C.N.R.S.
 
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     ACCOISER     
FEW II-2 *quietiare
ACCOISER, verbe
[T-L : acoisier ; GD : acoisier ; DÉCT : acoisier ; FEW II-2, 1470a : *quietiare ; TLF : I, 378a : accoiser]

I. -

Empl. trans.

A. -

Accoiser qqn

 

1.

"Apaiser, calmer"

 

a)

[Une pers. éprouvant un sentiment pénible (tristesse, inquiétude...)] : Plusieurs jours Edippus remaint En la cité, ou fu de maint Servi, honoré et prisié. Auques pour lui sont accoisié (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 292).

 

-

[P. méton. du compl.] : RAPHAEL. Joseph, cil qui peult tout deffaire Et refaire a son bon plaisir M'envoye icy pour accoisir Ton cueur qui est en grant soucy (Myst. Incarn. Nat. L., t.1, c.1454-1474, 347).

 

-

[Une réalité abstr. personnifiée] : Vilain cuer et bouche courtoise Ne sont mie bien d'une sorte, Mais Faintise tost les accoyse, Qui par malice les assorte. (CHART., B. Dame, 1424, 344).

 

-

Accoiser qqn de qqc. "Soulager qqn de qqc." : Et je fui cointes et polis, Liés de cuer, gais et envoisiés, Et de tous mes maulz acoisiés (MACH., Voir, 1364, 1108).

 

b)

[Une pers. représentant un danger, une menace] : Si di qu'il vault miex c'on s'encline A le faire [élire Decius empereur] a fin c'on l'acoise Que ce qu'il nous esmeuve noise (Mir. st Lor., 1380, 151).

 

-

[Une réalité abstr.] : Or fay tost, roÿne, siez toy, Car il est bonne heure, ce croy. Les elemens sont apaisié Et trestous les signez acoisié ; N'y a planette qui se doeulle Et qui nativité ne voeulle (Renart contref. R.L., t.1, 1328-1342, 104).

 

2.

P. anal.

 

a)

"Réduire au silence, priver de toute réplique possible" : Cierte, vasals, dist-ilh, vos asteis acoisiet, Je croy tu es venkus, or ne me soit noiet Et me rens ton espée, s'aray de toy pitiet (JEAN D'OUTREM., Geste Liège B.B., t.2, a.1400, 587).

 

b)

"Priver de qqc."

 

-

Accoiser qqn de qqc. : Si feront là estour qui serat aguissiet, Et liqueis des II rois soit vencus, acquoisiet Serat de toute honour, infammes pronunchiet (JEAN D'OUTREM., Geste Liège B.B., t.5, a.1400, 666).

 

Rem. Ces ex. figurés, fournis par Scheler, Gloss., semblent uniques.

B. -

Accoiser qqc.

 

1.

[Un état d'hostilité] "Apaiser, mettre fin à" : Son filz Alixandre apella : "Beaul filz," dist il, "entendez ça. Prenés chevaliers et avoir, Et allez de cecy sçavoir. Faittes qu'ilz soient apaisiés, Et leurs riotes acoisiés." (Renart contref. R.L., t.1, 1328-1342, 112). Tost y fu la noise accoisie. (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 303). Icellui tresnoble prince (...) ne mist pas en oubly le roy Jehan, son pere, ne son jeune frere, maiz en toute dilligence possible les racheta de leur prinson, et plus par sa sapience que par glayves abolist entierement et accoisa les discensions civilles et intestines, dont devant est parlé, qui lors estoient en ce royaume françois (Droiz Cour. Fr. H., 1460, 427). Et, quant ledit Henry, son pere, fut mort et que icelle nouvelle guerre fut de rechief acoisée, ledit Richart fist veu et serement sollempnel d'aller oultre mer avecques ledit roy Phelippe de France. (Droiz Cour. Fr. H., 1460, 484). Neantmoins aprés guerre accoisie, Il se commence a deffier De Dieu qu'on doit glorifier Et craint que de gens circuncise Sa lignie ne soit occise (MOLINET, Myst. st Quentin C., c.1482, 376).

 

2.

