Dictionnaire du Moyen Français (1330-1500)

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FEW III follis
FOU, adj. et subst. masc.
[ ]

A. -

[Personne qui est privée de raison, qui se conduit de façon insensée]

 

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[Attributs du fou : la masse, la sonnaille]

 

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[On reconnaît le fou à sa façon d'être ; la clochette est superflue] À fou ne faut sonnaille : Homme de fol courage Moustre le petit sens ; Souvent a son ouvrage Se voit par my cinq cens. Sans cause a telles gens La marote se baille ; Leurs fais sont evidens : A fol ne fault sonnaille. (Prov. rimes F.M., c.1485-1490, 54).

 

Rem. Morawski 21 : A cognostre qui est folz n'estuet pas [pendre] cloche au col. "Pour connoistre qui est fou il n'est pas necessaire de pendre la cloche au cou", 1084 : Li fou[s] est coneüs sans campene ; Hassell 120, F138 ; DI STEF. 375b, fou. Cf. aussi Morawski 897 : Il ne convient pas à fol qu'on li pende cloche au col, 912 : Il n'est mestier de pendre campane à coul à foul.

 

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Toujours au fou la masse ("marotte du fou") V. masse

 

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À barbe de fol apprend-on à rere V. barbe

 

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Après la fête le fou reste V. fête

 

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Ce que fou pense n'est pas vrai : Mais n'est pas voirs quan que fols pense. Encor y ot une cautelle Qui est de traïson ancelle, Pour mieux la fausseté couvrir, Que je vueil dire et descouvrir. (MACH., P. Alex., p.1369, 185).

 

Rem. Hassell 122, F157.

 

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Fou pense et Dieu ordonne V. Dieu

 

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Les fous font les folies V. folie

 

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Qui va fou à Rome, fou s'en retourne V. Rome

 

Rem. Morawski 1869 : Qui chael vet a Rome chin s'e[n] revent ; Hassell 122, F161.

 

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Qui promet qqc. à un fou, il le met en joie pour rien V. promettre

 

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Tel cuide être bien sage qui est un fol naturel ("un fou de naissance") : Et les chiens qui tenoyent le regnard le tuerent. Et, ainsi, le regnard fut tué et le chat fut saulvé. Et, pour ce, les saiges ne doivent point despriser les simples, car tel cuyde estre bien saige qui est ung fol naturel. (MACHO, Esope R., c.1480, 154).

 

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[Il ne faut pas contrarier les fous]

 

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Avec les fous il faut foler : Je ne sçay se c'estoit de paour Qu'el ne feist folie de son corps, Combien qu'elle s'abusoit, fors Qu'on ne la laissat point aller. Non pourtant, alors comme alors, Avecq les folz il fault foller. (COQUILL., Oeuvres F., 1478-p.1494, 32).

 

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Châtie le fou, il te haïra, châtie le sage il t'aimera V. châtier

 

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De fou et d'enfant se fait bon garder : Cil qui veult dire ou faire Besoigne redoubtant Se doit mettre en repaire, C'on ne l'aille escoutant, Et darriere et devant Entour soy regarder, Car de fol et d'enfant Se fait tresbon garder. (Prov. rimes F.M., c.1485-1490, 68).

 

Rem. Morawski 490 : De fol et d'enfant garder se doit len ; Hassell 123, F165.

 

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[Le fou n'est pas conscient de sa folie]

 

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Fou ne voit rien que folie, pour ce n'y vaut enseignement : Salemon : Chastie le fol, il te herra, chastie le sage, il t'amera, et dist oultre : Fol ne voit riens que folie, pour ce n'y vault enseignement, et sermon qui n'a point d'ouye est si comme citolle en plomb. (CHR. PIZ., Paix W., 1412-1413, 170).

 

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Fou ne voit que sens en sa folie : Et nous le veons ung chascun jour que fol ne voit que sens en sa folie, et cuide estre tout le plus saige en devotions soit en aultre chose ; de quoy vient qu'il n'est conseil que tel veule ou puisse croire. (GERS., St Michel G., 1393, 627).

 

Rem. Morawski 790 : Fous ne voit en sa folie se sen non ; Hassell 122, F153.

