-

Au malheureux chiet touours la bûchette : Au temps de doeul que Mavors le tirant Alloit tirant canons, flesches et dars Et mettoit tout a l'espee trenchant, Courant, trachant, crueulx feux allumant, Cler sang semant dessoubz ses estandars, Par ses saudars, Plains de cautelle et d'ars, Je fus de dars perchiet, cotte et jacquette : Au malheureux chiet tousjours la bucquette ["la courte paille (au jeu du même nom)"] (MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 65).

Rem. Hassell 60, B197.

.

Au malheureux chiet toujours le vireton ("flèche ou trait d'arbalète qui tournoie dans l'air") V. vireton

-

Les bienheurés et les malheureux ne diffèrent en rien par la moitié de la vie V. bienheuré

.

Tous les coups la pierre chiet sur le plus maleureux de la fête : Dame, dist le chevalier, toute personne doit redoubter sa perte, car tous les coups la pierre chiet sus le plus maleureux de la feste. Je le dy pour moy, car je suis tant mal fortuné en ceste besongne que j'en redoubte trop la maleureté. (Percef. III, R., t.2, c.1450 [c.1340], 136).
 

I. -

Adj. [En parlant d'un événement] "Malheureux, qui a une issue défavorable" : ...bataille maleureuse (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 138).

II. -

Subst. masc. [À propos d'une pers.] "Malheureux" : ...les gens eüreux Desprisent les maleüreux (CHR. PIZ., M.F., I, 1400-1403, 86).
 

"Malheureux" : Adieu, adieu, doulce chevance ! Nous avons de vous souvenence En ce monde si mallereux. (Pass. Auv., 1477, 104). Je suis la mere maleureuse ; Plus non ay enfant ne marit. (Pass. Auv., 1477, 130).

-

[De soi-même] "Pauvre de moi" : Que farey je, las, maleureux, Sur tous pecheurs le plus vicieux ? Jamaiz ne fusse je esté né ! (Pass. Auv., 1477, 206).
 

"Méchant, mauvais" : Bien vous gardaré de y toucher, Dyables maulvais et maleureux ! (Pass. Auv., 1477, 112). De grant malice estes remply, Juïfz, maleureuses gens ! (Pass. Auv., 1477, 232). Mon filz en est en croix cloué, Mort et tüé, Pour ton peché, maleureux homme [Adam] ! Il en a sa vie donné, Tout rebroué, Pour le plaisir que pris en pomme. (Pass. Auv., 1477, 246).

REM. 1. Dér. de maleur "méchanceté". 2. Cf. The Baptism and Temptation of Christ, éd. J. R. Elliott et G. A. Runnalls, c.1500, 66 : Pecheurs mauvaix et malereux.
 

[D'une pers.] "Malheureux" : Donques, se nous disons que la felicité de celui qui est bien mort est variee ou muee par teles transmutacions, il s'ensuit inconvenient, car il seroit aucune fois beneuré et aprés autre fois maleureus et mescheant. (ORESME, E.A., c.1370, 132).
 

"Malheureux, infortuné"

-

[Avec une formule de renforcement] Maleureux par deux elles. "Extrêmement malheureux" : Je suis malheureux par deux elles (Myst. jeune fille L., c.1413-1445 [c.1530], 27).

REM. Cette loc. semble signifier que le malheur est si profond qu'il faudrait l'écrire avec deux l. Cf. DESCH., Oeuvres Q., t.6, c.1370-1407, 222 : «Maleureux suis par toute lettre».
 

A. -

"Malheureux, infortuné" : Ha ! dame du hault firmament, Maleureuse est la personne Qui a vous servir ne s'adonne, Et de bonne heure est celle née Qui mect en vous cuer et pensée (Mir. femme, 1368, 182).

-

Empl. subst. [Avec prédéterminant] : LE LARRON. (...) En ce destour me bouteray Et les passans espieray Tant qu'aucun maleureux venra Qui touz mes despens paiera D'un mois et plus. (Mir. march. larr., c.1349, 100).

B. -

"Néfaste, triste" : Las ! com maleureuse venue Et com maleureuse journée Nous est au jour d'uy adjournée ! (Mir. enf. diable, c.1339, 49).
 

"Qui est en proie à une souffrance" : Remembre toy de tes pofvres esclaves, Serfs et espaves, ou cent fois pis qu'en caves Mis aux entraves, maleureux a toujours Piteusement ilz fineront leurs jours ! (LA VIGNE, V.N., p.1495, 131).
 

I. -

[Appliqué à une pers.] "Victime d'un malheur qui le prive de toute joie" : ...se aucun meschief du corps ou de son honneur l'en advenoit, ce que Dieu ne veulle, lasse ! Doulente, maleureuse, jamais mon cuer n'avroit joye (LA SALE, J.S., 1456, 150).

II. -

[Appliqué à une action, à un événement...] "Déplorable, associé au malheur" : Et pour ce, mon ami, que les amoureux telz que je dy sont par telles vertus sauvez, habandonnent ce tresvil et maleureux pechié de paresse pour eulx acompaignier avec la tres resplendissant vertu de diligence, vous prie que soiez de ceulz (LA SALE, J.S., 1456, 25).

