou goullete de ladicte anmolle [espèce de bain-marie] dessusdicte (CHIQUART, Cuis. S., 1420, 188).

 

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(Faire qqc.) à l'aise de qqn. "À la convenance de qqn" : [Des envoyés du roi de France, dans l'impossibilité d'accéder à la ville de Calais viennent demander la bataille au roi d'Angleterre qui refuse de donner cet avantage à son adversaire] ...ne sui pas consilliés dou tout faire a sa devise ne a se aise (FROISS., Chron. D., p.1400, 831). LUCIFER. Je veul doncques sans espargnier Le gecter en la grant fornaise, Et le tourmentez a vostre aise. (Myst. st Adr. P., c.1450-1485, 63).

 

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(Faire qqc.) à l'aise de son corps. "En garantissant le bien-être, la sécurité de son corps" : Mais pour ce n'est ce mie que je veuille que vous venés vers moi, se n'est a l'aise et santé de vostre corps ; ainçois vous pri, sur l'amour que vous avez en mi, que vous ne vous metés en chemin de venir jusques a tant que li chemins soit plus seurs, et aussi que vous soiés en milleur santé (MACH., Voir, 1364, V). ...vous prie je que vous ne vous mettés point en chemin de venir se ce n'est a l'aise de vostre corps, car les chemins ne sont pas bien segur, et je n'aroie jamais bien ne joie se vous vous metiés en chemin et vous aviés mal (MACH., Voir, 1364, 11).

 

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Chevaucher à l'aise de son cheval. "Chevaucher en respectant le rythme du cheval" : ...nous chevaulchions bellement, à l'aise des chevaux (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 5).

 

-

(Faire qqc.) à bel aise. "Librement" : Et s'il fait chose quil ne plaise, Parlons a luy tout a bel aise, Ainsi qu'on doit et a la lettre (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 389).

 

-

Se mettre à son aise. "S'installer commodément" : "Il me couvient mectre a mon aise". Lors se veint seoir sur une moute. (CHART., D. Her., p.1415, 432).

 

7.

Prov.

 

-

Aise fait le larron. "Le fait d'avoir été gâté matériellement peut faire de vous un larron, quand l'argent vient à manquer" : Enfant mal enseignié Et trop nourry a l'aise Despent ce qu'est gaignié Par conduite mauvaise. Quant povreté le baise, Adieu le compaignon ; Souffrir ne puet mesaise : Aise fait le larron. (Prov. rimes F.M., c.1485-1490, 60).

 

-

Aise fait l'homme estre festart : S'elle [la nature humaine] treuve qui la dodine, Elle chome du jour la plus part. Ayse fait l'homme estre festart. (GAGUIN, Passe temps oisiv. T., 1489, 371).

 

-

Il n'est si fort qu'aise ne gagne. "Il est très difficile de résister au confort, au bien-être" : Hanibal, se bien m'en souvient, Congneut jadis dont tel mal sourt Quant a Capuë, comme lourt, Print ses plaisirs oultre l'enseigne. Il n'est si fort qu'aise ne gaigne. (GAGUIN, Passe temps oisiv. T., 1489, 372).

 

-

Il n'est tresor que de vivre à l'aise : Boire ypocras a jour et a nuytee, Rire, jouer, mignonner et baisier, Et nud a nud pour mieulx des corps s'aisier, Les vy tous deux par ung trou de mortaise. Lors je congneuz que, pour dueil appaisier, Il n'est tresor que de vivre a son aise. (VILLON, Test. R.H., 1461-1462, 117).

B. -

P. méton. gén. au plur.

 

1.

"Les agréments de la vie en général, bien-être" : ...et de ce faire est l'en paresceux et negligent, et l'en n'est mie paresceux de querir son plaisir et ses aises. (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 29). O tresredoutable et perilleuse acoustumance de voluptez et d'aises (CHART., Q. inv., 1422, 14). Puis demourerent le roy Amydas et son filz le Regent en grans aises, en grans plaisirs et en grans delices, le royaume bien uny et en grant justice. (BUEIL, II, 1461-1466, 252). Il avoit jà accoustumé ses aises et ses plaisirs douze ou treize ans plus que prince qui ayt vescu de son temps, car nulle autre chose il n'avoit en pensée que aux dames, et trop plus que de raison, et aux chasses et à bien traicter sa personne. (COMM., I, 1489-1491, 202). Aussi le roy avoit bonne congnoissance de la personne du roy d'Angleterre, lequel aymoit fort ses plaisirs et ses aises. (COMM., II, 1489-1491, 48).