 

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Fou ne voit en sa folie se bien non ("Fou ne voit que bien en sa folie") : Fol ne voit en sa folie se bien non. (E. LEGRIS, Anc. prov. fr., p.1400. In : Bibl. Éc. Chartes 60, 1899, 582).

 

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Fou ne croit/ne doute pas jusqu'à ce qu'il prenne/ reçoive (des coups) : On dit tousjours en remanbrance : "Li foul qui est de folie en voie Pert sa saison s'il ne folloie." Et moult de gens dïent souvent : "Li faoul ne doubte jucques il prent." (Liber Fort. G., 1346, 78). Ces plaies vit [Pharaon], et chascun les doubta, A Moyse fist supplimacions De les oster, dit qu'il s'amendera Et au peuple fera remissions. Dieu lui osta, mais plus d'affliccions Faisoit après au peuple et de tourment, Dont, au derrain, fu sa destruccions : On dit que fol ne doubte jusqu'il prent. (DESCH., Oeuvres Q., t.3, c.1370-1407, 145). Qui vivre veult sanz grant peril avoir, Pour eschiver de ce monde l'envie, L'estat de court doit fuir (...) ; Regner un temps, languir l'autre saison Y voit on maint, cheoir soudainement De hault en bas ; pour quoy ne la fuit on pas ? Pour ce que foul ne doubte jusqu'il prant (DESCH., Oeuvres Q., t.5, c.1370-1407, 289). Ne soye mie tele, mon ame, comme ceulx desquelz dit le proverbe commun : fol ne croit jusques il prent (GERS., Mendicité G., 1400-1401, 271). ...aulcuns dient qu'iz ne se pourroient guarder d'aulcuns pechés pour Dieu et pour leur salut, comme de jurer et de luxure, Qui s'en garderoient bien ainçois qu'ilz pardissent ung franc, voir ung blanc pour cheschun deffault, comme aulcuns s'en sont guaedés par ceste maniere, si n'est que faintise de voulenté et deffault de vray foy des painnes d'enfer. Et ceulx sont comme le fol qui ne croit jusques il prent, lors se repent mais est trop tart. (GERS., 1406, Oeuvres complètes G., 205). ...il n'est rien plus veritable Que de morir, ne moing estable Que vie d'omme, on l'aparçoit A l'eul, pour quoy ce n'est pas fable : Folz ne croit jusques il reçoit. (Danse macabre C., 1485, 44).

 

Rem. Morawski 788 : Fous ne crient devant qu'il prent, 789 : Fous ne doute tant que il prent ; Hassell 121, F152 ; DI STEF. 375a, fou.

 

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[Sentence] Il faut répondre au fou selon sa folie, afin qu'il ne lui semble qu'il soit sage : ...ainssi que icheulx perversement ou mauvaissement demandoient, ainssi Nostre Seigneur en destournant respondoit, c'est a dire obliquement, et non pas selonc leur demande, non pas toutefois frauduleusement mais prudentement ou sagement, selonc le dit de Salomon : "Respond au fol selonc sa folie, afin qu'il ne lui samble qu'il soit sage". (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 155).

 

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[Le fou peut être dangereux] À fou ne à ivre ne se fait bon jouer. "Il ne fait pas bon attaquer un fou ou un homme ivre" : [Estonné subit les moqueries d'un frère de Darnant ; il le tue] Sy tost que les chevaliers qui estoient aux fenestres sur les rues veirent ce, ilz dirent que c'estoit a bon droit, car a fol ne a yvre ne se fait pas bon jouer. (Percef. I, R., t.1, c.1450 [c.1340], 319).

 

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[Quand on est fou on le reste] Fou se retrait toujours à sa massue : As tu point Aroés oÿ dire, dist Gadiffer, que le fol se retrait tousjours a sa massue et le saige aux bonnes oeuvres ? Aroés a voulu ressembler a Lucifer, qui fut creé au noble paradis le plus beau et le plus noble de tous les autres. (Percef. III, R., t.2, c.1450 [c.1340], 127).

