C.N.R.S.
 
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     AIGUILLON     
FEW XXIV *aculeo
AIGUILLON, subst. masc.
[T-L : aguillon ; GD : aguillon ; GDC : aiguillon ; AND : aguillun ; FEW XXIV, 123a-b : *aculeo ; TLF : II, 301b : aiguillon]

A. -

"Objet pointu"

 

1.

"Morceau de fer pointu" : Il sacqua un espoy plus trenchant qu'aghuillon (Flor. Rome W., c.1330-1400, 187). ...li peneant (...) furent gens qui faisoient penitances publikes et se batoient d'escorgies à bourdons et aguillons de fier, tant qu'il desciroient leurs dos et leurs espaules. (FROISS., Chron. L., IV, c.1375-1400, 100). Sa maison [de la femme] est voie d'enfer, Plus aspre qu'aguillons de fer. (DESCH., M.M., c.1385-1403, 190).

 

2.

"Pointe d'un objet (en partic. d'un bâton)" : ...gardes que tu ne prengnez ou lieu de la potence le baston pointu, et que en t'apuyant l'aguillon de ton apuy ne te entre en la main. (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 104).

 

3.

"Organe piquant d'animal"

 

a)

"Piquant du hérisson" : Puis fit venir tous ses archiers, Tous ses tyrans y ["et"] arbalestriers, Qui de fleches tout le ramplirent Et som corps partout trepassirent Tant qu'il sembloit unng vrissom [l. urissom], Le quel de droite nacion Est ramplis de mains aguillions. (Myst. st Sébast. M., c.1450-1500, 12).

 

b)

"Dard de l'abeille, de la guêpe" : "Beau Filz," dist la royne, "tu doys savoir qu'il a grant difference entre ung roy naturel et ung roy tyrant mortel ; car le roy naturel doit estre sans aguillon, comme le roy des mousches ou des abeuilles qui font le miel...." (MÉZIÈRES, Songe vieil pèl. C., t.2, c.1386-1389, 185). ...la mousche vers lui courra, Dont l'aguillon lui demourra (CHART., L. Dames, 1416, 255). ...et quant aucun [des abeilles] fait contre l'ordonnance et loy du roy elles mesmes prennent vengance de soy mesmes et se ote son aguillon et le debrise selon ce que les serpens souloient faire quant ilz brisoient la loy ne n'atendoient le iugement du roy mais se occisoient eulx mesme[s]. (Best. hérald. H.E., c.1435-1450, 483). Homme morveux se doit moucher, S'il voit que les autres on mouche. Quant de son aguillon la mousche A point, on l'estraint en la main. (ALECIS, ABC P.P., 1451, 39).

 

c)

"Aiguillon du scorpion" : Li sisiemes estoit a double Assez plus tenebreus et trouble, S'avoit en mi un aguillon Comme queue d'escorpion. (MACH., F. am., c.1361, 238).

 

d)

"Piquant de certains poissons" : Et encores est il autre poisson pareil a raye, qui a nom tire ; maiz il n'a nul aguillon sur le dos et si est plus grant et plus tavellé de noir. (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 240). L'yraigne de mer est vng gerre de poisson selon Ysodores qui en ses oreilles a esguillons et piquans aguz et pour ce frape il ceulx qui approchent de lui de ses oreilles comme dit Pliton en son neufiesme liure eu XLIIIe. chapitre et a aucuns de ces piquans enuelimez comme a la raye de mer. (Best. hérald. H.E., c.1435-1450, 496).

 

4.

[P. anal. de forme]

 

a)

"Pièce de terre en pointe" : Et oultre iceux Viviens auront le droit, afin de héritage, pour eulx et pour leurs hers, d'un petit aiguillon de terre, de présent en Auvrey, comme il se pourporte par les mers et devises (Cartul. Hôtel-Dieu Cout. L., 1488, 341).

 

b)

"Sommet, pointe" : Tant alames a ceste fois Devant nous a l'escantillon Que droitement en l'agillon D'un terne gratieus et cointe Je perchui seans en le pointe De ce lieu dont je fach exemple... (FROISS., Dits Débats F., 1363-1393, 96). Car ce Lucifer n'eust esté ingrat envers le Createur qui tant l'avoit douhé de beaulté en sa nature angelique, ou qu'il n'eust aussi esté mescongnoissant de l'excellence de sa beaulté et de sa noble creacion, il n'eust point voulu se comparer a lui ne haulser son siege en acquillon, comme il cuida faire. (MICHAULT, Doctr. temps prés. W., 1466, 53).

