Dictionnaire du Moyen Français (1330-1500)

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     ÂNE     
FEW XXV asinus
ASNE, subst. masc.
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[Comme métaphore de façons d'être, d'attitudes, d'actions humaines]

 

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[L'animal stupide]

 

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C'est lessive perdue d'en laver la tête à un âne : Ung homme qui n'a congnoissance Doulceur n'est en luy contenue, Et par sa grant mescongnoissance, Bonté n'est jamais recongneue. La courtoisie est deffendue Vers celluy qui l'effasse et plane, Car c'est bien lessive perdue D'en laver la teste a ung asne. (Prov. rimes F.M., c.1485-1490, 66).

 

Rem. Hassell 40, A141.

 

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Chantez à l'âne, il vous fera des pets "Il est inutile de vouloir convaincre un ignorant" : Il vous oit bien, mais il ne lui en chaut, Autant vaudroit batre son cul au chaut. Ou enseignier a harper dix mulès Que de parler a lui ne bas ne hault : Chantez a l'asne, il vous fera des pès. (DESCH., Oeuvres Q., t.1, c.1370-1407, 210). Pourrez vous bien le cours du firmament Faire muer ? eaue devenir cendre...? - Certes, nennil. - Neant plus entreprandre Ne devez vous a rude cuer l'assaut ; Par l'une entre, par l'autre oreille sault Ce qu'on lui dit, n'est que riote et plès ; Depportez vous d'enseignier tel vassaut : Chantez a l'asne, il vous fera des pès. (DESCH., Oeuvres Q., t.1, c.1370-1407, 211).

 

Rem. Morawski 340 : Chantés a l'asne, il vous fera des pés. Hassell 40, A142 ; DI STEF. 24b, ane.

 

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L'âne cuideroit estre lion si on lui donnoit peau de lion : L'ane estre lÿon quideroit Qui piau de lÿon lui donroit, Se s'en orguilleroit forment Et le renart pareillement ; La cotte du lÿon jus mette Et voie qu'il est rude beste, A labeur et paine propice, Au command son maistre obeisse. (THOMAS MAILLET, Prov. Alain H., c.1375-1400, 80).

 

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Roi sans lettres est comme un âne couronné V. roi

 

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Tel est bien haut qui parle bas et laisse l'âne pour le bât V. bas

 

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[L'animal qu'il faut aiguillonner, battre]

 

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A pesant âne il faut dur aiguillon/A dur âne dur aiguillon. "Il faut traiter les gens comme ils le méritent" : A dur asne dur aguillon. (MIÉLOT, Prov. U., 1456, 192). Mars fiert et frappe et, en tirant, atrappe De son attrape et cruel tourbillon : A pesant asne il fault dur aguillon. (MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 67).

 

Rem. Hassell 39, A136 ; DI STEF. 25a, ane.

 

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L'âne est battu pour faire le métier d'autrui : Nul ne doit entreprendre, S'il n'est bien fol testu, Ce qu'il ne scet comprendre, Par faulte de vertu. Qui ne scet l'estatu, De l'apprendre a mestier, Car l'asne fut batu Pour faire aultruy mestier. (Prov. rimes F.M., c.1485-1490, 74).

 

Rem. Hassell 39, A138.

 

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On peut bien l'âne poindre tant qu'il va mordant et regimbant. "À force d'aiguillonner l'âne, il finit par mordre" : Et si dist un autre sergent Qui parla moult bien hautement : "Ja de nous n'auroient mercy, Ainz nous vouldroient faire marri. On puet bien l'asne poindre tant Qu'il va mordant et regibant." (THOM. SALUCES, Chev. errant W., 1394, 255).

 

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(Il ne faut pas) joindre l'âne avec le boeuf. "Il faut mettre ensemble ce qui va ensemble" : Au contraire, de la mauvaise compaignie dist ung nommé Plautus : "Plus legierement soustient on hayne que ung colliege." Pour che en la loy est deffendu joindre l'asne avec le boef, c'est a dire le fol avec le sage ou le rude avec l'obedient (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 262).

 

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[L'animal difficile à dresser] Qui âne et femme mene sans peine ne va mie : Et la belle lui dist, qui ne va arrestant : "O vous m'en vueil aler à cest heure present." Et Robastre lui dist :"Trop m'alez argüant, Car mettre me voulez en ung travail moult grant, Li homs qui maine femme et asne va cachant, Il ne va pas du jour sans grant paine yssant." (Hern. Beaul. D.B., c.1350-1400, 56). Pour che dist .J. proverbez que dient li pluisour : Qui asne et femme mainne, sans paine n'ist du jour. (Baud. Sebourc B., t.1, c.1350, 196). Pour ce dit on parole qui est bien averie : Qui asne et femme maine sans paine ne va mye. (Flor. Octav. L., t.1, c.1356, 123). Qui gouverneur d'ung grant mesnage Se treuve, il a beaucoup a faire ; Mais le mestier est plus sauvage C'on a voulu pourtraire. C'est ung tresmerveilleux affaire : , Son corps n'est pas sans aultre paine.Qui asne chasse et femme maine, De reposer il n'a que faire (Prov. rimes F.M., c.1485-1490, 76).

 

Rem. Morawski 1820 : Qui âne touche et femme maine Dieu ne l'a pas gardé de paine ; Hassell 40, A146 ; DI STEF. 25a, ane.