 

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[Il y a toujours une part d'imprévisible, éloignée de la raison, dans tout ce qui arrive] De ce que pense le fou, il remaint / demeure une grande part : Et puis le chastel assaillirent. Mais vraiement il y faillirent, Car fors fu et bien deffendus. Si ne fu ne pris ne rendus ; Eins disoient en leur deffense : "Moult remaint de ce que fols pense." Si que de l'assaut se partirent, Et en leurs nés se retreïrent ; Et sans perdre sont retournez Au lieu dont il furent tournez. (MACH., P. Alex., p.1369, 122). L'ystoire dit que Glaudes s'esploicta moult fort pour yssir du cavain pour venir a temps a sauvetté ens ou fort de Sion. Mais de ce que fol pense remaint la plus grant part a la foiz. (ARRAS, c.1392-1393, 204). Cuidez vous, par dueil et courrouz, Ainsi gangner vostre vouloir ? Nennyl, ce ne sont que coups rouz Qu'Amours met tout en nonchaloir. De riens ne vous peuent valoir, Et se les couchez en despence ; Trop remaint de ce que fol pense. Voulez vous rompre vostre teste Contre le mur ? ce n'est pas sens. Il fault denser, qui est en feste (CH. D'ORLÉANS, Compl. C., 1433-p.1451, 273). ...[Gérard] leur disoit "Avant, mes amis, j'espère que aujourd'huy nostre seigneur Dieu se combatra pour nous et nous luy aiderons de toutes nos noz forces : il lui plaise que ainsi soit par sa doulce et humble débonnaireté." Hélas ! non fut, et pour ce dit-on que ce que fol pense souvent demeure ; non point que je vueille dire que Gérard le noble conte feust fol, mais on le povoit bien tenir pour mal advisé que plustost n'avoit porveu à la besoingne, et que tant il avoit creu le roy Charles le Chauve (WAUQUELIN, Gir. Ross. M., 1447, 139). Mais on dist bien souvent : plenté va remanant De chou que li folz pense. (Jourd. Blaye alex. M., a.1455, 268). Il jura et fist serment solempnel que jour qu'il aroit a vivre n'aroit paix ne acord au duc d'Attaines et que, volsist ou non, il aroit sa fille Ydorye pour sa volenté faire, et le tenoit comme sa soignante ; puis aprés le livreroit a ses cuisiniers pour leurs volemptés faire. Mais pluiseurs foys ay oÿ dire : "beaucop remaint de ce que fol pense..." (Hist. seign. Gavre S., c.1456, 90). «...Trop remaint de ce que fol pence ! Vous n'estes que deux cuidereaux Et deux tresmeschans truandeaux.» (RENÉ D'ANJOU, Cuer am. espris W., 1457, 77). ...souventefois on voyt advenir que moult remaint de ce que fol pense (LESEUR, Hist. Gast. IV, C., t.1, 1477-1478, 89). Se je voulloye frapper au blanc, Je diroye, par ma conscience, Moult remaint de ce que fol pense. (S. fol, c.1480-1490, 7).

 

Rem. Morawski 948 : Il remaint moult de ce que fous pense ; Hassell 120, F139 ; DI STEF. 375a, fou .

 

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[Le fou qui a de la chance n'a pas besoin d'être sensé] À fou aventureux il n'est métier d'avoir sens : Mais comme l'experience du contraire nous soit manifeste, veons le plus de bons et cler engin mal fortunez es biens mondains. Et pour ce est voir le proverbe des Lombars qui dit : «A fol aventureux n'a lieu sens». Mais dit Boece que "plus prouffitable est la male fortune que la bonne." (CHR. PIZ., Avision R.D., 1405, 133). Quant par coup de fortune Ung fol se treuve heureux, Sans science quelq'une Est riche et plantureux ; Jamais n'est maleureux, Bien luy vient a tous sens : A fol adventureux N'est mestier d'avoir sens. (Prov. rimes F.M., c.1485-1490, 72).

 

Rem. Hassell 120, F137.

 

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Le fou chante avant le provoire ("le prêtre") V. provoire

 

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[Sentence biblique] Le fou se mue comme la lune et le sage demeure avec le soleil : Une ancienne histoire (...) dit que, quant la destruccion de Jherusalem approuchoit, l'eclipse de la lune dura par .XII. nuys continuees et fut veue en très lointaines parties ; et par aventure elle senefioit que l'erreur de la fausseté des Juyfs et leur mauvaistié supersticieuse seroit destruicte, la quelle chose par Jhesucrist (...) très clerement adveint. Car il est escript que le fol se mue comme la lune et le sage demeure avec le soleil. (FOUL., Policrat. B., II, 1372, 137).

