I. -

[Idée de désir de qqc., d'attachement à qqn ou à qqc.]

A. -

Affecter qqc.

1.

"Désirer qqc." : Or notons ici combien nostre sanctifficacion est de Jhesu Crist affectée et desirée (Mir. Oton, c.1370, 317). Je n'ay cure de consolacion qui me tolt conpunction, ne je ne affecte point contemplacion qui me maine en elacion. (Internele consol. P., 1447, 35). Dieu t'a precedé portant sa croix et pour toy est mort en la croix afin que tu portes ta croix et que tu affectes morir en la croix. (Internele consol. P., 1447, 43). Et puis leur plaise aussi moy pardonner se je leur actribue mon labeur comme leur treshumble et tresobeyssant subget, desirant et affectant leurs noms comme dignes estre mis et renommés pardurablement en la memoire des hommes (MILET, Épître épilogative, éd. M.-R. Jung, 1452. In : Trav. Ling. Litt. 16-1, 1978, 253). Si sceut prestement le roy leur venue, et affectoit fort savoir leur charge (CHASTELL., Chron. IV, D., c.1461-1472, 173). ...ledit nostre Saint Pere, aiant grant ceur a la journee que avoit establie a Mantue, tousjours sollicitoit d'icelle et affectoit fort que fruit en peust venir a la crestienté par l'assistence que les princes lui donroient. (CHASTELL., Chron. IV, D., c.1461-1472, 233).

-

Affecter que. "Désirer que" : Et alors l'acteur, affectant que demourissiez félices et paisibles, et lui avec vous, vous remonstre et dit... (CHASTELL., Vérité mal prise K., c.1460, 361).

2.

"Désirer activement qqc., rechercher qqc. avec ardeur" : ...maistre Gautier Jayer (...) fu ce jour receu au lieu de conseillier en la Grant Chambre, qu'il tenoit par avant ce qu'il eust esté esleu procureur du Roy, lequel office il n'avoit point affecté ne pourchassié (FAUQ., II, 1421-1430, 39). ...[Jason à Peleus] Et car je sçay et voy que voirement honneur doit estre prefferé et mis devant toutes mondaines choses, affin que l'en voye que j'affecte et desire honneur, l'amour de ma dame ne m'est si prez du cuer que desir convoiteux de gloire et d'honneur ne soit entre deux (LEFÈVRE (R.), Hist. Jason P., c.1460, 167).

-

Empl. abs. : La vertu qui conseille et affecte, ou veult et desire ensemble, est l'entendement practicien (Somme abr., c.1477-1481, fº 76).

-

Affecter à / de. "Être très désireux de" : Oudit an, le très chrestien roy de France, affectant de insulter ses ennemys et par espécial les Turcs, Sarrasins et autres estans contre la foy chrestienne, fist aliance avecques le roy de Hongrie (CHART. J., Chron. Ch. VII, V., t.3, c.1437-1464, 74). ...et si vous les François affectez à savoir la vérité de ceste crémeur... (CHASTELL., Vérité mal prise K., c.1460, 391).

-

(Estre) affecté à. "Être très désireux de" : [Un heretique] lequel, quant il fut retourné a vraye foy, il ne se trouvoit pas si affecté a oroison comme par avant (Traité S. Sacr. B., c.1450-1500, 159). [L'ame devote] considerant la grace de sa saincte incarnation et chaste nativité, elle est affectee a garder pureté et chasteté (Disc. amour divine, 1470, 34).

-

Estre affecté en qqc. "S'adonner à qqc." : Tant plus est l'ame affectee et occupee en temporalité, moins congnoist et sent la grace (Disc. amour divine, 1470, 36).

B. -

Empl. pronom. S'affecter à qqn. "S'attacher à qqn" : ...et jamais celéne vous sera, la cause pour quoy je me suy plus affectéz a vous que a nulle que je voiie ne veisse oncques en ma vye. (WAUQUELIN, Manequine C.T., a.1448, 157).

C. -

Part. passé en empl. adj. [D'une pers., de dispositions intérieures, de l'âme, du coeur]

1.

Affecté à qqn. "Lié, attaché à qqn (par un sentiment), partisan de qqn" : ...Pierre Cauchon, docteur en théologie, nouvel évesque d'icelle ville de Beauvais, moult enclin et affecté audit duc. (MONSTRELET, Chron. D.-A., t.4, c.1425-1440, 23). Et ne furent point François tant seullement affectéz a la royne [d'Angleterre] ne a son parti pour la remettre en sa couronne perdue, mes partie aussi, et principalement, sur espoir de vaincre et humilier l'autre partie adverse, a qui on donnoit grace d'estre bourguignonne (CHASTELL., Chron. IV, D., c.1461-1472, 277). Et pourtant, messeigneurs qui nous ont icy envoyez, ayans l'ueil d'entendement par clère congnoissance, et affecté par vray amour à leur seigneur, comme au chief et à tout le corps de ce crestien royaulme (LEFÈVRE ST-RÉMY, Chron. M., t.1, c.1462-1468, 93). ...loyaulté très parfaicte et très affectée au bon estat du roy (LEFÈVRE ST-RÉMY, Chron. M., t.1, c.1462-1468, 101).

-

Affecté envers qqn : ...c'est en celui estat où il vous perçoit non estre guères affectés envers lui (CHASTELL., Vérité mal prise K., c.1460, 389).

2.

