C.N.R.S.
 
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     ADMIRATION     
FEW XXIV admirari
ADMIRATION, subst. fém.
[T-L : amiracion ; GD : amiracion ; GDC : admiration ; FEW XXIV, 167a : admirari ; TLF : I, 697a : admiration]

A. -

"Sentiment d'émerveillement, d'étonnement"

 

1.

"Émerveillement causé par qqc. ou qqn de supérieurement beau, bon, grand..."

 

a)

[L'obj. de l'admiration est une chose abstr. ou concr.] : Mes l'autre opinion ennoblesit et confrema [la] paour que il avoient eu en icelle heure et la admiration de la valour de l'ome, c'est du dit Romulus. (BERS., I, 1, c.1354-1359, 16.4, 26). Si l'ont assous et delivré de mort, plus par la admiration de vertu que pour cause de justice. (BERS., I, 1, c.1354-1359, 26.12, 45). Vezci tresnoble chose, sire, Et plaine d'amiracion Et de tresgrant devocion. (Mir. st Alexis, 1382, 317). Fist aussi icelui Virgille en icelle cité, pour l'utillité du peuple, pour une admiracion perpetuelle, une maniere de baings de somptueuse construction, qui garissoient de toutes maladies interiores et exteriores (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 70 r°).

 

b)

[L'obj. de l'admiration est une pers.] : ...par maniére d'admiracion peut estre dit de ceste vierge ce qui est escript en Cantiques (Mir. st Guill., c.1347, 5). La ou Postumius ot dit ces paroles, si grant admiration et aveuques ce miseration de cellui homme occupa tous les hommes que ainz onques cuidoient que ce feust Sp. Postumius qui avoit esté acteur de si vilainne pais. (BERS., I, 9, c.1354-1359, 8.11, 14). Et pluseurs fois est il que une personne meïsme n'a pas tousjours de ceste fin une opinion et cuide souvent celui qui est malade que felicité soit avoir santé, et le souffrecteus dit que c'est avoir richesces, et ceuls qui cognoissent leur ignorance ont grant admiracion et reputent pour beneuréz ceuls qui scevent aucune grant chose pardessus eulz. (ORESME, E.A., c.1370, 109). Et qui vouldroit escripre les cas particuliers, que tous j'ay veüz (et presque tous les personnaiges, tant hommes que femmes), on en feroit ung grand livre et de grande admiration (COMM., III, 1495-1498, 300).

 

c)

[Dans un cont. relig.] "Sentiment d'admiration suscité par la contemplation de la gloire de Dieu et de la grandeur de ses oeuvres" : Et quant je entreoy la fin de ces paroles, lors parfondement je souspiray et tramblay ; par grant admiracion je, tout espouenté et presques ravy hors de moy mesmes, criay avec l'apostre saint Pol : "O altitudo diviciarum sapiencie, etc..." (GERS., Trin., 1402, 164). ...il n'est si dur cueur (...) qui ne doye estre ravy en l'admiration du merveilleux mistere de crestienne foy (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 32). En cogitacion il y a euagacion de pensee, en meditacion il y a parquisicion et inuestigacion, en contemplacion il y a admiracion et consolacion. (CIB., p.1451, 181). ...aucunesfois l'ame contemplatiue est esleuee sur soy en une autre maniere, c'est assauoir par grandeur de admiracion quant elle est irradiee et enluminee de la lumiere diuine et qu'elle a sa meditacion sur la beaulté et pulcritude de l'estat glorieux, ou mesmes des creatures, et qu'elle est aussi comme suppendue par vehemmente admiracion des choses a quoy elle pense, et se lieue hastiuement par maniere d'ung escler a contempler telle pulcritude. (CIB., p.1451, 191).

 

d)

Loc. verb.

 

-

Avoir qqn en admiration. "Admirer qqn" : ...car quant il avoient aucun en tresgrant admiracion et disoient que c'est .I. homme divin (ORESME, E.A., c.1370, 364).

 

-

Se bouter en admiration. "Tomber en admiration" : Courage humain, certainement Pensant de sa perfection, Se boute en admiration Pour laquele n'en doubtez mie L'en y trouva philosophie (LA HAYE, P. peste, 1426, 15).

 

-

[Le suj. désigne ce qui suscite l'admiration] Estre à admiration à qqn. "Susciter de l'admiration chez qqn" : Mont m'est a ammiration Ceste transfiguration. En mainz lieuz Jhesus figuré Est es escris du tempz passé, Mez se transfiguration Dit plus que figuration, Jhesus est outre figuré Quë il ne fu u tempz passé. (GUILL. DIGULL., Pèler. J.-C. S., 1358, 207).