 

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Le pain au fou est le premier mangé V. pain

B. -

[Celui qui sans être fou, se montre déraisonnable, fantaisiste, chimérique...]

 

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[À propos d'une action, d'une attitude téméraire ou stupide]

 

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Amour fait croire folie aux fous V. folie

 

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Les folles pensées font emprendre les folles besognes V. pensée

 

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Fou est celui qui ne prend pas le bien quand il lui vient : Quant le vallet eut entendu son seigneur, il en fut esmerveillé. Mais quant il vey l'esperience, il dist : "Chier sire, faittes bonne chiere, car celui est fol qui ne prent le bien quant il luy vient. - Tu dy vray, dist le roy, je me serray au mengier. a bonne heure soit !" (Percef. III, R., t.3, c.1450 [c.1340], 169).

 

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Fou est celui qui souffle contre le vent en pensant le tarir ou le surmonter : Et vous savez que l'effort de deux chevaliers ne puet pas porter le faiz contre bien de .LX. a .IIIIxx. mille Sarrasins, et ce fu la cause qui nous destourna de y aler, et vous devez savoir que cellui est moult fol qui souffle contre le vent pour le cuider tarir ne surmonter. (ARRAS, c.1392-1393, 82).

 

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Fou est celui qui cuide son doigt musser entre le bois et l'écorce V. doigt

 

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[À propos d'une tentative vouée à l'échec] Fou est qui cherche à mettre science en pensée hébétée : Mal fait bouter en ung vessiau persé Quelque bon vin, car petit y demeure Et est perdu soudain et dispersé, Mais ou vessiau entier le vin demeure ; Semblablement, il est fol qui labeure Mettre scïence en pensee ebetee, Car trop a coup elle en peut estre ostee. (Paraboles Maistre Alain H., 1493, 63).

 

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Fou est qui d'amasser se blesse V. amasser

 

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Fou est qui d'autrui médit, si ne regarde à soy : Fol est qui d'autrui mesdit, si ne regarde à soy (E. LEGRIS, Anc. prov. fr., p.1400. In : Bibl. Éc. Chartes 60, 1899, 582).

 

Rem. Morawski 774 : Fol est qui d'autrui mesdit si ne regarde à soi.

 

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Fou est qui laisse le bien tant qu'il peut l'avoir V. bien

 

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[Morale de la fable De lÂne et du Chien qui veulent complaire à leur maîstre] Fou est qui met sa cure à avoir ce que lui vee ("interdit") nature : Quant le fol ce veult entremectre de faire ce que ne luy appartient et qu'il ne sçavroit ne pourroit faire et à quoy il n'est pashabille par nature, et il cuide plaire et il ne prent plaisir à chose qu'il face, mès ennuye à chascun, si luy en meschet il est bien emploié, et ne le doit nul plaindre. Celluy est fol qui s'entente et sa cure Met à avoir ce que luy vee nature. (Ysopet III B., c.1400-1500, 396).

 

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Fou est qui pense toujours vivre : Fol est qui cuide tousjours vivre. (MIÉLOT, Prov. U., 1456, 194). Laboureur, qui en soing et painne Avez vescu tout vostre temps, Morir fault. C'est chose certainne. Reculler n'y vault ne contens. De mort devés estre contens Car de grant soussy vous delivre ; Approchez vous ! Je vous actens : Folz est qui cuide tousjours vivre. (Danse macabre C., 1485, 37).

 

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Fou est qui plus dépend que sa terre ne vaut V. dépendre

 

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Fou est qui son pareil ne doute : Voirs est que li nostre ennemi Sont plus de nous tant et demi. Quoi de ce ? Ne pensés as sommes, Car il sont gens si com nous sommes, Qui ne sont non plus asseür Ne conforté de leur eür Que nous, mes tant y a sans doubte ; Fols est qui son parel ne doubte. (FROISS., Pris. am. F., 1372-1373, 125).

 

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Fou est qui trop grande charge prend : Fol est qui trop grant charge prent Sans ayde pour le supporter, Puis que souvent il en mesprent, Fol est qui trop grant cherge prent. (Paraboles Maistre Alain H., 1493, 58).

