C.N.R.S.
 
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     AIDER     
FEW XXIV adjutare
AIDER, verbe
[T-L : aidier/aidant ; GD : aidier1/aidant1/aidant2 ; GDC : aider ; AND : aider ; DÉCT : aidier ; FEW XXIV, 161,162a : adjutare ; TLF : II, 262b : aider]

I. -

Empl. trans.

 

Rem. Les empl. trans. dir. et trans. indir. sont réunis parce qu'ils sont difficiles à séparer lorsque le complément est un pronom.

A. -

[D'une pers., d'un être céleste]

 

1.

Aider (à) qqn

 

a)

"Secourir qqn dans une situation matérielle ou morale difficile" : J'ay fïance en la vierge pure Qu'elle touzjours m'aidera. (Mir. enf. ress., 1353, 78). Aidiez m', aidiez ! Marie ! il poise Dessus mon col. (Mir. st Lor., 1380, 157). Lors vindrent deux hommes vestus de gros burel, qui dirent : Nous sommes cy envoiez pour vous aidier. (ARRAS, c.1392-1393, 33). Et oultre plus, vous enconvenancerez pareillement que jamais ne porterez ne ferez dommage, ne ne le souffrerez a faire a vostre povoir dommage nul a ma damoiselle qui cy est, et l'aiderez et conforterez, lui, son pays et tous ses hommes (ARRAS, c.1392-1393, 168). ...Dieu n'aide point par effect a ceulx qui se nuysent par leur deffaulte. (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 102). Se je me meurs, ilz s'en yront, S'il leur plaist, mes amys prier Et mon testament leur diront Affin qu'ilz me vueillent ayder. (RÉGN., F.A., 1432-c.1465, 132). Las, maistre, si tu as puissance, Je te prie par ta clemence, Ayde nous comme a tes dissiples ! (Pass. Auv., 1477, 162). S. NICOLAS [à Dieu]. (...) Le povre juif a eu fiance En moy et parfaicte creance, Et Sathan, pour me faire injure, A rendu le crestien parjure. Te plaise d'y remedier Et tellement le juif ayder Qu'il ait le royaulme des cieulx ! (Mir. st Nic. juif, c.1480-1500, 135).

 

Rem. Dans l'ex. suiv., il convient sans doute de lire aÿt à la place de amyt que l'éd. interprète comme un subj. prés. d'un verbe amoier "aider". Correction proposée par G. Roques, Z. rom. Philol. 99, 1983, 520 : : La chance ne sera pas telle, Si je puis avoir dix VIIJ [au jeu de dés]. Haro, le grant diable m'amyt ! Je non ay que quines et deux. (Pass. Auv., 1477, 202).

 

-

Empl. abs. : Prïez Dieu qu'il vueille aidier, Et vous doint pacïence (Mir. enf. ress., 1353, 66).

 

b)

"Soutenir qqn dans une entreprise, un dessein" : ...il qui parle, pour l'amitié qu'il avoit à lui, qui est son compere, ami et voisin, et qui demeure au devant de lui, print en sa main le baton dont il faisoit son lit, en entencion de aidier à sondit compere, s'il avoit aucun besoing (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 410). Or est il temps de vous vengier ; il est tous desarmez, sans coustel et sans espee ; il ne vous puet eschapper ; et aussi, se nous veons qu'il vous soit besoing, nous vous aiderons tuit. (ARRAS, c.1392-1393, 58). Ne ne creez conseil de homme exillié, ne fuitif de son pays, ou il puist touchier au desir de nuire ceulx qui l'ont exillié, s'il n'a bonne raison, et vous bonne cause de lui aidier, car ce vous pourroit moult empeschier de venir au degré d'onneur. (ARRAS, c.1392-1393, 86). Ma musette accorder feray, Et avecques toy y diray, S'aidier me vuelt ceste tousette, Une amoureuse chançonnette. (Gris., 1395, 100). Et du premier je pris ma voye Pour m'en venir tout droit Aucerre Mes parens prier et requerre Qu'il leur plaisë a moy aider, Affin que je peusse vuider Mes ostages hors du tourage (RÉGN., F.A., 1432-c.1465, 157). Il nous fault [l. Il fault] aler querir le corps. Ayde moy et le mectrons hors De celle pugnaise prison. (Pass. Auv., 1477, 102).

 

c)

"Soutenir, secourir militairement" : ...et pour ce coururent il a gens et a armez pour contenir et pour empeechier le consul C. Marcius que il n'alast aidier aus autres [en] Etrurie (BERS., I, 9, c.1354-1359, 38.7, 70). L'avenement de Marcius, qui aprés ce que il ot souzmis et souzjugié les Herniciens c'estoit hastez de venir aidier a son compaignon, toli aus ennemis le delay de combatre (BERS., I, 9, c.1354-1359, 43.10, 80). ...et puis [le roi d'Aussay] repaira vers ses barons et leur a dit tout son affaire, et comment il lui falloit aler secourre son frere, et comment le duc Anthoine et Regnault, son frere, l'yront aidier a toute leur puissance. (ARRAS, c.1392-1393, 173). Or alez, dist Gieffroy, mais, qui qu'ilz soient, je aideray a la plus feble partie, voire se ce ne sont mes freres. (ARRAS, c.1392-1393, 217). ...on disoit que à Saint Marcel et près de Paris estoient venuz et venoient gens d'armes pour favorisier et aidier au conte d'Armaignac, qui estoit prisonnier (FAUQ., I, 1417-1420, 135). Bien savoit venir l'armee du Roy (...) mais il se sentoit puissant dedans Cap et ne cuidoit point que le Roy le peust ne osast assiéger ; et non eust-il, s'il eust eu ses gens ensemble, lesquieulx il avoit miz espars en plusieurs lieux si loing de lui qu'ilz ne le povoient aider ne secourrir. (BUEIL, II, 1461-1466, 147). ...cestui Marachus ayma mieulx aider aux Grecz, qui estoient petit nombre, que estre du costé Xerxes, et le dist franchement à Xerxes que si grant ost estoit perilleux à conduire (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 46 v°).

 

d)

"Soutenir qqn financièrement" : ...le roy espere que les gens d'esglise luy aideront par aultre moyen (...) Et pour abreger, il fault que ilz aident [financièrement] (JUV. URS., Nescio, 1445, 504). Maintenant ne vous ayde pas, Et croyez que je suis celuy Qui plus vous feroit de service En ce que vous seroit propice, Pourveu que j'eusse vostre amour. (P. Jouh. D.R., a.1488, 28).