 

c)

CHASSE "Excroissance au cloaque des faucons" : Il [le faucon] doit avoir l'ouviere grande, et ne doit point avoir en l'ouviere, u bout de l'escofraie, d'aguillon, c'est une pointe qui nest de l'escoffreie. (HENRI FERR., Modus et Ratio, Livre deduis T., c.1354-1377, 176).

 

d)

"Feuille (de palmier, de myrte ?) en forme de pointe"

 

Rem. L'ex. suiv. évoque le triomphe romain : ...et le couronnoient de palme se il meismes avoit combatu et vaincu en combatant, pour ce que la palme a aguillons. Et cellui qui avoit vaincu par sens (...) estoit couronné de couronne de laurier (CHR. PIZ., Corps policie K., 1406-1407, 49).Cf. Rev. Ling. rom. 63, 1999, 301.

B. -

En partic.

 

1.

"Bâton pointu qui sert à piquer les boeufs pour les faire avancer" : ...son petit aguillon dont il gouvernoit sesdiz beufz et charroy (Doc. Poitou G., t.12, 1476, 56).

 

-

Prov. A dur asne dur aiguillon. V. asne, asnesse

 

2.

P. méton. "Douleur infligée par l'aiguillon"

 

-

Eschaucirer / estriver / poindre / se rebeller / recalcitrer / regimber contre l'aiguillon : Ne pouoit avoir paix pour nulle raançon, Car li roys d'Engleterre, qui Edouart ot nom, Vouloit trop estriver encontre l'esquillon, Car il se disoit roys de France le royon (CUVELIER, Chans. Guescl. F., c.1380-1385, 65). ...nous avons jugie et condempne, comme desesperez, les oeuvres de Dieu et noz seigneurs terriens et dehors et dedans pareillement, et avons recalcitre encontre l'aiguillon. Si sommes deux foiz poins a noustre malediction. (MÉZIÈRES, Songe vieil pèl. C., t.1, c.1386-1389, 455). ...il veut estriver contre l'agillon (FROISS., Chron. D., p.1400, 801). ...se tu lui disoyes rudement, tu n'y gaingneroyes riens, et s'il t'en menoit male vie, tu poindroies contre l'aguillon (CHR. PIZ., Trois vertus W.H., c.1405, 55). Le beuf qui estrive contre l'eguillon est point doublement (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 65). Et ainsi perdit ledit conte toutes ses terres pour icelle rébellion et désobéissance qu'il avoit faite au roy ; car c'est chose bien dure et téméraire que de résister à son seigneur, et regimber, comme il se dit, contre l'aiguillon. (CHART. J., Chron. Ch. VII, V., t.3, c.1437-1464, 51). Dure chose est a toy regiber contre l'aguillon (BATALLIER, Lég. dorée D.-L., 1476, 261).

 

-

Qui contre aiguillon se rebelle, merite d'estre point deux fois : Pour ce dit l'en communement Que le chaitif double sa guerre Qui contre aguillon escaucherre. (Tomb. Chartr. W., c.1337-1339, 108). Recalcitrer encontre la pointure de l'esguillon redouble la bature (Garin Mongl. K., c.1460-1465, 83). Qui contre aguyllon se rebelle, Merite d'estre point deux fois. (Prov. rimes F.M., c.1485-1490, 57).

 

3.

P. anal. MÉD. "Épreintes (contractions douloureuses de l'intestin)" : Gratelle, broches, menoisons, Amorroydes, aguillons, Contenue et fievre quartayne, Le mal ou vit et es couillons Vous doint Dieux et senglante estraine. (DESCH., Oeuvres Q., t.4, c.1370-1407, 315).

 

4.

Au fig.

 

a)

"Ce qui aiguillonne, qui pousse à qqc." : En ces trois considerations est aguisié l'aiguillon de conscience (Miroir âme, c.1400-1500, f° 195). Ceulx princes qui (...) devoient estre patron de honneur et mirouer de perfection, furent monstre de pompe et aguillon d'envie. (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 66).