 

-

Faire admiration de qqc. "Admirer qqc." : ...et là où ses faits luy sembloient passer et avoir clarté sur ses contemporains, les affiguroit aux plus clers du temps de jadis, chrestiens et juifs, dont livre fait conte ; imputoit grand gloire à Dieu de l'avoir fait naistre tel ; faisoit amiration de son régner, grand poix de sa félicité, longue ramentevance de ses victoires (CHASTELL., Chron. K., t.4, c.1456-1471, 374).

 

-

Prendre admiration en qqc. "Être frappé d'admiration devant qqc." : Quelle admiration peult on prendre ou fait de Marius (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 139).

 

2.

"Étonnement, surprise causée par qqc. d'inattendu" : ...ce chevalier tant labora qu'il les fit espouser le premier dimence de quaremme, faire toutes les solempnités des nopces, sans nullui y évoquer, et finablement couchier et consommer le mariage, en merveilleuse et grande admiration du monde d'un cas si soudain. (CHASTELL., Chron. K., t.3, c.1456-1471, 25). Sy vous a fait le bras de son garant et la garde de son honneur, et ce que divisions par longs ans et termes ont nourry en froideur, l'un envers l'autre, il est venu mettre entre vos mains tout féable et asseur en amiration du monde. (CHASTELL., Chron. K., t.3, c.1456-1471, 281). Et le pere luy dist : "Garde bien que tu ne me dies nul estre ton amy que tu ne l'aies esprouvé, car j'ay plus vescu que toy et a grant paine en ai ge acquis ung demy en ma vie. Pour quoy je m'esmerveille come tu en as acquis cent." Et, adoncques, voiant l'admiracion de son pere, il lui demanda : "Mon pere, je vous prie que me vueillés donner conseil come je pourray esprouver mon amy." (MACHO, Esope R., c.1480, 225). Puis, voyant humble affection De ses appostres somme toute, Vint par grande admiracion Entr'eulx le jour de Penthecoste. (LA VIGNE, S.M., 1496, 151).

 

-

Loc. verb.

 

.

[D'une chose] Estre grande admiration (à qqn). "Susciter un grand étonnement (chez qqn)" : ...l'en ne pourroit penser comme ce est grande admiracion de considerer la velocité ou ysneleté du mouvement du ciel, attendue la grandeur de lui et du tour ou circuite que il fait en un jour. (ORESME, C.M., c.1377, 282). Së Envye me veult deffaire Sans point meffaire, Ce m'est grand admiration (RÉGN., F.A., 1432-c.1465, 197).

 

.

Faire (grande) admiration. "Montrer un grand étonnement" : Lesquelez chosez furent acompliez en celle nuit, si que au matin, un po avant le jour, appela a soy les princez des Latins et fist grant admiration au commencement aussi comme troblez pour la nouveauté de la besoigne. (BERS., I, 1, c.1354-1359, 51.3, 85). Lors la damme se saigne et fait grant admiracion et se prent a soubzrire et dit... (Quinze joies mar. R., c.1390-1410, 62). "Femme, si tu savoies le don de Dieu et qui est celuy qui te demande à boire, tu-mesme lui en demanderoies pareillement", et toy, si tu eusses sçu le don de fortune, et qui estoit celuy qui hurta à ton huys, qui demanda l'entrée de ton povre habitacle, qui te requist la charité de ton feu, qui te supplia pour réfection aucune de tes vivres, et de fait s'en conforta et soustint, tu-mesme peut-estre lui eusses requis de sa grâce, et pour remède et allégement en ta povreté dure. Tu eusses ris en ton coeur, tu eusses fait amiration mainte en ton accident, et eusses loué Dieu hautement et fortune de leur humilité envers toy si extrême. (CHASTELL., Chron. K., t.3, c.1456-1471, 260).

 

.

Faire / prendre admiration de qqc. "S'étonner de qqc." : Et à veoir ladicte monstre y estoit le roy et l'ambaxade du royaume d'Arragon, qui tous faisoient grandes admiracions de la quantité de gens de guerre qu'ilz virent ystre hors de ladicte ville. (ROYE, Chron. scand., I, 1460-1483, 310). Doncques, mon amy Nycodesme, Ne prens point admiracion De la regeneracion Dont je dy qu'il vous fault renaistre Pour parvenir au haultain estre Par la grace du Sainct Esp(e)rit. (MICHEL, Myst. Pass. J., 1486, 76).

 

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Prendre admiration de + inf. : Quant saincte Persuasion Leur tient le teneur fermement, Le ciel prent admiracion D'ouïr chanter si doulcement (MARTIN LE FRANC, Champion dames V, D., 1440-1442, 100).

 

3.