 

e)

"Apporter une aide médicale à qqn" : De l'artation et indisposition qui est en la femme, par quoy elles ne sont convenables a amplexemens viriles, il fault tenir, jassoit que ce viengne de nature, se on leur puet aidier et subvenir par benefice de medecine, il n'empesche pas le mariage. (Sacr. mar., c.1477-1481, 76).

 

f)

"Conseiller qqn" : Je sui li confors des amans Qui font les amoureus commans ; Je les aide ; je les conseil (MACH., R. Fort., c.1341, 78).

 

g)

Aider les morts/une ame. "Contribuer à la délivrance des âmes du Purgatoire" : Et veez comment n'est personne de quelconque estat, qui se puisse excuser d'aydier les mors (GERS., Déf., 1400, 229). Quelle oeuvre est meilleur pour aydyer une ame ? Response : Le sacrement de la messe ne puet fallir (GERS., Déf., 1400, 238).

 

h)

Prov.

 

-

Aide toi et Dieu t'aidera/Aide toi, on t'aidera : Si se faut aidier chascun de sa part et par grace, selonc le proverbe commun disant : aide toy et Dieu t'aidera. (MÉZIÈRES, Test. G., 1392, 300). Aidez uous, Dieu uos aidera ; Cilz qui l'aide, ayde ra. (GERS., L'École de la conscience, c.1396. In : Oeuvres compl., éd. P. Glorieux, t.7, 1967, 8). Il le te convient rabaissier. C'est le remede. Ayde toy ; on t'aydera. Qui fuit, il treuve qui le chasse. Cy ne fault fuyr, non, il se fault arrester pour donner arrest à son anemy (LEFÈVRE (R.), Hist. Troyes A., c.1464, 160). ...car qui se aide, il est aidié de Dieu. (COLART MANS., Dial. créat. R., 1482, 175). Se tu es seul pour ta requeste, Parsonne ne t'en gettera, Mais pour faire bonne conqueste, Ayde toy et Dieu t'aydera. (Prov. rimes F.M., c.1485-1490, 60).

 

-

Amis doivent l'un l'autre à leur besoin aider. V. ami

 

-

Fortune aide aux hardis. V. fortune

 

-

A qui Dieu veut aider, il ne peut rien arriver de mal : Seigneurs, on dit souvent et ce peut on prouver Que ja n'est desconfis qui Dieu vouldra aider. (Flor. Octav. L., t.2, c.1400, 423). Quant le roy veyt son cheval enfrené, il sailly sus et se mist a sievir ung des chevaliers qui s'en fuyoit, sy l'eut en pou d'heure actaint et la teste trenchee. Adont retourna et dist a Passevent : "Nostre dormir nous deust avoir cousté. -Sire, dist il, la vespree le devoit, et nonobstant ne puet mescheoir a qui Dieu veult aidier..." (Percef. II, R., t.1, c.1450 [c.1340], 262). Cieux quë il [Dieu] voet aidier n'a pas son tans perdu, Il est en sauve garde. (Jourd. Blaye alex. M., a.1455, 339).

 

-

En vain travaille celui que les dieux ne veulent aider. "En vain se donne du mal celui pour qui les dieux ne veulent rien faire" : Et quant Anthenor veyt ce, il fut trop courroucié et dist que les dieux le heoient quant ne vouloient souffrir qu'il trouvast le roy. Lors se tourna pardevers son escuier et dist : "Alons nostre voye. En vain travaille qui les dieux ne voeuillent aidier !" (Percef. II, R., t.1, c.1450 [c.1340], 114).

 

-

On doit aider ses amis. V. ami

 

2.

Aider (à) qqn + compl. second

 

a)

Aider (à) qqn à/en qqc. [Le compl. second indique le domaine d'intervention] : Diex vous a si bien aidiet jusques à ores en toutes vos besongnes et donné si grant grasce que vous estes li plus doubtés et honnourés princes des Chrestiens (FROISS., Chron. L., II, c.1375-1400, 133). ...il refusoit envis le confort et l'aide des Flamens qui plus le pooient aidier à sa besongne (FROISS., Chron. D., p.1400, 341). ...se en aucunes choses trouvez difficillez, raportez moy les doubtes, adfin que je vous aide en ce que aurez affaire (JUV. URS., Aud. illos, 1432, 27). Mes seigneurs, bien m'y pouvés ayder, Si vous plaisoit de commander Au diable que le laissast de tout. (Pass. Auv., 1477, 159). SATHAN. (...) Venez, dyables, m'aÿder A mon entreprinse Pour remedier. (Mir. st Nic. juif, c.1480-1500, 107). Maximien, roy de Bretaigne [la Petite Bretaigne], homme très speculatif en la science des estoilles, et faisoit lui mesmes plusieurs singuliers jugemens. Cestui regna XXIII ans paciffiquement et dist bien aux Anglois, comme chacun leur courroit sus et comme les Romains ne leur aideroient point en leurs afferes après sa mort, ce qui advint. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 93 v°). Et encores qu'il y peult bien avoir d'aultres faultes, si croy-je que Dieu les en aide et pour la reverance qu'ilz portent au service de l'Eglise. (COMM., III, 1495-1498, 110).

 

b)

Aider (à) qqn de/en qqn/qqc.

 

-

[Le compl. second indique le moyen par lequel se fait l'aide] : Si s'en vindrent aus consulz et leur distrent que ceulz de leurs citez avoient, grant piece avoit, desiré la venue des Samniciens et que, quant l'en s'estoit combatu a Lentules (...) il avoient aidié les Sanniciens en armes et en gens (BERS., I, 9, c.1354-1359, 25.5, 46). S'il te meschiet, ne te saroient De riens aidier, qu'il ne porroient. (MACH., C. ami, 1357, 118). Ha ! diex d'amours, vien tost le cours Et m'aïde de tes secours (MACH., Les lays, 1377, 310). ...je vous aiderai de gens et de finance (FROISS., Chron. D., p.1400, 490). ...et tantost ne pourra ce petit de peuple qui est demouré plus vous [le roi] aider d'argent (JUV. URS., Loquar, 1440, 429). Ad ce Tullès respond et dist: signiffiez voz affaires a voz hommes amiablement, et se ilz ne vous aident des subsides de leurs bourses, sy vous aideront ilz de gabelles et de imposecions sur les entrees et yssues des marchandises (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 16). ...il escripra a son pere et a sa mere qui lui aideront de chevaulz et a le mectre en point. (LA SALE, J.S., 1456, 66). MATHATIEL [au juif]. Soyés seur que sainct Nicolas Vous aydera de ses miracles Et en verrés si beaux sinacles Que jamais n'en verrés denier. (Mir. st Nic. juif, c.1480-1500, 106).