 

-

"Avantages matériels" : ...mes mains, qui ont porté le faiz dont les autres recueillent les aises en habondance (CHART., Q. inv., 1422, 21).

 

2.

"Éléments de confort qui procurent le bien-être" : Seigneurs, en loing pais [l. païs] vous main : Toutes noz aises pas n'arons (Mir. roy Thierry, c.1374, 328). Il nous fault le jone Edouwart couronner et faire roi, et mettre dalés li honmes de sens et de vaillance, par quoi il soit espers et resvilliés, car nous n'avons que faire d'un roi endormit ne pesant, qui trop demande ses aises et ses deduis. (FROISS., Chron. D., p.1400, 94). ...il se traist a ostel et se ordonna la a demorer dou disner et dou souper, pour lui rafresqir et ses gens, et faire refierer ses cevaus, et pour partir a l'endemain. On li sousfri a prendre toutes ses aises. (FROISS., Chron. D., p.1400, 755). ...telz en y a qui tant aiment les aises de leurs maisons (CHART., Q. inv., 1422, 57). Et poulx et pusses et punaises Perdre me font toutes mes aises. (RÉGN., F.A., 1432-c.1465, 150).

 

-

Les aises du corps. "Les plaisirs des sens" : Mais ilz estoient là mys et ordonnés pour apprendre le mestier de la guerre et pour eulx endurcir au travail ; car on ne puet mieulx apprendre le stille d'aucun mestier que de le frequenter souvent et fuyr les aises du corps, comme trop boire, trop mengier et trop dormir, et plusieurs autres delices charneulx, qui obfusquent et empeschent tout entendement de prouffiter à apprendre et retenir ce à quoy on est adonné, soit en operation pratique ou en science speculative. (BUEIL, I, 1461-1466, 26).

 

3.

"Opulence"

 

-

Estre en (grand) aise. "Être dans l'opulence" : Mes chieres seurs, or regardez la grant griefté et misere ou nostre pere a mis nous et nostre mere, qui eussiemes esté en si grant aise et en si grant honnour. (ARRAS, c.1392-1393, 11).

 

-

Estre à ses aises. "Être dans l'opulence" : Et, quant le Jouvencel eut fait son butin et ses hommes et ses chevaulx bien reposez, le sejour lui ennuya et dist à lui-meismes et puis à ses compaignons : "Pourtant se Dieu nous a donné de bonnes et grandes fortunes et que nous soyons bien à nos aises et que nous ayons gaigné de l'argent, si n'est-ce pas pourtant pour nous reposer..." (BUEIL, I, 1461-1466, 149).

C. -

["Ustensile de cuisine : chaudière, chaudron ?"] : ...et, selon la quantité dudit boullon, si prennés l'ayse - c'est assavoir, chaudiere belle et necte, ou olle - pour le boullir et, selon la quantité du boullon, si mectés du succre bullir dedans (CHIQUART, Cuis. S., 1420, 137). Et prennés ladicte char des espalles et cuisses et aschés tresbien menuz et, estre bien aschez, si la mectés en cornue ou aise belle et necte (CHIQUART, Cuis. S., 1420, 186).

 

Rem. V. aisement. Cf. FEW XXIV, 145b, et Gloss. patois Suisse rom. I, 230b (ex. de 1372-1473).

II. -

Adj.

A. -

"Tranquille, en repos" : Jamais jour tu ne seras aise : Les plaintes vers toy en venrront (DESCH., M.M., c.1385-1403, 70). Mais, avant qu'il fust mynuyt, les chevaulx commencèrent les premiers, et puis les gens ; et se tint-l'on bien aise. (COMM., III, 1495-1498, 170).

 

-

Paix et aise. "Tout à fait tranquille" : Si leur servent d'un autre office, car aucunes foiz quant on fait la lessive a l'ostel, et la maistresse qui en sera bien enbesoignee cuidera que sa chamberiere soit a la riviere pour laver sa lexive, elle est aux estuves paix et aise (CHR. PIZ., Trois vertus W.H., c.1405, 210). Et a ce malostru changon, Moutonnier, qui le tient en procés, Laisse troys coups d'un escourgon Et coucher paix et aise es ceps. (VILLON, Lais T., c.1456-1457, 19).