[Une situation pénible, douloureuse] "Soulager, mettre fin à" : Entre les biens et graces de nature Que dame puet avoir et desirer Pour bon renom et pour honour qui dure, Qui exemple doit par tout demourer, Vous puet on bien d'un chapel couronner A .IIII. flours, qui maint grief mal acoise, Qui sont en vous pour chascun honourer, Bonne et belle, gracieuse et courtoise. (DESCH., Oeuvres Q., t.5, c.1370-1407, 267). De doulz pensers voz gentilz cuers aisiez, Chantez, dancez pour estre retenu Avec deduit par qui sont acoisiez Tous desplaisirs (CHR. PIZ., Autres balades, c.1400. In : Oeuvres poét., éd. M. Roy, t.2, 1891, 236). Ce plaisant visage angelique, Ce corps a maniere courtoise, Ce doulx regard archangelique, Celle femme qui tout accoise, Sont ilz fais adfin que l'en voise Ailleurs regarder, par ton ame ? Certes tout bon coeur se degoise Au regard d'une belle dame. (MARTIN LE FRANC, Champion dames I-II, P., 1440-1442, 174). Monté comme ung petit conte ou vidasme, Ardant que cil qui aime bien fort une, Je me rendis, desirant salut d'ame, Vray pelerin, a l'humble Vierge dame, Qui renommee est de bonne fortune ; Mais quand ce mal qui tant me deffortune Vueil accoisier, il s'accroit plus d'ung tiers : Mauvaise herbe croist tousjours voluntiers. (MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 163).

 

-

Accoiser (sa faim). "Apaiser (sa faim)" : ...Et donne au povre la myaille Du pain, dont il sa faim aquasse, Si poy d'almoisne excede et passe Le feste au riche et le vitaille. (GOWER, Miroir homme M., c.1376-1379, 181).

 

3.

[Une plainte] "Faire cesser, faire taire" : O peuple, acoise ta murmure Et ta detraction delesse, Divulgant paroles d'injure Causans le mal qui tous nous blesce. Appaise toy, sedicion Furieuse et plaine de rage. (ROBINET, Compl. François H., p.1420, 121). Il est tamps de nous revertir A l'ostel tout paisiblement. Accoisiés ce gemissement, Sans tordre poingz ne rompre mains. (MOLINET, Myst. st Quentin C., c.1482, 277).

 

4.

[Une parole] "Étouffer, empêcher la propagation de" : Comment cuidiez vous appaisier Ces parolles cy n'aquoisier, Tant que n'en ayons nulle esclande ? (MARCADÉ, Myst. Pass. Arras R., a.1440, 223).

 

5.

[Un corps] "Déposer, faire reposer" : Sains Hubiert l'amennat à Liege [le corps de saint Thiart], et si l'aquouse En fietre saint Lambiert, qui noblement despouse De rubis, esmerades et saphirs, et turquouse (JEAN D'OUTREM., Geste Liège B.B., t.2, a.1400, 643).

 

6.

[Un objet] "Déposer" : Et si pevent faire [les bourgoiz] du bois de leur coustume piéx, et si tost que lesdiz piéx seront acquisiéz en leur ostel, c'est leur coustume sans amende. (HECTOR DE CHARTRES, Cout. R., 1398-1408, 249).

 

Rem. Le synon. reposer est employé en cont. similitaire p. 330.

II. -

Empl. intrans. ou pronom.

A. -

Qqn (s') accoise

 

1.

"Se taire, faire silence" : Si tost com cestui ot oï Le doulx chant [des anges] qui le resjoï, Tantost bien hault a touz s'escrie : "Taisez, taisez ! N'oiez vous mie Quelx louenges ou ciel resonnent ?" Et celx qui mot ne li responnent S'aquoisent touz pour la merveille ; Et celli le cuer et l'oreille Au chant des cieulx touzjours tendoit. (Tomb. Chartr. W., c.1337-1339, 114). Et li bastard c'escrie, ne se vot aquoisier : Damme, venez avalz ceu marchiez desclairier Si que nous puissons et dire et tesmoingnier Coment la chose en vait, s'on lou volloit noyer. (Lion Bourges K.P.F., c.1350, 1051). Car il ne sot que dire. Adoncques s'acoysa. (Tristan Nant. S., c.1350, 645). Li quelz hiraus en hault monta Sus .I. escamiel qui fu la, Et puis commença a criier, Et toutes gens [a] acoisier, Et a traire de celle part. (FROISS., Méliad. L., t.1, 1373-1388, 81). Chevalerie atant s'acoise, Plus ne parla (CHR. PIZ., Chem. estude P., 1402-1403, 140).