 

-

[Le compl. d'obj. second indique ce dont on veut préserver, guérir qqn] "Préserver, guérir de qqc." : Quant il m'ara servy de bon ceur et entier, Se le prens en meffait du vaillant d'un denier, Brefment le feray pendre en lieu de son loyer ; Je ne sçay home au monde qui l'en puïst aider. (Tristan Nant. S., c.1350, 139). ...[le pays sera pillé et] ne les en poront aidier li Englois. (FROISS., Chron. D., p.1400, 267). Et promist, adont, et jura au duc de Bourgoingne, se Dieu le vouloit aidier de celle malladie, qu'il le ayderoit, de son corps et de ses subgetz, à prendre pugnicion des trayttres (LEFÈVRE ST-RÉMY, Chron. M., t.1, c.1462-1468, 306).

 

c)

Aider qqn envers qqn. "Intercéder pour qqn auprès de qqn" : Dame, se dist le roy, je vous pry et requier Qu'envers ceste pucelle me veullés aïder, Par quoy la puisse avoir a dame et a mouller (Tristan Nant. S., c.1350, 139). Saches qu'envers tous t'aidera, Confortera et portera. (MACH., C. ami, 1357, 24). ...leurs prieres t'aideront Envers le Dieu qui a droit juge. (MACH., C. ami, 1357, 65). ...vous (...) me deussiez grandement aidier envers le roy (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 33).

 

d)

Aider (à) qqn contre/encontre qqn. "Aider qqn à se défendre contre qqn" : S'einsi le fais, il [Dieu] t'aidera Encontre tous et gardera (MACH., C. ami, 1357, 60). ...a chiere lie Doit chascuns tousdis son ami Aidier contre son anemi (MACH., Voir, 1364, 7268). Et ot le roy d'Ausaiz mandé le roy Regnault de Bahaigne, son nepveu, car il avoit sa niepce espousee, et si avoit mandé le duc Anthoine de Lussembourc, qu'ilz lui venissent aidier contre ses ennemis. (ARRAS, c.1392-1393, 280).

 

3.

Aider (à) qqn (à) + inf. : Vous deux m'aiderez a jugier. (Mir. enf. ress., 1353, 42). Car quant a ceuls qui peuent estre adreciéz et reduiz a vertu, l'en leur doit plus aidier a recouvrer bonnes meurs que a recouvrer leur substance ou leurs biens, de tant comme vertu est plus propre a amistié que ne sont pecunes. (ORESME, E.A., c.1370, 463). Pour moy aidier et consillier A faire dis et chansonnettes (MACH., Prol., c.1377, 6). Vostre chastellain (...) me fait dire (...) Que se brief, sanz vous deporter, Ne li aidez a li deffendre, Vostre chastel li convient rendre (Mir. fille roy, c.1379, 65). ...ung autre Bréviaire noté, en ung volume bien escript, ouquel on ayde à dire les heures au Roy (Invent. mobilier Ch. V, L., 1379-1391, 159). Vostre filz est assez d'aage Pour femme avoir par mariage, Et nous deux nous voulons pener De l'aidier a bien assener. (Mir. st Alexis, 1382, 291). Lors vint au palefroy pour monter, mais ly roys s'avanca [l. s'avança] et lui aida a monter moult doulcement. Celle l'en mercia et s'en part, et ly roys vint a son cheval et monte. (ARRAS, c.1392-1393, 7). Phelippes aida son cousin a continuer la gerre (FROISS., Chron. D., p.1400, 569). ...travailler à aidier ensepvelir les mors (FROISS., Chron. D., p.1400, 741). Il ne me fauldra pas actendre Que le roy m'aide a mectre suz (CHART., D. Her., p.1415, 424). ...vous devez exposer vostre personne a recouvrer vostre seignorie et aider a voz subgetz a resister (JUV. URS., Loquar, 1440, 388). Le seigneur de Saintré, descendu de son cheval, voult Madame aidier a descendre, mais elle demanda un de ses gens (LA SALE, J.S., 1456, 275). ...ce pour quoy il vint de si grand cueur, qu'elle ne se peut tenir de luy aider a parfournir. (C.N.N., c.1456-1467, 203). Galans, donnés luy de bons cops ; Puis luy aydarés charger la croix. (Pass. Auv., 1477, 189). ...lesquieulx firent une conjuracion disant entre eulx estre bons et loyaulx au roy Richard et fut faicte lectre, scellée de leur seaulx, et qu'ilz ayderoient à remectre le roy Richard en son royaume et seigneurie et delibererent prandre le roy Henry aux jouxtes, qui se devoient fere le jour des III Roys ensuivant (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 149 v°).

 

4.

Loc.

 

a)

[En discours dir.]

 

-

[Ancienne formule de serment affaiblie : elle sert à renforcer une affirmation, à proclamer la vérité de l'énoncé qu'elle accompagne ; aist est un subj. prés., si est un adv.]

 

.

Si/ainsi m'aist Dieu : Chiére amie, je vous affi Que je vous en ameray miex Cent mille foiz, si m'aist Diex ! (Mir. femme roy Port., c.1342, 164). Vous dites voir, se m'aist Diex. (Mir. st Guill., c.1347, 13). Car, si m'ayt Dieus, je ne sui en nul estat qu'il ne me semble adés que je vous voie devant moi (MACH., Voir, 1364, XXXII). ...elle l'aime mieulx Que son mari, si m'ait Dieux. (DESCH., M.M., c.1385-1403, 345). Si m'ait Dieu, sire, c'est grant festes ! Et que vault uns homs qui n'a teste ? (Gris., 1395, 45). J'apperceu le trait de ses yeulx, Tout empenné d'umbles requestes ; Si dis a par moy : "Se m'aist Dieux, Autel fumes comme vous estes". (CHART., B. Dame, 1424, 335).

 

.