B. -

"Content, satisfait" : Mieulx vault estre en tort cras et aise Qu'en droit chétif et à malaise. (JACQUES BRUYANT, Voie pauvreté richesse P., 1342, 7). N'il ne doubtassent nul preudomme, Prince, roy, ne pape de Romme, D'estre bien aise, a pance pleinne, VIII. jours ou IX. en la semainne. (MACH., D. Lyon, 1342, 203). Alez, doulce amie, alez la ; Soiez tout aise. (Mir. st J. Cris., c.1344, 286). Nous y serons privéement Et a vostre conmandement Aise en touz cas. (Mir. st Guill., c.1347, 10). S'il ont merci, il sont moult aise (MACH., D. Aler., a.1349, 338). Treschiére dame, or soiez aise Et s'obliez vostre doleur (Mir. marq. Gaudine, 1350, 169). E ! mes amis, je suis bien aise, Voire, et bien liez quant je vous voy. (Mir. Clov., c.1381, 214). En la compaignie desquelz [jacobins] il qui parle fu environ IIJ jours, beut et menga avecques eulx, et fu bien aise. (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 5). ...madame Antoine de Turene (...) ne vivoit pas aise loings de la presence de son seigneur (Bouciquaut L., 1406-1409, 205). Quant en France paix aviez, Clergié, moult aysë estiez, Car parmy ses beaulx monstiers Vous alliez, Et disiez Voz psaultiers, Sagement vous conteniez. (RÉGN., F.A., 1432-c.1465, 73). Quand maistre cordelier (...) entendit la venue de sa dame, pensez qu'il fut joyeux et bien aise (C.N.N., c.1456-1467, 261). L'on peut penser quelle discension il y avoit entre les nobles et comme le commun estoit aise et bien traictié de telz seigneurs. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 149 r°).

 

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Prov.

 

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Mieux vaut estre en tort gras et aise Qu'en droit chetif et à malaise : Mieulx vault estre en tort cras et aise Qu'en droit chétif et à malaise. (JACQUES BRUYANT, Voie pauvreté richesse P., 1342, 7).

 

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Ventre saoul n'est aise s'il ne dort : Gloutonnie laisse toute haulteur Et seulement a soy paistre s'amort, Et ventre saoul n'est ayse s'il ne dort, Car d'autre bien ne songe, pense ou traitte (CHART., B. Nobles, c.1424, 407).

 

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Il n'est vie sinon d'estre aise : Il n'est vie se non d'estre aise. (MIÉLOT, Prov. U., 1456, 195).

C. -

"Vivant dans le confort et le luxe" : Plus ara esté tendre et aise, Plus sera pourrie et punaise (DESCH., M.M., c.1385-1403, 193). Et quelz comptes voulez vous que je oye doncques, quant vous et moy nous sommes tout aise, et que mes forteresces sont bien retenues, et toutes mes besoingnes en bon point, et que vous me baillez de l'argent quant j'en demande, et en donnez ou je vous command, et me faictes finance de ce que je vueil avoir ? (ARRAS, c.1392-1393, 295). Quant ces seigneurs la aise et gras Sont plains de vins et d'ypocras, De qui est ce qu'adont leurs comptes Ne tenissent ? (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 63). De ceulx viennent (...) les plaintes qui sont plus fourniz et plus aises que nous ne sommes (CHART., Q. inv., 1422, 29).

D. -

Loc.

 

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Estre bien aise de qqc. "Être heureux de qqc." : ...les Mareschaulx (...) manderent querir le cappitaine de Crathor et lui dirent qu'il fit venir le Jouvencel et les cappitaines et gens de bien de la frontière, qui estoient à la ville, et que le conte de Parvanchières voulloit parler à eulx. Et aucunement en toucherent audit cappitaine de Crathor touchant celle charge qu'il vouloit bailler au Jouvencel ; et lui donna charge de lui en parler, dont le cappitaine fut bien aise ; car il le aymoit comme son enfant. Et fit la charge bien et voulentiers. (BUEIL, II, 1461-1466, 4).

 

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Estre bien aise de + inf. : : ...il n'avoit point d'ayde du Mareschal ne de Gervaise, pour ce que leurs gens s'estoient mys au pillaige et estoient bien aises de gaignier et de prendre partout ça et là sans debat et sans coup ferir. (BUEIL, I, 1461-1466, 109).