 

-

Tendre à l'aiguillon : Et Loïs d'Orlyens tendoit à l'esguillon. (Geste ducs Bourg. K., c.1410-1419, 305).

 

b)

[Dans un cont. relig. (avec un compl. comme monde / peché / diable...)] "Tentation, en tant que source de douleur" : Or doubte (...) les aguillons Du monde et du diable (DESCH., M.M., c.1385-1403, 340). ...toutes nos vanités sont pleines de griefs aguillons, plus poignans a l'ame que ne sont espines au corps (GERS., Passion I G., 1403, 492). Aiguillon du pechié (Somme abr., c.1477-1481, fº 89).

 

-

En partic. "Tentation d'ordre charnel, source de tourment particulièrement lancinant" : ...et sa tresdoulce mere e[t] vierge, en laquelle par grace fut estaint l'aguillon (...), de tout pechie actuel et veniel et de villaine pensée, par le doulz Saint Esperit fu plainement et singulierement preservee. (MÉZIÈRES, Songe vieil pèl. C., t.1, c.1386-1389, 344). ...moins est stimulé des aguillons de la char [var. de char] le solitaire qui ne frequente point en la frequentise des voluptez (CHR. PIZ., Ep. Othea P., c.1400-1401, 294). ...comme nous lisons de saint Pol (...) auquel fut donné l'aguillon et temptation de la char, adfin que la grandeur des revelations ne l'eslevast en presumption (Traité S. Sacr. B., c.1450-1500, 155). Aiguillon de la concupiscence charnelle (Somme abr., c.1477-1481, fº 89). L'Apostre avoit en soy grefve tentacion de l'esguillon de la chair, du quel il me demanda par troys foys delivrance. Mais je luy respondi : "Suffise toy d'avoir ma grace". (ALECIS, Dial. crucif. pèler. P.P., 1486, 115).

 

c)

[En lang. courtois] "Désir amoureux"

 

-

L'aiguillon d'amour : Quant [Villon] mourut, n'avoit q'un haillon ; Qui plus, en mourant, mallement L'espoignoit d'Amours l'esguillon ; Plus agu que le ranguillon D'un baudrier lui faisoit sentir - C'est de quoy nous esmerveillon -, Quant de ce monde voult partir. (VILLON, Test. R.H., 1461-1462, 151).

 

Rem. Une lecture différente voit dans aiguillon le sexe masculin en érection. Cf. L. Spitzer, Romania 65, 1939, 101-103. V. aiguille.

 

-

Bailler qqn de l'aiguillon. "Éveiller chez lui le désir amoureux" : Se j'eusse esté esmerillon Ou que j'eusse eu aussi bonne aille, Je me feusse gardé de celle Qui me bailla de l'aguillon Quant je fuz [prins ou pavillon.] (CH. D'ORLÉANS, Rond. C., 1443-1460, 304).

 

d)

"Ce qui tourmente ; souffrance infligée par qqn/qqc." : Langue poignant, aspre, amere et aguë En traïson souvent me mort et point ; Mais riens ne doubt que die ne arguë, Ne l'aguillon de son venimeus point (MACH., L. dames, 1377, 171). Que des aguillons molester Tu ne vueilles ceste espousee, Dont tu as l'autre aguillonnee (Gris., 1395, 94). ...c'est que tu ne la vueilles pas molestier ne aguillonner des aguillons dont tu as l'autre si fort esprouvee (CHR. PIZ., Cité dames C., c.1404-1407, 908). Tu l'as provoquee [la guerre] (...) si fault que tu en seuffres les aguillons et les pointures (CHART., Q. inv., 1422, 27). Quant tu euz vaincu l'aguillon de mort, tu ouvriz aux creans le royaulme des cieulx. (BATALLIER, Lég. dorée D.-L., 1476, 507).

 

e)

"Leçon morale ; admonestation" : ...par ce que en ce livre sont entremeslees aucunes choses de laidure et deshonnesteté, j'ay estimé, jugié et reputé estre chose convenient inserer aux hystoires aucuns doulx et proffitables enseignemens de vertu et adjouster aussi aucuns aguillons, aucunes reprehensions en blasme et detestacions des vices. (Cleres nobles femmes B.H., t.1, 1401, 14).
 

DMF 2020 - Synthèse Pierre Cromer

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