Si m'aist [un autre être céleste] : La dame dist : "Beau filz, soiés moy escoutans ; Merveilles vous diray, sy m'aïst saint Jehans, Oncques telles n'oÿ ne roy në admirans." (Tristan Nant. S., c.1350, 184). Grant feste fait de Ogier ; [et de ce] ly Sarasins qui la sont inst(i)ablis dient : "Se Jupin nous aiit, le dextrier at bien entendut son maistre : il l'at bien apris, c'est ung beau dextrier..." (JEAN D'OUTREM., Myr. histors G., a.1400, 81). Barons, dist Charles, sy m'aiit saint Martin, nostre deduit est tourneit en venim. Grief est le fait, maiz il n'y at aultre chose que le deffendre. (JEAN D'OUTREM., Myr. histors G., a.1400, 99). Il n'est pour prince ne pour dame Ne pour une chambre parer, Mais il veult, se m'aist Nostre Dame, Servir a pluseurs reparer Que je puis a moy comparer (CHAST., Temps rec. D., 1451, 54). "...Hé", dist la dame, "Monseigneur, ostez vous de cest erreur, car nous ne faisons que bien et honneur, et vous regardons, ainsy m'aist saint Julien." (Nouvelles inéd. L., p.1452, 30).

 

.

[La formule accompagne une question et engage, pour ainsi dire, celui qui va répondre, à la prendre à son compte] Si t'aist Dieu/se vous aist Dieu : "Beau sire," dist la dame, "qui est ores celle ? dictes le moy se Dieu vous aït, se il vous plaist." Et il luy dist : "Dame, c'est celle qui me parle de ma mort." (Chev. papegau H., c.1400-1500, 22). Je le vis huy chevaucher au champ et si n'avoit point de garde ; quel prison ot il doncques, papegaux ? Se t'aïst dieu, di le moy ! (Chev. papegau H., c.1400-1500, 32). Les montaignes que tu y viz, Que t'en semble ? (...) Sont elles haultes, se t'aist Dieux ? Il convient que tu m'en devises. - Aussi haultes qu'on peut vir d'ieux (TAILLEV., Dial. voiage St Glaude D., c.1430, 55). "Ma seule amour, se peult il faire que ce soyés vous que je tiens icy entre mes braz ? Dictez le moy, se Dieu vous aist !" Et souvent s'entrerespondoient et disoient de telles gracieuses parolles, tousjours en s'entre acolant estroit de plus fort en plus fort. (BEAUVAU, Troyle B., c.1455, 588).

 

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[Déformation de la loc. m'aist Dieu] M'e Dieu, Mesdieu, mydieux, m'est Dieu : Medieux ! c'est grant feste. Au moins es tu de ses complices. Ceulx qui vous croient sont trop nices. (Moralité st Antoine B.B., 1427, 51). Qui s'en doubte ? Mydieux, ouÿ. Mais qui c'estoit, je ne sçavoye. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 273). RAISON. Est il vray ? BON RENON. Oÿ, se m'est Dieux ! (Pouvre peuple H., c.1450-1492, 198). "Sy m'est Mahommet, sire," fait ung payen, "ce sont Crestiens avec celuy qui tant nous fist l'autre jour de dommage, car je l'ay veu en la presse ou il met a fin ce qu'il treuve. C'est le mort dez Sarazins et le deluge de nostre force." (Comte Artois, c.1453-1467, 86). PHINEÉS. Est ce fait ? ABIDAS. Midieux, que je croys Que meshui poués bien partir. (Myst. Incarn. Nat. L., t.2, c.1454-1474, 75). Se pour ma mort le bien publicque D'aucune chose vaulsist mieulx, A mourir comme ung homme inique Je me jugasse, ainsi m'est Dieux ! (VILLON, Test. R.H., 1461-1462, 30). ...se mesdieux, je croy [que] c'est songne ou autrement tu es fol ou yvre. (C. Riffl., c.1480-1520, 59).

 

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Si m'aist Dieu que. "Dieu m'est témoin que" : Ay je donc tort se me guermente Plus que nulle qui soit vivente ? Par Dieu, nennil, veu mon malheur, Car ainsi m'aist mon Createur Qu'il n'est payne que je ne sente (Poés. lyr. court. XVe I., c.1454-1456, 73).

 

Rem. Cf. Chr. Marchello-Nizia, Dire le vrai : l'adverbe si en fr. médiév., 1985, 53-57, 73-92, 206-208.

 

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[Formule moins figée] Me veuille Dieu aider que : Vroiement, fait elle, ainxin me veille Dieu aider que ma bouche ne atoucha oncques a homme fors a la vostre et a voz cousins et aux miens, quant ilz viennent ciens, que vous me commandez que je les baise. (Quinze joies mar. R., c.1390-1410, 39).

 

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[Formule que l'on adresse à celui qui éternue ou qui baille] Dieu t'aist ! : Car quant nous oions aucuns qui esternue. Nous dison diex t'ait. Et tout aussi. quant aucuns baailloit. (VIGNAY, Lég. dorée D.-L., a.1348, 491). Et celle pestilence fut si cruelle qu'ilz mouroient soudainement en alant par la voie, a la table, en jouant et en parlant. En telle maniere, que, quant ung homme esternuoit, advenoit souvent qu'il mectoit hors l'esperit en esternuant. Dont ceulx qui oioient l'autre esternuer disoient tantost : "Dieu t'aist". Et de la vint, si comme l'on dit, que celle coustume est encore gardee. (BATALLIER, Lég. dorée D.-L., 1476, 491).

 

-

[Cri de guerre] Aide Dieu. "Que Dieu vienne à notre secours" : Ainsi con cilz qui tue les chiens sur la caucie, Les abat devant luy, et "Nostre Dame", crie. De sanc et de sueur avoit la char moillie. "Aïde Diex, dist il, aidez nostre partie ! Se je suis desconfiz, plus n'aray seignorie." (CUVELIER, Chans. Guescl. F., c.1380-1385, 143).