 

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Fou est et folle qui conchie sa conscience : Foulz est et fole Qui conchie sa conscience : Tien toudis vraie ta parole. (DESCH., Oeuvres Q., t.1, c.1370-1407, 127).

 

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Fou est qui quiert meilleur pain que de froment : Fol est qui quiert meilleur pain que de fourment (E. LEGRIS, Anc. prov. fr., p.1400. In : Bibl. Éc. Chartes 60, 1899, 582).

 

Rem. Morawski 773 : Fous est qui queurt à meillor pain que de forment 776 : Fous est qui ne aprant

 

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On ne doit tenir homme pour fou s'il ne fait folie : - Sire preudhomme, ce dist Troÿlus, combien je ne suis point sy sage que besoing me seroit, toutesvoyes ne suis je pas fol ! - Certes, nostre maistre, dist le preudhomme, je me repens de mon mot, car l'en ne doit tenir homme pour fol s'il ne fait follie. Mais je sçay de vray que hier du jour vous estiez sy ignorant et tant faisiez de simplesses que Zelland et sa famille à vous se jouoyent comme à ung fol (Percef. III, R., t.3, c.1450 [c.1340], 69).

 

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Trop fou est celui qui en cuider se fonde V. cuider

 

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[Le fou foloie]

 

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Fou est qui foloie : Et n'estoient donques assez folz amoureux au monde sans toy mettre en la tourbe ? N' avoit il qui les menast et aprist en leurs soties sans ce que tu te donnasses leur capitainne, ducteur et maistre ? Fols est qui foloie, et folie n'est pas sens. (GERS., 1402, Oeuvres complètes G., 305).

 

Rem. Morawski 492 : De fol folie ; Hassell 121, F145.

 

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Fou qui ne foloie perd sa saison : On dit tousjours en remanbrance : "Li foul qui est de folie en voie Pert sa saison s'il ne folloie." Et moult de gens dïent souvent : "Li faoul ne doubte jucques il prent." (Liber Fort. G., 1346, 78). Quant Fausse Amour out dist son chant, Envie li dist : "Fausse Amour, je me merveille comment vous avés mis vostre cuer en si haulte dame comme la roine Ratio, qui point ne vous aime, et si ne vous a dit chose ne moustré par quoi vous deussiez estre si sommis a elle comme vous dites ; Mes l'en dist que fol qui ne foloye, si pert sa seson. (HENRI FERR., Modus et Ratio, Songe pest. T., c.1354-1377, 110).

 

Rem. Morawski 792 : Fous qui ne foloie si pert sa seson.

 

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Le fou ne voit que folie : Fol ne voit riens que folie, pour ce n'y vault enseignement, et sermon qui n'a point d'ouye est si comme citolle en plomb. (CHR. PIZ., Paix W., 1412-1413, 170).

 

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[Fou et sage, folie et sagesse]

 

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Le fou donne parfois conseil au sage : Amys, ce dist Loÿs, tort avés de ce dire : grant mal faittes de celer ce que au ceur vous nuist. Ja soit ce que me veés de jone eage, pour tant ne me devés celer vostre couroux. Car on dist en ung commun proverbe que "aultre fois est advenu que le fol donne aulcunefois conseil ou advertissement au sage" (Hist. seign. Gavre S., c.1456, 14).

 

Rem. Morawski 2450 Ung foul conseille bien ung saige; Hassell 121 F142 ; Cf. aussi Morawski 696 : Entre fol et sagr a grant devise

 

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Le fou parle plus que le sage : Tousjours parle plus fol que sage, C'est une chose coustumiere ; Hors du propos si baille gaige, Ce n'est que du jeu la maniere. Se l'en me dit : "Vous contez rage", Blasmez ma langue trop legere (CH. D'ORLÉANS, Rond. C., 1443-1460, 483).

 

Rem. Morawski 768 : Fous dit kenques à la bouche li vient

 

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[Sentence] Le fou est mieux aux besognes de sa maison que ne fait le sage en celle d'un autre : ...mes pays ne sont pas si grands que nous faille autres lieutenans que nous ; d'autre part, le fol est mieux aux besongnes de sa maison que ne fait le sage en celle d'un autre. (LESEUR, Hist. Gast. IV, C., Pièces justif., t.2, 1470, 386).