"Violente émotion, crainte causée par qqc. d'extraordinaire" : Si que telle admiracion, Dist il, de cela conceüsmes Qu'onques puis asseür ne fusmes Ne jamés estre ne voulon Au monde, si com nous soulon ; Quar point n'y a de seürté, Fors que d'avoir maleürté Em present et aprés la mort. (Tomb. Chartr. Dix-huit contes K., c.1337-1339, 151). ...et en brief leur confessa et dist que par l'introduction du dyable il avoit fait faire cet homicide par Raoulet d'Actonville et ses complices. Lesquelz seigneurs, oyans ceste confession, eurent si grande admiracion et tristesse au cuer, qu'à peine lui porent il donner response. (MONSTRELET, Chron. D.-A., t.1, c.1425-1440, 162).

 

-

Loc. verb.

 

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Avoir admiration de qqc. "Avoir peur de qqc." : N'ayez pas admiration De ma transfiguration. Descendons de ceste montaigne. (MARCADÉ, Myst. Pass. Arras R., a.1440, 95-96).

 

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Choir en admiration de qqc. "Être pris d'une vive émotion en face de qqc." : Lors Jupiter, dolent de cuer, Avec Vénus, sa doulce seur, Chéuz en admiration De si dure conclusion, Commencèrent, par grant pité, à excuser Humanité Et à loer en leur langage Tout au contraire Humain Lignage (LA HAYE, P. peste, 1426, 37).

 

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[D'une chose] Venir à admiration à qqn. "causer chez qqn une violente émotion" : ...quant il entendi que li François faisoient ensi si forte guerre au dit prince, et qu'il li tolloient et voloient tollir son hiretage d'Acquitainne (...) se li vint à grant amiration et desplaisance (FROISS., Chron. L., VII, c.1375-1400, 139).

B. -

P. méton.

 

1.

"Objet de la surprise, chose étonnante" : Si est grant delectation Oïr telle admiration Que chiens en doient assentir De si loing devant eulx fouir. (LA BUIGNE, Rom. deduis B., 1359-1377, 379). Ad ce vous respons, dame Amour, dit Raison, que ce livre dit de ceste ame grans admiracions (PORETE, Miroir simples âmes G., c.1365-1400, 54). L'ame prudente et gracieuse, De savance moult curieuse, Et non puissant sans desplaisir Résister à si beau desir, Se paine fort, à son povoir, à trouver, sentir et savoir, Les causes et occasions De teles admirations (LA HAYE, P. peste, 1426, 16). ...dont moy regardant sa maniere lunaticque, perceuz en elle grant admiration, ne sçay se j'avoie la veue troublee, ou se la glace du miroir ou elle se pollioit estoit double, mais elle, qui n'avoit que ung seul chief, sambloit avoir deux chiefs redargüans et contredisans l'ung a l'autre (MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 10).

 

2.

"Manifestation de l'étonnement, expression d'une vive émotion" : Comment, seigneurs, vous ne dictes mot ? Il samble que ne soiés yssus de bon sang et que tout honneur et deduis de jennesse soient partis de vous ! Yssiés de vos ammirations et alés defferer au trenchant des espees ces dragons qui empeschent aux jennes pucelles a voir le perron, car qui de vous les defferra acomplira ceste adventure. (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 1119). Le bon mary, consyderant ces choses, avecques les doloreuses ammiracions et piteux regretz de sa femmelette... (C.N.N., c.1456-1467, 375). ...la venue de ce fils du roy qui lui sonnera estrange et lui donra des ammirations beaucoup et de pensemens, et non merveilles, car ce sera matière de grant murmure souverainement au royaume de France contre luy là où n'estoit guères bien voulu de plusieurs. (CHASTELL., Chron. K., t.3, c.1456-1471, 170).

 

-

Faire une / des admiration(s). "Manifester de l'étonnement, une vive émotion" : Et quant ce vint a vous nommer, je vous prommés que la couleur lui mua et commença a rendre grans souppirs et faire une admiracion telle que je jugay en moy mesmes incontinent que c'estiez vous a qui il en vouloit. (Percef. III, R., t.2, c.1450 [c.1340], 138). Adont le roy des poissons lui commença a faire moult de admiracions en signe de humilité et de paix, et tant que le chevalier cognut tresbien son intencion, pourquoy il rebouta son espee. (Percef. III, R., t.2, c.1450 [c.1340], 282). ...quand il vit ceste coronne, il fist une grand admiracion, faindant que rien n'en sceust (C.N.N., c.1456-1467, 376). Ceste venue soudaine de l'aisné fils du roy de France ès marches de decà fut divulguée tantost par tous pays, et commençoient gens à faire amirations sauvages, comme si ce fust ou songe ou fantosme, car sembloit à plusieurs chose toute contraire au possible par plusieurs regars et considérations que prenoient en ce (CHASTELL., Chron. K., t.3, c.1456-1471, 193).
 

DMF 2020 - Synthèse Edmonde Papin

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