 

b)

[En discours indir.] [La loc. appuie une forte dénégation ou une formule d'excuse] Se Dieux li aidast/se Dieux li peust aider : Li rois d'Engleterre prist le dit conte par le main droite moult doucement, et le conjoy en parlant, et puis s'escusa moult humlement de la mort son père. Et dist, se Diex li peuist aidier, que onques, tout le jour de le bataille de Creci ne à l'endemain ossi, il ne vey ne oy parler dou conte de Flandres. (FROISS., Chron. L., IV, c.1375-1400, 35). Li chevaliers s'escusa et dist que che li desplaisoit très grandement, [et], se il cuidast, au commenchement des armes, avoir ainssi ouvré, il n'euist encores commenchié, et, que, se Dieux li aidast, il ne l'avoit peut amender, car il glicha dou piet pour le grant pous que Jehans de Castiel Morant li avoit donné. (FROISS., Chron. R., X, c.1375-1400, 39). Il i envoièrent, mais li dus s'escusa, et dist que il ne s'en mesloit, et que, se Dieus le peuist aidier, de l'emprise le signeur d'Escornai il ne savoit riens, et dist que il en escripvoit volentiers à lui, ensi qu'il fist. (FROISS., Chron. R., XI, c.1375-1400, 182). ...et leur dist, se Dieux li aidast, il aroit plus chier à estre conte de Savoie ou d'Artois ou d'un tel païs que rois d'Escoce (FROISS., Chron. R., XI, c.1375-1400, 280).

 

c)

Dieu aidant/aidant Dieu. "Avec l'aide de Dieu" : Mes non pourtant j'ay souvant ouy dire : fay ton devoir et adveigne ce qu'il doit. Et aussy feray je Dieu aidant. (LA CÉPÈDE, Paris Vienne K., 1432, 212). ...toutes lesquelles choses sont tenues fort auctentiques et sont partout communes et en usage, et ne soit à nostre calumpniateur thedieux de oyr ce reciter que tant de gens ont escript en la science des estoilles, encores sont plusieurs choses demourées intactées que je espere, aidant Dieu, aucunes d'icelles à joindre à ces parties et, pour le saouller, sache que c'est science ronde, qui n'a point de fin. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 112 v°).

 

5.

Aider (à) qqc. [la foi, le droit...]. "Soutenir, affirmer qqc." : Car escripture dist, qui est ou saint latin, C'on doit le droit aidier, et tort mettre à déclin. [v. aide ; Bon droit a bon mestier d'aide] (Baud. Sebourc B., t.1, c.1350, 207). Et Diex en vueille au droit aidier (Mir. Oton, c.1370, 379). ...leurs dieux [les dieux des payens] ne secourent aux lasches et aux paresceux ? Et pour neant lez requiert par oroyson qui n'aide sa requeste par fayre devoir. (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 102). Helas, sire [Jésus] ; certes, je croy. Plaise toy ayder ma creance. (Pass. Auv., 1477, 162).

 

-

Ne pouvoir aider à [un état de choses]. "N'avoir pas les moyens, la possibilité d'éviter (telle chose)" : Il me faut perdre Bervich, la souverainne chité de mon roiaulme. A ce ne puis je aidier ["Je n'ai pas les moyens de faire en sorte que ce ne soit pas"] (FROISS., Chron. D., p.1400, 223).

B. -

[D'une chose]

 

1.

Aider (à) qqc.

 

a)

"Faciliter qqc." : Et, quant je partyz, ilz estoient logez en trois lieux et avoient fait au mylieu de leurs trois logeiz ung champ pour eulx retraire, quant ilz en auroient besoing (...) Ilz ont myz ung moys tout entier à approcher, jusques là où ilz sont, celle fortification ; mais encores n'y est riens fort, et l'ung des sièges ne peut gueres aider aux deux autres. (BUEIL, I, 1461-1466, 169).

 

-

"Favoriser qqc." : Je n'avoye pion, ne chevalier, Auffin, ne rocq qui peussent ma querelle Si bien aidier. Je y pert vrayement ; Car j'ay perdu mon jeu entierement, Se je ne fais une Dame nouvelle. (CH. D'ORLÉANS, Ball. C., c.1415-1457, 83).

 

-

"Contribuer à qqc." : A Jehan de Cleuz, escuier et enfant de Chambre du Duc, pour aider son mariage... (Comptes d'Auffroy Guinot J., 1433, 91). ...quant a l'effect de ce que fait predestination, orison aide, c'est a dire quant a la grace et glore que donne ou est donnee par predestination, car selon icelles le libere arbitre bien puet ouvrer et aidier a la predestination. (Somme abr., c.1477-1481, 168).

 

b)

MÉD. "Exercer une action favorable sur" : ...l'usage du froit fait les membres noirs, aide a l'apostume de herisipille non vulneree, il nuist a celles qui sont vulnerees. (SAINT-GILLE, A.Y., 1362-1365, 83). ...pensez vous qu'en ce monde cy soit medicine qui plus puisse aider et susciter la maladie d'entre nous femmes que la (...) compaignie des hommes ? (C.N.N., c.1456-1467, 516).

 

-

Empl. abs. : ...soient administrés suppositoires car ilz aident en attirant la matiere au cul (PANIS, Guidon, 1478, tr.II, doct.2, chap.7).

 

2.

Aider (à) (qqn)/un animal

 

a)

"Être utile à" : Il n'appertient point a si hault prince comme vous estes, mettre cure de enquerre de telz ars [l'astronomie], ne de telz choses. Car, comment qu'il soit, Dieu vous a pourveu de tres haulte et noble seigneurie et possession terrienne. Dont vous vous povez bien passer, s'il vous plaist, de vous donner courroux ne ennuy pour telles choses qui ne vous pevent ne aidier ne nuire. (ARRAS, c.1392-1393, 20). Au voir dire la cavance ayde assés tant que pour aler et venir par le monde. Mais Proece ne voelt point que nuls povres bacelers de bonne volenté s'escuse de non querir les armes par defaute de mise, car se il le vault, il trouvera qui l'aidera (FROISS., Chron. D., p.1400, 36). Car soit que bons hommes soient avec moy, ou freres devots, ou amis feaulx, ou sains livres, ou beaulx traitiés, ou doulz chans et hymnes, toutes telles choses me aident peu ou me saveurent peu quant je suis desert de grace et delaissié en ma propre povreté. (Internele consol. P., 1447, 32). ...quant a l'effect de ce que fait predestination, orison aide, c'est a dire quant a la grace et glore que donne ou est donnee par predestination, car selon icelles le libere arbitre bien puet ouvrer et aidier a la predestination. (Somme abr., c.1477-1481, 168).

 

b)

Aider (à) qqn à + inf. "Donner la possibilité de" : Une pierre appellée la Pierre Saincte, qui ayde aux femmes à avoir enffant, laquelle est enchassée en or (Invent. mobilier Ch. V, L., 1379-1391, 93).