 

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Estre bien aise (dans un lieu). "Être bien installé" : Et pour ce, s'ilz sont bien aise là où ilz sont, si se y tiennent. Et, au regart de nous, nous sommes bien logez et bien forniz de tout quanqu'il nous fault. (BUEIL, I, 1461-1466, 211).

 

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Tenir/faire qqn aise

 

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"Assurer le bien-être de qqn, traiter généreusement qqn" : Et pour ce suiz je venuz par devers vous pour vous prier qu'il vous plaise a faire a monseigneur et a moy tant d'onneur qu'il vous plaise a venir logier en vostre forteresse, et admener tant de gens qu'il vous plaira, car, monseigneur, par ma foy, il y a assez de quoy vous tenir bien aise, Dieu mercy ; et sachiez que moy et ma mesnie vous recevront tres voulentiers et liement, comme nous le devons faire au filz de nostre droit seigneur naturel. (ARRAS, c.1392-1393, 208). Dames, faites lui tantost mettre La table et le tenez tout aise, Car il n'est rien qui tant me plaise Qu'oÿr de mon frere nouvelles. (Gris., 1395, 77). Et le roy hongrois appellat Beatris sa fille et luy dist qu'elle menast Ythiers en sa chambre et le fesist bien aise. (JEAN D'OUTREM., Myr. histors G., a.1400, 4). ...le duch...lor fist tres bonne chiere et les tint I jour tout aise dalés li (FROISS., Chron. D., p.1400, 264). ...[la reine d'Angleterre, après avoir obtenu la grâce des six bourgeois de Calais] les fist revestir et donner a diner et tenir tout aise (FROISS., Chron. D., p.1400, 849). Vous ne dictes riens, ma dame, ne vous autres soctes, de la bonne chiere de damp Abbés et comment il nous a festoïes et tenues aises de bons vins (LA SALE, J.S., 1456, 251). Le séneschal, le lendemain, fut festoyé de messire Adolf de Clèves, et grandement tenu ayse (CHASTELL., Chron. K., t.4, c.1456-1471, 356). Mais tant y avoit que Jehan de Paris tenoit le roy le plus aize que oncques en son vivant eut esté. (Jehan de Paris W., 1494-1495, 38).

 

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"S'employer à satisfaire qqn" : Sy chevaucha tout ce jour sans trouver aventure, fors tant qu'a heure de nonne il menga chiés ung ancien chevalier qu'il trouva dormant sus le rieu de une fontaine, qui le tint bien aise et lui enseigna son chemin au mieulx qu'il peut. (Percef. III, R., t.2, c.1450 [c.1340], 21).

 

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Se tenir aise. "Prendre soin de soi, de son confort" : Adieu, dame, sanz plus de plait. Pensez de vous tenir toute ayse ; Je revenray (...) Avant que relevez, ce croy. (Mir. enf. ress., 1353, 27).

III. -

Empl. adv.

A. -

Aise

 

1.

"Facilement" : Car desormais commence peinne, Mais c'est peinne qui joie mainne, Pour moy deduire et deporter. Se la porray aise porter. (MACH., D. Aler., a.1349, 275). Si nous seïsmes, ce me semble, Pour plus aise parler ensemble (MACH., Voir, 1364, 437). Car il n'estoit mie a ses fres, S'en porte plus aise le fes. (FROISS., Pris. am. F., 1372-1373, 83). Et la fist on tout honme seoir sus escamiaus pour casqun veoir le roi plus aise, liquels estoit assis en pontificalité, en draps roiiaus, et la couronne en chief, tenant un septre roial en sa main. (FROISS., Chron. D., p.1400, 231). ...li rois Phelippes (...) [arrivé à Lyon] vint tout contreval la riviere dou Rosne en une nef en Avignon, pour ceminer plus aise (FROISS., Chron. D., p.1400, 241). Si encontra ung ost de leur gens qui retournoient et lui dirent que les Persans tiroient si druement les sagettes qu'ilz tolloient la veue du soleil. Cellui bon capitaine qui vit bien qu'ilz avoient paour respondit hardiement vous me dites nouvelles car nous nous combaterons plus aise en l'ombre. (CHR. PIZ., Corps policie L., 1406-1407, 132). MARCUS ANTHONÏUS [un des soldats qui gardent le corps du Christ]. Je ne sçay, du fait des debaz, Qui aroit la part plus mauvaise, Mais ilz [ceux qui viendraient voler le corps] ne l'aront pas bien aise Qu'il n'y ait ung bel espouris. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 369).