-

En partic. "Qui connaît un triste dénouement" : ...quant Hanibal fust vaincu par mer de Diulius, le consulle, il eschiva par astuce et subtillité la payne qu'il crenioit a recevoir pour la perte de sa desconffiture. Car, ainchoiz que les nouvelles en venissent a Cartaige de celle maleureuse battaille, il envoya a ung scien ami a Cartaige (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 33).
 

"Malheureux, accablé de malheur" : Après ce Cruautez respont Qui son parler point ne repont, Einsois se debat et raisonne Si que tous les autres estonne, Et dit qu'onques ne fu veüe Tel merveille n'aperceüe Com dou chetif maleüreus Qui par son cuidier est si preus Qu'il cuide la joie emporter Que nuls ne porroit raporter (MACH., D. verg., a.1340, 41). Fortune est amour haïneuse, Bonneürté maleüreuse ; C'est largesse advaricieuse ; C'est orphenté ; C'est santé triste et dolereuse ; C'est richesse la soufferteuse ; C'est noblesse povre, honteuse (MACH., R. Fort., c.1341, 41). N'il n'est homme, a mon essient, Que quant il est impacient, Qui ne vosist avoir fait change De son estat a un estrange ; Et ce le fait maleüreus Et vivre en estat perilleus. Aussi ne dois tu la puissance De Fortune, ne sa muance En ton cuer amer ne prisier, Mais haïr, fuïr, desprisier, Ne tels biens ne desire en toy. (MACH., R. Fort., c.1341, 91). Si que je me porrai clamer Des hommes le plus dolereus Et le tresplus maleüreus, Qu'onques mais ne fui sans Amour Qu'elle en moy ne feÿst demour (MACH., Voir, 1364, 662). Se je me pleing, je n'en puis mais, Qu'onques nuls si mal eüreus Ne fu ne ne sera ja mais Com je sui, ne si doleureus ; Car (...) Ma dame m'a congié donné. (MACH., Bal., 1377, 549). Helas ! dolens, maleüreus, chetis, Je l'aim trop miex que tout le remenant De ce monde, et se la serf et pris, Doubte et desir de fin cuer humblement. (MACH., L. dames, 1377, 106). Car je me doubt que s'onneur descreüe Ne soit pour moy ; et pour ce en grant dolour Li cuers me tramble et la char me tressue, Si que j'en pers ma force et ma vigour. Tant sui chetis, las et maleüreus, Dolens de cuer et pleins de desconfort, Que, par m'ame, mes cuers n'est convoiteus De nulle riens, fors que d'avoir la mort (MACH., L. dames, 1377, 107).
 

I. -

Adj.

A. -

[D'une pers.] "Qui est digne de pitié" : ...vous estes donc bien fort maleureux, qui avez chacun femme qui ainsi vous reprend d'aller a la taverne (C.N.N., c.1456-1467, 542). Ha ! pouvre maleureux veillart, tel que je suis et tousjours ay esté, de qui la fortune et destinée sont dures (C.N.N., c.1456-1467, 555).

-

[En apostrophe]

.

[À qqn qui est en fâcheuse posture] : Ha ! maleureuse, dist la mere, comment l'avez vous refusé ? (C.N.N., c.1456-1467, 500).

.

[À qqn qui est mauvais par nature] : C'est bien loing de recognoistre ma peine, comme ung bon mary doit faire a sa bonne preude femme. Telle l'avez vous, meschant et maleureux, dont c'est dommage ! (C.N.N., c.1456-1467, 463).

B. -

[D'une situation] "Fâcheux, pitoyable, déplorable" : ...il aymeroit autant ou plus cher morir que son maleureux cas fust cogneu. (C.N.N., c.1456-1467, 94). Quand il eut esté environ cinq ou VJ jours en ceste hostelerie, luy survint par accident une maleureuse adventure. (C.N.N., c.1456-1467, 502).

II. -

Subst. "Personne dont la situation inspire la pitié" : Or suis je homme deffait et deshonoré : prestre, clerc, et maryé ! Je croy que je suis le premier maleureux de cest estat. (C.N.N., c.1456-1467, 287). Le pouvre maleureux se laissa lyer par ses deux ennemis sur ung bancq (C.N.N., c.1456-1467, 495).
 

"Malheureux" : Lors [Remondin] s'avisa a lui mesmes et dist : Messire, qui la gist mort, me dist, se telle adventure [tuer son seigneur] m'avenoit, que je seroie ly plus honnourez de mon lignaige. Mais je voy bien tout le contraire, car je seray ly plus maleureux et ly plus deshonnourez, et certes c'est bien droit. Non contrestant, puis qu'il ne peut autrement estre, je partiray de ces marches et m'en yray querir adventure en lieu ou je pourray esperir mon pechié, s'il plaist a Dieu. (ARRAS, c.1392-1393, 22).

-

Empl. subst. Les malheureux : Aveugle Fortune, dure, sure et amere, bien m'as mis du hault siege de ta roe ou plus bas et ou plus boueux et ort lieu de ta maison ou Jupiter abeure les laz, chetifs, doulereux et maleureux. (ARRAS, c.1392-1393, 243).