 

c)

Aider qqn contre qqc. "Préserver qqn de qqc." : Certainement (...) je vous asseure que cellui qui ainsi pisse ou fait sa neccessité contre l'eglise ou en l'attre, l'eaue benoite qu'il reçoit le dimence ne le puet aidier contre le tonnoirre pour celle sepmaine. (Ev. Quen., I, c.1466-1474, 96).

 

d)

"Profiter, faire du bien (à un animal)" : Semblablement pas n'eult pensee vayne Pour soulager noz peines et travaulx De faire amas tant de foin que d'avoine, Laquelle chose ayda bien aux chevaulx. (LA VIGNE, V.N., p.1495, 183).

II. -

Empl. intrans. "Payer l'imposition appelée aide" : Et se lesdits serviteurs ne gaignent cent solz ou au-dessous, il ne aideront de riens (...). Et aussi ne aideront de riens, Mendians, Moignes, Cloistriers sanz Office ou administration, ne Enfans en mainbournie souz l'aage de quinze ans (Ordonn. rois Fr. S., t.3, 1355, 24).

III. -

Empl. pronom.

A. -

S'aider

 

1.

"Trouver en soi les moyens de faire ce qu'il faut, se suffire à soi-même, subvenir à ses besoins" : Celuy qui ne se puit aydier, Doit ons aidier, ce m'est auis. (Sept péchés C., c.1300-1350 [p.1478], 223). A ce cop Dieux ne faurra pas, Qu'il ne nous conforte et aïde, Se nous requerons son aïde. Mais il faut que nous nous aidons Et que tres bien nous deffendons. (MACH., P. Alex., p.1369, 93). [Geronnet n'arrive pas à ouvrir la porte à ceux qui attendent] Adont leur dist : "Biaux seigneurs, aydiez vous et avanchiez, ne je puis ouvrir ceste seconde porte. Desrompé le a vos haces, aultrement vous n'en pourrez entrer en la ville." (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 215). Par assault n'ot onques Reins mal : En ce temps bien se sceut aidier (DESCH., M.M., c.1385-1403, 375). ...ja avés vous si sousmis les Escoçois que il ne se poront aidier ne relever de grant temps (FROISS., Chron. D., p.1400, 265). Lors dist : "Biau sire Dieux, vrai perez droiturier, Se li miens cors fust sains, bien m'y seuïsse aidier !" (Jourd. Blaye alex. M., a.1455, 791).

 

2.

"Penser à soi, prendre soin de sa santé" : [À une dame, malade d'Amour] Dame, aydés vous, c'est partie de santé Que desirer que on la puisse obtenir. (SAINT-GELAIS, Eurial. Lucr. R., c.1490, 25).

 

3.

"Se mouvoir, bouger, faire usage de ses membres"

 

-

Ne (pas) se pouvoir aider. "Être dans l'impossibilité de se mouvoir" : ...il se gerra sur une couche Ou sur un lit ou on se couche, Et la ne se porra aidier, Ains ne fera que souhaidier Mercy ou mort (MACH., Voir, 1364, 892). Lors broche le cheval des esperons par grant fierté et tourne vers le roy, l'espee ou poing, et le fiert sur le bacinet par tel air et de telle force que il le fait embroncher sur le col du destrier, si estonnez que il ne scet se il est jour ou nuit, ne il n'a de force ne povoir de lui soustenir ne aidier. (ARRAS, c.1392-1393, 162). ...lui firent les dommaiges qui s'ensuignent, c'est assavoir, qui fut prins et fut batuz tres villainement, à peine se peust jamais aidier. (Ecorch. Ch. VII, T., 1444, 374). Mais pour ce que aidier ne se pouoit pour une grant navreure qu'il avoit eue, il commença a crier a ses hommes : "Courez sus au viellart, car trop longuement a vesqui !" (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 634). ...monseigneur l'abbé de Tourpenay, si eut griefve maladie et espicialement de goute qui le tenoit par my le corps, tellement qu'il ne se povoit aider (Mir. ste Cath. Fierbois C., 1470-1483, 4). Helas ! sire, s'il se peult faire, Faictes nous aulcune amytié, Regardez ung peu en pitié Ma povre espouse tant enseincte, Qui est tant traveillee, sans feincte, Qu'a peinne se peult elle ayder. (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 196).

 

-

Se pouvoir à peine aider. "Pouvoir à peine se mouvoir, bouger" : Regardez ung pou en pitié Ma femme qui est tant ensaincte Et de lasse tant pale et tainte Qu'a pou s'elle se puet aidier. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 64). Ainsi partit le Jouvencel devant ses compaignons, en se contenant au plus bel et mieulx qu'il peut, visa ses ennemiz et les vit, peu plus, peu moins, en l'estat qu'il avoit dit, et ung peu mieulx ; car ja avoient avisé le Jouvencel et sa compaignie et miz quelque ordre à leur fait, et tellement qu'ilz estoient en bataille, combien qu'ilz fussent empeschiez de leur proye [leur butin] que à peine se povoient aider. (BUEIL, I, 1461-1466, 146).

 

-

Pouvoir s'aider. "Pouvoir se déplacer" : ...et, se gens de cheval donnent dedans gens de pié et ilz n'ont point d'issue, ilz font leur dommaige. Et, pour ce, est-ce forte chose que gens de cheval se puissent bien aider en rue ne en chemin estroit et doibvent querir le large à leur povoir. (BUEIL, II, 1461-1466, 248).

B. -

S'aider à/de

 

1.

S'aider de qqc.

 

a)

[...d'un membre du corps] "Se servir de, faire usage de" : L'oste qui fust [si] vertueus Qu'il prenoit en gre ses douleurs Dist a Orgueil : "Moult me merveille. Je n'ay que la langue et l'oreille De quoy je me puisse aïdier..." (LA BUIGNE, Rom. deduis B., 1359-1377, 188). Jamais ne de piez ne de mains Ne s'aidera. (Mir. st Panth., 1364, 341). Tant [la femme] se scet de sa langue aidier Qu'elle ara droit par son plaidier Encontre cellui qui l'accuse. (DESCH., M.M., c.1385-1403, 99). ...une piere d'amont li fu jettee sus le brac et li rompi l'os, et ne s'en pot aidier depuis en grant temps. (FROISS., Chron. D., p.1400, 359). ...il portoit le plus beau membre (...) qui fust en toute la marche d'environ ; et avecques ce, et qui n'empire pas le jeu, il s'en aidoit tellement et si bien (C.N.N., c.1456-1467, 407). ...ung des religieux dudit lieu qui avoit les deux sexes d'omme et de femme ; et de chascun d'iceulx se aida tellement qu'il devint gros d'enfant (ROYE, Chron. scand., II, 1460-1483, 79). Romain, vien t'en a moy parler, Car je n'ay plus jambes ne bras De quoy je me puisse ayder. De peur je ne faiz que trambler Pour les choses que j'ay songé (Pass. Auv., 1477, 167).