 

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Le sage fils est la joie de son père et le fils fou la détresse de sa mère V. fils

 

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Le sage vit du fou V. sage

 

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Loc. prov. [Début inspiré par le prov. On met le fol en chaire par defaut de sage ; dans une série d'illustrations de la façon dont la Fortune agit en aveugle] On met le fou en chaire, le sage au fumier : Tu [Fortune] tolz aux preudhommes et donnes aux mauvais ! Le folz metz en chayere, le saige au fumier, le rude et mal entendant tu mets a la pourtraiture et aux suibtivetez, et le subtil et ingenieux mets en la charrue charier les pierres et les chailloux. (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 1027).

 

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On met le fou en chaire par défaut de sage : "...je deveroie estre bien joyeulx s'il m'estoit possible, quant je fay ce que un tel prince pourroit faire a son honneur. Mais vous sçavés que le saige dist qu'on mest bien le fol en chaiere par deffaute de saige : Ainsy advient il de moy, car par faulte de souffisant conducteur a tant excellent homme suis un meneur inhabille, mais c'est sans reprouche." (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 188). Mais pour ce que je vous ay oÿ dire que je ne suis point digne d'avoir le amour de si haulte pucelle, sans faulte je le cognois, car pour ceste heure je ne cognois homme au monde qui en soit digne. Mais il advient bien que par faulte de saige maistre l'en assiet le fou en chaiere. (Percef. V, R., c.1450 [c.1340], 92). Mais quant a l'avantage, Point ne s'en trouve [de sages] ou guiere : Par deffaulte de sage, On met fol en chayere. (Prov. rimes F.M., c.1485-1490, 73).

 

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Plus voit-on de sages devenir fous en regardant la beauté des femmes que de fous devenir sages V. sage

 

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Tel cuide être bien sage qui est fou V. sage

 

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Tant vit fol qu'il s'avise : Prince, tant vit fol qu'il s'avise, Tant va il qu'aprés il revient, Tant le mate on qu'il se ravise (VILLON, Poèmes variés R.H., c.1456-1463, 53).

 

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[Fou et folle désignent ici des personnes en proie au désir sexuel] Tôt sait fou ce que folle pense : Sovent ensi par sa presence [de Foldelit] Le fol corage d'omme ensense, Qui pardevant n'en ot desir ; Mais quant la femme assalt commence, Lors falt que l'omme ait sa defence, Dont fiert quant meulx ne poet garir. Quant fole vait un fol querir, Du fol trover ne poet faillir ; Car tost sciet fol quoy fole pense, Et tost se sont au consentir, Dont sovent au petit loisir Ferront la longue dieu offense. (GOWER, Miroir homme M., c.1376-1379,).

 

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Bon fait folle femme esquiver V. femme

 

Rem. Cf. aussi Morawski 318 : Ce émeut un fol que quarante sages ne pourroient apaisier

 

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Fou est le prêtre qui blâme ses reliques V. prestre

 

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Fou qui se croit de son cuidier souvent déchiet V. déchoir

 

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Il est fou, celui qui jette à ses pieds ce qu'il tient à/en ses mains : Par foy, dist Gontacle, il est fol, qui gecte a ses piez ce qu'il tient a ses mains, et il ne venra jamaiz au tempz a estre roy (Apoll. Tyr Z., c.1400-1500, 110). Aussy avoie oy dire le dit du villain qui dist ainsy : Qui jette ce qu'en main tient(,) assez prez [var. a ses piedz] comme fol se maintient (WAVRIN, Chron. H., t.1, p.1471, 90).

 

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Il est fou celui qui met baume en un crible V. crible

 

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Il est fou celui qui quiert des trésors perdus V. trésor

 

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[Sentence] Le fou aperçoit la petite bûchette en la face de son voisin mais il ne se donne garde du grand tref qui lui pend à l'oeil : ". Et, certes, se ilz [les hommes] ne sont bien fermes, trop leur est lait d'acuser autruy de leur meismes vice ou d'y demander la vertu que ilz ne scevent avoir. Responce. Belle doulce amye, n'a tu pas toujours ouy dire que le fol apperçoit trop bien la petite buschete en la face de son voisin, mais il ne se donne de garde du grant tref quy [lui] pend a l'ueil..." (CHR. PIZ., Cité dames C., c.1404-1407, 891).