 

-

À l'impér. : "...Sairaisin, dit la damme, allez vous aquoisant, Car jamaix de vous corpz ne m'irait alongant Tant qu'an vous corpz arait vie ne tant ne quant." Dont gete dez quailloz au Sairaisin puant, Et li paien alloit adés le dos tornant Et encontre la terre vait la teste baissant (Lion Bourges K.P.F., c.1350, 58). Et la fee lui dist : "Ce n'est pas afferant Que nul chevalier voit son espee sachant, S'il ne voit devant lui ses ennemis dolant. - Dame, se dist Tristan, allés vous acoisant ; La forest est moult drue et ly abre sont grant, Tel me pourroit saillir ou derriere ou devant Que je n'aroye a temps jamés saché mon branc..." (Tristan Nant. S., c.1350, 309). Segneurs, dist Yvorim, alés vous accoisant, N'adesés ce vassal d'ores mais en avant ! (Huon Bordeaux B., c.1400-1450, 266). [Autre ex. p.453, v.13928] Aquoisie vous, foul, Vo me traueis les orelle. (Jeu nat. suite C., c.1480-1500, 192).

 

-

Au passif "Silencieux" : [Des ambassadeurs, le conseil du roi, prennent place dans une salle, dans un certain brouhaha] Qant il furent tout aqoisié, messires Renauls de Gobehem parla et dist... (FROISS., Chron. D., p.1400, 214). Quant le roy Alexandre veyt que temps fut et que le peuple fut tout aquoisé, il dist tout hault : "Seigneurs et dames, gentilz et vilains, qui cy estes assemblez pour veoir couronner vostre roy, ne tenés pas ce couronnement a truffe..." (Percef. I, T., c.1450 [c.1340], 155). ...tous ceux de l'ost furent sy acoisiés que (...) on n'eust homme ne femme oy (CHASTELL., Chron. K., t.2, c.1456-1471, 363). ...mais, pour la mort du bon chevalier, l'ost fut tellement accoisé, que d'un trait d'arc arrière on ne se fust aperçu qu'il y eust eu personne (Faits Lalaing K., c.1470, 255).

 

-

[D'un animal] : Tu os des oiselés les chans Qui ne se voelent aquoisier, Ains se painnent d'yaus degoisier (FROISS., Joli buiss. F., 1373, 80).

 

-

S'accoiser de qqc. "Cesser d'en parler" : Lors dit li duc : "J'espoir et si le voix pansant Qu'elle ait estéit ou lieu, selon mon ensiant, Ou elle ait oyr dire de moy le couvenant. Sotte gens disent tout ceu qui lour vient devant." Ensi s'an vait li duc de ceu fait aquoisant (Lion Bourges K.P.F., c.1350, 579). Or seray acquoisiés De chu, car d'autre chouse je veulhe estre traitiés (JEAN D'OUTREM., Geste Liège B.B., t.5, a.1400, 669).

 

2.

[D'une pers. éprouvant un sentiment pénible (tristesse, inquiétude, colère, etc.)] "S'apaiser, se calmer" : Ainsi dit la roÿne qui fut de noble affaire ; Doulcement conforta la belle au clier vïayre Et celle s'aquoisa qui n'en pouvoit plus faire. (Flor. Octav. L., t.1, c.1356, 375). "Ha ! pour Dieu, qu'on me donne a boire, Ou je muir !" On ne m'en volt croire, Ains mes gardes se teurent quoi ; Et je par grant desir dis : "Quoi ! Me lairan chi de soif morir ?" En cel ardeur, en ce desir M'ala souvenir de ma dame. Lors m'alai aquoisier, par m'ame, Et pris fort a penser. (FROISS., Espin. amour. F., c.1369, 92). Tyssure luy dit tant de bonnes parolles que la royne s'acoysa et s'en vint a sa chambre avecques ses autres femmes. (Charles de Hongrie C., c.1495-1498, 130).