 

b)

[...d'argent, du revenu d'un impôt] "Se servir de, utiliser à son profit" : ...[Discours à Simon Burlé accusé de malversation : vous devez rendre] l'argent du roy et du royaulme que vous avez eu et levé et duquel vous estes aydiez ainsi comme il appert par les rolles du tresorier, de la somme de IIc. et Lm. frans. (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 35). ...il estoit en dons larges et oultrageux, et se endebta tellement que il ne se povoit aydier de chose nulle qu'il euist (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 144). ...[le Roy] estoit ung homme qui tousjours estoit sur sa garde ; et, pour affaire qu'il eust, jamaiz il ne mettoit point plus grant subside sur son peuple. Il avoit tousjours ung ordinaire qu'il prenoit tous les ans sur ses subjects, et mettoit cela en bonne garde tellement qu'il s'en aidoit au besoing sans aultre chose leur demander. Il estoit bien paié de ce qu'il devoit avoir et nul n'y osoit faire fraulde ne faulte de payement. (BUEIL, II, 1461-1466, 144).

 

c)

[...d'une chose quelconque] "Tirer parti de, faire usage de" : Item confessa que il se vost aidier de ladite fausse lettre et pour ce fu mis en prison. (Conf. Jug. Parlem. Paris L.L., 1337, 136). ...car ilz se aident de ces choses et en usent a leur proffit et utilité. (ORESME, E.A., c.1370, 439). ...les crimes et larrecins par lui fais à diverses fois paravant ce qu'il usast ou se aidast desdites faulses lettres (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 70). Le fourmy (...) espargne en l'esté contre la durté de la froidure (...) hommes françois, vous faictes le contraire, et gastez avant la main ce dont vous deussiez aider es autres grans affaires (CHART., Q. inv., 1422, 23). ...ceulx qui longuement veullent estre roys et seigneurs se aident de l'aide et conseil de leurs subgetz (JUV. URS., Verba, 1452, 309). Ung autre engin y a qui s'appelle vigne ; mais, pour ce qu'on ne s'en scet bonnement aider, je me passe d'en parler. Et semblablement d'ung aultre grant engin appellé tour, lequel de present n'est point en usaige. (BUEIL, II, 1461-1466, 50). Et ilz entrerent en leurs paveillons. Et ainsi qu'ilz entrerent, les mareschaulx et gardes du champ leur firent faire serement qu'ilz ne se aideroient riens de charroy ne de baston, qui ne fut de veue et de congneue, et qu'ilz n'auroient alesnes, pouldres ne choses mussées qui ne feussent à la congnoissance des mareschaulx et gardes du champ. (BUEIL, II, 1461-1466, 109).

 

d)

Ne pas savoir de quoi s'aider. "Ne pas savoir où trouver de l'aide" : Prenez sur eulx [les habitants des pays que vous avez conquis] vostre droit, sans eulx taillier oultre raison, ne alever coustumes inraisonnables, car, se peuple est povre, le seigneur est mendiz, et, se besoing lui orisoit de guerre ou d'autre neccessité, il ne se sauroit de quoy aidier, dont il pourroit cheoir en grant servitute (ARRAS, c.1392-1393, 86).

 

e)

Ne s'aider de rien de + inf. "Ne rien gagner à ..." : Ha ! mon très souverain sires, lui respondit le devant nommé Thierry d'Ardenne, pour l'amour de nostre seigneur, regardés premièrement l'entrée de vostre guerre qui moult large sera, mais sans nulle doubte, se vous prenés bien garde aux extrémités et à la fin qui sera moult estroicte, je cuide que vous ne vous aiderés de rien de vous si fort haster. (WAUQUELIN, Gir. Ross. M., 1447, 93).

 

2.

Se faire aider [d'une blessure]. "Faire soigner (une blessure)" : ...[Gautier de Mauni veut que son prisonnier] se fesist aidier de sa navreure, ensi que il fist, car li chevaliers ala a Thoulouse et la se fist medeciner (FROISS., Chron. D., p.1400, 608).

 

3.

S'aider de qqn

 

a)

"Recourir aux services de qqn" : ...en default de ceulx dont on se devroit aider, a convenu prendre ceulx que on a peu finer (CHART., Q. inv., 1422, 57). De riens ne te seroyent aidier [tes dieux], Ne plus que feroit ung mourtier, Dont jamaiz nul s'aïderoit. (Myst. st Adr. P., c.1450-1485, 150). Sur ce, partirent les cappitaines des nefz et dirent qu'ilz avoient presque assez nefs et qu'ils bailleroient par escript quantes nefs ilz avoient et de quel port. Sur ce, le Roy trouva que, en soy aidant d'aucuns estrangiers qui estoient meismes aux havres, il avoit assez navires. (BUEIL, II, 1461-1466, 170). A Euriale manda que aider se doit De Pandale loyal, seur et secret, Car la voie d'eulx assembler povoit Trouver acoup par amoureux decret. (SAINT-GELAIS, Eurial. Lucr. R., c.1490, 56).

 

b)

"Avoir des rapports sexuels avec qqn" : Et encore, pour mieux monstrer que il sont mauvés pastours et que il peuent bien estre apellés leus, il en i a mont qui prennent la brebis que il deusent garder et s'en aident et les tuent, c'est que il prannent et tiennent leurs paroisianes, et les tuent bien quant il les tiennent en pechié mortel. (HENRI FERR., Modus et Ratio, Livre deduis T., c.1354-1377, 150). ...ce bon gentilhomme, quand il entendit que a son absence sa femme se aidoit de ce curé... (C.N.N., c.1456-1467, 352).

 

4.

S'aider [d'un animal]. "Se tirer d'affaire grâce à" : ...pluisseur compagnon Englois, liquel avoient chevaus desquels il se pooient aidier passerent la riviere (FROISS., Chron. D., p.1400, 145). Quant doncques les trois roys et les freres des pucelles veirent que le tournoy s'espardoit et que la chevallerie se commençoit a retraire pour la nuit qui les surprenoit, et aussy pour ce qu'il estoient traveilliez et ne se pouoient bonnement plus aydier de leurs chevaulx, ilz s'adresserent au Chevalier au Noir Lyon (Percef. III, R., t.1, c.1450 [c.1340], 324).