Affecté à qqc. "Attaché à qqc., assujetti à qqc." : ...le Roy et le duc de Bourgongne estoient bien affectez à l'union et apaisement des subgiez du Roy (FAUQ., I, 1417-1420, 254). Avecques ce qu'elle [l'âme] n'est en quelque chose terrienne occupee, aussi n'i est point affectee et n'a quelque ymagination, recordation, fantasie, representation ou pensee de choses quelconques qu'elle ayt veu ou ouy (...) La volunté n'est a quelque chose creee desordonneement affectee et sa memoire n'en a quelque recordation ou pensee (Disc. amour divine, 1470, 164-165). Mon corps (...) auquel je seroye par amour naturellement inclinee et affectee (Disc. amour divine, 1470, 320). Ces choses non considerans, iceulx detracteurs, ignorans totallement la vraye science de astrologie et les fondemens, principes, regles et moïens d'icelle, affectez à leur propre oppinion et volenté mauvaise, à faulte de sçavoir la differance des bons ars et des mauvais (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 2 r°).

-

Affecté à + inf. "Très désireux de" : ...le Roy et les gens de son Conseil estans à Provins (...) avoient tousjours esté et estoient très affectez à entendre à la paix et union de ce royaume (FAUQ., I, 1417-1420, 292).

3.

Empl. abs. Affecté

a)

"Attaché à qqn, accoutumé" : Iniquité affectee et de tous vices et pechez mauvaise acoustumance par laquelle il [le diable] a puissance de la povre amer lier (Disc. amour divine, 1470, 96).

b)

"Disposé (de telle ou telle manière)" : Les aultres ont l'entencion fainte et faulce. Et ceste vient de la voulenté affectee mensongierement, qui tient a Dieu pour apparence seulement, comme les ypocrites qui servent a Dieu pour vaine gloire (Vie contempl., c.1450-1500, fº 6 vº).

-

"Passionné, partial, acharné dans ses idées, ses sentiments" : ...et autres de la ville de Paris, preudommes, non trop affectez ou parcialz (FAUQ., I, 1417-1420, 53).

-

"Attaché à un parti, partial" (cf. G. Roussineau, Z. rom. Philol. 110, 1994, 247) : [Maistre Jehan de Clugny, ambassadeur du duc de Bourgogne, aux députés du roi de France :] En ceste matere nous ne sommes ne ne nous reputons estre partie ne affectéz ou parciaulx, car elle concerne le commun bien du roy et de nous. (CHASTELL., Chron. IV, D., c.1461-1472, 46).

c)

"Ému d'un fervent désir, rempli de ferveur" : Ceulz et celles quy moins y vont [à l'Eucharistie] sont communement reputez plus affectez quant ilz y vont, et en plus grande reverence ilz s'en approuchent (Traité S. Sacr. B., c.1450-1500, 162). Aprez abstinence [de l'Eucharistie], je me suy aulcunes fois trouver plus affectee et aulcunes fois moins (Traité S. Sacr. B., c.1450-1500, 162).

II. -

[Idée d'affectation (à qqc.)]

A. -

Affecter qqn qq. part. "Placer qqn qq. part" : Qui sont ces chevalliers affettés cy appart ? (BAGNYON, Hist. Charlem. K., c.1465-1470, 93).

B. -

Affecter à

1.

Affecter (sa vue) à qqc. "Attacher (sa vue) à qqc." : Adont sambla au chevalier qu'il veoit pucelles en celle merveille qui se deduisoient, et tant y affecta sa veue que par heures il cuidoit plainement veoir la belle Neronés. (Percef. III, R., t.2, c.1450 [c.1340], 217).

2.

Affecter un animal à + inf. "Dresser un animal à" + inf. : ...une coulombe, qu'il [Mahomet] avoit affaictee a mengier dez poiz enmillez en ses oreilles (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 119).

-

[Dans un cont. métaph.] Affecter qqn au loirre. "Dresser qqn à revenir vers un appât (comme on fait pour le faucon)" : ...[Amour] au loirre les affaicte et reclame A obeïr au vouloir de leur dame. (CHART., D. Fort., 1412-1413, 176).

3.

Empl. pronom. S'affecter à qqc. "Se résigner à qqc., s'accommoder de qqc." : ...j'ay cuer tel et si entier Qu'il ne se pourroit affaictier A chose ou Loyauté n'acorde (CHART., B. Dame, 1424, 349).

4.

[D'une pers.] Estre affecté à qqc. "Être destiné à qqc." : ...sachant de vray que de sa nature il est affecte a veoir, estudier et auoir liuvres et croniques sur toutes-riens (Chron. conq. Charlem. G., t.1, 1458, 14).

C. -

Part. passé en empl. adj. DR. [D'un bien] "Grevé d'une charge réelle" : ...et declare la Court lesdiz heritages estre affectez, ypothequez et obligez pour la rente et arrerages dessusdis (FAUQ., III, 1431-1435, 120).

III. -

[Idée d'extériorisation, de manifestation (sincère ou trompeuse)]

A. -

Affecter (un sentiment) "Manifester (un sentiment)" : ...grant ingratitude et voulenté injurieuse follement affectee (CHART., Q. inv., 1422, 25).

B. -

"Manifester de manière trompeuse"

-

Part. passé en empl. adj.

.

[De qqn] : Ne il n'est deceveur affaitié (CHART., L. Dames, 1416, 235). [D'une abstr. personnifiée, de la mort] Affine affreuse, amoureuse affaictée, Antidatée, apocriffe, affectée, Acraventée, apostacque, afflictée (LA VIGNE, Compl. roy Bazoche M.R., 1501, 392).

.

[De paroles] : ...soubz un langaige afaictié (Lettres Chart., 1425, 362).