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AGREER, verbe |
[T-L : agreer ; GD : agreer ; GDC : agreer1 ; DEAF, G1293 gr‚1 (agreer) ; AND : agreer1 ; DÉCT : agreer ; FEW IV, 250b : gratus ; TLF : II, 201b : agréer] |
I. - | Empl. trans. dir. [D'une pers., d'un être divin, d'une personnif. ou d'une collectivité] |
A. - | Agreer qqn |
| 1. | "Donner son agrément à qqn" |
| - | [À une personnif.] : Mais de Dieu propre elle [l'ame] est creé, Qui Nature a si agreé Qu'il lui a donné le pouoir De faire et deffaire pouoir ([CHR. PIZ., M.F., I, 1400-1403, 30]). |
| 2. | "Donner satisfaction à qqn" : A son hostel les va ly castelains mener Et les fist richement servir et gouvrener. Armures leur donna pour mieux a redoubter [var. pour eulz agrayer ; pour eulz a grayer ? De toute façon hypométrique] ([Belle Hélène Const. R., c.1350, 362]). |
B. - | Agreer qqc. |
| 1. | "Accueillir qqc. favorablement ; accepter, approuver qqc." : Mes cuers ne puet à nulle riens penser Fors qu'à l'amour de ma dame honnourée (...) ; Et puis qu'einsi loyal amour l'agrée, Je vueil mon temps user, sans repentir, En ce penser et en ce dous desir. ([MACH., L. dames, 1377, 92]). ...Fortune a bien la puissance Sur ceulx de son obeissance Faire miracles trop greigneurs (...), Si grans que chacun les agree ([CHR. PIZ., M.F., I, 1400-1403, 42]). Sur la requeste faicte par maistre Guillaume Le Duc, conseiller du Roy ou Chastellet, que la Court voulsist agreer la resignation de maistre Hebert l'Escripvain ([BAYE, II, 1411-1417, 177]). Dont, si ledit roy eust voulu agréer l'élection à ce conte de Dernon, il eust eu l'ordre au col ([CHASTELL., Chron. K., t.3, c.1456-1471, 97]). |
| 2. | Agreer qqc. à qqn. "Accorder qqc. à qqn" : Je respondi : "(...) puis qu'en tel matere sons, Chiers compains, s'on le poet savoir, En poroi je encor un [un exemple] avoir ? Car al oÿr preng grant solas". Et Joneche, qui n'est pas las Que de faire apriés men agree, Amiablement le m'agrée. Il le me compte et g'i entens, A l'oÿr l'oreille avant tens. ([FROISS., Joli buiss. F., 1373, 119]). |
II. - | Empl. trans. indir. |
A. - | [D'une chose, en partic. d'un acte hum., d'une situation, d'une chose concr. ou relative aux sens] |
| 1. | Agreer à qqn. "Lui plaire, lui convenir, lui donner satisfaction" : Quant la doloreuse demoure De la chartre [la terre] tant nous aggree, La [vers le ciel] doit tendre humaine pensee Ou touz vroiz biens sunt a plenté ([Tomb. Chartr. Trois contes S., c.1337-1339, 102]). Après li rois appella sa maisnie (...). Si leur commande Que chascuns d'eaus a honnourer entende Ces deus amans (...) Et chascuns d'eaus a son pooir a fait Ce qu'il pense qui leur agrée et plait ([MACH., J. R. Beh., c.1340, 132]). LE PAPE. (...) Ainçois en grant devocion La mére Dieu vueil deprier Qu'elle me vueille conseillier Et demonstrer comment je truisse Voie par laquelle je puisse Telle restitucion faire Qui a saint Pierre et lui puist plaire Et agreer. ([Mir. pape, 1346, 389]). A vous me renc, se m'amour vous agree. ([Dame Lycorne G., c.1349-1350, 236]). ...sans li riens ne m'agrée, Sans li tout dous m'est amer. ([MACH., Ch. bal., 