 

-

"Utiliser" : Il appelle l'oisel, bien s'en savoit aider Et le faucon lui vient dessus son poing poser. (Gir. Vienne D.B., c.1350-1400, 137).

 

5.

S'aider (de qqc.) à + inf. "Se servir de (qqc.) pour..." : La Court a consenti et consent que la moitié de ladicte somme soit delivrée audit evesque (...) pour soy aider à faire l'execution de son arrest obtenu ceans (BAYE, II, 1411-1417, 239). Item, et se les ennemiz se veullent aider à faire et donner leur assault de l'engin devant dit, nommé le mouton, ceulx de dedans, ainsi que dit Vegece, y pevent remedier en la manière qui s'ensuit... (BUEIL, II, 1461-1466, 52).

 

6.

S'aider contre qqc. "Se prémunir contre" : La seconde distinction est neccessaire pour le prouffit du mesnaige acroistre, acquerir amis, et sauver le sien, pour secourir soy et aidier contre les males fortunes de la viellesse advenir (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 3).

C. -

Empl. pronom. réciproque. S'aider l'un (à) l'autre : ...vous devez l'un l'autre aidier (Mir. st Val., c.1367, 121). La quatriesme chose neccessaire a ceulx qui suivent les armes c'est avoir bonne amour et concorde ensemble et monstrer confederacion et voulenté de aider l'un a l'autre (JUV. URS., Verba, 1452, 257).

IV. -

Part. prés. en empl. adj. ou subst.

A. -

Part. prés. en empl. adj.

 

1.

(Estre) aidant à qqn. "Être secourable à qqn" : Mercy a la vierge puissant, Qu'a cest besoing nous soit aidant A son chier fil, le roy des roys. (Mir. enf. diable, c.1339, 10). Et priez au doulx Jhesu Crist Qu'a mon seigneur vueille estre aidant (Mir. marq. Gaudine, 1350, 130).

 

-

(Estre) aidant de qqn (de qqc.). "Être complice de" : ...Jehan Jouye, orfevre, detenu prisonnier oudit Chastellet, pour cause de ce qu'il est accusez par Robinet Le Cauchois, orfevre, d'avoir lui aidié à faire certains coings pour faire et forger monnoye de VIIJ d. par. pour piece, et d'estre consentant et aidant dudit Robinet au fait d'icelles monnoyes (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 480). ...ne que de ce elle, lesdiz Thevenin et sa femme, feussent en aucune maniere sachans, confortans, consellans ou aydans, ne qu'ilz ou aucun d'eulx en aient eu part ou porcion, prouffit ou promesse quelconques (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 87).

 

2.

Estre aidant de + inf. " S'efforcer de..." : Et pour ce a tous enseignier vueil Que, quant ilz seront jeusnes d'ans, Qu'ilz soient d'acquerir aidans Lieu et terre ou chascun yra Quant la viellesce le prandra (DESCH., Oeuvres R., t.7, c.1370-1407, 246).

 

-

[D'une chose] Estre aidant à + inf. "Être utile pour" : Haches dolleures faulx sont volentiers trenchantes et fort aidantes a seruir corps humain(,) et la chose publique et sont tres craintifs a mennyer et sy aident a la deffence du corps quant ilz sont a ce apropriees. Et senefie que cellui qui premier les porta en armes estoit homme hardi et tres craintif a approchier de lui pour lui estre nuysant (Best. hérald. H.E., c.1435-1450, 509).

 

3.

RELIG. Grace aidante. "Grâce actuelle" : Et pour tant, nous pouons faire mal de nous, mais bien faire ne pouons par nous seulement, synon par le moyen de grace aidante (Somme abr., c.1477-1481, fº 100 vº).

B. -

Part. prés. en empl. subst.

 

1.

[D'une pers.] "Allié, associé" : ...le duc de Guerles, si comme vous avez ja bien oy dire, a deffiet le roy de France et tous ses aydans. (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 180). Damp roy, dist le chevalier, je vous deffie de par les deux damoisiaux de Lusignen et tous leurs aidans. (ARRAS, c.1392-1393, 158). ...il en y ot occiz de .XXV. a .XXXm. des Ostrissiens que de leurs aidans. (ARRAS, c.1392-1393, 287). ...là, devant tout le peuple, fut maudicte et excommuniée toute la compaignie des Arminaz, et tous leurs aidans et confortans (Journal bourgeois Paris T., 1411, 16). ...et je sçay pour certain que au jour d'hui l'on trouveroit mille aidans pour deffendre le paÿs encontre tous leurs ennemis. (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 830). Il l'est venu assegier en sa cité de Olyferne, devant laquelle il a eu pluseurs victoires contre les aydans de la royne par pluseurs batailles qu'ilz ont faittez aux Esclavons. (LEFÈVRE (R.), Hist. Jason P., c.1460, 132).

 

2.

"Monnaie liégeoise : liard, quatrième partie d'un patard" : ...ilh voloient subvenir monsangneur sor chescun muy de spelte I viés aidan de le valeur de XXII souls, monoie de Liege, à paiier le motié dedens Paske prochainnement venant, et l'autre dedens Paske en un an apres (STAVELOT, Chron. B., a.1447, 573). Maintenant repose a son aise, maintenant fait son rice amas, non point de grans doubles, de placques, de malvaix doffins ne d'acroupis, mais fait tresors de bons amis du temps passé, des desirés, des fins bretons, des aidans (MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 156). ...les doublettes revenront en cours, mais les gigos seront jugiés au feu ; les vielles femmes feront grande assamblee de riddes et les josnes feront feste de bons aidans, en rebouttant le monnoie de Honguerie. (MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 892).

V. -

Part. passé en empl. adj. Mal aidé. "Infirme, qui ne peut plus se mouvoir" : Et quant le roy Lucan, qui gisoit mal aidé comme moult ancien qu'il estoit, sceut que son tresamé filz Lucidés estoit venu et qu'il le vey, il en eut au cuer tant grande leesse qu'il en morut entre les bras de son filz. (Percef. III, R., t.1, c.1450 [c.1340], 76).
 

DMF 2020 - Article revu en 2015 Pierre Cromer

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