 

-

À l'impér. : Climent lors s'escryä et dit : (...) Se vengence n'en ay, peu en seray lïés, Car son corps doit bien estre en ung feu greïlliés. - Sire, ce dist le roy, ung pou vous accoysiés ! Se la dame estoit morte, ja myeulx n'en vauldrïés. (Flor. Octav. L., t.2, c.1400, 474).

 

-

[D'un animal] : Quant il fut de cuirasse armé Au gré de Prudence la meure, Tantost Raison lui a fermé Bras et jambes de leur armeure. Puis on amaine sans demeure Le coursier qui de chaleur fume, Qui mal s'accoise et mal se meure, Car il ne l'a pas de coustume. (MARTIN LE FRANC, Champion dames I-II, P., 1440-1442, 31).

 

-

S'accoiser de qqc. "En être soulagé" : Or soiez liez, joyeux et envoisiez ; Tous amoureuz, puis que May est venu. De tous voz deulz ores vous aquoisiez (CHR. PIZ., Autres balades, c.1400. In : Oeuvres poét., éd. M. Roy, t.1, 1886, 239).

 

3.

"Rester oisif, inactif" : Li damoisiaus qui a bien tent, Quant il deubt le bois approcier, Lait lors aler son esprivier. Cilz vole ou bois tout contremont Et adont Saigremors semont Ses escuiers que apriès voisent, Et cilz, qui mies ne s'aquoisent Mais voelent a lui obeïr, Se vont lors ens au bois ferir En huiant apriès l'esprivier. (FROISS., Méliad. L., t.3, 1373-1388, 86).

 

-

S'accoiser de qqc. "Se satisfaire de qqc." : Julius Cesar de rins ne soy aquoise, Cm hommes assemblat et si bin soy dispouse, Qu'ilh at assegiet Tongre qui astoit en requouse (JEAN D'OUTREM., Geste Liège B.B., t.1, a.1400, 606).

 

-

S'accoiser de + inf. "Cesser de" : Quant ce out dit et mont d'autres choses Qui dedenz lui erent encloses, Adonques lez freres besa Et de paler donc s'aquesa, Et en cel point qu'estet ici Sa sainte ame du corps issi Et au creatour la rendi (Vie st Evroul S., c.1350, 105). ...de preichier ne s'aquouse, Sicom fist sains Jheromme, Augustins ou Ambrouse (JEAN D'OUTREM., Geste Liège B.B., t.2, a.1400, 601).

B. -

Qqc. (s') accoise

 

1.

[D'un phénomène naturel] "Se calmer" : Dont s'acoisa la mer et l'oraige passa, Le temps devint moult cler et le soulail leva (Tristan Nant. S., c.1350, 81). Li airs s'esclarcy et la mer s'acoisa (Bérinus, I, c.1350-1370, 232). Quant nous fumes en mer, ung ouraige leva Qui cinq jours tous entiers nous tint et nous dura, Cuidoyons tous morir, certes n'en doubtés ja, Mes Dieu nous secourut tant qu'auprés par deça De la ville arivasmes et le temps acoysa [var. quant li tamps s'acoisa, p.912]. (Flor. Octav. L., t.2, c.1400, 451).

 

Rem. Cf. ex. de Froissart (la mer s' aquassa) ds GD I, 63b.

 

-

Estre accoisé. "S'apaiser, se calmer" : Trois jours tous acomplis dura ceste dolour [une tempête en mer] Qu'oncques ilz ne mengerent ne burent par savour ; Et au .IIII.e jour, ce nous dit la tenour, Le vent est aquoysé et la grant tenebrour (Flor. Octav. L., t.2, c.1400, 417). Et ainsi demoura en celle place (...) l'espace de .V. heures, en attendant que la mer fust accoisee (Bouciquaut L., 1406-1409, 249).

 

2.

"S'adoucir, s'atténuer" : ...[Orpheus] tant doulcement chantoit que tous les tourmens d'enfer en accoisierent et tous les infernaulx offices furent cessez pour escouter le son de la lire (CHR. PIZ., Ep. Othea L., c.1400-1401, 248).

 

3.

"Se dissiper, cesser" : Marguerite d'Austrice Vis roÿne nommer Et du povre et du rice En France, plus aimer Que d'or une montaigne ; Mais ce bruit s'accoisa Car l'Anne de Bretaine Son amy espousa. (MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 329).
 

DMF 2020 - Article revu en 2015 Jean-Loup Ringenbach

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