1377, 611]). Et vo gent corps, belle, qui tant m'agrée ([MACH., L. dames, 1377, 111]). J'ay ou tresor de ma pensee Un mirouer qu'ay acheté (...). Je n'ay chose qui tant m'agree, Ne dont tiengne si grant chierté, Car, en ma dure destinee, Maintesfoiz m'a reconforté ([CH. D'ORLÉANS, Ball. C., c.1415-1457, 55]). A ce jour de saint Valentin, Que l'en prent per par destinee, J'ay choisy, qui tresmal m'agree, Pluye, vent et mauvais chemin. ([CH. D'ORLÉANS, Rond. C., 1443-1460, 353]). Sy se party ledit chevalier atout sa response, et prestement vint à Calais, où il trouva celle laquelle il aymoit beaucoup, et luy fit la relation du roy anglois, telle comme vous avez oye, qui moult certes luy agréa. ([CHASTELL., Chron. K., t.1, c.1456-1471, 216]). LE TEMPS. (...) A qui sera ceste demye double [une trompe pour tromper] ? FINE MINE. Je veulx la grande, elle m'agrée. ([Sots triumph., c.1475, 48]). MALEMBOUCHEE. (...) Goubelet, beau Gobelet, venés a moy de mactin ; De grant cuer vous baisarey, mes que soyes plein de vin, Car tout le jour a vous j'ay ma pensee ; De grant amour vostre sçaveur m'agree. ([Pass. Auv., 1477, 178]). Si firent tant qu'ilz [les heraulx] arriverent devers Jehan de Paris, et luy compterent au long ce qu'ilz avoient fait, et de la grant beaulté de la pucelle que moult agrea a Jehan de Paris. ([Jehan de Paris W., 1494-1495, 51]). |
| - | Empl. abs. : On y sent sans plaie pointure Douce, plaisant a soustenir Et delitable a maintenir ; Com plus fort point, et plus agrée. ([MACH., D. verg., a.1340, 31]). Trop bien estes comparée Au printemps qui tant agrée Et tant ha puissance, Qu'en li douceur est trouvée, Verdeur, fleur, fruit et rousée Et toute plaisance. ([MACH., Ch. bal., 1377, 604]). Viengne que advenir pourra ! Chascun a sa destinee, Soit que desplaise, ou agree ([CH. D'ORLÉANS, Rond. C., 1443-1460, 329]). |
| 2. | Empl. impers. (Il) agree à qqn. "Il/cela plaît à qqn" : Voulentiers, mon chier seigneur doulz, Quant vous aggrée. ([Mir. nonne, 1345, 338]). Et quant de Beessin issirent, Vers Uismes leur erre acuillirent Et ont Olne a un gué passee D'antiquité, mont leur agree ([Vie st Evroul S., c.1350, 61]). Mais puis qu'il est ainsi Qu'à moy occire est vo pensée, Puis qu'il vous plaist, forment m'agrée. ([MACH., L. dames, 1377, 84]). Puis qu'il vous plaist, sire, et agrée, Tantost me verrez despoullié. ([Mir. st Alexis, 1382, 321]). Ma fille, il ne me desplaist point, Ains as bien dit et bien m'agree ([Gris., 1395, 34]). Sire, puys que bien vous agrée, J'ay bien veü vos marchans ([BOUVET, Appar. Meun A., 1398, 35]). Ainsi [les Perses] s'en vont, tirant vers Grece, Ou leur soit lait ou leur agriece ([CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 244]). Hoo ! le povre Johan, Johan laisse aller sa femme Par tout où y luy agree Et n'en ose dire mot. ([P. Jouh. D.R., a.1488, 26]). |
| - | (Il) agree à qqn + inf. : Sy m'agree Retourner en la maisoncelle Dont je yssy povre pucelle ([Gris., 1395, 83]). |
| - | (Il) agree à qqn que : Pour ce vous pri qu'il vous aggrée Que leal amour confermée Soit entre vous et Toute Belle ([MACH., Voir, 1364, 8793]). Griseldis, m'amie, ça vien ! A ton pere et a moy agree Que soies ma femme espousee, Et croy que d'accort en seras ([Gris., 1395, 37]). |