 

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[L'animal têtu] L'asne pense une chose, l'asnier une autre "Les choses ne se passent pas toujours comme prévu" : Item, en ce temps, le regent de France fist asseger à l'entrée de juillet ceulx qui estoient dedens Yvry-la-Chaussée qui avoient pou de vivres, et estoit leur esperance toute de eulx garnir de vivres des biens qui estoient sur terre en cellui moys, especialment de tous blez et de potaiges pour toute l'année, car de char avoient ilz touzjours assez. Mais on dit bien souvent que ung pansse ly asgne et autre ly asgnier, et Dieu qui mua le propos de Oloferne, tourna leur joie, quant ilz cuiderent estre plus asseurez, en tristour (Journal bourgeois Paris T., 1405-1449, 194).

 

Rem. Morawski 213 : Autre chose pense li ânes, autre chose li âniers. Hassell 40, A147 ; DI STEF. 24c, ane.

 

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[L'animal souvent exploité] La sursomme abat l'âne : N'entrepren nus fais a porter Qui te puist ou doie absoter. L'asne si abat la sursomme Et trop grant fais abat floive homme. (Best. lap. Rosarius S., c.1330, 138).

 

Rem. Morawski 1037 : La sorsome abat l'arne (Comprendre - l'asne-).

 

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[L'âne face au cheval] Il ne faut pas lier les ânes avec les chevaux : Pense doncques, Beau Filz, de honnourer les dessusdiz, chacun selon son estat, ses merites et ses condicions ; car il n'est pas chose afferable de lier les anes avec les chevaulx (MÉZIÈRES, Songe vieil pèl. C., t.2, c.1386-1389, 343).

 

Rem. Morawski 1494 : On ne doit pas lier les asnes avec les chevaus ; Hassell 40, A148 ; DI STEF. 24c, ane.

 

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[Proverbes isolés]

 

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Deux envieux ne chevaucheront point un âne V. envieux

 

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Il y a plus d'un âne à la foire [qui s'appelle Martin]. "Il y a toujours toutes sortes de gens qui font la même chose, qui sont dans la même situation" (ici à propos d'une femme) "toutes sortes d'amants la fréquentent" : Amis, par Dieu, c'est chose voire Qu'il ha plus d'un asne a la foire, Car vo dame ha pluiseurs acointes, Juenes, jolis, appers et cointes, Qui la vont visiter souvent (MACH., Voir, 1364, 7361).

 

Rem. Cf. LA CURNE, s.v. asne. Morawski 887 : Il i a maint asne en la foire qui s'entreresemble ; Hassell 40, A144 ; DI STEF. 24a, ane.

 

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Le chien entre au moulin sous l'ombre de l'âne V. chien

 

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Pour un seul point perdit Baudet/Robin son âne "Pour un détail on peut perdre beaucoup" : Par trop pinchier, par trop mordre ou suchier, Peult on glichier en basse barbaquane : Pour ung seul point perdit Robin son asne. (MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 75). [Dans un poème intitulé Les douze abusions des cloistres] L'abus XIe est dissolution En coeur d'eglise, ou Dieu gist et repose ; L'ung joue a l'autre en grand derision, S'il chante ou lit, c'est sans rigle et sans pose ; Sathan escript tout le mal qu'il propose, Pour l'accuser devant Dieu au grand senne : Par ung seul poil perdit Baudet son asne (MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 605).

 

Rem. Morawski 1702 : Por un point perdi Gaubert s'arnesse. Hassell 40, A145 ; DI STEF. 25a, ane.

 

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Tel est bien haut qui parle bas et laisse l'âne pour le bât. "... laisser le plus pour le moins, le tout pour la partie" : Quoy que la proposicion Ne doit de bonne part venir, Qui veult sans l'opposicion A la verité parvenir, Comment qu'il en doye avenir, Tel est bien hault qui parle bas Et lesse l'asne por le bas. (CHAST., Temps rec. D., 1451, 56).

 

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Qui à âne bée, âne aura : L'en dit que qui à asne bee, asne avra selonc sa pensee. Ce n'est chose forte à avoir, Chascun ait selonc son savoir. Mès se chascun vuelt estre pape, Roy ou duc, folie l'entrape. Chascuns en sa vocation Se tiegne sans presomption. (Ysopet I-Avionnet B., c.1339-1348, 231).

 

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Qui a âne tend à âne vient. "Il est facile de s'avilir (par la lubricité)" : Qui a asne tend a asne vient. (Doc. 1429. In : E. Langlois, Bibl. Éc. Chartes 60, 1899, 593).

 

Rem. Morawski 1777 : Qui a arne tent a arne vient.

 

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Qui l'âne est, par la queue le tienne. "Il faut s'occuper de ses propres affaires, ne pas se mêler de choses qui pourraient causer des ennuis" : Mors est [J. César], ne plus ne m'en souvient, Ne plus a parler n'en convient. Cui bien fait a, si s'en souviengne, Qui l'asne est, par la queue le tiengne (Renart contref. R.L., t.1, 1328-1342, 226).

 

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Un âne eslira plutost foin que or. "Les mêmes choses n'ont pas la même valeur pour tout le monde" : Et si come disoit Eraclitus le philosophe, un asne esliroit plus tost foin que or. Et donques les delectacions different en espece qui sont propres a choses de diverses especes. (ORESME, E.A., c.1370, 513).

 

Rem. Cf. aussi Morawski 858 : Il a pou en l'asne qui n'y a que le pet, 1123 : L'un asne appelle l'autre roigneux, 1478 : On n'aura ja bon asne viel.
 

Lexique de proverbes Pierre Cromer


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