 

-

Prov.

 

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Celui-là nage bien à qui on tient le menton : Et chuis noe bien aise, on le m'a dit pièce a, Cui on tient le menton (Baud. Sebourc B., t.2, c.1350, 352).

 

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Bien aise plaidoye qui parle sans partie : J'ay entrepris a l'ayde de Dieu prouver et demonstrer, comme advocat et ploidoyeur contre erreurs et vices, et comme estant en la chayere de verité crestienne, que Ceulz yci sont bieneureux Qui les cuers ont doloreux. Mais tantost par aventure on me dira le proverbe commun : "Bien aise plaidoye qui parle sans partie !", car il semble que nulz ne parle ou doye parler contre moy. (GERS., Déf., 1400, 221).

 

2.

"Confortablement, agréablement" : ...bien serez hebergiez. Entrez ens et aise couchiez Et sans riote. (Mir. marq. Gaudine, 1350, 154). Mais que nous arons beu, je vueil, Godeffroy, que couchier le maines, Et que de li couvrir te paines, Si qu'il dorme aise. (Mir. fille roy Hongrie, c.1371, 51). ...car il sejournerent mout ayse et en une bonne chité qui siet en trop bon pays et trop gras (FROISS., Chron. [Amiens], D., t.1, c.1375-1400, 53). Il ne me chault ne de chien ne d'oyseau ; Quant tout est fait, il fault passer sa vie Le plus aise qu'on peut, en chiere lie. (CH. D'ORLÉANS, Rond. C., 1443-1460, 490).

 

3.

"Avec sérénité" : Par foy, dist le roy, j'en loue Jhesucrist quant il lui plaist que j'aye tant d'onneur devant ma mort que de faire chevalier si hault et si vaillant prince. Sachiez que j'en mourray plus aise. (ARRAS, c.1392-1393, 116). [Le roi d'Ecosse Robert Bruce n'a jamais pu accomplir son voeu d'aller en croisade à Jérusalem. À l'article de la mort, il demande à l'un de ses chevaliers d'y porter son coeur :] (...) qant vous le m'averés acordé, j'en morrai plus aise. (FROISS., Chron. D., p.1400, 165). Nous avons veu aucuns philosophes et congneu que, affin que mieulx et plus aise peussent enclorre par dedens eulx leurs cogitacions espirituelles, qu'ilz se tyroient et esracheoient les yeulx de leurs testes. (COLART MANS., Dial. créat. R., 1482, 105).

B. -

À aise

 

-

"Confortablement" : Et la Dame aux Cheveux Blons s'en entra en sa chambre, et deux de ses pucelles aussi, qui l'ont couchee aux mieulx qu'elles purent et au plus aise. (Chev. papegau H., c.1400-1500, 42).

 

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"Facilement" : Or me couvient ce roy nomer, Qui est venus d'outre la mer, Car raisons est que je vous nomme Le nom de si vaillant preudomme ; Et pour ce le vous nommeray, Qu'assez plus à aise en rimeray. [Une lecture plus aise rendrait le vers octosyllabique] (MACH., P. Alex., p.1369, 43). Vuidiez, faites voie et espace Si que ma dame a aise passe. (Mir. emper. Romme, 1369, 245). Aussi doit il avoir un maillet pour fichier les chevilles ou les roiz s'astaichent, aussi un petit tour pour tirier les cordes, quar un homme les tirera mieulx a aise que ne feroient sis sanz tour. (GAST. PHÉBUS, Livre chasse T., 1387-1389, 254).

 

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[D'un aliment] Cuire/bouillir à aise. "Cuire/bouillir facilement, sans déborder" : ...et puis le mectés boullir en chaudiere ou en olles belles et nectes en quoy ilz puissent a aise boullir, et sy y mectés du sucre grant quantité selon le boullon que vous haurés. (CHIQUART, Cuis. S., 1420, 143). ...et puis les mectés cuire bien et adroit en oulle ou chaudiere en quoy elles puissent cuire a ayse, et sy mectés du sel. (CHIQUART, Cuis. S., 1420, 183).
 

DMF 2020 - Synthèse Pierre Cromer

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