| - | S'il agree à qqn : Car s'il li agrée, J'aray destinée Bonne ou mort desesperée ([MACH., R. Fort., c.1341, 18]). |
| . | S'il/si vous agree. "Si cela vous plaît ; s'il vous plaît" : Alons y sanz faire sejour, S'il vous agree. ([Mir. enf. ress., 1353, 42]). Pour ce vous pri, dame, s'il vous agrée, Que moy de vous ne vueilliez estrangier ([MACH., L. dames, 1377, 29]). Et vous, seigneur, si vous agree, Dictes pour quoy estes venus. ([Pass. Auv., 1477, 177]). |
B. - | [D'un animé ; le compl. d'obj. indir. désigne un animé] "Plaire à" : Oyseaulx, je vous voy en chemin De tout plaisir et joye desiree ; Chascun de vous a per qui lui agree, Et point n'en ay ([CH. D'ORLÉANS, Ball. C., c.1415-1457, 92]). Et pourtant devés penser que quant a Dieu playra ilz vous maryeront si haultement, que bien vous en pourrés tenir contente, et pourrés estre a tousjors mays honoree. Car pluseurs en troveront qui seront bons pour vous, dont vous pourrés prendre celuy qui mieulx vous agreyra. ([LA CÉPÈDE, Paris Vienne K., 1432, 130]). |
III. - | Empl. pronom. [D'une pers.] S'agreer à qqc. "Se résigner à qqc." (Heilemann, Gloss., 69) ; "consentir à qqc., être d'accord avec qqc." : Laquelle chose, quand le duc conçut son vouloir [de la royne angloise] et qu'en luy n'estoit de le luy rompre pour nulle voie, s'y agréa assez et dit : que, puisqu'ensy estoit, il la verroit et recevroit bénignement ([CHASTELL., Chron. K., t.4, c.1456-1471, 284]). |
IV. - | Part. prés. en empl. adj. |
A. - | [D'une pers.] "Qui est d'accord ; consentant" : Monsegneur, bien le voel, bien sommes agréans ; Ce qu'il vous plaist à faire, bien est apiertenans. ([Geste ducs Bourg. K., c.1410-1419, 355]). |
B. - | [D'une activité hum.] "Qui plaît" : ...cuydant par ce que ce feust fantasme, ou sort, ou bien fayrie, ou que cela ainsy ne venist comme ung songe particulier moult agreant, sophistique ([SAINT-GELAIS, Séj. honn. J., c.1490-1495, 65]). |
V. - | Part. passé en empl. adj. [D'une pers.] "Satisfait" : Le Jouvencel dist : "(...) je tiens le roy Amydas pour bon homme (...). Et moy, qui suis un pouvre gentilhomme, à qui Dieu a donné la grace de espouser madame sa fille, si belle dame et bonne, tant saige et honneste, ne suis-je mye doncques bien recompensé ? Et n'eussè-je jamais autre chose, par ma foy ! si suis et m'en tiens pour payé, agreé, assigné et bien content..." ([BUEIL, II, 1461-1466, 253]). |
REM. L'éd. traduit agreer par "être à la disposition" dans l'ex. suivant : Astrologe, des beneurtez, des maulx Des temps futurs juge naturelment Aux estoilles, et a son jugement Pour carculer Arismetique agrée, Compte et nombre. ([DESCH., Oeuvres R., t.7, c.1370-1407, 23]).Cette déf. ferait de Arismetique le suj. de agrée et elle se rattache difficilement aux sens du verbe. Peut-être le suj. du verbe est-il astrologe, auquel cas agréer signifierait "avoir [l'arithmétique] pour agréable, s'en servir pleinement". |
DMF 2020 - Synthèse |
Martine Moulin |
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