 

Rem. Morawski 2377 : Tiel voit le festu en l'oil son veisin que ne voit [ou sien] ; Hassell 60, B197. V. aussi festu.F

 

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Le fou chante avant le prouvoire ("le prêtre") : [Dans la conclusion du Pastoralet] Mais s'aulcuns dist pour moy blasmer Et pour mon oevre diffamer Par parole commune et voire : "Avant chante folz que prouvoire, Car Bucarius voelt celer Par maniere de faint parler Et par fables pour soy couvrir Ce que cestui voelt descouvrir Et demonstrer apertement," Je respons amiablement Que je sui cilz qui me vorroie Garder au miex que je porroie De dire chose qu'on deüst Celer et que nul ne sceüst (Pastor. B., c.1422-1425, 259).

 

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Les fous, les gens ivres et les enfants ont de coutume de vrai dire : [La femme du procureur trompe son mari avec le clerc. Un jour le jeune enfant de la maison les entend prononcer une phrase qu'il rapporte à son père. Celui ci n'y comprend rien, parce qu'il ne connaît pas le contexte, où elle a un sens très précis] Le procureur oyant son filz (...) ne scet que penser. Car il luy alla souvenir que folz, yvres et enfans ont de coustume de vray dire ; mais non pourtant il n'en fist pour ceste heure nul semblant. (C.N.N., c.1456-1467, 153).

 

Rem. Morawski 1078 : Li enfans et li yvres dient voir ; Hassell 122, F164 ; DI STEF. 375a, fou.

 

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Mettez un fou à part soi, il pensera de se chevir V. chevir

 

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Peu chaut au fou où le bruit voise : Ou il y a de biens largesse Orgueil se boute et esmeut noise. Peu chault a fol ou le bruit voise. (GAGUIN, Passe temps oisiv. T., 1489, 404).

 

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Quand une folle va un fou quérir, elle ne peut manquer d'en trouver un : Quant fole vait un fol querir, Du fol trover ne poet faillir (GOWER, Miroir homme M., c.1376-1379, 108).

 

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Qui bien est, fou est qui ailleurs pense : Nuls ne me poet le dous penser tollir, Qu'il ne me soit tousjours en ma presence, De vous, ma dame, en tous estas servir, Nuls ne me poet le dous penser tollir, Ne nul plus grant je ne voel conquerir, Car qui bien est, fols est qui ailleurs pense. (FROISS., Rond. B., c.1365-1394, 76).

 

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Qui craint fous il se garde d'eux : Jadiz joyeusement fumoye Pour joye en moy constituer, Mais la liesse qui fut moye Ne puet mon bien restituer. Ainçois me chassent pour tuer Viellesse et Povreté ces deux : Qui craint folz il se garde d'eulx. (TAILLEV., Passe temps D., c.1440, 154).

 

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Qui fou transmet, si y aille après : Celluy qui transmet son message, Pour besoignier bien et a droit, Doit garder qu'il soit homme sage, Ou aultrement rien en vauldroit, Car certes suyvir le fauldroit Pas a pas et tenir de pres ; Pour ce dit on et a bon droit : Qui fol transmet, s'y aille aprés. (Prov. rimes F.M., c.1485-1490, 75).

 

Rem. Morawski 1948 : Qui fol envoie fol atent ; Hassell 122, F160.

 

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Qui sans donner à fou promet, de néant en joie le met V. promettre

 

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Trop est fou qui dit mal des dames V. dame

 

Rem. Cf. aussi Morawski : 767 : Fou devise et Dieu depart, 780 : Fous est qui se oublie, 781 : Fous et avoir ne se peuent entravoir, 783 : Foul et foulle n'ameront ja qui bien leur conseille, 784 : Fous fet d'un damage deus, 797 : Fous va à plait s'on ne li mande, 1518 : Len ne peut mectre en foul ne més ce que il y a, 1738 : Quant foul se rit, de folie luy membre, 1739 : Quant fous voit taillier cuir, si demende corroies, 1792 : Qui à fol s'acompaingne drois est qui s'en repente, 1946 : Qui foul a mestre, foul ly estuet estre, 2399 : Tout est perdu quanque on baille à fol.
 

Lexique de proverbes Pierre Cromer